PLF/SS 25
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LS 25
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Mds € | %PIB | Mds € | %PIB | |
Ménages | 6,5 | 0,2 | 5,2 | 0,2 |
Hausse des taxes sur l'électricité et gaz (sortie des boucliers, hausse des accises…) | 4,1 | 0,1 | 2,2 | 0,1 |
Contribution exceptionnelle sur les hauts revenus | 2,0 | 0,1 | ||
Mesures loueurs non professionnels | 0,2 | 0,0 | ||
Autres | 0,2 | 0,0 | ||
Non indexation bareme de l'IRPP | 3,0 | 0,1 | ||
Entreprises | 20,6 | 0,7 | 0,6 | 0,0 |
Hausse des taxes sur l'electricité et gaz (sortie des boucliers, hausse des accises…) | 2,2 | 0,1 | 1,6 | 0,1 |
Contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises | 8,0 | 0,3 | ||
Fiscalisation des rachats d'action | 0,2 | 0,0 | ||
Reprofilage des exonérations de cotisations patronales (effet net) | 4,0 | 0,1 | ||
Hausse fiscalité apprentis et Jeunes Entreprises Innovantes (CSG et cotisations) | 1,0 | 0,0 | ||
Taxe exceptionnelle sur le fret maritime | 0,5 | 0,0 | ||
Suspension réduction de la CVAE | 0,0 | 0,0 | −1,0 | 0,0 |
Autres (versement transport, hausse taux de cotisation fonction publique hospitalière et territoriale…). | 4,7 | 0,2 | ||
Mesures nouvelles en PO | 27,1 | 0,9 | 5,8 | 0,2 |
Source : RESF du PLF 2025, LS 2025, calculs OFCE. |
1 La censure du 4 décembre 2024
1 Selon les nouvelles règles budgétaires européennes (2024), la France devrait fournir un effort budgétaire structurel primaire de 0,8 point de PIB par an, sur plusieurs années. L’ajustement budgétaire impliqué par les PLF/PLFSS 2025 était donc supérieur au niveau minimum demandé par les traités européens (frontloading), autorisant ultérieurement des ajustements moindres.
Le 4 décembre 2024, le vote de la motion de censure a entraîné la chute du gouvernement, rendant impossible l’adoption d’une Loi de Finances pour 2025 avant la fin de l’année 2024. Selon notre dernière prévision, publiée le 16 octobre, la politique budgétaire issue du Projet de Loi de Finances 2025 (PLF 2025) devait assurer un fort ajustement budgétaire de 1,5 point de PIB (OFCE (2024)). L’ampleur de la consolidation était justifiée par deux années successives de dérapage marqué du déficit public. En outre, cet ajustement s’inscrit après la mise sous Procédure de Déficit Excessif de la France par le Conseil de l’Union Européenne au cours de l’été 20241. Avec un impact sur le PIB de -0,8 point lié à la seule politique budgétaire, nous anticipions, à l’automne 2024, une croissance du PIB de 0,8 % pour 2025. Le déficit public était attendu à -5,3 % du PIB en 2025 (après -6,1 % en 2024) et la dette publique à 115,1 % du PIB (après 112,9 % en 2024).
Pour garantir la continuité de l’État, le bon fonctionnement des services publics, la possibilité de prélever les impôts et le recours à l’endettement pour l’État et les administrations publiques, une Loi spéciale « article 45 » été adoptée par l’Assemblée Nationale le 11 décembre et le Sénat le 16 décembre 2024 et promulguée le 21 décembre 2024. Cet outil juridique n’autorise pas l’exécutif à modifier la politique économique mais ne dispense pas le gouvernement de présenter un nouveau budget en début d’année 2025 et de le faire adopter par les Assemblées. De plus, un tel budget, au moins pour le volet recettes doit être réalisé rapidement s’il ne veut pas se heurter au principe de non rétroactivité de l’impôt. Mais le contenu est difficile à prévoir en raison de l’instabilité politique actuelle. La France se trouve ainsi dans une situation d’incertitude historique concernant sa politique économique qui a des répercussions sur l’activité (Sampognaro, 2024).
