Après avoir renoué avec la croissance au premier semestre de 2024 (0,9 % au premier trimestre et 0,5 % au deuxième), le PIB britannique a stagné au troisième trimestre et a à peine augmenté au quatrième (+0,1 %). Cela laisse le Royaume-Uni à l’arrière du peloton des grandes économies industrialisées, avec un PIB supérieur de 4 % à son niveau d’avant crise COVID (en 2019), 3,7 % en France, 5,2 % dans l’ensemble de la zone euro, nettement devant l’Allemagne (0,0 %) mais loin derrière les Etats-Unis (14,1 %).
L’inflation (mesurée selon l’indice des prix à la consommation harmonisé), qui avait atteint un pic à 11 % sur un an en octobre 2022, avait ralenti à 4 % sur un an en janvier 2024 et jusqu’à 1,7 % en septembre 2024. Au quatrième trimestre 2024, le niveau des prix à la consommation britanniques était nettement plus élevé, par rapport à son niveau d’avant crise, que celui de la France, proche de ceux de l’Allemagne et des Etats-Unis. Le ralentissement de la croissance et le retour de l’inflation vers la cible de 2 % ont conduit le Comité de politique monétaire (CPM) de la banque d’Angleterre à amorcer une première baisse de son taux directeur, de 0,25 point en août, puis d’autant en novembre et en février dernier, pour le porter à 4,5 %. Mais l’inflation a recommencé à accélérer en octobre pour atteindre 3 % en janvier 2025, surtout sous l’effet de la hausse des prix alimentaires et de l’énergie, tandis que l’inflation sous-jacente augmentait de 0,4 point, pour atteindre 3,7 %. Ce redémarrage de l’inflation a conduit le CPM à laisser son taux directeur inchangé lors de sa réunion de mars. L’inflation est revenue à 2,8 % sur un an en janvier (à 3,5 % pour l’inflation sous-jacente), mais elle remonterait à 3,6 % cet été sous l’effet de la hausse des prix de l’énergie (le régulateur britannique ayant relevé le plafond des prix du gaz et de l’électricité de 6 % à partir d’avril), avant de revenir vers 2 % à la fin de 2026, en l’absence de nouvelle hausse des prix de l’énergie. Le CPM baisserait graduellement son taux directeur, de 0,25 point au troisième trimestre 2025 puis de 0,25 point au premier trimestre 2026. Il veillerait à ce que l’inflation revienne vers 2 %, tout en évitant une trop forte baisse de la croissance. La baisse des taux d’intérêt allégerait le coût des emprunts et faciliterait une légère reprise de l’investissement en logement des ménages et ainsi que de l’investissement des entreprises.
Le Premier ministre Keir Starmer avait annoncé une « lumière au bout du tunnel » lors du congrès des travaillistes en septembre dernier. Mais à la fin mars 2025, l’heure était à la désillusion. Le ralentissement de l’activité au second semestre 2024, la révision à la baisse de la prévision de croissance à 1 % pour 2025 selon l’Office for Budget Responsibility (OBR), au lieu de 2 % en octobre dernier, le maintien de taux d’intérêt obligataires à taux fixe à 10 ans autour de 4,6 % ont fait fondre les marges de manœuvre budgétaires que s’est fixées Rachel Reeves, la chancelière de l’Echiquier, lors du budget de l’automne 2024. La politique budgétaire s’annonce désormais plus restrictive à l’horizon 2030 (encadré), via des coupes de dépenses sociales et une moindre hausse des dépenses publiques.
Selon le Spring Statement, présenté fin mars, la consommation publique augmenterait, en volume, de 3,7 % cette année et de 1,4 % l’an prochain ; l’investissement public de 4,7 % puis de 1,9 %. La consommation et l’investissement publics augmenteraient surtout au premier trimestre 2025 (fin de l’exercice budgétaire 2024-25) et ralentiraient à partir du début de l’exercice budgétaire 2025-26 (commençant en avril). Le gouvernement a en effet acté des revalorisations des salaires publics à son arrivée l’été dernier, et a décidé d’augmenter l’investissement public à très court terme (principalement dans les secteurs de la santé et de l’éducation). Il a par ailleurs limité les hausses de prestations sociales (dont la restriction des droits à l’allocation chauffage aux retraités les plus pauvres). Au total, les dépenses publiques progresseraient de 44,4 % du PIB en 2024-25 à 45 % en 2025-26 avant de baisser à 44,8 % en 2026-27. Les recettes progresseraient de 39,7 % du PIB en 2024-25 à 41,1 % en 2025-26 et 41,7 % en 2026-27. Une partie importante de la hausse de ces recettes provient de la hausse de taux de cotisations sociales employeurs, qui augmente de 1,2 point en avril 2025, soit un supplément de recettes attendu de près de 0,8 point de PIB en année pleine. Les recettes des impôts sur le revenu et le patrimoine augmentent aussi d’environ 0,3 point de PIB par an (notamment du fait de la non indexation des tranches du barême de l’IR ). A court terme, les dépenses de défense seront augmentées pour atteindre 2,5 % du PIB en 2026, soit une hausse de 0,2 point de PIB, qui sera entièrement financée par la baisse de l’aide internationale (ramenée à 0,3 % du RNB).
