La croissance à l’épreuve du redressement budgétaire

Perspectives 2024-2025 pour l’économie française

conjoncture
déficit public
politique budgétaire
politique monétaire
taux souverain
inflation
France
Autrices, auteurs & résumé
Par
Affiliations
Mathieu Plane
Elliot Aurissergues
Bruno Coquet
Magali Dauvin
Elsa Feltz
François Geerolf
Eric Heyer
Ombeline Jullien de Pommerol
Pierre Madec
Raul Sampognaro
Publié le

16 octobre 2024

Modifié le

21 novembre 2024

Résumé

La prévision de l’OFCE de la croissance du PIB est de 1,1% pour l’année 2024 et de 0,8% pour l’année 2025. Les conséquences des chocs violents connus par l’économie française s’estompent progressivement comme le montre le ralentissement de l’inflation qui s’étabilirait à 1,5% en moyenne sur l’année 2025. Ceci autorise la Banque Centrale Européenne à réduire les taux d’intérêt ce qui serait un soutien à l’activité en 2025, à hauteur de +0,4 point de PIB.
La dégradation du solde public, particulièrement mal anticipée, oblige à une restriction budgétaire massive dans un contexte politique instable. La réduction du déficit structurel réduirait l’activité économique de -0,8 point de PIB en 2025.

Graphique 1. France, principaux indicateurs économiques

L’année 2023 s’est terminée avec une croissance du PIB de la France de 1,1 % d’après les derniers comptes de l’Insee (30 août 2024, graphique 1), un rythme supérieur à la moyenne de la zone euro (0,5 %, graphique 2). Cette dynamique a permis à l’économie française de combler son retard d’activité par rapport à la zone depuis la crise Covid. Ainsi, à la mi-2024, le PIB de la France se situait 3,8 % au-dessus de son niveau d’avant crise (par rapport à 2019), soit un écart proche de celui de la moyenne de la zone euro (4,3 %), bien au-dessus de celui de l’Allemagne (0,2 %) mais loin derrière les Etats-Unis (12,5 %).

Graphique 2. PIB en écart à 2019

La croissance française atteindrait 1,1 % en moyenne annuelle en 2024. Cette révision à la hausse de 0,6 point de la croissance par rapport à notre prévision d’avril 2023 s’explique par trois éléments :

  1. Le premier concerne la trajectoire budgétaire très différente de celle qui était présenté dans le Programme de Stabilité en avril 2024. Bien que la croissance ait été très peu révisée au cours des différents exercices budgétaires et bien qu’elle soit très proche de celle prévue par Bercy, le déficit public a fortement dérapé par rapport aux prévisions. Il est ainsi attendu à 6,1 % en 2024, contre 5,1 % prévus initialement dans le Programme de Stabilité présenté au printemps de cette année (et 4,4 % dans le PLF 2024 ), en raison de mesures budgétaires annulées, à la suite de la dissolution, d’un important dérapage des dépenses des collectivités locales, ainsi que d’assiettes fiscales moins dynamiques que prévues. Cette différence d’impulsion budgétaire pour 2024 conduit à accroître le PIB de 0,5 point en 2024 par rapport à notre prévision de printemps.

  2. Le deuxième est lié à la révision des comptes pour l’année 2023, l’acquis de croissance pour 2024 a été relevé de 0,3 point de PIB (de 0,2 % à 0,5 %).

  3. Le troisième est lié à la dissolution, et l’incertitude concernant la politique économique nationale amputerait la croissance de -0,1 point en 2024 (voir encadré 2).

En 2025, la croissance française est attendue à 0,8 % malgré les effets positifs de la politique monétaire (+0,4 point de PIB lié à la baisse des taux d’intérêt), mais elle serait contrainte par la suppression de l’ensemble des boucliers tarifaires, et surtout par les nouveaux ajustements budgétaires prévus par le gouvernement Barnier l’année prochaine (estimés à 60 milliards d’euros par le gouvernement1).

1 Selon nos calculs (encadré 6), la baisse du déficit public structurel serait de -1,5 point de PIB en 2025 (ce qui correspond à 44 milliards d’euros), dont 0,3 point de PIB seraient liés à la fin des mesures exceptionnelles (fin des boucliers tarifaires et des mesures de relance). La répartition à l’ajustement structurel primaire se repartirait à environ 60/40 entre hausse des recettes et réduction des dépenses publiques

L’inflation baisserait en 2024 (2,0 % en moyenne après 4,9 % en 2023) et, avec 1,5 % en 2025, serait largement en-dessous de la cible de 2 %, notamment en raison de la décrue attendue des prix de l’électricité. Le retournement du marché du travail se poursuit en raison de la faible croissance de l’activité et du rattrapage partiel des pertes de productivité passées, ainsi que le moindre soutien des politiques de l’emploi et des baisses des exonérations de cotisations, conduisant à une hausse du taux de chômage à 8 % fin 2025 (hors effet de la réforme du RSA ) (contre 7,3% actuellement). Le taux d’épargne resterait élevé en 2024 mais diminuerait en 2025 avec la baisse de l’inflation et des taux d’intérêt, soutenant la consommation des ménages malgré un pouvoir d’achat en baisse l’année prochaine (-0,2 % après +1,1 % en 2024 par unité de consommation). Le déficit public atteindrait 6,1 % du PIB en 2024 et serait encore de 5,3 % du PIB malgré le programme d’ajustement budgétaire prévu.

1 Une croissance tirée par le commerce extérieur et les dépenses publiques

Au cours des quatre derniers trimestres, la croissance a crû de 1 %, en glissement annuel, un rythme légèrement supérieur à la moyenne de la zone euro. La dynamique des composantes de cette croissance est polarisée. D’un côté, elle a été principalement tirée par le fort redressement du commerce extérieur (contribution de 1,2 point de PIB), dont plus de 80 % s’explique par la baisse marquée des importations. Mais aussi par les dépenses publiques, que ce soit à travers la consommation ou l’investissement des administrations publiques (APU), qui ont participé à soutenir la croissance à hauteur de 0,5 point de PIB sur un an (graphique 3 ). Ce soutien public à la croissance, peu compatible avec un fort ajustement budgétaire, a eu pour contrepartie un creusement du déficit public par rapport à la trajectoire attendue dans le Projet Loi de Finances 2024. De l’autre côté, les dépenses des ménages n’ont quasiment pas contribué à la croissance depuis un an, en raison de la poursuite de la baisse de l’investissement immobilier et d’une consommation atone avec un taux épargne toujours élevé.

A noter que l’investissement des ménages a amputé le PIB de -0,9 point entre la mi-2022 et la mi-2024 sous l’effet notamment de la remontée des taux d’intérêts. Enfin, les dépenses des entreprises, que ce soit par l’investissement ou les stocks, ont réduit la croissance de -0,8 point de PIB au cours des quatre derniers trimestres.  En effet, après avoir connu une forte croissance entre la période post-Covid et la mi-2023, l’investissement des entreprises a baissé de -1,5 % en glissement annuel au 2e trimestre 2024. Le seul déstockage des entreprises a contribué à réduire la croissance de -0,7 point et a porté aussi bien sur les matériels de transport que sur les biens d’équipements et les autres produits industriels. Cet effet arrive après la période de restockage post-Covid mais l’ampleur du déstockage est inédit depuis la crise financière de 2009.

Graphique 3. Contribution des composantes à la croissance du PIB

Quatre ans et demi après la crise du Covid, il est intéressant de comparer la situation macroéconomique actuelle avec celle en sortie de crise des subprime. Cette dernière était, avant celle du Covid, le choc le plus important que l’économie française ait connu depuis l’après-guerre. Nous proposons donc d’analyser la variation des composantes du PIB, de la valeur ajoutée des principales branches de l’économie, et des comptes d’agents sur des temporalités comparables (i.e sur dix-huit trimestres après le trimestre de référence pré-crise), afin d’identifier les éventuelles similitudes et d’en tirer des enseignements sur l’efficacité du redressement post-Covid, par rapport à celui post-subprime.