Si la Loi spéciale est exempte de tout choix politique, elle n’est pas sans incidence budgétaire ou sans effets de bord. Ce travail analyse ainsi les conséquences économiques et budgétaires de cette Loi spéciale pour 2025, en comparaison avec le Projet de Loi de Finances 2025 (PLF 2025 ). Cela suppose implicitement que la Loi spéciale soit adoptée pour l’ensemble de l’année 2025 sans vote d’une nouvelle Loi de Finances. Or, cette Loi spéciale est donc censée être transitoire, le temps d’adopter une Loi de Finances. Son maintien pendant l’année 2025 poserait un certain nombre de problèmes et n’écarterait pas le risque d’une falaise budgétaire (semblable au shutdown américain) sans décisions politiques2. Si cet exercice de comparaison entre le PLF 2025 et la Loi spéciale est important pour cadrer les réflexions à venir sur les enjeux économiques et budgétaires, il est une analyse technique et n’est pas une prévision actualisée.
2 En effet, la reconduction des crédits de l’année précédente n’est pas compatible avec des engagements contractuels comme la hausse mécanique de la masse salariale, les dépenses de guichets ou les loyers payés. Le risque est donc de se retrouver en cours d’année à avoir consommé tous les crédits et donc de ne plus pouvoir honorer les engagements de l’État, ce qui peut théoriquement conduire à une « falaise budgétaire ». Seule une Loi de Finances permet de sortir de cette impasse.
2 Une profonde modification de l’ajustement budgétaire dans son ampleur et sa répartition
La politique budgétaire inscrite dans le PLF 2025 impliquait un ajustement budgétaire structurel primaire de 1,5 point de PIB pour l’année 2025 dont 0,9 point de PIB devait venir des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires (PO) et 0,6 point de PIB de l’effort sur la dépense publique (tableau 1, tableau 2 et tableau 3).
La Loi spéciale empêche de prendre des mesures nouvelles aussi bien sur les PO que sur les dépenses publiques. Ainsi, les PO de 2025 seraient inchangés par rapport à 2024 (à l’exception des mesures fiscales votées dans les Lois de Finances antérieures et qui s’appliquent en 20253). Mais l’essentiel des effets budgétaires passe par la dépense, le principe général étant que les dépenses de l’État soient gelées en valeur, tandis que les autres dépenses, celles des administrations de sécurité sociale et des collectivités locales, ne sont pas directement concernées par la Loi spéciale. Sans mesures correctrices, ces dépenses évolueraient selon leur trajectoire naturelle et spontanée. Du côté des prélèvements, le maintien à l’identique de la législation fiscale conduirait en revanche au gel du barème de l’impôt sur le revenu (IRPP) et à une hausse implicite du poids de l’IRPP dans le revenu des ménages en raison de la non indexation du barème sur l’inflation. En outre, la sortie du bouclier tarifaire ayant été déjà programmée, la TIFCE retrouverait son taux normal d’avant crise, conduisant à un hausse de la taxe en 2025 par rapport à 2024. La CVAE devrait baisser en 2025 alors que le PLF avait suspendu cette baisse.
3 C’est le cas de l’accise sur l’électricité (TICFE) qui pour laquelle une minoration exceptionnelle a été voté du 1er févier 2022 au 31 janvier 2025.
Pour résumer, la Loi spéciale nous conduit à retenir les hypothèses suivantes :
Stabilité des taux de PO en 2025, sauf pour l’IRPP (dont le taux apparent augmente en raison de la non indexation des barèmes) et hausse de la TICFE en lien avec la programmation de sortie du bouclier tarifaire en février. En revanche, la CVAE baisserait pour les entreprises alors que sa réduction avait été suspendue ;
Gel en valeur des dépenses primaires de l’État et évolution spontanée des dépenses des administrations de sécurité sociale et des collectivités locales.
Les PO (tableau 1), qui étaient attendus en hausse de 27,1 milliards d’euros (0,9 point de PIB) en 2025 dans le PLF 2025, n’augmenteraient plus que de 5,8 milliards d’euros (0,2 point de PIB) dans le cadre de la Loi spéciale, 3 milliards d’euros (0,1 point de PIB) provenant du gel du barème de l’IRPP (Madec, 2024a), le reste étant lié à la sortie du bouclier tarifaire.
