Poids | 2024 | 2025 | 2026 | |
---|---|---|---|---|
Brésil | 37,4 | 2,9 | 1,7 | 1,4 |
Mexique | 30,9 | 1,2 | 0,4 | 1,1 |
Argentine | 12,4 | −1,7 | 5,0 | 3,6 |
Colombie | 8,8 | 1,7 | 2,5 | 2,9 |
Chili | 5,6 | 2,4 | 1,9 | 2,1 |
Pérou | 5,1 | 3,3 | 2,7 | 2,7 |
Total | 100,0 | 2,0 | 2,1 | 2,1 |
Sources : Comptes nationaux , prévision OFCE avril 2025. |
Après la forte accélération de l’activité en 2023 soutenue par les pays d’Asie, un ralentissement s’est opéré l’année dernière dans l’ensemble des zones émergentes. La croissance est passée en moyenne de 4,6 à 4,2 %. Elle s’est infléchie en Asie à 5 %, Chine comprise et a continué de baisser en Amérique latine à 2 %. Les perspectives pour 2025 et 2026 restent moroses, assujetties en partie au ralentissement du commerce international. En Asie, la croissance passerait sous le seuil des 5 %. Au-delà du fléchissement attendu en Chine (à 4,5 % en 2026) et des tensions politiques internes, les dragons d’Asie pourraient être particulièrement affectés par ce nouvel ordre commercial international (Hong-Kong, Corée du Sud, Singapour, Taiwan). L’Amérique latine, moins exposée à l’exception du Mexique, resterait sur un rythme de croissance autour de 2 % en moyenne. Ce rythme permettrait de maintenir le PIB régional au-dessus de sa tendance de long terme pré Covid, à l’inverse de l’Asie qui malgré une croissance plus dynamique qu’en Amérique latine resterait toujours en deçà de son rythme pré-covid. Davantage fragilisée que l’Asie sur le marché des changes, l’Amérique latine subit en revanche l’impact des dépréciations sur les prix. L’inflation est repartie dans plusieurs pays, entraînant un nouveau durcissement des politiques monétaires. En Asie, l’inflation reste globalement contenue autour de 2 % mais la vigilance des autorités demeure.
20.1 Amérique latine : le Mexique en tête de liste
Alors que la conjoncture était plutôt favorable dans les autres pays de la région en 2024, la croissance s’est retournée au Mexique au début de l’année dernière et au Brésil quelques six mois après. Les perspectives pour 2025 se ternissent, sauf en Argentine où la reprise est déjà amorcée. Toutefois, à l’exception du Mexique très dépendant des États-Unis, la région devrait se montrer plutôt résiliente face au nouveau contexte commercial imposé par les États-Unis. Relativement fermée, peu intégrée aux chaines de valeur internationale et davantage orientée vers la Chine que vers les États-Unis (voir graphique 2, Pays émergents d’Asie (hors Chine) et d’Amérique latine d’octobre 2024), la croissance devrait être légèrement supérieure à 2 % en 2025 et 2026 (tableau 20.1).
Premier partenaire commercial des États-Unis devant la Chine, le Mexique est le pays le plus exposé aux mesures protectionnistes des États-Unis: 85 % de ses exportations sont à destination des États-Unis, soit 30 % de son PIB. Marquée déjà en 2024 par une politique monétaire très restrictive et d’importantes réformes constitutionnelles pesant sur l’activité, la croissance attendue en 2025 devrait être la plus basse de la région, à 0,4 %. L’impact commercial du relèvement à 25 % des droits de douane, mais aussi la chute des transferts (remesas), et donc du soutien à la consommation des ménages, s’ajoutent à la consolidation budgétaire prévue cette année (objectif de déficit à 3,5 % du PIB, après 5,1 % réalisé en 2024). Au Brésil, la surchauffe économique des années passées s’est traduite par le dérapage de l’inflation (5,1 % en février, très au-dessus de la cible des 3 % +/- 1,5 point) et surtout des anticipations inflationnistes plus élevées, du fait de la perte de crédibilité envers les engagements de contrôle budgétaire pris par le gouvernement en 2023. Le déficit public a atteint 8,4 % du PIB en 2024 et la dette a crû de 7 points en deux ans à 79 % du PIB. Pour limiter l’inflation importée via le taux de change, le taux d’intérêt directeur a augmenté depuis août 2024, pour atteindre 14,25 % en mars 2025. Or cette politique monétaire extrêmement restrictive alourdit la charge de la dette et creuse le déficit. L’année 2025 devrait souffrir à la fois de la consolidation budgétaire et des conditions de crédits très dégradées. Après la cure d’austérité ultra-orthodoxe imposée en Argentine par Javier Miléi fin 2023 et 2024 qui avait conduit à une chute du PIB de 5,3% en 3 trimestres, la croissance est repartie mi 2024. L’inflation continue de baisser à 66,9 % (276 % un an plus tôt) et le solde public est revenu à l’équilibre (après -4,4 % du PIB en 2023). L’année 2025 devrait confirmer cette amélioration mais les réserves de change étant insuffisantes pour lever le contrôle des changes et garantir les échéances à venir, un nouvel accord avec le FMI est en cours. Plus de la moitié de la population continue de vivre sous le seuil de pauvreté.
