6.1 Le rebond du commerce extérieur a fortement contribué à la croissance en 2023 et 2024
Entre 2019 et 2022, Le commerce extérieur français a été lourdement impacté par une succession de chocs majeurs. La crise sanitaire a provoqué l’arrêt de certaines industries exportatrices lors du premier confinement, ainsi que celui plus durable des flux touristiques. Les difficultés financières des compagnies aériennes les ont conduites à reporter leurs commandes aéronautiques, pénalisant l’un des secteurs exportateurs les plus dynamiques. Un autre, celui du luxe et des produits cosmétiques, a été fortement affecté par les faibles flux de voyageurs dans les aéroports et les confinements successifs en Chine. Vint ensuite la crise énergétique. La France est devenue importatrice nette d’électricité en 2022 en raison de l’arrêt de plusieurs centrales nucléaires. La forte hausse des prix de l’électricité et du gaz, consécutive à l’invasion de l’Ukraine, a réduit la compétitivité des industries intensives en énergie comme la chimie ou la metallurgie. En plus des crises énergétiques et sanitaires, certains secteurs ont été touchés par des chocs spécifiques. Les exportations automobiles se sont contractées avec la baisse généralisée de la demande en Europe et la concurrence des constructeurs chinois, tandis que les exportations agricoles ont été fortement pénalisées par la mauvaise récolte en 2024 (avec un impact négatif de -0.2 pt de pourcentage sur la croissance du PIB selon l’INSEE1). A tout cela s’est ajoutée une évolution moins commentée mais importante : les gains de parts de marché des exportations chinoises depuis 2019. Portée par une dépréciation réelle significative2, les exportations de la Chine se sont fortement accrues au détriment de ses concurrents, notamment européens. Si l’impact direct sur la France est moindre que sur l’Allemagne par exemple, les exportations françaises sont pénalisées en cascade par les pertes de parts de marché de ses principaux partenaires vis à vis de la Chine.
1 Voir la note de conjoncture de l’INSEE de juillet 2024, Insee (2024).
2 La spécificité de cette dépréciation est de passer davantage par une baisse des prix relatifs à l’export que par un ajustement du taux de change nominal.
Malgré ce contexte défavorable, le commerce extérieur a connu un rebond significatif en 2023 et 2024 et a fortement contribué à la croissance française sur cette période (voir Fig 1.3 ). Ce rebond se caractérise à la fois par une hausse des exportations et une baisse des importations. La hausse des exportations n’est pas une surprise. Une partie des chocs de la période 2020-2022 était temporaire. Les exportations d’électricité, de produits de luxe, de services touristiques, et de produits de l’industrie aéronautique retrouvent leur niveau antérieur voire le dépassent. La baisse des importations n’est quant à elle pas forcément le signe d’une économie en très bonne santé et reflète en partie la faible croissance de la demande intérieure. Cependant, la dynamique des importations n’est pas seulement liée à des effets d’activité. Après une forte hausse entre 2019 et 2022, le taux de pénétration a diminué, en lien avec le fort mouvement de déstockage observé en 2023 et 2024.
6.2 Des perspectives très incertaines pour 2025 et 2026
Dans notre scénario précédent, nous anticipions des exportations dynamiques, tirées par le secteur aéronautique et son carnet de commande record. Ce scénario ne s’est cependant que très partiellement matérialisé en raison de contraintes d’offre plus importantes que prévues. Nous demeurons cependant optimiste sur ce plan. Le carnet de commande est toujours là et les contraintes d’offre devraient se réduire progressivement. En ce qui concerne les importations, une reprise technique après la baisse des trimestres précédents est possible mais devrait s’accompagner d’une hausse des stocks avec un effet relativement faible sur le PIB au final.
Ces éléments sont toutefois secondaires au regard des chocs qui viennent. Les hausses de droits de douane annoncées par l’administration Trump pourraient complétement bouleverser le commerce international. L’impact direct sur l’économie française devrait être mesuré. Avec des droits de douane à 10 % sur les importations américaines, nous retenons un effet négatif de 0,4 point de pourcentage sur les exportations et de 0,13 point de pourcentage sur le PIB d’ici à fin 2026 (voir synthese France). L’impact indirect (impact négatif sur la croissance de nos partenaires commerciaux, réorientation des exportations destinées aux Etats-Unis vers des marchés sur lesquels la France est implanté etc) est très incertain avec des risques majoritairement à la baisse. En revanche, les annonces européennes sur les dépenses de défense et le plan de relance massif annoncé par le nouveau gouvernement allemand constituent des aléas significatifs à la hausse.
Cette incertitude nous conduit à adopter des hypothèses relativement neutres pour la prévision, résumées dans graphique 6.1. Les exportations progresseraient au même rythme que la demande adressée. La contribution du commerce extérieur serait légèrement négative en 2025. En 2026, les importations progresseraient plus rapidement que le PIB en raison d’une composition de la croissance favorable aux composantes à fort contenu en importations. La hausse serait proche de celle des exportations, d’où une contribution nulle au commerce extérieur à la croissance en 2026. Les termes de l’échange resteraient à leur niveau actuel.