Du côté des dépenses publiques (tableau 2), l’ajustement structurel primaire était attendu à hauteur de -0,6 point de PIB dans le cadre du PLF 2025 avec la mise en place d’un certain nombre de mesures d’économie sur les différents champs de la dépenses publique. Selon nos calculs, ce chiffre passerait à -0,15 point de PIB avec la Loi spéciale malgré le gel des dépenses de l’État en valeur. En effet, par rapport au PLF 2025, la Loi spéciale est plus restrictive sur le champ des dépenses de l’État, avec un ajustement structurel primaire de 15,9 milliards d’euros (0,5 point de PIB) contre 9,2 milliards d’euros prévus dans le PLF (0,3 point de PIB). En revanche, le PLF 2025 prévoyait près de 15 milliards d’euros d’économies sur les dépenses sociales par rapport à leur trajectoire spontanée. Or, les pensions de retraite seraient indexées — contrairement à ce qui était prévu dans le PLFSS — en janvier 2025 et augmenteraient de 2,2%.
De plus les évolutions démographiques impliquent une hausse tendancielle encore plus importante (atteignant +3,3 % selon nos calculs réalisées sur la base du PLFSS et de notre évaluation de l’effet de la réforme de l’indexation des pensions). Par ailleurs, la progression des dépenses en santé (sur le champ de l’Ondam) ne serait plus limitée par les mesures prévues dans le PLFSS 2025 et devrait progresser comme son tendanciel (à +4,7 % selon le PLFSS 2025). Ainsi, les dépenses de sécurité sociale augmenteraient de 0,3 point de PIB (potentiel) en 2025 alors qu’elle devait baisser de -0,2 point dans le PLF. Enfin les collectivités locales qui devaient être mises à contribution à hauteur de 5 milliards d’euros dans le PLF ne le sont plus dans la Loi spéciale. Globalement, en incluant les mesures en PO, l’effort budgétaire structurel primaire serait théoriquement de 11 milliards d’euros (0,4 point de PIB) en 2025 dans la Loi spéciale contre 45,4 milliards d’euros (1,5 points de PIB) dans le PLF 2025.
PLF/SS 25
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LS 25
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Mds € | %PIB | Mds € | %PIB | |
Etat | −9,2 | −0,3 | −15,9 | −0,5 |
Réduction politique de l'emploi (apprentissage…) | −2,1 | −0,1 | ||
Réduction aides aux entreprises | −2,4 | −0,1 | ||
Recalibrage aides écologiques | −1,9 | −0,1 | ||
Autres | −2,8 | −0,1 | ||
Gel des dépenses des administrations centrales en valeur | −15,9 | −0,5 | ||
Sécurité Sociale | −5,4 | −0,2 | 9,4 | 0,3 |
Désindexation des retraites | −3,6 | −0,1 | ||
Freinage ONDAM (ticket moderateur, indemnités journalières…) | −3,8 | −0,1 | ||
Réduction du déficit des retraites des fonctionaires territoriaux et hospitaliers | −2,3 | −0,1 | ||
Autres (assurance-chômage…) | −5,1 | −0,2 | ||
Evolution spontanée des dépenses de Sécurité Sociale (retraitres, santé…) | 9,4 | 0,3 | 9,4 | 0,3 |
Collectivités locales | −3,7 | −0,1 | 1,3 | 0,0 |
Réduction du FCTVA et écretement dynamique TVA | −2,0 | −0,1 | ||
Autres (mécanisme de résilience des finances locales…) | −3,0 | −0,1 | ||
Evolution spontanée des dépenses des collectivités locales | 1,3 | 0,0 | 1,3 | 0,0 |
Mesures structurelles sur dépenses primaires | −18,3 | −0,6 | −5,2 | −0,2 |
Source : RESF du PLF 2025, LS 2025, calculs OFCE. |
Au-delà de la différence significative d’ajustement budgétaire (1,1 point de PIB) entre le PLF 2025 et la Loi spéciale (tableau 3), il ressort à court terme des évolutions budgétaires et fiscales très différentes pour les ménages et les entreprises.