Au deuxième trimestre 2024, soit dix-huit trimestres après le début de la crise du Covid, le PIB de la France s’établit à 3,7% au-dessus de sa niveau pré-crise. En comparaison, dix-huit trimestres après le déclenchement de la crise des subprime, le PIB n’était que de 0,8% supérieur à son niveau d’avant crise. La meilleure performance de la situation du PIB post-Covid est tout d’abord liée au dynamisme de la VA des services marchands, qui s’élève respectivement à 7,4% en 2024, contre seulement 2,9 % en 2012. A noter cependant qu’à très court terme, le choc était beaucoup plus important post Covid, la VA perdant plus de 15% de sa valeur en deux trimestres, là où post-subprime, la VA avait perdu « seulement » 4% de sa valeur, et cela, sur une année. Deuxièmement, une partie de cette meilleure performance s’explique par la moindre chute de la branche de la construction (-7,5 %) dans le contexte post-Covid, et ce malgré le choc inflationniste, la hausse des taux d’intérêt et l’intensification des tensions géopolitiques qui sont venus amoindrir sa reprise, du fait du renchérissement des coûts des matières premières et des problèmes de chaînes d’approvisionnement. La chute de la VA dans la construction a été plus de deux fois plus forte post subprime (-16 %). Elle s’était, elle, totalement effondrée dès le premier trimestre, et avait connu une baisse progressive et continue dans le temps, due au durcissement des conditions d’attribution des crédits et à une chute de la demande de logements. Quant à l’industrie, bien que n’ayant pas retrouvé son niveau d’avant crise au 2e trimestre 2024, elle est globalement moins affectée que lors de la crise des subprime. Elle s’établit en effet à -0.6 % sous sa valeur de pré-crise, contre -3.6 % à la même période post subprime. En revanche, les services non marchands ont, eux, moins soutenu la croissance en sortie de crise Covid (2,8 %) que dans le contexte post-subprime (6,8 %).

Du côté des composantes de demande du PIB, le niveau de la consommation totale (privée et publique) est relativement identique post-subprime et post Covid et contribue à améliorer le PIB de 3,3 points dix-huit trimestres après le début des deux crises. La différence se fait clairement sur l’investissement qui a subi une nette contraction post subprime (-7,7 %) alors qu’il se situe actuellement 1,3 % au-dessus de son niveau pré-Covid. De même, le commerce extérieur contribue actuellement positivement à la dynamique du PIB par rapport à la situation pré Covid (+0,8 point) alors qu’il amputait la croissance de -0,5 point de PIB dix-huit trimestres après la crise des subprime. Ces deux composantes expliquent un écart de plus de 3 points de PIB et laissent à penser que l’impact sur la croissance de long terme de la crise Covid serait inférieur à celui de la crise des subprime.

Tableau 1. Comparaisons des évolutions de certaines variables macroéconomiques après la crise des subprime et la crise Covid
Valeur ajoutée
Poste de la demande
PIB
Industrie Construction Services marchands Services non marchands Consommation privée Consommation publique Investissement Commerce Extérieur
Variation en %
Crise subprime −3,6 −16,0 2,9 6,8 2,7 8,1 −7,7
0,8
Crise Covid −0,6 −7,5 7,4 2,8 2,8 7,0 1,3
3,7
Contribution, en pts. de PIB
Crise subprime −0,4 −1,2 1,6 1,5 1,4 1,9 −1,8 −0,5 0,8
Crise Covid −0,1 −0,4 4,2 0,6 1,5 1,7 0,3 0,8 3,7
Sources : INSEE, calculs OFCE.
Note : crise des subprime : 2008 T1 - 2012 T3, crise Covid : 2019 T4- 2024 T2. <>brLecture : Les variations et les contributions sont calculées entre le trimestre de référence pré-crise et dix-huit trimestres après.

En ce qui concerne la situation financière des agents économiques, il est intéressant de noter qu’avant la crise du Covid et avant celle des subprime, la situation des agents économiques était très proche : les ménages avaient une capacité de financement identique, représentant 2,6 % du PIB, et les entreprises comprises entre 0,6 et 0,8 % du PIB. Les administrations publiques avaient un besoin de financement proche de 3% du PIB, et l’économie française avait un léger excèdent extérieur, de 0,3 % du PIB. Quatre ans et demi après le début des deux crises, le compte des agents est encore relativement similaire, avec toutefois quelques nuances. Tout d’abord, dans les deux cas, on observe une dégradation du solde public, de près de 2,5 points de PIB, le déficit public étant compris entre 5,3 et 5,5 points de PIB, en raison du creusement des output gap, mais aussi d’une dégradation du déficit structurel qui va au-delà des seules mesures de relance budgétaire. Si la situation en termes de déficit est relativement similaire, le niveau de dette publique est différent : de 91,3 % du PIB au 3ème trimestre 2012 contre 112 % au 2e trimestre 2024, même si dans le cas de la crise Covid elle a moins augmenté que durant celle des subprime (13,9 points de PIB contre 24,4 points) . Concernant les entreprises, elles ont des situations assez semblables à celles pré-crise et proches de l’équilibre, même si dans le cas des subprime, c’est en grande partie lié à la contraction de l’investissement, alors que durant la crise Covid le taux de marge des entreprises ne s’est pas détérioré. En sortie de crise du Covid, la situation extérieure est moins défavorable que pour celle des subprime. Elle était quasiment à l’équilibre à la mi-2024, après avoir connu une très forte dégradation, avec un creux à -2,5 points de PIB à la mi-2022, au moment du pic des prix de l’énergie. En revanche, dix-huit trimestres après le début de la crise des subprime, le déficit extérieur était de -0,9 point de PIB. Enfin, du côté des ménages, leur capacité de financement s’est fortement améliorée au cours des deux crises, mais de façon plus importante post crise Covid (5,5 % du PIB contre 4,1% après la crise des subprime). Cela s’explique par une sur-épargne des ménages français qui s’est installée depuis le choc Covid et qui n’est jamais revenue à son niveau pré-Covid. Ce phénomène de sur-épargne a été moins marqué durant la crise des subprime, et l’amélioration de la capacité de financement des ménages est passée par une baisse plus marquée de l’investissement des ménages. Ainsi, au 2e trimestre 2024, les ménages mettaient 17,9 % de leur revenu disponible brut de côté, là où ils n’en épargnaient que 15.9 % en sortie de crise des subprime.

Graphique 4. Besoins/capacités en financement

L’analyse comparative de la crise du Covid avec celle des subprimes permet de mettre en valeur un redressement économique plus favorable en 2024 qu’en 2012, même si concernant les comptes d’agents il existe un certain nombre de similitudes.

Il est important de noter cependant, qu’en 2012 une consolidation budgétaire avait déjà commencé pour rétablir les comptes publics, alors que celle-ci va « seulement » débuter en 2025, ce qui pourrait modifier les trajectoires économiques à venir. D’ailleurs, le spread de taux entre la France et l’Allemagne sur les obligations publiques à 10 ans, était de 0,75 point fin septembre 2012, soit exactement le même que celui de septembre 2024 (voir encadré 5). Avec des différences majeures cependant : un spread sur la pente descendante en 2012 alors qu’il est au contraire sur la pente ascendante aujourd’hui et aussi un niveau de taux nominal différent (3 % aujourd’hui contre 2,2 % en septembre 2012).

2 Un cadrage macroéconomique marqué par les évolutions du policy-mix

Selon nos évaluations (tableau 2), en raison des différents éléments qui affectent l’économie française, la croissance du PIB s’établirait respectivement en 2024 et 2025 à 1,1 % et 0,8 % alors que la croissance hors chocs2 aurait été de 1,5 % et 1,4 %.

2 La croissance hors chocs correspond à la croissance potentielle de 1,3 % en 2024 et 2025, à laquelle s’ajoute l’acquis de croissance (par rapport à la croissance trimestrielle potentielle) de -0,3 point en 2024 et -0,4 point en 2025 et la vitesse de fermeture de l’output gap de 0,5 point en 2024 et 2025.

Après deux années avec un effet très négatif, l’impact du choc énergie est désormais quasiment nul en 2024, même légèrement positif sur la croissance en 2025, et ce malgré la fin progressive du bouclier tarifaire. Cela est dû à la forte baisse des prix spot de l’énergie, notamment les prix de gros de l’électricité qui conduiront à des tarifs plus bas pour les consommateurs en 2025.

L’amélioration des chaînes de production entamée en 2023 continuerait à produire des effets positifs sur la croissance en 2024 (+0,2 point de PIB) mais davantage en 2025.

Si une remontée des tensions géopolitiques est apparue à la fin 2023 et en 2024 à la suite de l’attaque du 7 octobre 2023, réduisant la croissance française de -0,1 point en 2024, nous ne prévoyons pas de nouvelles dégradations en 2025. Bien sûr, un élargissement et une intensification des conflits, au Moyen-Orient ou en Ukraine modifieraient les conditions économiques mondiales, ce qui pèserait sur la croissance française. Mais désormais, l’incertitude politique n’est plus uniquement internationale puisqu’elle existe aussi au niveau national depuis la dissolution de l’Assemblée Nationale en juin 2024. A partir de la mesure d’un indice d’incertitude de politique économique pour la France, et en supposant que la situation mesurée par cet indicateur reste au même niveau que celle observée actuellement, nous estimons que cela amputera la croissance de -0,1 point de PIB en 2024 et de -0,2 point en 2025 (voir encadré 2).

Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris ont contribué à accroître la croissance annuelle du PIB de 0,1 point en 2024, en raison du pic d’activité au 3e trimestre. En revanche, cet effet, exceptionnel et non permanent, conduit à revenir au niveau de PIB hors JO en 2025, ce qui réduit la croissance du PIB de 0,1 point.

En raison des effets retardés de la montée des taux d’intérêt sur l’activité, compris entre 12 et 18 mois pour les effets pleins3, la hausse passée des taux4 conduirait à amputer la croissance de -0,6 point de PIB en 2024 (après -0,6 point en 2023). En revanche, dans un contexte d’inflation basse et maîtrisée, la poursuite de la baisse des taux directeurs de la BCE au rythme de -0,25 point par trimestre à l’horizon de la prévision aurait des effets positifs, de +0,4 point sur la croissance en 2025. A l’inverse, la politique budgétaire qui a soutenu la croissance en 2024 (+0,3 point de PIB) l’impacterait très négativement en 2025. La réduction du déficit structurel primaire de -1,2 point de PIB (hors retrait des mesures exceptionnelles) conduirait à réduire la croissance de -0,8 point de PIB en 2025 (@tip–plf). Ainsi, la nature du policy mix change complètement entre 2024 et 2025, passant d’un effet négatif de la politique monétaire et positif de la politique budgétaire en 2024 à une combinaison inverse en 2025. La somme de ces deux effets (hors retrait des mesures exceptionnelles) est évalué à -0,3 point de PIB en 2024 et -0,4 point de PIB en 2025.

3 Pour plus de détails, voir C. Blot et P. Hubert, 2018, « Une analyse de la contribution de la politique monétaire à la croissance économique », Revue de l’OFCE, n° 159.

4 Les canaux de transmission de la hausse des taux sur l’économie sont multiples : la hausse joue négativement sur l’investissement et la consommation des ménages à travers la hausse du coût du crédit hypothécaire ainsi que les effets sur la valeur du patrimoine et la dette immobilière. Du côté des entreprises, la hausse du coût du capital a un effet négatif sur l’investissement des entreprises.

Tableau 2. Evaluation de l’effet des différents chocs sur la croissance du PIB
En pts de PIB 2022 2023 2024 2025
Croissance hors chocs* 4.0 1.5 1.5 1.4
Choc approvisionnements −0.3 0.2 0.2 0.0
Variation des taux −0.1 −0.6 −0.6 0.4
Incertitude internationale et tensions géopolitiques −0.3 0.0 −0.1 0.0
Incertitude politique nationale

−0.1 −0.2
Impact Energie (choc et mesures) −0.3 −0.5 −0.1 0.1
Choc énergie −1.1 −0.7 0.3 0.5
Bouclier et mesures énergie 0.8 0.2 −0.4 −0.4
Mesures budgétaires (hors mesures temporaires) 0.1 0.0 0.3 −0.8
Effet centrales nucléaires (arrêt et rédemarage) −0.5 0.5 0.0 0.0
Effet JO

0.1 −0.1
Croissance observée et prévue 2.6 1.1 1.1 0.8
Note : La croissance hors chocs correspond à la croissance potentielle, plus la fermeture de l’output gap et l’acquis potentiel sur la croissance. Dans le détail, le choc énergie conduit à réduire la croissance du PIB de -1,1 point en 2022, -0,7 point en 2023 et l’augmenterait de 0,3 point en 2024 et 0,5 point en 2025, soit un effet cumulé de -1 point de PIB sur la période 2022-2025. La mise en place de mesures budgétaires spécifiques pour amortir ce choc énergie a eu un effet sur la croissance du PIB de 0,8 point en 2022, 0,2 point en 2023, -0,4 point en 2024 et -0,4 point en 2025, soit un effet cumulé de 0,2 point de PIB sur la période qui devrait s’annuler au-delà de 2025 en raison de l’extinction progressive des mesures budgétaires exceptionnelles.
Sources: Insee, prévisions OFCE octobre 2024.

La dissolution de l’Assemblée Nationale du 9 juin 2024 a ouvert une période d’incertitude politique dans l’Hexagone, qui n’a pas été résolue par le résultat des élections législatives des 30 juin et du 7 juillet. Si la formation d’un gouvernement de coalition minoritaire a pu atténuer l’incertitude, la pérennité de son action est loin d’être garantie, dans un contexte budgétaire tendu au moment même du vote de la Loi des Finances Initiale pour 2025 - alors qu’une procédure de déficit excessif a été initiée le 26 juillet dernier.

Afin d’analyser l’effet de la montée du risque politique sur les perspectives de croissance du PIB français nous avons utilisé les données d’incertitude de politique nationale issues des travaux de Baker, Bloom et Davis (2016)(a). Cet indice utilise les apparitions dans la presse américaine et française (Le Monde et Le Figaro) d’articles où on observe l’occurrence simultanée de mots en lien avec l’incertitude dans les principales politiques économiques en France(b).

Après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée Nationale l’indice d’incertitude politique de Baker et al. (2016) a fortement augmenté (graphique 5). Au 3e trimestre 2024 il s’établit à un niveau supérieur de plus de 50 % à sa valeur moyenne observée pendant la XVIe législature (allant de juin 2022 à juin 2024, où il y avait déjà un gouvernement minoritaire). Partant de la méthodologie de Sampognaro (2022)(c), nous avons développé un modèle statistique qui relie l’indice de risque politique national à quelques variables macroéconomiques importantes. Ainsi, l ’incertitude politique française, l’investissement des sociétés non financières, le PIB et le taux d’intérêt à 3 mois sont modélisés simultanément. En outre, l’effet exogène du prix du pétrole, du taux d’intérêt de court terme de la dette allemande et de l’incertitude politique en Europe est contrôlée(d).

Graphique 5. Indice d’incertitude de politique économique

Dans ce contexte, nous observons qu’un choc de risque politique a un effet significatif à la baisse sur l’investissement privé et le PIB et un effet haussier (mais non statistiquement significatif) sur le taux d’intérêt de court terme(e).

Selon ce modèle, l’impact du choc d’incertitude observé au 3e trimestre 2024 sur la croissance du PIB français serait de -0,1 point pour 2024 et de -0,2 point pour 2025. La croissance serait pénalisée en particulier par l’affaiblissement de l’investissement des sociétés non financières. En outre, un choc ponctuel sur l’incertitude politique génère une hausse, visible encore 8 trimestres après le choc d’incertitude politique, du taux d’intérêt national ce qui explique une certaine persistance des pertes de PIB. Le détail temporel de l’effet estimé du choc d’incertitude politique sur les principales variables macroécononomiques analysées est donnée dans le tableau 3.

Tableau 3. Effet estimé du choc de risque politique post-dissolution
Ecart au compte central (pt %) T3 2024 T4 2024 T1 2025 T2 2025 T3 2025 T4 2025
PIB −0,1 −0,2 −0,1 −0,2 −0,3 −0,4
FBCF des SNF −0,3 −0,3 −0,3 −0,3 −0,7 −1,1
Taux d'intérêt 0,0 0,1 0,1 0,3 0,2 0,2
Sources: Calculs OFCE.

(a) Scott R. Baker & Nicholas Bloom & Steven J. Davis, 2016. « Measuring Economic Policy Uncertainty, »The Quarterly Journal of Economics, President and Fellows of Harvard College, vol. 131(4), pages 1593-1636.

(b) Un article est recensé s’il porte simultanément des mentions en lien avec l’incertitude (présence des mots incertitude(s), incertain(s)) et avec des politiques économiques (économie, taxe(s), réglementation(s), déficit, …). La liste complète est disponible dans les annexes de l’article de Baker et al. (2016).

(c) Raul Sampognaro (2022), Guerre en Ukraine et hausse des tensions internationales: quel impact sur le PIB?, Revue de l’OFCE, n.178.

(d) Il est supposé qu’il n’y a pas de retroaction des variables françaises vers les variables internationales, ce qui peut être une hypothèse forte, notamment en ce qui concerne les variables européennes.

(e) Plus de détail dans l’étude spéciale associée à cette prévision.

