Passage de relais

Perspectives 2024-2025 pour l’économie mondiale

Autrices, auteurs & résumé
Par
Céline Antonin ; Christophe Blot ; Magali Dauvin ; François Geerolf ; Eric Heyer ; Amel Falah ; Sabine Le Bayon ; Pierre Madec ; Catherine Mathieu ; Christine Rifflart ; Benoit Williatte ;
Publié le

16 octobre 2024

Modifié le

16 octobre 2024

Résumé

Après une année 2023 marquée par la faible croissance des pays européens, on observe un timide rebond de l’activité au premier semestre 2024. Pour autant, l’écart continue de se creuser vis-à-vis des États-Unis. Malgré les mesures budgétaires de soutien aux ménages ou aux entreprises prises par la plupart des pays à partir de la fin de l’année 2021, la demande intérieure est restée atone en Europe alors qu’elle a été plus dynamique aux États-Unis, où les prix de l’énergie n’ont pourtant pas augmenté autant. Les effets du resserrement monétaire outre-Atlantique ont par ailleurs été compensés par une politique budgétaire expansionniste. Au sein de la zone euro, la situation des pays reste hétérogène. Alors que l’Allemagne peine à retrouver le chemin de la croissance, l’Espagne maintient une trajectoire de croissance dynamique et le rythme de croissance Italie est plus élevé que ce qui était observé avant la pandémie. Dans les pays émergents, les signes d’un ralentissement chinois se sont multipliés pendant l’été si bien que même si le niveau de PIB dépasse largement celui de 2019, le rythme de croissance de l’économie chinoise est nettement inférieur à celui observé sur la période pré-COVID. La stabilisation du prix du pétrole autour de 80 dollars le baril en 2025 et l’anticipation d’une légère baisse du prix du gaz européen permettront la poursuite de la désinflation et la convergence de l’inflation vers la cible de 2%. Dans ces conditions, la baisse des taux amorcée récemment par les banques centrales – à l’exception de la Banque du Japon – se poursuivrait. La politique monétaire pèserait encore sur la croissance en 2024 mais aurait un effet positif en 2025. Celui-ci serait cependant atténué par l’orientation plus restrictive des politiques budgétaires, en particulier dans les pays européens ce qui se traduira par une croissance modérée. Après une croissance mondiale de 3,3 % en 2023, l’activité ralentirait à 3 % en 2025 en raison de la croissance plus faible aux États-Unis et en Chine.

Après une année 2023 marquée par la faible croissance des pays européens, le premier semestre 2024 suggère une amélioration. Celle-ci reste néanmoins insuffisante, si bien que l’écart d’activité se creuse avec l’économie américaine, qui continue de croître à un rythme plus élevé. Pour autant, la situation sur le marché du travail européen ne s’est pas détériorée puisque le chômage est resté stable malgré le contexte morose. Inversement, la dégradation observée sur les 12 derniers mois outre-Atlantique a alimenté les craintes d’un ralentissement de l’activité américaine. Parallèlement, l’inflation recule de part et d’autre de l’Atlantique plus rapidement que ce qui avait été anticipé à la faveur de la baisse des prix de l’énergie et d’un ralentissement de la hausse des prix alimentaires. Malgré une situation géopolitique toujours tendue, les prix du gaz et du pétrole ne devraient pas connaître de nouvelles flambées comparables à celles observées en 2021-2022. Les taux d’inflation devraient donc continuer à converger vers la cible de 2 % des banques centrales.

Nous prévoyons la fin de l’épisode inflationniste qui avait touché l’économie mondiale à partir de 2021 ce qui permettra la poursuite de l’assouplissement monétaire déjà amorcé par les banques centrales. Pour autant, les effets favorables de la baisse des taux d’intérêt sur la croissance ne se matérialiseraient qu’à partir de 2025. Par ailleurs, le soutien monétaire à la croissance pourrait aussi être en partie contrecarré par un tour de vis budgétaire. Le débat sur la soutenabilité des dettes publiques s’intensifie notamment en Europe et les gouvernements s’engagent sur la voie de la réduction des déficits publics. Paradoxalement, alors que le déficit public est bien plus dégradé outre-Atlantique qu’en zone euro, le thème reste peu présent dans la campagne présidentielle américaine.

Après la crise Covid puis la crise énergétique, l’Europe verra-t-elle enfin le bout du tunnel ou sera-t-elle à nouveau rattrapée par le démon de la consolidation budgétaire qui viendrait freiner la demande intérieure ? Le cycle de croissance aux États-Unis peut-il se poursuivre et sera-t-il toujours alimenté par une politique budgétaire pro-cyclique ? Les chocs passés – principalement énergie et monétaire – vont s’estomper progressivement et la politique monétaire apporterait même un soutien à la croissance en 2025. Pour autant, il n’y aurait pas d’accélération de l’activité. La croissance mondiale baisserait même en 2024 (3,1 %) et 2025 (3,0 %) par rapport à l’année 2023 où elle a atteint 3,3 %. L’accélération de l’activité en Europe viendrait prendre le relais de l’atterrissage en douceur de l’économie américaine et du ralentissement de l’économie chinoise.

