5  Une consolidation budgétaire insuffisante pour diminuer la dette à horizon 2026

Perspectives 2025-2026 pour l’économie française

conjoncture
déficit public
politique budgétaire
politique monétaire
taux souverain
inflation
France
Autrices, auteurs & résumé
Par
Affiliation
Raul Sampognaro
Publié le

9 avril 2025

Modifié le

15 avril 2025

Alors que l’essentiel des dispositifs publics mis en oeuvre pendant la pandémie de Covid-19 et le choc énergétique et inflationniste devaient s’éteindre, le déficit public de 2023 a surpris le gouvernement et les observateurs1. En 2023, la France a affiché un déficit public de 5,4 % du PIB alors que le pays dispose du 3ème taux d’endettement public (au sens de Maastricht) plus fort de l’union monétaire après la Grèce et l’Italie.

2 Pour plus d’informations, voir Plane, Ragot et Sampognaro (2024) « Les crises expliquent-elles la hausse de la dette publique en France ? », blof de l’OFCE https://www.ofce.sciences-po.fr/blog2024/fr/2024/20240524_RSMPXR/crises_et_dettes.fr.pdf

Avec des finances publiques dégradées et le retour de l’application des règles de la gouvernance européenne (renouvelées), l’heure des comptes devait sonner pour la France après des années de politique budgétaire fortement mobilisée2. Ainsi, le Conseil de l’Union Européenne a ouvert une procédure de déficit excessif à l’encontre de la France mi-2024. Le déficit public s’est établit à 5,8 % du PIB en 2025 (tableau 5.2). Le calendrier électoral a retardé, puis empêché, le vote de mesures correctives en cours d’année malgré les signaux d’alerte sur la présence d’un nouveau dérapage budgétaire.

Pourtant, la dissipation des mesures d’urgence liées aux crises des années antérieures, aurait dû améliorer spontanément le solde public de 1,1 point de PIB mais cet effet a été largement contrebalancé par une impulsion budgétaire hors charges d’intérêt de 0,9 point de PIB et la hausse de la charge d’intérêts de 0,1 point de PIB. Au regard de ces éléments, la hausse du déficit s’explique essentiellement par les surprises négatives sur les recettes publiques3, décevantes au regard du niveau de l’activité. A lui seul, cet effet d’élasticité expliquerait une dégradation du solde budgétaire de 0,4 point de PIB au cours de l’année 20244.

3 On parle d’une faible élasticité des prélèvements obligatoires. En 2024, l’élasticité des PO se serait établi à 0,8 (c’est à dire une hausse du PIB de 1 % se traduit par une hausse des PO hors nouvelles mesures de 0,8 %.

4 Sur l’effet négatif des élasticités des prélèvements obligaotoires sur les recettes fiscales en 2024 voir Finances publiques : une mauvaise surprise peut en cacher une autre dans Département analyse et prévision de l’OFCE, sous la direction d’Éric Heyer et Xavier Timbeau, 2025, « La croissance à l’épreuve du redressement budgétaire », OFCE Policy brief 137, 16 octobre.

A partir de 2025, la politique budgétaire devrait avoir une orientation clairement restrictive (tableau 5.1). Néanmoins, son ampleur reste soumise aux aléas politiques. Le Projet de Loi de Finances (PLF) 2025 présenté par le gouvernement de Barnier, anticipait une restriction budgétaire de 1,5 point de PIB. La Loi de Finances Initiale (LFI), finalement votée après des incertitudes sur l’issue finale du vote, devrait mettre en place un ajustement budgétaire primaire de 0,9 point de PIB, en retrait par rapport aux ambitions du PLF 2025. Toutefois, cet ajustement sera supérieur à ce que le status quo aurait impliqué5 (0,4 point de PIB d’ajustement). En outre, une part de cet ajustement vient de la levée définitive des mesures d’urgence votées lors des dernières crises et l’autre part vient de nouvelles mesures de restriction votées dans le processus parlementaire.

En 2025, l’essentiel de la consolidation proviendra des hausses de prélèvements obligatoires (0,7 point de PIB). Parmi les mesures nouvelles en prélèvements obligatoires qui concernent les entreprises représentent 0,5 point de PIB6. L’essentiel des hausses de fiscalité concerne la contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises (0,3 point de PIB), même si le chiffrage d’une telle mesure reste soumis à des nombreux aléas7. Parmi les autres mesures affectant les entreprises nous pouvons compter notamment le reprofilage des exonérations de cotisations patronales (0,1 point de PIB net des effets sur l’impôt sur les sociétés) et la sortie des boucliers tarifaires, programmée avant le vote de la LFI 2025 (0,1 point de PIB). Les ménages verront leur fiscalité s’alourdir de 0,2 point de PIB avec la fin des boucliers tarifaires (0,1 point de PIB) et la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (0,1 point de PIB).

6 Pour rappel, ce calcul fait référence à l’agent qui est concerné par le paiement de l’impôt, ce qui peut varier de l’incidence finale du prélèvement qui dépend des comportements des acteurs et des structures de marché.

7 Pour appréhender les difficultés inhérentes à la prévision des recettes liées aux bénéfices des entreprises voir Bach (2024), « Faibles recettes de l’impôt sur les sociétés: qui aurait pu prédire? », blog de l’IPP du 8 novembre 2024.