Dans le détail de la dynamique infra-annuelle, nous prévoyons à court terme une croissance trimestrielle respectivement de 0,3 % et 0,0 % aux 3e et 4e trimestres 2024 (tableau 4). Cela résulte notamment des différentes informations conjoncturelles dont nous disposons. Le climat des affaires, après une chute brutale en juillet, reste en-dessous de sa moyenne de long terme et l’indice de confiance des ménages se redresse depuis un an mais reste toujours à des niveaux inférieurs à sa moyenne historique. A la fin août, l’acquis de croissance pour le 3e trimestre 2024 de la consommation des ménages en biens était de 0,2 % et celui de l’indice de production manufacturier de 0,6 %.

De plus, les immatriculations de véhicule neufs ont baissé de -7,1 % au 3e trimestre 2024 et de -11,3 % en glissement annuel.  Sur la base de l’ensemble des informations conjoncturelles, nous aurions prévu une croissance à 0 % au 3e trimestre. Mais, selon l’Insee, l’effet JO serait de 0,3 point de PIB au 3e trimestre5, dont une très large partie est due à la comptabilisation des ventes de billets et des droits télévisions en août. Or, cet effet d’enregistrement purement comptable ne peut être mesuré sur la base des enquêtes qui sont plus réceptives à l’activité en temps réel. C’est pourquoi nous avons un pic d’activité au 3e trimestre malgré des données conjoncturelles qui indiquent le contraire. Mais cet effet est temporaire et va se traduire par un reflux de la croissance au 4e trimestre 2024.

5 Insee (2024) « Du PIB, des jeux, des inconnues », Note de conjoncture, 9 juillet

Pour l’année 2025, l’activité serait principalement tirée par la consommation des ménages (+1,1% en 2025 après 0,6 % en 2024), la consommation publique (0,1 % en 2025 contre 1,5 % en 2024) étant au contraire un frein à la croissance en raison du plan d’ajustement budgétaire prévu. Le commerce extérieur poursuivrait son redressement, bien qu’à un moindre rythme qu’en 2024. En revanche, l’investissement des ménages continuerait à peser sur la croissance en 2025, même si la situation s’améliorait progressivement. Enfin, si la baisse des taux est une bouffée d’oxygène pour les entreprises et les ménages, leurs investissements restent cependant contraints par une demande relativement atone, et un pouvoir d’achat qui stagne. A cela s’ajoutent des mesures fiscales et budgétaires restrictives ainsi qu’une incertitude politique qui peuvent amener les agents economiques à reporter certains projets d’investissement.

Tableau 4. Compte Emplois-Ressources pour la France
Variation (T/T-1)
Variation (T/T-4)
2024
2025
2023
2024
2025
T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4
PIB 0.3 0.2 0.3 0.0 0.2 0.2 0.2 0.3 1.1 1.1 0.8
Consommation privée −0.1 0.1 0.3 0.3 0.2 0.2 0.3 0.3 0.9 0.6 1.1
Consommation APU 0.6 0.4 0.1 0.1 0.0 0.0 0.0 0.0 0.8 1.5 0.1
FBCF totale −0.5 −0.4 −0.3 −0.2 −0.2 0.0 0.1 0.1 0.7 −1.5 −0.5
FBCF SNFEI −0.5 −0.5 −0.3 −0.2 −0.2 −0.1 0.0 0.0 3.1 −1.4 −0.7
FBCF Ménages −1.9 −1.1 −0.6 −0.5 −0.2 0.1 0.2 0.4 −8.2 −5.8 −0.9
FBCF APU 0.5 0.6 0.3 0.3 0.1 0.1 0.1 0.1 7.1 2.1 0.8
Exportations 0.6 0.4 0.8 0.0 0.8 0.9 0.9 1.0 2.5 1.9 2.7
Importations −0.4 0.1 0.6 0.8 0.7 0.7 0.7 0.8 0.7 −1.4 2.8
Contributions
Demande intérieure hors stocks 0.0 0.1 0.2 0.2 0.1 0.1 0.2 0.2 0.9 0.4 0.5
Variations de stocks −0.1 0.0 0.1 0.1 0.1 0.0 0.0 0.0 −0.3 −0.3 0.3
Solde commercial 0.3 0.1 0.1 −0.3 0.0 0.1 0.1 0.1 0.5 1.1 0.0
Sources : Insee, prévisions OFCE.

Le France n’a jamais produit aussi peu de logements neufs qu’au cours de la période allant de juillet 2023 à juillet 2024. Avec moins de 260 000 logements mis en chantier et 332 000 permis de construire accordés en 12 mois, la construction neuve de logement traverse une crise historique (graphique 6 a.). Un certain nombre de facteurs explicatifs sont avancés par les acteurs du secteur : normes environnementales trop contraignantes comme le zéro artificialisation nette (ZAN), recul des aides publiques avec la modification des dispositifs à la l’investissement locatif (Pinel), baisse des marges de manœuvre fiscales laissées aux communes avec la fin de la taxe d’habitation, …

Néanmoins, le resserrement brutal des conditions de crédit début 2022 explique une grande partie de ce recul massif. Preuve en est la très forte baisse du nombre de transactions dans l’ancien (-400 000 en deux ans) observée ces derniers trimestres. Entre le deuxième trimestre 2022 et le deuxième trimestre 2024, les taux moyens des nouveaux crédits à l’habitat distribués aux ménages ont été multipliés par 3 (graphique 6 b.). Dans le même temps, le volume des crédits à l’habitat distribués aux ménages a lui été, en euros courants, divisé par deux (graphique 6 d.) (voir Heyer E. et P. Madec (2024), « Impact de la hausse des taux d’intérêt sur l’investissement des ménages en Zone Euro », Revue de l’OFCE, n°187, octobre).

Dans ce contexte très dégradé, certains indicateurs laissent malgré tout présager le début d’une reprise du marché immobilier pour l’année 2025.

Après une relative stabilité au cours du premier semestre 2024, les enquêtes de conjoncture semblent se redresser. Bien qu’à un niveau historiquement bas, les perspectives de mises en chantier et l’opinion des promoteurs immobiliers sur la demande de logements neufs s’améliorent (graphique 6 c.). Dans le même temps, les taux des nouveaux crédits à l’habitat distribués aux ménages tendent à baisser, avec pour conséquence une augmentation du volume de crédit à l’habitat distribué aux ménages. Enfin, les annonces du Premier Ministre lors de son discours de politique générale (élargissement du prêt à taux zéro, décalage ou renoncement à certaines normes environnementales, …) devraient à court terme soutenir le secteur de la construction de logements neufs.

Au cours des trois dernières années, l’investissement des ménages a amputé la croissance du PIB de plus d’un point. Nous anticipons qu’à partir du deuxième trimestre 2025, soutenu par les éléments conjoncturels décrits, ce dernier devrait entamer son redressement.

Graphique 6. Eléments conjoncturels dans la construction de logements

3 La consommation des ménages, principale source de croissance

3.1 Inflation : une baisse rapide aidée par la décrue des prix de l’énergie

Après deux années de hausse marquée de l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) (5,2 % en 2022 et 4,9 % en 2023), 2024 s’est caractérisée par un fort reflux de l’inflation (graphique 7). Elle est effectivement passée de 6,3 %, au moment du pic de février 2023, à 1,2 % en septembre 2024, chiffre qui n’avait pas été atteint depuis juillet 2021, avant la montée des tensions inflationnistes avec la reprise post Covid. La baisse de l’inflation est liée principalement à la décrue de composantes énergétique et alimentaire. Pour autant, cette rapide baisse de l’inflation n’efface pas les 12 % de hausse de l’IPC au cours des trois dernières années (entre septembre 2021 et septembre 2024) dont 28 % de hausse pour les seuls prix de l’énergie et 21 % pour ceux de l’alimentaire. 

En 2024, la hausse de l’IPC serait en moyenne à 2 %, les prix de l’alimentaire et de l’énergie ne contribuant que pour 0,3 point à l’inflation sur l’année alors que ces deux composantes (représentant environ 25 % de la pondération de l’IPC) ont contribué pour 3,1 points en 2022 et 2,4 points en 2023. En 2025, la progression de l’IPC s’établirait à 1,5 % en moyenne annuelle, ces deux composantes ayant un effet nul sur la variation des prix. La baisse des prix de l’énergie, avec une baisse attendue des tarifs de l’électricité en février 2025, contribuerait à réduire l’inflation de -0,15 point en 2025.

Graphique 7. Évolution de l’indice des prix à la consommation

3.2 Un pouvoir d’achat qui repart à la hausse en 2024 mais baisse à nouveau en 2025

Après deux années de stagnation du pouvoir d’achat par unité de consommation (UC), en moyenne annuelle6, l’année 2024 marque le retour de gains de pouvoir d’achat pour les ménages (tableau 5). D’ailleurs, le revenu réel des ménages par UC serait, en 2024, 3,5 % au-dessus de son niveau de 2019 contre seulement 0,6 % pour le PIB par UC.