1 L’écart se creuse toujours entre l’Europe et les États-Unis

En 2023, la croissance de la zone euro et du Royaume-Uni était largement inférieure à celle des États-Unis : respectivement à 0,5 % et 0,9 % en moyenne annuelle contre 2,9 % (tableau 2)1 . Cette différence s’explique en partie par les effets de l’augmentation du prix du pétrole et du gaz européen observée depuis le début de l’année 2022. Malgré le maintien de certaines mesures budgétaires de soutien aux ménages ou aux entreprises, la demande intérieure est restée atone en Europe alors qu’elle a été plus dynamique aux États-Unis. La hausse des prix de l’énergie a été moins importante outre-Atlantique, le prix du gaz américain n’ayant pas augmenté autant qu’en Europe, et les ménages ont continué à consommer l’épargne qu’ils avaient accumulée pendant la crise sanitaire.

1 La moyenne trimestrielle de la croissance du PIB était même négative en 2023 au Royaume-Uni et nulle en zone euro.

De plus, la politique budgétaire américaine est restée expansionniste ce qui s’est traduit par une dégradation du déficit public de près de 4 points de PIB en 2023 alors qu’il se stabilisait dans la zone euro dans son ensemble. Cet écart dans l’orientation de la politique budgétaire a également contribué à amortir l’effet négatif des hausses de taux de politique monétaire sur l’activité aux États-Unis. Alors que le Japon a connu une forte croissance sur les deux premiers trimestres 2023, le PIB a ensuite nettement marqué le pas en lien avec un fort recul de la consommation des ménages à partir du deuxième trimestre, qui s’explique par une baisse de près de 3 % du pouvoir d’achat du revenu disponible sur l’ensemble de l’année, du fait de l’inflation.

Le premier semestre 2024 indique un rebond timide de l’activité en zone euro puisque le PIB a progressé de 0,3 et 0,2 % en rythme trimestriel. Mais cette dynamique ne permet pas de réduire l’écart qui s’est creusé avec les États-Unis à la sortie de la crise de la Covid et qui s’est accentué depuis mi-20222. Aux premier et deuxième trimestres, la croissance outre-Atlantique s’est effectivement élevée à 0,4 et 0,7 %. Au deuxième trimestre 2024, le PIB de la zone euro dépasse celui de l’année 2019 de 4 %, contre 12,1 % aux États-Unis (graphique 1).

2 Pour une analyse plus détaillée de la divergence entre les États-Uni et la zone euro, voir le Policy Brief n°130.

Le constat est identique pour le Royaume-Uni, malgré un début d’année 2024 plus favorable. Une partie de ces écarts résulte cependant des différences de dynamique de la croissance de la population active et de la productivité. Les différences sont moins importantes lorsque l’on compare le PIB du deuxième trimestre 2024 à celui qui aurait été observé dans une situation contrefactuelle où, depuis la fin de l’année 2019 il aurait progressé à un rythme de croissance tendancielle. Il ressort cependant que la situation américaine reste relativement plus favorable.

Les écarts de PIB font aussi apparaître une importante hétérogénéité entre les pays européens. La situation de l’Allemagne est particulièrement critique avec un PIB qui n’est que 0,3 % au-dessus de celui de 2019 et un écart négatif au PIB contrefactuel de 5,5 %. Inversement, l’Italie semble dans une situation plus favorable. La croissance post-pandémie (depuis le premier trimestre 2021) a atteint 0,8 % en moyenne trimestrielle alors que l’OCDE prévoyait en 2019 une croissance proche de 0 %3.

3 Ce qui correspond de fait à la croissance trimestrielle moyenne observée entre début 2011 et fin 2019.

Graphique 1. Niveau du PIB au deuxième trimestre 2024

Au-delà des différences d’évolution du PIB, on observe aussi une hétérogénéité des contributions à l’activité entre l’Europe et les États-Unis (graphique 2). Depuis 2019, le principal moteur de la croissance américaine a été la demande intérieure et en particulier la consommation des ménages qui a contribué pour près de 10 points à la hausse du PIB. Cette même contribution a été inférieure à 1 point au Royaume-Uni et s’est élevée à 1,2 point dans la zone euro. De fait, la reprise post-Covid en zone euro a plutôt été tirée par le commerce extérieur tandis qu’outre-Manche les dépenses publiques ont été la principale contribution à la croissance. Aux États-Unis, le revenu disponible des ménages a été soutenu par la politique de transferts mise en œuvre d’abord par l’administration Trump puis Biden qui s’est traduite par des gains de revenu disponible importants. À partir de 2022, l’activité et l’emploi ont progressivement ralenti mais les salaires ont augmenté plus rapidement outre-Atlantique, ce qui a continué à soutenir le revenu et la consommation des ménages. Par ailleurs, le taux d’épargne des ménages américains est resté inférieur à son niveau de 2019 : 4,1 % en moyenne entre le premier trimestre 2022 et le deuxième trimestre 2024 contre 7,3 % en 2019 traduisant la consommation de la sur-épargne accumulée en 2020 et 2021. A l’inverse des ménages américains, les Européens n’ont pas utilisé cette surépargne COVID. En effet, le taux d’épargne moyen de la zon euro et du Royaume-Uni sur la même période se situe respectivement 0,7 point et 1,7 point au-dessus du niveau de 2019.

