1 Pétrole : un baril de Brent autour de 80 dollars
Alors que le prix du baril de Brent évoluait en moyenne mensuelle entre 80 et 90 dollars le baril depuis janvier 2024, les prix ont baissé en septembre 2024, passant même sous la barre des 70 dollars. Deux facteurs expliquent cette baisse: la crainte renouvelée d’une récession américaine et le recul de la demande chinoise, notamment lié à la crise immobilière. Ainsi, le recul de la consommation de pétrole en Chine atteint 5,9 % entre février et août 2024, alors que le pays représente 15 % de la consommation mondiale de pétrole brut. Ces facteurs de demande ont contribué à la baisse des cours et ont prévalu malgré trois facteurs conjoncturels haussiers: la poursuite du conflit à Gaza, la baisse des stocks de pétrole américains et les ruptures d’approvisionnement en Libye sur fond d’affrontement politique. A partir de fin septembre, en revanche, la crainte d’une riposte israélienne contre les installations pétrolières en Iran a provoqué une hausse des cours, portant le cours du baril de Brent à 80 dollars mi-octobre.
En l’absence d’escalade des tensions entre Israël et l’Iran (notre hypothèse centrale), nous inscrivons en prévision une stabilisation du prix du baril, qui se stabiliserait autour de 80 dollars au dernier trimestre 2024 et en 2025 (graphique 1). Ainsi, le cours du Brent devrait retrouver le niveau moyen de la période 2010-2019.
Du côté de l’offre, l’OPEP+ s’est fixé une cible de production inférieure de 5,86 Mbj au quota (très élevé) d’août 2022. Les coupes comprennent deux volets: des réductions de 3,66 Mbj dont l’expiration était prévue pour fin 2024 et a été reportée fin 20251, ainsi que des réductions volontaires par huit membres de l’OPEP+ d’un volume de 2,2 Mbj dont l’expiration était prévue fin juin 20242. Lors de la réunion du 5 septembre 2024, cette date a été repoussée à fin novembre 2024. Par ailleurs, il a été décidé que l’OPEP+ annulerait progressivement ces coupes volontaires de 2,2 millions de bpj entre décembre 2024 et septembre 2025.
1 Alors que ces réductions devaient initialement s’achever fin 2024, la décision de l’OPEP du 2 juin 2024 a prolonger ces réductions d’un an.
2 Sont concernés par ces réductions volontaires cinq pays de l’OPEP (Arabie Saoudite, Irak, Emirats arabes unis, Koweït, Algérie) et trois pays hors OPEP (Russie, Kazakhstan, Oman).
Ces décisions se traduiraient par une baisse de production annuelle de 0,2 Mbj en 2024 pour les pays de l’OPEP, puis une augmentation de 0,7 Mbj en 2025. L’essentiel de la croissance de l’offre continuerait à provenir des producteurs non OPEP en 2024 et 2025, notamment les Etats-Unis, le Canada, le Brésil et le Guyana. Parallèlement, la consommation mondiale devrait croître seulement de 1,5 % en 2024 – dont 2,2 % dans les pays de l’OCDE et 0,6 % dans les pays hors OCDE -, du fait d’une croissance mondiale modérée (+3,0 %) et d’une poursuite de la baisse de l’intensité énergétique. En 2025, la demande croîtrait de 1,3 % en moyenne, et l’offre équilibrerait la demande.
2 Gaz naturel : l’écart Europe/États-Unis perdure
Sur le marché européen du gaz naturel (TTF), alors que les prix sur les contrats à terme avaient été divisés par 4,8 entre 2022 et le premier trimestre 2024, ils ont progressé entre février et septembre 2024, passant de 26 à 36 euros/Mwh. Ainsi, les prix en septembre 2024 retrouvent les niveaux de septembre 2023. Cela s’explique par une relative stabilité de l’offre3 et une progression dynamique de la demande de gaz au premier semestre 2024 (+3 % en glissement annuel, un taux supérieur à la moyenne historique). Bien que cette croissance de la demande concerne à 60 % l’Asie (Chine et Inde notamment), la concurrence avec l’Europe pour les importations de GNL contribue à la hausse des cours.
3 Notons que le commerce du GNL s’est pratiquement interrompu dans la mer Rouge depuis début 2024.
En prévision, pour le deuxième semestre 2024, nous anticipons une légère baisse du prix du gaz en Europe, en raison de trois facteurs: une modération de la croissance de la demande de gaz, une accélération de l’offre de GNL avec l’entrée en service de nouvelles capacités de liquéfaction, et un remplissage record des stocks de gaz à 94 % fin septembre 2024. Pour l’année 2025, nous anticipons une faible croissance de l’offre de gaz naturel et une stagnation de la demande européenne. La demande extra-européenne devrait rester soutenue, ce qui limitera la quantité de gaz disponible pour l’Europe. En conséquence, le prix du gaz devrait se stabiliser autour de 30 euros/MWh en 2025. Le différentiel avec le prix Henry Hub du gaz américain perdurerait : en 2025, le prix au comptant du gaz américain serait toujours plus de trois fois plus faible que le prix sur le marché européen.
3 Un lent reflux de l’IPC énergie
L’IPC énergie reflue lentement aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en zone euro. En août 2024, par rapport au pic de 2022, l’IPC énergie recule de 4,7 % en zone euro, contre 7,1 % aux États-Unis et 13 % au Royaume-Uni. En termes de niveau, c’est en zone euro que la composante énergie de l’IPC a progressé le plus fortement entre 2019 et août 2024 : 37,5 % en zone euro, contre 28,6 % aux Etats-Unis et 30,7 % au Royaume-Uni (graphique 2).
La décomposition de l’IPC énergie entre « carburants et lubrifiants pour véhicules » d’une part, et « gaz, électricité et autres combustibles » d’autre part montre que c’est cette dernière composante qui contribue au différentiel d’inflation énergétique entre l’Europe et les États-Unis. En prenant comme point de référence le dernier trimestre 2019, l’IPC des « carburants et lubrifiants pour véhicules », directement lié au marché prix du pétrole mondial, se situe à des niveaux comparables en zone euro, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis au deuxième trimestre 2024, même s’il a connu un pic plus élevé aux Etats-Unis (graphique 3). A contrario, sur la même période, l’IPC « électricité, gaz et autres combustibles » a crû deux fois plus en zone euro et au Royaume-Uni qu’aux États-Unis, en raison de la fragmentation des marchés du gaz, et de la forte dépendance de l’Europe au gaz russe. Cet écart de prix du gaz naturel et de l’électricité explique donc une partie de la divergence entre les continents européen et américain.