PLF/SS 25
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LS 25
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Mds € | %PIB | Mds € | %PIB | |
Mesures nouvelles en PO | 27,1 | 0,9 | 5,8 | 0,2 |
Mesures structurelles sur dépenses primaires | −18,3 | −0,6 | −5,2 | −0,2 |
Effort budgétaire structurel primaire | 45,4 | 1,5 | 11,0 | 0,4 |
Impact sur le PIB | −0,8 | −0,2 | ||
Les efforts en dépenses publiques sont calculées à partir de la croissance du PIB potentiel (1,3 % en 2025 en volume) Source : RESF du PLF 2025, LS 2025, calculs OFCE. |
Tout d’abord, les entreprises échapperaient à une hausse des PO de plus de 20 milliards d’euros en 2025 (0,7 point de PIB), avec notamment l’annulation de la contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises (8 milliards d’euros) ou le reprofilage des exonérations de cotisations patronales (4 milliards d’euros) et l’annulation de la suspension de la baisse de CVAE (1 milliard d’euros). En revanche, les ménages verraient une hausse de PO relativement similaire (0,2 point de PIB) dans la Loi spéciale (5,2 milliards d’euros) et le PLF (6,5 milliards d’euros) mais avec une composition différente. L’impôt sur le revenu augmenterait plus que prévu dans la Loi spéciale (3 milliards d’euros) mais les taxes sur l’électricité seraient moins élevées (pour 1,9 milliard d’euros) et les plus aisés échapperaient à la contribution exceptionnelle sur les plus hauts revenus (2 milliards d’euros).
Du côté des dépenses publiques, les aides aux entreprises, les aides écologiques ainsi que celles pour l’embauche d’apprentis ne seraient pas réduites (6,5 milliards d’euros) dans la loi spéciale et les efforts budgétaires porteraient donc sur d’autres postes de la dépense d’Etat (la commande publique et l’investissement notamment, la masse salariale dans une moindre mesure). En revanche, l’ensemble des retraités verront leur pension pleinement revalorisée au 1er janvier 2025 alors que le PLFSS prévoyait une revalorisation à partir de juillet seulement pour une économie budgétaire de 3,6 milliards d’euros. Enfin, l’annulation du PLFSS supprime l’ONDAM et les mesures d’économies attendues sur les médicaments, le ticket modérateur ou les indemnités journalières.Enfin, les aides exceptionnelles aux agriculteurs ou à la Nouvelle-Calédonie pour 2025 ne peuvent être activées en l’absence d’une Loi de Finances.
3 Quel impact de la censure sur le niveau de vie des ménages ?
Pour les ménages, la censure du gouvernement de Michel Barnier s’est traduite, à court terme, par l’abandon d’une part des mesures d’augmentations d’impôts inscrites dans le projet de loi de finances pour 2025 (contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, surtaxes sur l’électricité (Madec, 2024b), …) et d’autre part, par des mesures de baisse des dépenses publiques inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 et notamment le décalage de revalorisation des pensions de retraites de base (Madec, 2024c).
Cependant, en année pleine et toutes choses égales par ailleurs, la reconduction de la législation en vigueur 2024 devrait impacter négativement le niveau de vie des ménages sous l’effet de deux mesures: le gel (temporaire ?) du barème de l’impôt sur le revenu (3 milliards d’euros (Madec, 2024a)) et la fin programmée du bouclier tarifaire sur l’électricité et le gaz (2,2 milliards d’euros).
Les effets redistributifs de ces hausses de prélèvements sont simulées à l’aide du modèle de micro-simulation Ines, développé conjointement par l’Insee, la Drees et la Cnaf, mis à disposition en source ouverte, et dont la dernière version reproduit la législation socio fiscale de 2022, et à partir des données de l’enquête Budget de famille de 2017, ainsi que des données issues de la comptabilité nationale pour 2023.
Les dépenses énergétiques étant globalement croissantes avec le niveau de vie des ménages, la fin du bouclier tarifaire4 devrait se traduire par une hausse des dépenses énergétiques TTC de l’ordre de 40 euros par an pour l’ensemble des ménages, et donc un peu plus plus pour les ménages appartenant aux 5% les plus aisés.