20.2 Asie : sous la menace du risque commercial
En 2024, la croissance asiatique a été essentiellement soutenue par l’Inde, l’Indonésie, la Malaisie, le Vietnam et les Philippines (tableau 20.2). À l’exception de l’Inde où l’inflation est supérieure à 3%, l’inflation est contenue et les banques centrales ont progressivement assoupli leur politique monétaire depuis l’été 2024. En revanche, faisant suite aux menaces contre la Chine, les annonces de droits de douane américains le 2 avril 2025 à l’encontre non seulement de la Chine mais aussi de nombreux pays asiatiques (25 % pour la Corée du sud, 46 % pour le Vietnam, 49 % pour le Cambodge, 36 % pour la Thaïlande et 54 % pour la Chine) amplifient les risques d’une croissance plus faible en 2025 et 2026 que 4,8 % et 4,7 % respectivement. La hausse des coûts, la perturbation des chaines d’approvisionnement et du commerce intra-régional qui pourraient en découler font peser des risques sur l’ensemble de la zone. Les pays comme le Vietnam, la Corée du Sud et Taïwan, qui ont des excédents commerciaux importants avec les États-Unis, sont particulièrement vulnérables.
La croissance de la Corée du sud a ralenti depuis le deuxième trimestre 2024, en lien avec une demande interne moins bien orientée. Dans ce contexte, l’incertitude politique liée à la tentative de coup d’état du président début décembre 2024 a fortement pesé sur les derniers indicateurs disponibles, avec une baisse de l’indice de la production industrielle et des ventes de détail début 2025. La croissance ayant été globalement tirée par les exportations en 2024 et la Chine et les États-Unis représentant les principales destinations à l’exportation (comme à l’importation), les annonces américaines sur les droits de douane font peser des risques à la baisse sur nos prévisions de croissance. Celle-ci atteindrait 1,6% en 2025 puis 1,8% en 2026. La croissance de l’Inde, deuxième poids lourd de la zone asiatique après la Chine, a nettement ralenti en 2024, à 6,3%, après une croissance impressionnante de 8,2% en 2023. Ce ralentissement est en partie lié aux élections de juin 2024, qui ont entrainé une attitude attentiste des entreprises et des investisseurs. La croissance de la production industrielle a fortement ralenti. Une vague de chaleur intense a également endommagé les cultures et réduit les rendements agricoles. La baisse récente de l’inflation, à 4,3% en janvier 2025, puis 3,6% en février et le changement de gouverneur de la RBI (Reserve Bank of India) en décembre 2024, ont ouvert la voie à une première baisse des taux directeurs en février 2025. Ce dernier est passé de 6,5% à 6,25%. Par ailleurs, la RBI a mis fin à la politique de soutien du taux de change de la roupie vis-à-vis du dollar. Comme la plupart des monnaies, la roupie s’est dépréciée. Cela devrait limiter l’effet des droits de douane sur la compétitivité des exportations, mais risque d’augmenter l’inflation importée, notamment énergétique. La consommation des ménages bénéficiera en tout cas de la suppression de l’impôt sur les revenus pour les ménages à bas revenus. La croissance resterait de l’ordre de 6,5% en 2025 et 2026. L’économie indonésienne a connu une croissance de 5,0 % en 2024, similaire à celle de 2023, soutenue par le secteur manufacturier. La hausse de la consommation des ménages de 4,9 % et des investissements de 4,6% ont compensé la diminution des exportations nettes. Depuis son pic en avril 2024, la banque centrale a abaissé deux fois son taux directeur. L’inflation observée respectant la cible fixée par la banque centrale (entre 1,5 et 3,5%), cette dernière aurait pu réduire davantage les taux pour soutenir l’activité, mais elle souhaite éviter de trop fortes turbulences sur la roupie, en baisse depuis plusieurs mois (-8% entre octobre 2024 et février 2025). Partant d’un déficit de 2,3% du PIB en 2024, le gouvernement a des marges de manœuvre pour mettre en place un ambitieux plan de hausse des dépenses publiques (défense, repas gratuits pour les élèves…). Bénéficiant du soutien de la politique budgétaire et d’une baisse supplémentaire du taux directeur, la croissance resterait stable en 2025 et 2026.
Poids | 2024 | 2025 | 2026 | |
---|---|---|---|---|
Corée du sud | 6,8 | 2,0 | 1,6 | 1,8 |
Asie en développement rapide | 20,3 | 4,3 | 4,0 | 3,9 |
Taiwan | 3,9 | 4,6 | 2,9 | 2,6 |
Hong Kong | 1,5 | 2,5 | 2,2 | 2,1 |
Singapour | 0,9 | 4,4 | 2,6 | 2,2 |
Thaïlande | 3,6 | 2,5 | 2,8 | 2,7 |
Indonésie | 6,0 | 5,0 | 5,0 | 5,0 |
Malaisie | 1,7 | 5,1 | 4,6 | 4,6 |
Philippines | 2,6 | 5,6 | 6,0 | 6,0 |
Chine | 48,5 | 5,0 | 4,8 | 4,5 |
Inde | 24,4 | 6,3 | 6,5 | 6,6 |
Asie hors Chine | 51,5 | 5,0 | 4,9 | 4,9 |
Total | 100,0 | 5,0 | 4,8 | 4,7 |
Sources : CEIC, prévision OFCE avril 2025. |