Graphique 2. Contributions à l’activité entre 2019 et 2024-T2

Après avoir atteint 5,2 % en moyenne annuelle en 2023, la croissance chinoise a ralenti en 2024. Le PIB, qui avait augmenté de 1,7 % au premier trimestre, n’était en hausse que de 0,8 % au deuxième trimestre. Les signes d’un ralentissement de la croissance chinoise se sont multipliés pendant l’été. Les difficultés du secteur immobilier se poursuivent comme en témoigne la baisse de 10,2 % des investissements des promoteurs immobiliers sur les huit premiers mois de 2024 par rapport aux huit premiers mois de 2023. La croissance chinoise est tirée par l’accélération des exportations, soutenues par une compétitivité-prix favorable et une demande porteuse (notamment de véhicules électriques). Dans les autres pays de l’Asie émergente, la croissance indienne est restée soutenue en 2023 (7,7 %) et en début d’année 2024, tirée par la consommation des ménages et l’investissement. Enfin, après une faible croissance en 2023, l’activité accélère au Brésil avec une croissance du PIB de respectivement 1 et 1,4 % au cours des deux premiers trimestres. Pour autant, on peut noter que même si les niveaux de PIB sont bien supérieurs à ceux de 2019, les pays émergents tels que la Chine et l’Inde, connaissent une baisse de leur régime de croissance par rapport à la situation pré-Covid comme en témoignent les écarts au PIB contrefactuel. Dans ces pays, la croissance en glissement annuel depuis début 2021 a atteint respectivement 5,5 %, et 6,5 %, soit des rythmes inférieurs à ceux qui étaient observés avant la pandémie même si un ralentissement de l’activité chinoise était déjà observé avant la pandémie.

2 L’emploi à contre-courant

Dans la zone euro, même si la croissance a été faible au premier semestre 2024, le taux de chômage est resté stable à 6,5% de la population active. Il a même légèrement baissé durant les derniers mois, atteignant 6,4% en août 2024, soit son plus bas niveau depuis 1999.

Aux États-Unis, malgré la forte croissance, le taux de chômage a amorcé une remontée depuis le point bas du premier trimestre 2023, à 3,5% et atteint désormais 4% au deuxième trimestre 2024. En effet, la productivité américaine a nettement augmenté entre mi-2023 et mi-2024 (+2,8% sur un an), contrairement à la zone euro où elle a diminué (-0,3%). Dans les deux zones, la population active a progressé à des rythmes similaires (entre 0,5 et 1% sur un an), ce qui n’a donc pas eu d’influence sur les évolutions relatives récentes du taux de chômage (tableau 1).

La stabilité du taux de chômage dans la zone euro masque néanmoins des dynamiques différentes entre les quatre plus grands pays : une baisse du taux de chômage en Espagne et en Italie, pour revenir vers les niveaux observés avant la crise financière de 2008 ; une légère augmentation depuis mi-2023 en France et en Allemagne. Le taux de chômage italien est désormais inférieur à celui français (graphique 3).

En Allemagne, un ralentissement des créations d’emplois a été observé depuis la mi-2023. C’est également le cas en France. Au contraire, en Espagne, les créations d’emplois sont restées dynamiques.

Au Royaume-Uni, le taux de chômage a été quasiment stable entre le deuxième trimestre 2023 et le deuxième trimestre 2024 mais il se situe sur une tendance faiblement haussière depuis mi-2022. Il reste faible, à 4,2% au deuxième trimestre 2024. La croissance du PIB et la légère décrue de la population active ont compensé les gains de productivité.

Au Japon, malgré une faible croissance, le taux de chômage est resté faible, dans un contexte de recul de la productivité par tête. Malgré la baisse de la population totale, la population active continue de croître grâce à l’augmentation du taux d’activité des femmes et des seniors.

Graphique 3. Taux de chômage mensuel
Tableau 1. Décomposition du taux de chômage sur un an
Évolution en % Population active
(a)
Productivité par tête
(b)
PIB
(c)
Variation du taux de chômage
(a + b - c)
Allemagne 0.8 −0.4 0.0 0.5
France 0.6 0.5 1.0 0.1
Italie 0.7 −0.9 0.6 −0.9
Espagne 1.6 1.1 3.1 −0.4
Zone euro 0.9 −0.3 0.6 0.0
Royaume-Uni −0.3 0.9 0.7 −0.1
Etats-Unis 0.6 2.8 3.0 0.4
Japon 0.4 −1.2 −0.9 0.0
Notes: Il s’agit précisément de l’évolution sur un an entre le T2 2023 et T2 2024. L’évolution du taux de chômage est en point de population active.La variation du taux de chômage est approximée par la somme du taux de croissance de la population active et de la productivité par tête de laquelle est retranché le taux de croissance du PIB.
Sources: comptabilités nationales, calculs OFCE.

3 La fin de la crise énergétique

3.1 Pétrole : un baril de Brent autour de 80 dollars

Alors que le prix du baril de Brent évoluait en moyenne mensuelle entre 80 et 90 dollars le baril depuis janvier 2024, les prix ont baissé en septembre 2024, passant même sous la barre des 70 dollars. Deux facteurs expliquent cette baisse : la crainte renouvelée d’une récession américaine et le recul de la demande chinoise, notamment lié à la crise immobilière. Ainsi, le recul de la consommation de pétrole en Chine atteint 5,9 % entre février et août 2024, alors que le pays représente 15 % de la consommation mondiale de pétrole brut. Ces facteurs de demande ont contribué à la baisse des cours et ont prévalu malgré trois facteurs conjoncturels haussiers: la poursuite du conflit à Gaza, la baisse des stocks de pétrole américains et les ruptures d’approvisionnement en Libye sur fond d’affrontement politique. A partir de fin septembre, en revanche, la crainte d’une riposte israélienne contre les installations pétrolières en Iran a provoqué une hausse des cours, portant le cours du baril de Brent à 80 dollars mi-octobre.

En l’absence d’escalade des tensions entre Israël et l’Iran (notre hypothèse centrale), nous inscrivons en prévision une stabilisation du prix du baril, qui se stabiliserait autour de 80 dollars au dernier trimestre 2024 et en 2025 (graphique 4). Ainsi, le cours du Brent devrait retrouver le niveau moyen de la période 2010-2019.