6 Pour plus de détails, voir O. Jullien de Pommerol, P. Madec, M. Plane et R. Sampognaro, 2024, « De la crise Covid au choc inflationniste. Une analyse macro/micro du pouvoir d’achat en France », Policy Brief de l’OFCE, n° 124, février.

Avec une hausse de 1,1 % par UC, le revenu réel est tiré en 2024 par la forte revalorisation des prestations sociales en début d’année et la hausse du salaire réel. Alors que le salaire moyen par tête (SMPT) réel (salaire nominal déflaté par l’IPC) a diminué de -1,2 % au cours des quatre dernières années, la baisse de l’inflation en 2024 et 2025 ne se traduirait pas par une réduction équivalente de la croissance des salaires nominaux. Les salaires réels augmenteraient ainsi de 0,5 % en 2024 et 0,7 % en 2025 sans que cela pèse sur le taux de marge des entreprises en raison du redressement des gains de productivité. Ce rattrapage permet d’améliorer le pouvoir d’achat des salariés. Pour autant, le salaire réel ne reviendrait en 2025 qu’à son niveau de 2019.

En 2025, le pouvoir d’achat par UC baisserait à nouveau (-0,2 %), malgré des salaires réels positifs. En effet, le pouvoir d’achat serait négativement impacté par la contraction de l’emploi, la faible croissance des prestations sociales, avec notamment le report de l’indexation des retraites à juillet, et les revenus du patrimoine moins dynamiques, avec la baisse attendue des taux et de moindres dividendes versés. En 2025, le PIB par UC augmenterait plus vite (0,3 %) que le RDB réel par UC, compensant très partiellement le découplage observé entre ces deux variables depuis fin 2019.

Tableau 5. Compte des ménages
En % 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025
Revenu disponible brut (RDB) nominal  3.4 1.0 4.8 5.2 8.0 4.4 1.3
Déflateur de la consommation  0.8 0.7 1.3 4.9 7.1 2.7 1.0
IPC 1.1 0.5 1.6 5.2 4.9 2.0 1.5
RDB réel   2.6 0.2 3.4 0.2 0.9 1.7 0.3
RDB réel par unité de consommation  2.0 −0.4 2.8 −0.4 0.3 1.1 −0.2
Consommation des ménages (en volume)  1.7 −6.5 5.2 3.0 0.9 0.6 1.1
Taux d'épargne (en % du RDB)  14.6 20.5 19.1 16.9 16.9 17.8 17.1
Salaire moyen par tête (SMPT) nominal  2.2 −3.7 5.3 5.4 4.2 2.6 2.2
SMPT réel (déflaté par l'IPC) 1.1 −4.2 3.6 0.1 −0.7 0.5 0.7
Sources: Insee, prévisions OFCE octobre 2024.

3.3 Un taux d’épargne qui commencerait à baisser en 2025 poussant à la hausse la consommation

Depuis 2020, le taux d’épargne des ménages a toujours été au dessus de son ratio moyen d’avant-crise, qui se situait à 14,6 % du RDB en moyenne au cours de la décennie 2010. Les ménages n’ont pas réduit leur sur-épargne pour faire face au choc inflationniste, ce qui leur aurait permis de lisser les effets de l’inflation sur leur consommation. Bien au contraire, le taux d’épargne est reparti à la hausse depuis la mi-2022, augmentant de plus de 2 points de RDB et atteignant près de 18 % au 2e trimestre 2024 (graphique 9). Au cours des quatre dernières années et demi, les ménages ont accumulé près de 17 points de revenu annuel en « sur-épargne », soit près de 270 milliards d’euros, chiffre qui ne tient pas compte de la dépréciation réelle de leur patrimoine. En effet, la valeur réelle des patrimoines a baissé depuis 2022 sous l’effet de la taxe inflationniste. Ainsi, la valeur réelle de l’encours de patrimoine financier détenu par les ménages était en 2024 en dessous de son niveau pré-Covid de fin 2019 (graphique 8). Le supplément d’épargne qui accroît le patrimoine a été ainsi rogné par l’inflation, réduisant d’autant l’encours réel. Ainsi, si les ménages épargnent plus depuis quatre ans et demi, le pouvoir d’achat de leur patrimoine n’est pas pour autant plus élevé.

Graphique 8. Patrimoine financier des ménages

Selon nos prévisions, le taux d’épargne resterait élevé jusqu’à la fin de l’année 2024 (17,8 %), avant de se réduire au cours de l’année 2025, sous l’effet notamment du fort repli de l’inflation et la baisse des taux d’intérêt (graphique 10). La disparition de la taxe inflationniste et une épargne nominalement moins rémunératrice pousseraient les ménages à réduire progressivement leur taux d’épargne, celui-ci atteignant 17,1 % en moyenne en 2025 (16,7 % en fin d’année). Malgré la baisse inscrite, il resterait, malgré tout, 2,5 points de RDB au-dessus de son niveau d’avant crise, ce qui représente près de 50 milliards de sur-épargne en 2025 (en plus des 270 milliards accumulés jusqu’à présent) malgré la fin de la taxe inflationniste (graphique 9).

Un taux d’épargne qui resterait en 2025 au niveau élevé de 2024, poussé à l’extrême par les incertitudes politiques économiques et budgétaires, conduirait à réviser notre scénario de croissance du PIB en 2025, de 0,8 % à 0,5 %.

Graphique 9. Sur-épargne des ménages
Graphique 10. Taux d’épargne des ménages

4 L’investissement des entreprises recule malgré la baisse des taux

La bonne santé des entreprises qui avait tenu jusqu’à alors, s’est détériorée au début de l’année 2024. Le taux de marge des sociétés non financières a atteint 30,8% de la valeur ajoutée au 2e trimestre de 2024, et revient donc à son niveau de long terme (depuis 2012), perdant 1 point en un trimestre. Cette normalisation du niveau des marges, après deux années de bonne performance s’explique par plusieurs facteurs. Si l’on décompose les éléments qui contribuent à la formation des marges des entreprises, on se rend compte que la productivité du travail a joué négativement sur la période de 2020 – 2023, alors qu’au contraire les salaires réels ont contribué positivement en cumulé sur la période, puisqu’ils ont diminué de 2%. Les gains liés à cette baisse de salaire réel se sont accompagnés de gains également liés à l’évolution des prix relatifs (prix de valeur ajoutée des SNF - qui est estimé à partir du prix de la valeur ajoutée des secteurs marchands hors services immobiliers et financiers - rapporté aux prix à la consommation des ménages (IPC)). Les entreprises sont donc parvenues à dégager des marges plus fortes en période d’inflation grâce à une hausse encore plus forte des prix de VA. Cependant depuis le début de l’année 2024, ce ratio s’est inversé, et la contribution des prix relatifs est redevenue négative.

Il y a depuis le début de la crise Covid et énergétique des disparités entre les secteurs sur l’évolution des taux de marge. Mais depuis le choc inflationniste, le secteur de l’énergie a vu ses marges fortement s’améliorer bénéficiant de la hausse de ces prix. Cependant, on remarque au dernier trimestre que la contribution des services marchands est redevenue positive, représentant la moitié des gains de marge totaux, après plusieurs années de contribution négative. Au contraire, l’industrie manufacturière enregistre depuis le début 2024, une baisse de ses marges, après avoir connu une nette amélioration.

Graphique 11. Contribution à la croissance du taux de marge par branche

Le taux d’investissement des entreprises a de nouveau augmenté au milieu de l’année 2024, atteignant 22,9 % de la valeur ajoutée, après avoir atteint un point bas en 2023, où il avait déjà diminué par rapport à 2022. Malgré cela, il demeure supérieur de 2 points à sa moyenne de long terme. Et même si le taux d’investissement a augmenté, la formation brute de capital fixe (FBCF) en volume a baissé de 1,3% sur l’année au deuxième trimestre de 2024, et le niveau reste 7% au-dessus de celui de 2019. Par produit, c’est essentiellement le secteur de l’information et de la communication qui contribue positivement à la dynamique de la FBCF, comme depuis la crise du Covid. Au contraire, les investissements en construction des entreprises ne se sont toujours pas rétablis et décroient depuis trois trimestres, tout comme les investissements en biens d’équipements .