L’impulsion budgétaire serait négative d’environ 0,8 point cette année et de 0,4 l’an prochain. Sous nos hypothèses de croissance, le déficit public serait ramené de 5,8 % du PIB en 2024 à 4,9 % du PIB en 2026. Le ratio de dette publique augmenterait de 101 % du PIB en 2024 à 104 % du PIB en 2026.
En 2024, le ralentissement de l’inflation, plus rapide que celui de la hausse des rémunérations, a contribué à augmenter le revenu disponible des ménages de près de 3 points en termes réels, en moyenne annuelle, sur une hausse totale de 3,8 %. Mais les ménages ont augmenté de 2,8 points leur taux d’épargne, en moyenne annuelle en 2024, pour le porter à 11,6 % au quatrième trimestre 2024, selon les Comptes nationaux publiés le 28 mars. Il est difficile de comprendre cette hausse du taux d’épargne au regard des déterminants habituels du taux d’épargne, dont l’évolution du pouvoir d’achat et de la situation du marché du travail. Les ménages ont été particulièrement prudents, alors que leur taux d’épargne était pourtant déjà supérieur à son niveau d’avant la crise COVID (7,9 % en moyenne entre 2000 et 2019). Cette année, la montée des tensions commerciales et des incertitudes géopolitiques, l’accélération temporaire de l’inflation et la remontée du taux de chômage inciteraient les ménages à garder un taux d’épargne élevé (11,1 %. en moyenne annuelle). Le taux d’épargne amorcerait une légère baisse en 2026 (10,5 % en moyenne annuelle), les incertitudes s’atténuant et l’inflation ralentissant, l’ampleur de la baisse étant limitée par la poursuite de la hausse du taux de chômage La consommation progresserait de 0,8 % en 2025 et de 1,5 % en 2026.
Le taux de chômage, de 4,4 % fin 2024, approcherait 5,7% à la fin 2026. Rappelons que l’ONS incite à la prudence quand à l’interprétation des données publiées dans la période récente sur le marché du travail britannique. Les taux de réponse de la collecte l’enquête sur les forces de travail ont en effet atteint de très bas niveaux depuis la sortie de la crise COVID, ce qui a conduit l’ONS à suspendre la publication de l’ensemble des résultats de l’enquête en octobre 2023 et à entreprendre une refonte du système de collecte, qui est toujours en cours. Selon les données actuelles, la productivité horaire du travail, qui avait chuté pendant la crise COVID avant de se redresser, avait retouvé en 2022 le niveau qu’elle aurait eu si elle avait continué à croître à un rythme tendanciel de 0,89 % an, estimé avant le début de la crise. Mais la productivité a baissé au cours des derniers trimestres et affichait une baisse de 0,6 % sur un an au quatrième trimestre 2024. Nous retenons dans notre scénario une accélération de la productivité à 1,1 % à l’horizon du quatrième trimestre 2026. Nous supposons qu’à court terme, comme le suggèrent les enquêtes de la Banque d’Angleterre, les entreprises freineront les hausses des salaires nominaux, afin de limiter l’impact sur leurs coûts de la hausse des cotisations sociales d’avril 2025, avant de réduire leurs effectifs. Un redressement plus rapide de la productivité du travail pourrait cependant avoir lieu, qui conduirait à une hausse plus forte du taux de chômage, mais nous avons préféré retenir une accélération plus modérée de la productivité du travail à court terme, dans l’attente de données plus solides sur le marché du travail.
La hausse des droits de douane américains est une mauvaise nouvelle de plus pour les exportateurs britanniques de marchandises, qui perdent déjà tendanciellement des parts de marché, particulièrement depuis 2023, du fait d’une compétitivité-prix dégradée. Depuis le 12 mars 2025, les importations d’acier et d’aluminium aux Etats-Unis, sont frappées d’une hausse de droits de douane de 25 %. Les importations d’automobiles le seront à partir d’avril. Les exportations britanniques d’acier et d’aluminium vers les Etats-Unis sont faibles (400 millions de livres en 2023 pour des importations de 176 millions), celles d’automobiles plus importantes (exportations 6 milliards, importations : 1 milliard), soit 1,8 % des exportations totales de marchandises. A ce jour, le gouvernement britannique ne souhaite pas prendre de mesures de représailles. Les Britanniques ont un léger déficit bilatéral avec les Etats-Unis sur les échanges de marchandises (2,5 milliards de livres en 2023), alors qu’ils dégagent un excédent sur les services (69 milliards de livres et exportent 126 milliards). C’est donc pour les exportations de services, non soumises à droits de douane, que l’enjeu est le plus important pour les Britanniques. Globalement, à l’horizon de la fin 2026, les exportations britanniques de biens et services ne progresseraient que modérément, sous l’effet d’une demande adressée peu porteuse et d’une compétitivité-prix défavorable.