4 Le PLF pour 2025 prévoyait la fin du bouclier tarifaire, l’arrêt de la TVA à taux réduit sur les abonnements d’électricité et de gaz ou encore la hausse des accises sur l’énergie. Au total, ces mesures devaient engendrer des gains budgétaires de l’ordre de 4 milliards d’euros soit près de deux fois plus que ceux générés par la seule fin du bouclier tarifaire prévue dans la loi spéciale.
Le gel du barème de l’impôt sur le revenu devrait entraîner l’entrée dans l’impôt sur le revenu de près de 400 000 ménages. Ces ménages sont des ménages se situant au centre de la distribution des niveaux de vie, c’est-à-dire des ménages n’appartenant ni aux 30% les plus modestes, ni aux 20% les plus aisés. En cas de gel, les ménages proches du niveau de vie médian perdraient entre 50 et 100 euros par an par rapport à une situation d’indexation « usuelle », soit entre 0,2% et 0,3% de leur niveau de vie annuel. Ces pertes dépasseraient les 250 euros pour les 15% de ménages les plus aisés (les trois derniers vingtièmes) avec un effet légèrement régressif en pourcentage du niveau de vie en fin de distribution. Autrement dit, au sein des ménages les plus riches, les plus aisés seraient relativement moins affectés que les autres, en raison de la faible progressivité de l’impôt dans les tranches les plus élevées. Au total, environ 18 millions de ménages verraient leur impôt sur le revenu augmenter par rapport à une situation d’indexation sur l’inflation.
Nous comparons dans un second temps les effets anticipés (en année pleine) des mesures impactant les ménages au sein de la Loi spéciale avec celles prévues initialement dans le Projet de loi de finances pour 2025 présenté en octobre à l’Assemblée Nationale. Selon nos estimations, la reconduction du budget de 2024 à travers la mise en application de la Loi spéciale, entraînerait une moindre mise à contribution de l’ensemble des ménages. En plus des ménages retraités, les « gagnants » de l’abandon du projet de loi de finances sont à rechercher dans le haut de la distribution des niveaux de vie.
En effet, le renoncement à la création d’une contribution différentielle sur les hauts revenus devrait soutenir le revenu disponible des ménages appartenant au 5% les plus aisés d’un montant de l’ordre de 1 300 euros en moyenne par ménage. Au sein de ces 5% de ménages, seule une infime minorité devrait dans les faits profiter de la mesure puisque la contribution exceptionnelle ne devait concerner que les ménages déclarant plus de 250 000 euros par an pour un célibataire, veuf, séparé ou divorcé et 500 000 euros par an pour les couples sous imposition commune soit les 75 000 foyers fiscaux les plus aisés.
4 Impact sur le déficit et la dette publics
Dans le cadre de la Loi spéciale, nous nous attendons théoriquement à un effort budgétaire structurel primaire de +0,4 point de PIB en 2025 (contre +1,5 point de PIB dans le PLF 2025). Au regard des multiplicateurs budgétaires à court terme, la Loi spéciale réduirait la croissance de -0,2 point de PIB (contre -0,8 point dans le PLF 2025).
En supposant que la motion de censure et la Loi spéciale n’aient pas d’effets négatifs induits sur la croissance (hausse des primes de risque et du coût de refinancement, accroissement de l’incertitude et des comportements de précaution des entreprises et ménages conduisant à moins d’investissement, d’embauches et à plus d’épargne), le déficit public que nous attendions à -5,3 % du PIB en 2025 avec le PLF passerait à -6,1 % du PIB5 malgré une croissance du PIB plus élevée (de 0,8 % à 1,4 %) en raison de la moindre consolidation budgétaire . En revanche, si le surplus de croissance attendu en 2025 en raison de l’impact moins négatif de la politique budgétaire était annulé par les effets négatifs cités plus haut, le déficit public serait de -6,4 points du PIB avec une croissance à 0,8 % en 2025. Sans mesures nouvelles, le déficit serait donc attendu entre -6,1 % et -6,4 % du PIB en 2025 (tableau 4).