Graphique 12. Taux d’investissement et de marge des entreprises

Pour l’année 2025, la productivité du travail va progresser plus vite que les salaires réels, dans un contexte de normalisation de l’inflation, ce qui permettra aux entreprises de bénéficier d’une légère hausse de leur taux de marge. On prévoit que le taux de marge de ces dernières atteindrait fin 2025 31,3% de la valeur ajoutée, soit 0,5 point de plus que son niveau actuel. Par ailleurs, nous prévoyons une poursuite de la baisse de l’investissement des entreprises sur l’année 2024 de -1,4% et de -0,7% en 2025. En effet, les perspectives de demande atone pour l’année 2025 peuvent réduire les volontés d’investissement des entreprises, surtout dans un contexte de hausse de fiscalité, de réduction probable des aides aux entreprises et d’incertitude politique.

De plus, le niveau des faillites a atteint un niveau record en 2024, dépassant son niveau de 2019. En variation annuelle, ces défaillances ont augmenté de près 26% en juillet et de 24% en août. Ce nombre élevé d’entreprises défaillantes (près de 63 000 en août) pourrait aussi contribuer négativement au taux d’investissement, même s’il s’agit majoritairement de micro entreprises (57 000).

Par ailleurs, l’autofinancement des entreprises – leur épargne ramenée à leur investissement – a atteint un niveau bas, le plus bas depuis 2020 de 79 %, au 2e trimestre 2024 soit un niveau inférieur à sa moyenne de 94 % observée de 2012 à 2019.

Même si la BCE a déjà commencé à baisser ses taux directeurs, le coût de l’endettement reste très élevé pour les entreprises et s’est stabilisé à 4,65% depuis juin. Ainsi, le début de l’année 2024 a été marqué par une croissance nettement plus faible des encours de crédit des entreprises atteignant un point bas de 1,4% de croissance au premier trimestre de l’année. Depuis, la croissance de l’encours a atteint 2% en juillet, mais reste bien loin des 6% de croissance mensuelle moyenne post Covid. Il n’est pas certain que la baisse des taux d’intérêts soit suffisante, à court terme, pour inciter les entreprises à s’endetter pour investir.

Enfin, certaines mesures fiscales décidées par le gouvernement dans le cadre du PLF 2025 pourraient augmenter les incertitudes autour des performances des entreprises. L’enveloppe des allégements de cotisations sociales patronales, pourrait être revu à la baisse. De plus, dans le même objectif de consolidation des finances publiques, et alors que le taux d’imposition sur les bénéfices avait été progressivement diminué de 33 à 25%, la mise en place d’une taxation exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises est envisagée. Elle viserait à rapporter 8 milliards d’euros, et serait concentrée sur les plus grandes entreprises françaises7.

7 Pour avoir une idée de ce que pourrait représenter cette somme, on peut regarder les données pour ces « grandes entreprises ». Selon Insee Entreprise de 2023, la valeur ajoutée produite par les 277 grandes entreprises en 2021 a atteint 409 Mds d’euros, soit 34,7% de la VA totale des entreprises.  Avec un  taux de marge médian de 20,8%, l’EBE de ces « grandes entreprises » représenteraient donc environ 300 Mds d’euros.

5 Des pertes d’emploi et une hausse du chômage à venir

5.1 L’emploi baisse

En 2023, les créations d’emplois continuaient de perdre leur élan avec 210 000 créations nettes en glissement annuel (soit une hausse de 1,1 %) par rapport aux 499 000 enregistrées en 2022 (2,4 %). Sur la première moitié de l’année 2024, l’économie française continue de créer des emplois, mais à un rythme plus modéré : + 73 000 par rapport à fin 2023.

Entre fin 2019 et mi 2024, dans le secteur marchand non agricole, l’emploi salarié a progressé de 6,3 % alors que la valeur ajoutée n’a crû que de 4,9 %, révélant des pertes de productivité du travail. Ainsi, la productivité par tête se situe près de 1,3 % en deçà de son niveau pré-covid et la productivité horaire en retrait de 1,2 % sur la même période. Si l’on compare le niveau actuel de la productivité horaire et son niveau tendanciel pré-covid (0,85 % par an), alors le constat se trouve encore plus dégradé : l’écart est de 6,1%. La révision des comptes nationaux, opérée en mai 2024, a révélé une productivité moins dégradée que celle illustrée avec les données disponibles au précédent exercice de prévision8. En effet, l’écart était alors de 9,4 % sur la même période. Selon nos calculs, compte tenu de l’évolution de l’activité, et de la productivité tendancielle, seuls 129 000 emplois auraient dû être créés depuis fin 2019. Or, plus d’un million d’emplois ont été créés en quatre ans et demi, soit un écart de près d’un million. Selon nos évaluations9, les pertes de productivité s’expliquent pour les trois quarts par des facteurs identifiés : accroissement des effectifs d’apprentis, soutiens publics apportés aux entreprises depuis la crise de la Covid, baisse du coût réel du travail et, dans une bien moindre mesure, baisses passées de la durée du travail et du taux de chômage (graphique 13).

8 Mathieu Plane, Elliot Aurissergues, Bruno Coquet, Ombeline Jullien de Pommerol, Pierre Madec, Raul Sampognaro , « L’heure des comptes » 2024, OFCE Policy brief,  n°186.

9 Voir la méthodologie dans É. Heyer, 2023, « Comment expliquer l’évolution de l’emploi salarié depuis la crise Covid ? Une analyse économétrique sur données macro-sectorielles », Revue de l’OFCE, n° 180 (2023/1).

Graphique 13. Décomposition des évolutions de l’emploi depuis 2019

10 Nous supposons ici que la réduction de 5,1 milliards des exonérations de cotisations partronales, ce qui correspond à une hausse du coût du travail de 0,5 %, se répartirait à moitié au niveau du SMIC et l’autre moitié au-dessus de 2 SMIC. A terme (environ 3 ans), cette mesure détruirait 50 000 emplois dans le secteur marchand.

La réduction des soutiens publics aux entreprises, après la sortie du « quoi qu’il en coûte », et le retour de la durée du travail à son niveau de 2019 devraient compenser une partie des pertes de productivité d’ici la fin de notre horizon de prévision (un quart). L’emploi salarié marquera un coup d’arrêt en 2024, avec la suppression de 31 000 emplois au second semestre. Malgré les mesures mises en œuvre, la politique de l’emploi devrait peser sur le marché du travail, entraînant une réduction globale de 64 000 emplois. En 2025, les destructions d’emplois devraient se concentrer dans la seconde moitié de l’année, en grande partie en raison de la baisse des entrées en apprentissage, qui sont fortement concentrées entre août et octobre. La réforme des allègements généraux de cotisations patronales dans le PLFSS 2025, mesure d’économies de 5,1 milliards d’euros l’année prochaine détruitrait environ 15 000 emplois la première année10. L’évolution anticipée de l’activité ne soutiendrait que modérément les créations d’emplois (+25 000), ce qui est largement insuffisant pour contrer l’impact de l’atténuation des effets du soutien public (PGE) depuis 2020. Au total, l’emploi diminuerait de 140 000 (tableau 6), un ajustement ne permettant pas de clore le cycle de productivité.

Tableau 6. Évolution du marché du travail
Variation (T/T-1)
Variation (T/T-4)
En milliers
2024
2025
2023 
2024 
2025 
T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4
Emploi salarié 34 31 24 -55 -21 -36 -44 -62 175 34 −163
Marchand 9 10 14 -65 -18 -34 -42 -60 98 −34 −150
Non marchand 25 21 10 10 -3 -3 -3 -3 69 66 −10
Emploi non salarié 4 5 5 5 5 5 5 5 35 18 20
Emploi total 38 36 29 -50 -16 -31 -39 -57 210 52 −143
Taux de chômage1 7.5 7.3 7.3 7.5 7.5 7.6 7.8 8 7.5 7.5 8.0
Population active (en %) 0.1 0.0 0.1 0.1 0.1 0.1 0.1 0.1 1.1 0.2 0.0
Dont réforme des retraites 0.3 0.3
Sources: Insee, Dares, prévisions OFCE octobre 2024.
1 En %, en fin de période.

5.2 Le chômage à 8 % en 2025

Le taux de chômage a baissé de 0,2 point au 2e trimestre 2024, pour atteindre 7,3 % de la population active soit 2,34 millions de personnes. Compte tenu de notre scénario d’emploi et une population active quasi stable au second semestre, nous prévoyons une légère hausse du taux de chômage à la fin de l’année. Le taux de chômage atteindrait 7,5 % fin 202 et 8,0 % fin 2025. Cette prévision intègre les dernières projections de population active de l’Insee faisant suite à l’entrée en vigueur, en septembre 2023, de la réforme des retraites actant un décalage progressif de l’âge de départ et une hausse de la durée de cotisations. La réforme contribue à hauteur de 0,6 point à l’augmentation de la population active entre 2023 et 2025, ce qui signifie qu’elle compense largement la stagnation de la population active que l’on aurait eu sans la réforme.