Graphique 4. Prix du pétrole et du gaz naturel

3.2 Gaz naturel : l’écart Europe/États-Unis perdure

Sur le marché européen du gaz naturel (TTF), alors que les prix sur les contrats à terme avaient été divisés par 4,8 entre 2022 et le premier trimestre 2024, ils ont progressé entre février et septembre 2024, passant de 26 à 36 euros/Mwh. Ainsi, les prix en septembre 2024 retrouvent les niveaux de septembre 2023. Cela s’explique par une relative stabilité de l’offre4 et une progression dynamique de la demande de gaz au premier semestre 2024 (+3 % en glissement annuel, un taux supérieur à la moyenne historique). Bien que cette croissance de la demande concerne à 60 % l’Asie (Chine et Inde notamment), la concurrence avec l’Europe pour les importations de GNL contribue à la hausse des cours.

4 Notons que le commerce du GNL s’est pratiquement interrompu dans la mer Rouge depuis début 2024.

En prévision, pour le deuxième semestre 2024, nous anticipons une légère baisse du prix du gaz en Europe, en raison de trois facteurs: une modération de la croissance de la demande de gaz, une accélération de l’offre de GNL avec l’entrée en service de nouvelles capacités de liquéfaction, et un remplissage record des stocks de gaz à 94 % fin septembre 2024. Pour l’année 2025, nous anticipons une faible croissance de l’offre de gaz naturel et une stagnation de la demande européenne. La demande extra-européenne devrait rester soutenue, ce qui limitera la quantité de gaz disponible pour l’Europe. En conséquence, le prix du gaz devrait se stabiliser autour de 30 euros/MWh en 2025. Le différentiel avec le prix Henry Hub du gaz américain perdurerait : en 2025, le prix au comptant du gaz américain serait toujours plus de trois fois plus faible que le prix sur le marché européen.

4 Les tensions inflationnistes reculent

4.1 Une baisse de l’inflation mais pas des prix

La reprise modérée de l’activité en zone euro au premier semestre 2024 s’accompagne de la poursuite du ralentissement des prix. Après les pics atteints au cours de la deuxième moitié de l’année 2022, l’inflation a baissé dans tous les pays, grâce principalement au repli des prix de l’énergie en 2023. Le mouvement se poursuit en 2024, à un rythme nettement plus faible cependant. Au deuxième trimestre 2024, les quatre principaux pays de la zone enregistrent un rythme d’inflation de 3,6 % pour l’Espagne, 2,5 % pour la France, 2,6 % pour l’Allemagne et 0,9 % pour l’Italie5. Le Royaume-Uni et les États-Unis suivent la même trajectoire, avec une inflation de respectivement 2,1 % et 3,2 % sur un an au deuxième trimestre 2024. Le Japon, qui n’avait pas connu un pic aussi élevé qu’en Europe et qu’aux États-Unis, enregistre une inflation à 2,7 %.

5 La baisse s’est poursuivie au troisième trimestre avec une inflation à 1,8 % en septembre dans la zone euro. Parmi les grands pays, c’est l’Italie qui a connu l’inflation la plus faible à 0,8 % suivie de la France (1,5 %), l’Espagne (1,7 %) et l’Allemagne (1,8 %).

Pour autant, si l’inflation tend à se rapprocher entre pays de la zone euro vers des rythmes proches de 2 %, l’inflation cumulée depuis la crise sanitaire de 2020 varie selon les pays (graphique 5). Deux groupes se distinguent. Le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Allemagne sont les pays où au printemps 2024, le niveau des prix a le plus augmenté par rapport à 2019, entre 23 et 24 %. En France, en Italie et en Espagne, la hausse cumulée est moindre, de 18 %. Ces écarts s’expliquent principalement par deux facteurs. D’une part, l’exposition différenciée des pays aux chocs inflationnistes de 2021 et 2022, liés aux tensions sur les chaînes d’approvisionnement comme conséquences de la reprise mondiale post Covid, puis à la forte hausse des prix du gaz qui a suivi l’invasion de l’Ukraine par la Russie et qui a particulièrement affecté les pays européens. D’autre part, la diffusion des chocs aux autres indices de prix (encadré 1), au-delà des réponses prises par les différents gouvernements.

L’ampleur plus ou moins forte et la nature (bouclier tarifaire versus aides directes aux ménages) des réponses des gouvernements pour lutter contre l’inflation et atténuer l’impact direct sur le pouvoir d’achat des ménages sont venues accompagner la détente de 2023 : bouclier tarifaire en France, mesures fiscales importantes en Italie, sortie du marché européen de l’énergie pour l’Espagne et plafonnement des prix du gaz, …. Mi-2024, la contribution de l’énergie à l’inflation est nulle en zone euro et négative au Royaume-Uni. Elle remonte légèrement aux États-Unis avec une contribution de 0,2 point, ce qui reste néanmoins bien inférieur au pic du deuxième trimestre 2022 où elle s’élevait à 2,6 points.