La croissance du PIB britannique serait de 0,8 % cette année et de 1,4 % l’an prochain, résultant de la demande intérieure, tandis que le commerce extérieur aurait une contribution négative. Les tensions commerciales et les incertitudes géopolitiques constituent un aléa majeur à la baisse de notre prévision ; une réduction de la surépargne des ménages, accumulée depuis le début de la crise COVID, constituant un aléa à la hausse.
en % |
2024
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2025
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de 2024t3 à 2026t4 |
2024
|
2025
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2026
|
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T3 | T4 | T1 | T2 | T3 | T4 | |||||
PIBa | 0,0 | 0,1 | 0,2 | 0,2 | 0,3 | 0,4 | 1,1 | 0,8 | 1,4 | |
PIB par habitanta | −0,2 | −0,1 | −0,0 | −0,1 | 0,1 | 0,1 | 0,0 | −0,1 | 0,4 | |
Consommation ménagesa | 0,4 | 0,1 | 0,2 | 0,2 | 0,3 | 0,4 | 0,6 | 0,9 | 1,5 | |
Consommation publiquea | 0,3 | 0,5 | 1,5 | 1,1 | 0,6 | 0,3 | 3,0 | 3,5 | 1,5 | |
FBCF totalea,b | 1,0 | −0,6 | 0,3 | 0,3 | 0,3 | 0,6 | 1,5 | 1,2 | 2,4 | |
dont : productive privéea | 2,2 | −1,9 | 0,3 | 0,3 | 0,3 | 0,5 | 2,0 | 0,9 | 2,1 | |
logementa | −1,0 | −0,9 | −0,5 | 0,0 | 0,3 | 0,9 | 0,8 | −1,9 | 3,5 | |
APUa,b | 1,3 | 1,5 | 1,3 | 0,7 | 0,5 | 0,4 | 1,0 | 4,7 | 1,9 | |
Exportationsa,c | −0,1 | −1,8 | 0,6 | 0,0 | 0,1 | 0,1 | −1,2 | −1,2 | 0,8 | |
Importationsa,c | −2,8 | 2,9 | −0,2 | 0,3 | 0,3 | 0,3 | 2,7 | 2,3 | 1,5 | |
Demande intérieurea,d,e | 0,5 | 0,0 | 0,5 | 0,4 | 0,4 | 0,4 | 1,3 | 1,5 | 1,7 | |
Variations de stocksa,e | −1,5 | 1,6 | −0,5 | −0,1 | 0,0 | 0,0 | 1,1 | 0,5 | −0,0 | |
Commerce extérieura,c,e | 1,0 | −1,6 | 0,3 | −0,1 | −0,1 | −0,1 | −1,3 | −1,2 | −0,3 | |
Inflationf | 2,0 | 2,5 | 2,8 | 3,4 | 3,6 | 3,3 | 2,5 | 3,3 | 2,4 | |
Taux de chômageg | 4,3 | 4,4 | 4,5 | 4,8 | 4,9 | 5,0 | 4,3 | 4,8 | 5,4 | |
Déficit publich | — | — | — | — | — | — | 5,8 | 5,3 | 4,9 | |
Dette publiqueh | — | — | — | — | — | — | 101 | 103 | 104 | |
Impulsion budgétairei | — | — | — | — | — | — | −0,4 | −0,8 | −0,5 | |
Sources : ONS QNA, prévision OFCE avril 2025. | ||||||||||
a En volume, aux prix chaînés. b FBCF : Formation Brute de Capital Fixe ; APU : Administrations Publiques. c Biens et services. d Demande intérieure hors variation de stocks. e Contribution à la croissance du PIB. f Evolution de l'indice des prix de consommation harmonisés (IPCH, sauf USA et France IPC). Pour les trimestres, glissement annuel (T/T(-4)) des prix. Pour les années, croissance moyenne annuelle des prix. g Au sens du BIT, en % de la population active. Pour les trimestres moyenne trimestrielle,
pour les années, moyenne annuelle. h En % du PIB annuel, en fin d'année. i Variation annuelle du déficit public (APU) primaire structurel, en points de PIB.
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