Tableau 5.1. Mesures budgétaires prévues pour 2025
PLF 2025
PLS 2025
LFI 2025
En Mds d'euros En pts. de PIB En Mds d'euros En pts. de PIB En Mds d'euros En pts. de PIB
Mesures nouvelles en PO
Ménages   6,5  0,2   5,2  0,2  6,1  0,2
Entreprises  20,6  0,7   0,6  0,0 14,3  0,5
Total  27,1  0,9   5,8  0,2 20,4  0,7
Mesures nouvelles en dépenses publiques primaires
Etat  −9,2 −0,3 −15,9 −0,5 −8,2 −0,3
Sécurité Sociale  −5,4 −0,2   9,4  0,3  2,3  0,1
Collectivités locales  −3,7 −0,1   1,3  0,0 −0,3 −0,0
Total −18,3 −0,6  −5,2 −0,2 −6,2 −0,2
Effort structurel primaire  45,4  1,5  11,0  0,4 26,6  0,9
Impact sur le PIB
−0,8
−0,2
−0,4
Note : Les économies en dépenses sont mesurées par rapport à une croissance potentielle de 1,3%.
Sources : Textes budgétaires, prévision OFCE avril 2025.

Le reste de l’ajustement sera réalisé par la dépense publique primaire (0,2 point de PIB). Cet ajustement sera fait exclusivement sur le champ de la dépense de l’Etat (0,3 point de PIB, soit un montant équivalent à celui anticipé par le gouvernement Barnier). A contrario, les dépenses de sécurité sociale augmenteront sur l’ensemble de l’année (par rapport au PIB potentiel) de 0,1 point de PIB, en raison notamment de l’indexation des pensions du 1er janvier. En effet, une des principales conséquences de la censure du gouvernement Barnier a été d’empêcher un certain nombre de mesures pesant sur les dépenses sociales (0,3 point d’ajustement prévu par le PLF 2025 sur les transferts sociaux). L’évolution des dépenses des collectivités locales aura un effet neutre sur l’impulsion budgétaire.

Dans un contexte où la politique budgétaire s’explique essentiellement par les hausses de fiscalité, ciblée sur les grands groupes et les hauts revenus, le multiplicateur budgétaire devrait être relativement faible (évalué à moins de 0,5). Ainsi, la politique budgétaire amputerait la croissance du PIB de 0,4 point (à comparer au -0,8 point de perte de PIB inscrit dans notre dernier exercice de prévision d’octobre 2024, fondé sur la politique budgétaire inscrite dans le PLF 2025).

Si la politique budgétaire a une orientation clairement restrictive, la baisse du déficit sera atténuée par la dégradation de l’activité qui ampute le solde conjoncturel de 0,4 point de PIB. Par ailleurs, la hausse de la charge d’intérêts (0,2 point de PIB) et le retrait partiel des fonds du plan de relance européen (0,1 point de PIB) pèseront aussi sur le rétablissement des comptes publics. Au total, le déficit public est attendu à 5,5 % de PIB pour 2025.

La politique budgétaire gardera une orientation restrictive en 2026. Selon nos prévisions la consolidation budgétaire primaire serait de 0,7 point de PIB, malgré une hypothèse de hausse de 0,2 point de PIB des dépenses militaires (encadré 1.2), ce qui implique implicitement un financement de la hausse du budget de la défense par des économies sur d’autres poste des dépenses publiques. Par ailleurs, à défaut de détail plus précis, nous avons supposé qu’en 2026 les nouvelles mesures en prélèvements obligatoires ne contribueront pas à l’ajustement budgétaire. Selon nos hypothèses, la totalité de l’impulsion budgétaire négative viendra donc d’un effort en dépenses publiques primaires. Il faut noter que ce scénario suppose que l’extinction des contributions exceptionnelles des grandes entreprises et des hauts revenus seront compensées par des nouvelles recettes. Nous supposons donc que ce programme sera en ligne avec les derniers programmes pluriannuels, à la base des engagements européens de la France. Ceci suppose que les plans initiaux ne seront pas atténués lors des débats parlementaires, ce qui peut être une hypothèse forte compte tenu du contexte politique8. La charge d’intérêts augmenterait de 0,3 point de PIB. Au total, nous anticipons un déficit public en légère diminution qui atteindrait 5,3 % de PIB pour l’année 2026.

En dépit de la consolidation budgétaire anticipée sur 2025 et 2026, qui atteindra une ampleur rarement vue dans la chronique budgétaire hexagonale, le déficit public restera relativement important au cours de la période 2024-2026 et supérieur au solde stabilisant la dette en points de PIB. Dans ce contexte, la dette publique au sens de Maastricht devrait augmenter jusqu’à 117 % du PIB en 2026 (après 115 % en 2025 et 113 % en 2024).

Tableau 5.2. Évolution des finances publiques (en pts. de PIB)
2023 2024 2025 2026
Solde public (= a + b + c - d + f + e)  −5,4  −5,8  −5,5  −5,3
Solde primaire hors mesures temporaires, défense et effet d'activité (a)  −2,1  −3,0  −2,4  −1,7
Nouvelles mesures bugdétaires pour la défense (f)


 −0,2
Charges d'intérêts (d)   1,9   2,0   2,2   2,5
Mesures d'urgence / relance / énergie / inflation (b)  −1,7  −0,6  −0,3  −0,1
Effet d'activité (y.c. effet d'élasticité) (c)   0,1  −0,3  −0,8  −0,8
dont effet lié à l'output gap seul  −0,6  −0,6  −1,0  −1,0
Fonds du plan de relance européen (e)   0,2   0,2   0,2   0,1
Dette publique 109,8 113,0 114,9 116,7
Sources : Textes budgétaires, prévision OFCE avril 2025.