Graphique 5. Indice des prix à la consommation

Au-delà de ces facteurs d’offre qui ont alimenté les hausses de prix passés, l’inflation sous-jacente, tirée par la diffusion des hausses des prix de l’énergie sur les autres produits lors du processus de production, mais aussi par le renchérissement des coûts salariaux unitaires, s’est accélérée également entre 2020 et le premier semestre 2024, mais à un degré moindre que l’IPCH total (graphique 6). En cumulé sur la période, parmi les 6 pays ici suivis, on retrouve les deux pays anglo-saxons et l’Allemagne parmi les pays les plus inflationnistes (une hausse cumulée comprise entre 16 et 21 % au printemps 2024, contre 12 % dans les autres pays et 3 % au Japon). Sur un an, l’inflation sous-jacente recule dans tous les pays mais le mouvement dépend désormais surtout de la dynamique du marché du travail et de l’évolution des salaires. Au sein de la zone euro, elle reste autour de 3 % en Allemagne et en Espagne (qui connaît un bas taux de chômage et de fortes créations d’emplois) et légèrement supérieure à 2 % en France et en Italie.

Graphique 6. Inflation sous-jacente

Le graphique 7 présente les contributions à la croissance des prix entre août 2019 et août 2024, en mobilisant les indices de prix harmonisés (IPCH) par produit fournis par Eurostat. Il met en évidence des disparités entre les pays étudiés, à savoir l’Allemagne, l’Espagne, la France et l’Italie, tout en illustrant les différents moteurs de l’inflation dans ces économies.

Au cours des cinq dernières années, l’Allemagne se distingue des autres grands pays de la zone euro par une inflation plus marquée. En août 2024, le niveau des prix y était 25% plus élevé qu’en août 2019 soit 5 points de plus qu’en Espagne ou en France et 6 points de plus qu’en Italie. En Allemagne, les prix ont été largement soutenus par la croissance plus élevée des prix de l’énergie. Ainsi, la part importante du logement, de l’électricité et des combustibles dans la croissance des prix (notamment liée à l’utilisation des véhicules personnels et au chauffage) explique en grande partie l’inflation plus élevée.

En Espagne, la hausse des prix a été principalement soutenue par celle des produits alimentaires et des services liés à l’hôtellerie-restauration. A contrario, l’inflation énergétique y a été plus maîtrisée, grâce notamment aux mesures mises en place par le gouvernement.

La France présente une dynamique différente, avec une croissance des prix alimentaires moins prononcée que celle observée en Espagne, mais une contribution plus forte des transports, malgré l’application de boucliers tarifaires sur l’énergie. Par ailleurs, les prix des loyers ont augmenté de manière significative, contribuant à une inflation notable des dépenses en logement.

Enfin, l’Italie montre un profil inflationniste comparable à celui de la France. Si les produits alimentaires et les services liés au logement ont également joué un rôle important, on note que les hausses des prix dans les secteurs de l’énergie et des transports y sont comparables, bien qu’un peu moins marquées.

Graphique 7. Contributions à la croissance des prix d’août 2019 à août 2024

4.2 Des gains de salaires réels après les chocs inflationnistes

Les tensions sur les chaînes d’approvisionnement ainsi que la hausse des prix de l’énergie à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie ont produit un choc inflationniste qui a donné lieu à une baisse des salaires en termes réels6, malgré des salaires nominaux dynamiques (graphique 8). La hausse des salaires réels amorcée en 2023 devrait se poursuivre en prévision, sous l’effet de nouvelles hausses de salaires et d’une baisse de l’inflation. En Italie, et dans une moindre mesure en France, les salaires réels moyens resteraient cependant inférieurs à leurs niveaux de fin 2019. Sur la sous-période 2020-2022, malgré une inflation élevée, la moindre exposition de l’économie américaine au choc énergétique a permis une hausse des salaires réels, contrastant avec les baisses observées en Europe.

6 Déflatés des Indices de Prix à la Consommation (IPC Harmonisés pour les pays de la zone euro).

Graphique 8. Evolution des salaires nominaux et réels depuis 2019.

5 Politique monétaire : assouplissement accéléré

Etant données nos hypothèses sur les prix de l’énergie, la croissance modérée en Europe et l’atterrissage en douceur de l’économie américaine, la convergence de l’inflation vers la cible de 2 % se poursuivrait (graphique 9). Alors que la BCE a déjà baissé ses taux d’1/4 de point à deux reprises en juin et en septembre 2024, la Réserve fédérale s’est d’abord montrée plus prudente en raison d’une inflation plus élevée avant d’amorcer un cycle d’assouplissement avec une baisse de 0,5 point lors de la réunion du 18 septembre dernier. La remontée du taux de chômage depuis un an a suscité les craintes d’un ralentissement de l’économie américaine. Celui-ci se matérialiserait effectivement en fin d’année 2024 et début 2025 mais serait modéré puisque l’écart de croissance resterait positif tout au long de l’année. La baisse de l’inflation justifierait néanmoins celle des taux à raison d’une baisse d’1/4 de point par trimestre ce qui porterait la cible de taux des fonds fédéraux à 3,75 % en fin d’année 2025. L’écart de taux serait maintenu avec celui de la BCE puisque nous anticipons un taux des facilités de dépôts à 2,25 % en fin d’année 2025. Après avoir baissé son taux directeur de 0,25 point en août, la Banque d’Angleterre déciderait de nouvelles baisses qui porteraient le taux de base de 5 % aujourd’hui à 4 % à la fin 2025. Enfin, la Banque du Japon irait à contre-courant de ce mouvement. En juillet 2024, elle a annoncé une deuxième hausse des taux après être sortie de sa politique de taux négatif en mars. La perspective d’une inflation qui se maintiendrait cette fois-ci proche de la cible de 2 %, dans un contexte d’une augmentation plus nette des salaires, permettrait la poursuite de la normalisation de la politique monétaire japonaise avec une anticipation de deux hausses en 2025, ce qui porterait le taux directeur à 0,75 %.