5 Le déficit budgétaire structurel primaire se creuserait de -1,1 point de PIB par rapport à celui qui était attendu dans le PLF 2025 mais le surplus de croissance de 0,6 point de PIB permet d’améliorer le solde public conjoncturel de +0,3 point de PIB. Dans le scénario à croissance inchangée (0,8 %), il n’y a pas de gain sur le solde conjoncturel. A noter que dans tous les scénarios (PLF ou Loi spéciale), que la charge d’intérêts augmente, que l’élasticité des recettes fiscales est inférieure à l’unité et que le financement lié au Plan de relance européen s’éteint progressivement (pour plus de détails, voir partie sur les Finances publiques de la Prévision France d’octobre 2024).
PLF/PLFSS 2025
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LS 2025
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OFCE oct. 24 | Sans effets négatifs induits | Avec effets négatifs induits | |
Déficit public | −5,3 | −6,1 | −6,4 |
Dette publique | 115,1 | 115,3 | 115,9 |
Croissance du PIB | 0,8 | 1,4 | 0,8 |
En point de PIB Source : RESF du PLF 2025, calculs OFCE |
5 Des accords a minima pour 2025 ?
Le vote de la Loi spéciale n’épuisera pas le débat budgétaire pour 2025.
Tout d’abord, il reste difficile de cerner quel pourrait être le contenu minimal d’une politique économique qui assure la continuité de l’action publique, au-delà de la seule Loi spéciale qui fait office de transition le temps d’adopter une Loi de Finances.
Par exemple, le gel des dépenses de l’État en valeur n’est pas tenable sur l’année sans arbitrage politique fort sur les enveloppes budgétaires, en raison de la progression mécanique de la masse salariale (à emploi constant) et les aides de guichet qui ne peuvent être contrôlées sans mesures spécifiques. Dans le cas d’un gel, en volume et non en valeur, de la dépense de l’État, l’ajustement budgétaire du côté de l’État ne serait plus, dans ce cas, de 15,9 milliards d’euros (-0,5 point de PIB) mais de 6,5 milliards d’euros (-0,2 point de PIB). A cela s’ajoute la possible réindexation du barème de l’IRPP (3 milliards d’euros, soit 0,1 point de PIB) et le déblocage des aides aux agriculteurs et à la Nouvelle Calédonie (plus de 500 millions d’euros) auxquelles s’ajouteront certainement celles pour Mayotte. En intégrant ces mesures consensuelles et relativement crédibles au regard du fonctionnement de l’État, cela conduirait à avoir une consolidation budgétaire nulle en 2025 au lieu de -0,4 point de PIB dans la Loi spéciale et -1,5 point dans le PLF 2025.
Dans tous les cas, l’ajustement budgétaire théorique n’est pas compatible avec les nouvelles règles budgétaires européennes qui imposent, dans le cadre de la procédure pour déficit excessif, un effort structurel primaire (i.e. hors charges d’intérêt) d’au moins 0,8 point de PIB en 20256. Afin de garantir le respect des traités et inscrire un début de redressement de comptes publics, le gouvernement devra donc certainement trouver entre 20 et 25 milliards d’euros pour 2025. Certaines mesures, comme la taxe exceptionnelle sur les grandes entreprises, la hausse de la fiscalité sur les hauts revenus, la réduction des aides à l’apprentissage et la mise à contribution des collectivités locales pourraient bien revoir le jour dans les semaines à venir… mais pour cela la France a besoin d’adopter une Loi de Finances !
6 D’après les nouvelles règles du Pacte de Stabilité et de Croissance (voté en 2024 par le Parlement Européen et qui s’applique au 1er janvier 2025), les pays en procédure de déficit excessif doivent retourner à un déficit en deçà de 3% du PIB en 4 ans. Lorsque le pays s’engage à faire des réformes structurelles ou des investissements augmentant la croissance potentielle, ce délai peut être augmenté de 3 ans. La réduction du déficit est donc considérée en moyenne, mais en demandant une réduction plus importante au début de la période (frontloading) afin d’accroître la crédibilité du plan de redressement des comptes publics. La réduction de 0,8% du PIB correspond donc à un engagement implicite de réformes structurelles et d’investissement, peu crédible dans le climat actuel.