Nous faisons ici l’hypothèse que la répartition emploi/chômage de cette hausse de la population active est de 80 % vers l’emploi et de 20 % vers le chômage du fait de l’existence d’effets « horizon » entraînant une hausse du taux d’emploi des seniors, hypothèse cohérente avec les dernières simulations disponibles11. Par ailleurs, La Loi pour le plein emploi, si elle venait à modifier le comportement des personnes interrogées par l’enquête Emploi pourrait avoir un impact sur le nombre d’individus considérés au chômage et par conséquent sur le taux de chômage (évalué entre 0,1 et 1,2 point de population active 12, mais nous ne l’inscrivons pas dans notre compte central.

11 
Voir A. Marino et P. Meinzel (dir), 2023, *Les retraités et les retraites. Édition 2023*, Paris, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques.

12 Voir Effet de la réforme du RSA sur les chiffres du chômage de la précédente prévision (Annexe 3). Mathieu Plane, Elliot Aurissergues, Bruno Coquet, Ombeline Jullien de Pommerol, Pierre Madec, Raul Sampognaro , « L’heure des comptes » 2024, OFCE Policy brief,  n°186.

5.3 Politiques de l’emploi

En 2024, l’emploi marque le pas et le chômage ne baisse plus. Et en l’absence d’une franche dégradation et sous contrainte budgétaire, la politique de l’emploi accommodante conduite ces dernières années devrait prendre fin.

Les économies budgétaires sur les emplois aidés peuvent être réalisables sur deux enveloppes : l’apprentissage qui absorbe près de 25 milliards d’euros par an, et l’ensemble des autres dispositifs destinés aux publics en difficulté d’insertion qui coûtent environ 4 milliards d’euros. Pour réaliser des économies le gouvernement a donc le choix entre un effort modéré sur l’apprentissage ou des coupes colossales sur l’ensemble des autres dépenses – d’autant plus difficiles à réaliser que le chômage remonterait.

Les coupes budgétaires sont cependant plus aisées à faire sur la petite enveloppe des dispositifs d’insertion, dont l’État contrôle à la fois le volume et les modalités : parcours emploi compétences (PEC), contrats uniques d’insertion (CUI-CIE) et les emplois francs. Mais ces dispositifs ont déjà supporté les maigres économies réalisées en 2023 et 2024, qui vont ramener le nombre total de leurs bénéficiaires autour de 84 000 fin 2024. Réduire davantage ces budgets se heurte aussi à l’absence d’alternative opérationnelle à ces contrats si le chômage remonte, car les publics fragiles à insérer en emploi sont alors plus nombreux. Nous inscrivons donc un recul contenu de ces budgets, et du nombre de bénéficiaires à 73 000 fin 2025 (-13 %) (graphique 14).

Graphique 14. Entrées en emploi aidés

13 IGAS-IGF (2024) « Les dispositifs de soutien à l’emploi et à l’accompagnement des chômeurs », Revue de Dépenses, Inspection Générale des Affaires Sociales & Inspection Générale des Finances.

L’insertion par l’activité économique (IAE), vise aussi des publics en difficulté. Ces budgets sont également à la main de l’État. Politiquement sensibles, ils ont augmenté au fil des années, mais sans être consommés en totalité, si bien que les budgets inutilisés ont pu être transférés en cours d’année vers d’autres dispositifs comme l’apprentissage. L’économie proposée par l’IGAS-IGF13 ne mordrait pas sur les moyens réellement consommés : nous anticipons donc que le gouvernement ira plus loin, abaissant le nombre de bénéficiaires d’environ 140 000 fin 2024 à 127 000 fin 2025 (-10 %).

Les emplois aidés les plus dynamiques sont ceux qui ne sont pas contingentés car ouverts à tous ceux qui satisfont aux critères d’éligibilité : l’apprentissage, le contrat de professionnalisation et l’aide aux créateur et repreneur d’entreprise (ACRE). Globalement le nombre de leurs bénéficiaires évolue en phase avec l’emploi marchand.

Après un léger ralentissement fin 2023, les entrées en apprentissage ont repris de la vigueur au premier semestre 2024 : +10 % par rapport à la même période de 2023, toujours très soutenues par des aides publiques très coûteuses (24,9 milliards d’euros en 2023), mais font du contrat d’apprentissage la formule la moins onéreuse disponible sur le marché du travail, si bien que 40 % des emplois créés dans le secteur privé depuis fin 2019 sont des emplois d’apprentis.

Nous faisons l’hypothèse que le gouvernement retiendra les préconisations d’économies modérées de l’IGAS-IGF14, principalement sur l’aide à l’embauche, les exonérations d’impôts ou les cotisations sociales des apprentis. Plus à la marge, la baisse des aides aux contrats de professionnalisation (intervenue en mai dernier) entraineraît un nouveau report vers l’apprentissage, contribuant encore à créer quelques milliers d’emplois en 2024. En 2025 les entrées d’apprentis se replieraient, contribuant à hauteur de –55 000 à la baisse de l’emploi. Quelle que soit l’option retenue, l’essentiel des économies n’apparaitraît qu’en 202615.

14 IGAS-IGF (2024) « Revue des Dépenses publiques d’apprentissage et de formation professionnelle », Inspection Générale des Affaires Sociales & Inspection Générale des Finances, mais des mesures plus ambitieuses sont possibles cf. Coquet (2024a) «  Apprentissage : 4 leviers pour reprendre le contrôle » OFCE, Policy Brief n°135.

Au total, la politique de l’emploi serait neutre en 2024, et contribuerait à faire disparaître -64 000 emplois aidés en 2025. L’impact sur le chômage serait limité en raison du fait que l’essentiel de ces destructions d’emplois proviendrait de l’apprentissage16.

Tableau 7. Emplois aidés 2024-2025 : Effectifs, variations des effectifs, effets emploi au 31/12
En milliers
Effectifs
Variations des effectifs
Effets emploi
2023 2024 2025 2023 2024 2025 2023 2024 2025
Parcours Emploi Compétences 47 41 39 -5 -6 -2 -3 -3 -1
Contrat Initiative Emploi 17 6 6 -5 -10 0 -1 -1 0
Emplois Francs 50 37 28 1 -12 -9 0 -6 -5
IAE 147 141 127 2 -2 -14 1 -1 -9
Aide Créateurs d’Entreprise 347 306 306 0 0 0 0
Contrat apprentissage 1020 1051 959 47 37 -92 28 22 -55
Contrat professionnalisation 91 66 59 -7 -26 -7 -4 -16 -4
Total  1718 1648 1503 33 -19 -124 22 0 -64
Notes: l’effet emploi mesure les emplois créés (ou détruits) qui ne l’auraient pas été sans (ou avec). L’effet aubaine est la différence entre les effectifs et l’effet emploi
Sources: Insee, Dares, prévisions OFCE.

6 Finances publiques : une mauvaise surprise peut en cacher une autre

En 2023, la France s’est singularisée par l’ampleur de son déficit public. En s’élevant à 5,5% du PIB, il était le deuxième plus important de la zone euro, seulement dépassé par le déficit italien, et le seul qui s’établissait en hausse. Par-delà son ampleur, ce chiffre avait surpris lors de sa publication17. Le scénario va se répéter en 2024. Partant d’un point jugé négatif à l’époque, la situation serait encore plus dégradée en 2024. Selon les dernières projections, le déficit devrait être s’établir à 6,1 % du PIB en 2024.

Selon les premières estimations, le déficit public devrait atteindre 6,1 % du PIB en 2024, très loin de ce qui était anticipé au moment du vote de la Loi de Finances Initiale 2024 (4,4 %) et même du Programme de Stabilité (PStab) 2024-2027 (5,1 %) daté du mois d’avril 2024. Comment peut-on expliquer un tel écart entre les anticipations et la réalisation finale ?

Une première partie de la surprise vient d’un point de départ bien plus dégradé qu’initialement prévu. En effet, la hausse du déficit de 2023 a surpris fortement: le solde notifié au mois de mars 2024 a été de -5,5 points de PIB au lieu des -4,9 points prévus en octobre 2023. Cette surprise de 0,6 point de PIB avait été analysée dans le détail dans OFCE (2024)(a). Dans ce contexte, sans surprise du côté du scénario macroéconomique ni changement de politique budgétaire, on aurait pu s’attendre à un déficit de l’ordre de 5 % du PIB en 2024.