Graphique 9. Convergence des taux d’inflation vers 2%

6 Finances publiques : le temps des consolidations budgétaires

Les chocs successifs de la pandémie puis des hausses de prix énergétiques, ainsi que les mesures de soutien mises en œuvre par les gouvernements, ont donné lieu à une augmentation des déficits et des niveaux de dette publique entre 2020 et 2023 (graphique 10 et graphique 11). Cette trajectoire commune recoupe néanmoins des situations nationales différentes : notamment, les Etats-Unis ont affiché le déficit le plus élevé en 2023 bien que n’ayant pas été affectés par la hausse des prix du gaz comme l’ont été les économies européennes. Au sein de la zone euro, les mesures de soutien maintenues en 2023 auraient eu des impacts comparables sur les soldes publics, et n’expliquent donc pas l’existence de déficits plus élevés en France et en Italie. Malgré des déficits importants, le niveau de dette publique italienne en 2023 était presque égal à celui d’avant-crise, en raison de la croissance du PIB nominal et du traitement comptable du Superbonus7.

7 Adopté en 2020 comme mesure de relance, le Superbonus consistait initialement en un crédit d’impôt de 110% pour des rénovations de bâtiments à des fins d’efficience énergétique. Le coût total du dispositif depuis 2020 serait de 123 milliards d’euros (5.8% du PIB 2023), contre une estimation ex-ante par le gouvernement italien de 36.5 milliards. D’un point de vue comptable, les crédits d’impôts du Superbonus sont considérés payables, donc comme des dépenses intégralement attribuées à l’année de l’ouverture des droits, avec un effet immédiat sur le solde public ; cependant, leur utilisation étant progressive, leur impact sur la dette publique sera étalé sur les prochaines années.

Graphique 10. Dettes publiques en zone euro et aux Etats-Unis depuis 2019

Sur la période 2023-2025, les principales économies développées devraient connaître une amélioration de leurs soldes publics. Cette évolution est en partie une réaction à la stabilisation des prix de l’énergie, qui amène les gouvernements européens à mettre fin à leurs mesures de soutien dès 2024. Contrairement aux autres économies majeures de la zone euro, la France verrait son déficit augmenter en 2024 (de 5.5% en 2023 à 6.1% en 2024) ; les Etats-Unis connaîtraient également une dégradation du solde public (7.8% à 8.3%), sous l’effet d’une impulsion budgétaire positive.

Les principales économies européennes mèneraient des politiques d’ajustement budgétaire structurel en 2025 : 0.5% du PIB en Italie, 0.7% en Allemagne et 1.6% (dont 0.5% de mesures énergie) en France8. En Espagne, toutefois, la croissance de l’activité permettrait une amélioration du solde ainsi qu’une réduction de l’endettement public, bien qu’aucun effort structurel ne soit intégré au scénario de prévision. L’amélioration du solde public américain anticipée pour 2025 (6.8%) serait également le résultat du dynamisme des recettes et de l’activité, l’impulsion budgétaire prévue étant nulle.

8 Rappelons que la suspension des règles budgétaires du Pacte de stabilité, décidée pour permettre aux Etats de répondre aux crises pandémiques puis énergétiques, se termine en 2024, au moment où les réformes apportées à ces règles entrent en vigueur : la France et l’Italie en particulier sont concernées par des procédures de déficit excessif.

Graphique 11. Evolution des soldes publics en zone euro et aux Etats-Unis depuis 2019
[an error occurred while processing this directive]

7 La croissance change de moteur

Après une croissance mondiale de 3,3 % en 2023, l’activité ralentirait à 3,1 % en 2024 puis 3,0 en 2025 en raison de la croissance plus faible aux États-Unis et en Chine (tableau 2). L’activité serait plus soutenue en Europe avec une croissance qui passerait de 0,5 % en 2023 à 1,2 % en 2025 mais la sortie de la stagnation ne permettrait pour autant pas d’insuffler une dynamique à l’échelle mondiale. En effet, la consommation ne parviendrait pas vraiment à sortir de sa léthargie. Malgré la progression des salaires réels, la contribution de l’emploi à la masse salariale s’atténuerait. Par ailleurs, les taux d’épargne se maintiendraient généralement au-dessus de leur moyenne observée avant la crise, bridant la consommation des ménages européens.

[an error occurred while processing this directive]

7.1 Allemagne

L’Allemagne peinerait toujours à retrouver le sentier de croissance observé avant la crise sanitaire. Les indicateurs avancés suggèrent un recul du PIB de 0,1 % au troisième trimestre 2024, suivi d’une reprise timide (+0,2 %) au quatrième trimestre. La croissance du PIB serait nulle en 2024. Les salaires réels progresseraient, mais compte tenu de la conjoncture, le marché du travail, qui avait bien résisté notamment grâce à la baisse du temps de travail et à la modération salariale, devrait fortement se dégrader entre mi-2024 et fin 2025 avec une destruction de 170 000 emplois. Ceci atténuerait le soutien au revenu disponible permis par la progression des salaires (encadré 2). La consommation des ménages serait cependant soutenue par la baisse du taux d’épargne ce qui porterait la croissance du PIB à 0,8 % en 2025. En revanche, les pertes de compétitivité des entreprises allemandes freineraient les exportations du secteur manufacturier tourné vers l’exportation, ce qui se traduirait par une contribution négative du commerce extérieur à la croissance. L’autre point noir reste l’investissement privé, qui stagnerait en 2025, notamment sous l’effet d’une politique budgétaire toujours restrictive.

Quatre ans après la crise sanitaire, le revenu des ménages en termes réel n’a pas évolué de concert dans les quatre principaux pays européens. En 2023, il est quasiment au même niveau qu’avant crise en Allemagne en Espagne, et en Italie. En France, le revenu des ménages a progressé de plus de 12,5% par rapport à l’avant crise (graphique 12, (a)). Les transferts sociaux et autres ont contribué positivement, en moyenne de 7 points, sur la dynamique du revenu des ménages, l’excédent brut d’exploitation négativement à hauteur de 2,5 points en moyenne.

La décomposition du facteur travail fait apparaître un soutien positif du niveau d’emploi au revenu des ménages, en particulier en France où sa dynamique (+ 6,1 % en moyenne annuelle entre 2019 et 2023) a contribué pour près de trois-quart à la hausse du revenu(a). C’est également le cas en Allemagne et en Italie, à un degré moindre, l’emploi contribuant entre 2,6 % et 3.5 %. Dans ces trois pays, les salaires réels ont pesé sur la dynamique du Rdb, il n’y a qu’en France que l’emploi a surcompensé la baisse du salaire réel.

En Espagne, le constat est tout autre, les salaires réels ont progressé plus rapidement que le revenu, plombé par les transferts sociaux et autres ainsi que par les impôts sur le revenu. L’emploi salarié quant à lui, ne s’est pas totalement remis de la crise de la Covid, il était encore 2,2 points en deçà de son niveau de 2019.

Graphique 12. Evolution et contributions des composantes du revenu disponible brut réel entre 2019 et 2025

Entre 2023 et 2025, ce sont les salaires réels qui viennent se substituer à l’emploi pour soutenir le revenu des ménages. En Allemagne, l’augmentation du RDB ne tient qu’à la progression des salaires réels. En France et en Italie, les salaires réels prennent le pas sur l’emploi également mais de façon moins importante puisque d’autres facteurs accompagnent la hausse du revenu des ménages: l’excédent brut d’exploitation, et respectivement les transferts sociaux en France et les revenus de la propriété également pour l’Italie.

(a) On rappelle ici que pour tous les pays hors France, les revenus du travail concernent les salariés alors que pour la France, ils incluent également les revenus du travail des entrepreneurs individuels.

7.2 Italie

La dynamique serait plus favorable dans les pays du sud de l’Europe. Ainsi, la croissance italienne se maintiendrait au rythme trimestriel de 0,2 % en fin d’année 2024 et au cours du premier semestre 2025. Sous l’effet de la forte désinflation énergétique observée en début d’année, l’inflation baisserait nettement sur l’ensemble de l’année (1,1% contre 5,9 % en 2023) tandis que les salaires nominaux poursuivraient leur augmentation, stimulant le pouvoir d’achat des ménages. L’investissement progresserait modestement, la fin du Superbonus étant partiellement compensée par la mise en œuvre des chantiers prévus dans le cadre du volet italien du plan de relance européen et la reprise en 2025 de l’accumulation d’équipements productifs. La seconde moitié de l’année 2025 verrait une légère accélération du PIB sous l’impulsion du commerce extérieur, l’évolution relativement modérée des salaires italiens - en comparaison aux autres économies européennes (graphique 8) - permettant des regains de parts de marché. La progression de la consommation des ménages se maintiendrait grâce à une légère baisse du taux d’épargne effaçant une partie de l’augmentation observée depuis le second semestre 2023 (de 7.2% au troisième trimestre 2023 à 10.2% au deuxième trimestre 2024).

7.3 Espagne

En Espagne, la dynamique resterait encore très favorable à court terme avec une croissance à 2,9 % en moyenne sur l’année 2024. L’activité ralentirait ensuite et atteindrait 2,2 % en 2025. La demande intérieure soutenue notamment par le raffermissement de l’investissement (aidé notamment par l’arrivée auprès des entreprises des fonds européens) et la consommation viendraient prendre le relais du commerce extérieur dans les soutiens à la croissance. Un besoin plus pressant en biens importés à cette phase du cycle combiné à une perte de compétitivité sur les marchés extérieurs conduirait à une contribution négative du commerce extérieur. En 2024, l’écart de production est redevenu positif et les tensions inflationnistes sont un peu plus marquées qu’ailleurs. En 2025, le taux de chômage resterait stable, proche de 11 %.

7.4 Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, les indicateurs conjoncturels de très court terme suggèrent un ralentissement au troisième trimestre avec une croissance à 0,2 % ce qui porterait la croissance annuelle à 0,9 % contre 0,3 % en 2023 puis elle atteindrait 1,2 % en 2025. La consommation des ménages progresserait de 0,7 % et 1,4 % respectivement en 2024 et 2025. Le ralentissement de l’inflation plus rapide que celui des salaires redonnerait du pouvoir d’achat aux ménages qui serait néanmoins largement réduit par les faibles créations d’emplois en 2025 sous l’hypothèse de gains de productivité proches de leurs rythme tendanciel d’avant la crise COVID. Dans ces conditions, le taux de chômage passerait de 4,2 % au deuxième trimestre 2024 à 4,9 % au quatrième trimestre 2025, ce qui freinerait la hausse de la consommation des ménages d’autant que le taux d’épargne se maintiendrait au-dessus de sa moyenne des dix années précédant le début de la crise COVID. Les exportations, principalement celles de marchandises, resteraient un point faible de l’économie qui continue à perdre des parts de marché, du fait de la poursuite de pertes de compétitivité-prix. La baisse des taux d’intérêt, amorcée en août dernier par la Banque d’Angleterre, favoriserait une reprise de l’investissement en logement des ménages ainsi que de l’investissement des entreprises.  Une inconnue majeure tient cependant à l’orientation de la politique budgétaire qui sera menée par le gouvernement travailliste, sorti vainqueur des élections de juillet 2024, puisque le Premier ministre, Keir Starmer, a annoncé qu’il faudra s’attendre à des mesures douloureuses, lors de la présentation du budget, qui aura lieu le 30 octobre.

7.5 États-Unis

Outre-Atlantique, la consommation des ménages, principal moteur de l’activité ces trois dernières années, ralentirait à partir du quatrième trimestre 2024 en lien avec une croissance plus faible du revenu disponible réel. Les salaires réels marqueraient le pas après une forte progression au premier semestre 2024. Les créations d’emplois qui avaient stagné en début d’année ne repartiraient plus nettement à la hausse qu’à partir du second semestre 2025. Malgré la baisse des taux d’intérêt, le rebond de l’investissement résidentiel serait timide et ne compenserait pas le ralentissement plus net de l’investissement productif. Ce ralentissement de la demande se répercuterait sur les importations si bien que la contribution du commerce extérieur, encore négative au deuxième semestre 2024, deviendrait neutre en 2025. Il en résulterait un atterrissage en douceur de l’économie américaine dont la croissance, de 1,6 % en 2025, passerait sous son rythme potentiel.

7.6 Japon

Au Japon, la croissance serait soutenue par la poursuite de la reprise de la consommation des ménages, avec la diffusion de l’impact des négociations salariales du printemps 2024 sur les salaires effectifs. L’inflation baisserait à partir du quatrième trimestre, en lien notamment avec la légère appréciation du yen. Après les scandales automobiles qui ont fait baisser la production industrielle au premier semestre 2024, cette dernière a commencé à remonter et ce mouvement se poursuivrait. La croissance serait toutefois faible en 2024 (0 %) en raison de l’effet d’acquis du premier trimestre. Elle repartirait à la hausse en 2025 pour atteindre 1,2 %.

7.7 Chine et Asie

En 2024, la croissance chinoise n’atteindrait pas la cible de 5 % fixée par le gouvernement : elle serait de 4,7 % puis de 4,4 % en 2025. La croissance resterait tirée par les exportations, avec une contribution du commerce extérieur de 0,9 point cette année et de 0,5 point l’an prochain. La consommation progresserait de 4,3 % par an, l’investissement accélérerait de 3,3 % à 3,9 %. Le gouvernement a indiqué qu’il prendrait des mesures budgétaires de soutien à l’activité (non détaillées à ce jour).  Ce scénario prévision ne retient pas la mise en place de mesures protectionnistes supplémentaires, qui constitue un risque à la baisse pour la croissance chinoise, notamment en cas de victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine de novembre.

Dans son ensemble, la croissance des économies émergentes baisserait légèrement en 2024 : 4,1 % contre 4,3 % en 2023. Cette baisse est largement liée au ralentissement chinois. La croissance résisterait dans les autres pays émergents de l’Asie, et notamment en Inde, même si ce dynamisme sera insuffisant pour prendre le relais de la croissance du géant chinois. L’Amérique latine, elle souffrirait d’un environnement financier contraignant.

8 Tableaux généraux

Tableau 2. Croissance du PIB mondial
Evolution en % 2023 2024 2025
Allemagne −0.1 0.0 0.8
France 1.1 1.1 0.8
Italie 0.7 0.6 0.8
Espagne 2.7 2.9 2.2
Zone euro 0.5 0.7 1.2
Royaume-Uni 0.3 0.9 1.2
Etats-Unis 2.9 2.5 1.6
Japon 1.7 0.0 1.2
Pays industrialisés 1.6 1.5 1.5
Chine 5.2 4.7 4.4
Pays émergents et en développement 4.3 4.1 4.0
Monde 3.3 3.1 3.0
Note : pondération selon le PIB et les PPA de 2019 estimés par le FMI.
Sources : FMI, OCDE, sources nationales, calculs et prévisions OFCE octobre 2024.
[an error occurred while processing this directive]
Tableau 3. Principales hypothèses de taux de change, taux d’intérêts et de prix matières premières.
2024
2025
2023
2024
2025
T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4
Taux de change
1 euro=...$ 1,08 1,07 1,10 1,12 1,15 1,15 1,16 1,17 1,08 1,09 1,16
1 $=...Yen 151,6 161,4 146,2 145,0 140,0 140,0 140,0 140,0 142,1 151,1 140,0
1 £=...euros 1,17 1,18 1,20 1,18 1,16 1,15 1,15 1,15 1,15 1,18 1,15
Taux d'intérêt directeurs des banques centrales
Etats-Unis 5,50 5,00 5,00 4,75 4,50 4,25 4,00 3,75 5,44 5,06 4,12
Japon 0,10 0,25 0,25 0,25 0,50 0,50 0,50 0,75 −0,05 0,21 0,56
Zone euro 4,00 3,75 3,50 3,25 3,00 2,75 2,50 2,25 3,62 3,62 2,62
Royaume-Uni 5,25 5,00 5,00 4,75 4,75 4,50 4,25 4,00 5,19 5,00 4,38
Matières premières
Prix du pétrole, Brent, en $ 82,9 84,6 79,8 80,0 80,0 80,0 80,0 80,0 82,5 81,8 80,0
Prix du pétrole, Brent, en € 77,0 78,8 72,3 71,4 69,6 69,6 69,0 68,4 76,4 74,8 69,1
Source: Prévisions OFCE octobre 2024.
Pour les valeurs annuelles, moyennes sur l’année.