Cette surprise concernant le point de départ a été intégrée dans les projections du gouvernement en avril 2024 lors de la publication du Pacte de stabilité. Depuis la croissance du PIB nominal a été revue à la baisse: la croissance du PIB nominal en 2024 serait de 3,1 % au lieu de 3,6 % anticipé(b). Ceci amène à une révision à la baisse du solde budgétaire de l’ordre de 0,3 point de PIB portant le déficit à 5.3% du PIB.

Ensuite, selon les informations disponibles la dépense publique primaire, notamment des collectivités locales, serait plus importante qu’initialement prévu. Cette hausse creuserait le solde public de 0,5 point de PIB. Il faut noter qu’en 2023 les collectivités locales affichaient un surplus avant investissement de 51,6 milliards d’euros. Ainsi, un dérapage de 16 milliards d’euros de la dépense serait compatible avec les règles budgétaires qui s’appliquent aux collectivités locales. Elles auraient donc utilisé l’espace fiscal disponible pour augmenter leurs dépenses par-delà des anticipations. Selon des calculs préliminaires (tenant compte des projections du Pacte de stabilité et du dérapage annoncé), le surplus avant investissement prévu pour les collectivités locales en 2024 serait de 35 milliards (1,2 % du PIB après 1,8 %) et le solde budgétaire total de -26 milliards (-0,9 % du PIB après -0,2 %). Dans ce contexte, le déficit augmenterait à 5,8 % du PIB.

Pour comprendre l’ampleur du déficit de 2024, il est nécessaire d’ajouter un autre choc non anticipé des recettes publiques. Ce choc serait de l’ordre de 0,3 point de PIB. Depuis le déclenchement de la pandémie, il s’est avéré particulièrement difficile de prévoir les recettes publiques. Entre 2020 et 2022 les prélèvements obligatoires ont été plus dynamiques que ce que la croissance du PIB et les nouvelles mesures laissaient augurer. On dit que l’élasticité des prélèvements obligatoires a contribué à améliorer le solde public. A titre d’exemple, les nouvelles mesures prises pendant la période auraient dû amputer les recettes de près de 1 point de PIB alors que le taux de PO effectivement observé augmentait de 1 point de PIB. Ainsi, par cet effet – vraisemblablement lié à la composition de la croissance et aux effets particuliers de l’inflation – les comptes publics affichaient une situation meilleure qu’anticipée. L’année 2023 marque un début de normalisation des assiettes fiscales qui a réduit les gains cumulés après 3 ans de recettes anormalement dynamiques. Ainsi, selon nos calculs, fin-2023 les administrations publiques bénéficiaient encore de plus de 0,4 point de PIB de recettes extraordinaires (voir tableau 8). Si la vitesse de la normalisation des recettes publiques était difficile à anticiper, il semblerait que la normalisation serait quasiment achevée en 2024.

Tableau 8. Elasticité et gains budgétaires cumulés liés aux évolutions des assiettes fiscales
2020 2021 2022 2023
Evolution spontanée des PO (en %) −3,1 9,4 8,1 2,7
Croissance du PIB nominal (en %) −4,7 8,2 5,9 0,6
Elasticité des PO 0,7 1,1 1,4 0,4
Gain cumulé (en pts. de PIB) 0,7 1,2 2,0 0,4
Source: Insee, documents budgétaires. Calculs OFCE.

Au final, la dégradation des finances publiques, plus que refléter l’effet de chocs nouveaux non anticipés, exprime essentiellement l’effet d’une normalisation de la situation d’ensemble avec d’une part le reflux de l’inflation et d’autre part, avec la dissipation des chocs massifs récents, une normalisation des assiettes fiscales (tant en 2023 comme en 2024). Loin de constituer une bonne nouvelle ces évolutions laissent la France face à ses défis structurels, masqués récemment par des chocs globaux d’une ampleur historique.

a: Voir 5,5 % de déficit public : anatomie d’un dérapage dans Département analyse et prévision de l’OFCE, sous la direction d’Éric Heyer et Xavier Timbeau, 2024, « L’heure des comptes : perspectives 2024-2025 pour l’économie française », OFCE Policy brief 126, 10 avril.

b: Il faut remarquer que les équipes du Ministère des Finances ont plutôt bien anticipé la croissance en volume de l’année 2024 mais une révision à la baisse des perspectives nominales s’explique par la révision à la baisse de la dynamique des prix.

Cette nouvelle dégradation est d’autant plus inquiétante qu’elle a lieu alors même que les mesures d’urgence prises pour palier les effets de la crise Covid, puis énergétique, se dissipent. Pour rappel, sur l’ensemble de la période 2020-2023, les mesures transitoires prises par le gouvernement pour faire face à la crise Covid puis à la résurgence de l’inflation avec la crise énergétique ont été massives (10,4 points de PIB cumulées sur l’ensemble de la période). Si, en 2023 il restait 1,3 point de PIB de soutien, ce chiffre tombe à 0,6 point de PIB en 2024. En 2024, on assiste à un creusement du déficit public de 0,6 point de PIB alors même que l’effacement des mesures d’urgence contribuerait à diminuer le déficit de 0,7 point de PIB.

L’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron le 9 juin a ouvert une période d’incertitude politique qui s’est traduite sur les marchés par une hausse de l’écart de taux entre la France et l’Allemagne. Entre le 7 et le 19 juin, le rendement de l’OAT(a) française à 10 ans a augmenté de 0,1 point tandis que celui de l’obligation allemande pour une même maturité baissait de 0,2 point. La hausse du spread (graphique 15), qui mesure l’écart entre ces deux taux, a atteint 0,8 point, montrant une vraie réaction des marchés. A la suite des résultats des législatives, le spread est retombé pratiquement à 0,6. Mais l’ incertitude politique toujours forte autour du Projet de Loi de Finances pour 2025, ainsi que les mauvaises nouvelles budgétaires avec la forte révision à la baisse du déficit public pour 2024 (encadré 4), ont conduit à une nouvelle hausse du spread, qui navigue entre 0,7 et 0,8 point depuis la mi-septembre (0,78 point au 14 octobre). Avec un taux d’emprunt sur les obligations publiques à 10 ans autour de 3 %, la France emprunte à un taux comparable à l’Espagne et supérieur à celui du Portugal. Dans la zone euro, seule l’Italie reste au-dessus avec un taux de l’ordre de 3,5 %. Cependant, malgré l’élargissement significatif du spread depuis quatre mois, le taux de l’OAT à 10 ans est à la mi-octobre à un niveau légèrement inférieur à celui de début juin, avant la dissolution.

Cette hausse du spread français, même si elle reste modérée, reflète l’incertitude quant aux perspectives économiques et budgétaires de la France, avec une hausse du risque relatif de la France par rapport à ses principaux partenaires européens. Comparativement, la dégradation de la note de la France par l’agence de notation S&P le 31 mai 2024 ne s’était pas traduite par un mouvement notable des taux(b).

Graphique 15. Taux souverains France, Allemagne, spread France-Allemagne

Une hausse durable des spreads de taux pourrait compliquer l’équation budgétaire du prochain gouvernement. Pour illustrer les risques financiers pour l’économie française que pourrait avoir une hausse durable du spread vis-à-vis de l’Allemagne, nous estimons le surcoût pour les finances publiques en prenant une fourchette comprise entre une hausse de 0,3 point (constatée aujourd’hui) et 1 point ce qui amènerait plus ou moins au niveau d’emprunt italien. Selon nos calculs basés sur l’échéancier publié par le Trésor dans le dernier Programme de Stabilité(b), une hausse durable du spread de 0,3 point sur la dette négociable conduirait à alourdir, toutes choses égales par ailleurs, la charge de la dette de 800 millions la première année, de 2 milliards la seconde, de 4 milliards en 2027 et de 10 milliards (0,3 point de PIB) à l’horizon de 10 ans. Et dans le cas, plus extrême, où la prime de risque augmenterait durablement de 1 point, la charge de la dette augmenterait de près de 3 milliards la première année, de 7 milliards la seconde, de 14 milliards en 2027 et de 33 milliards (1,1 point de PIB) à l’horizon de 10 ans. Bien sûr, ces différents scénarios ne tiennent pas compte de la transmission possible de la hausse des spreads publics sur les autres compartiments de financement de l’économie, notamment du secteur privé avec une hausse possible des taux pour les entreprises et les ménages. En revanche, comme le montre le cas de l’Italie, la hausse du spread peut ne pas passer uniquement par une hausse des taux de la France mais aussi par une baisse des taux allemands, ce qui du coup n’aurait pas les mêmes effets sur le surcoût pour les finances publiques.

  1. L’Obligation Assimilable du Trésor est le titre de dette de référence émis par l’État français pour des maturités allant de 2 à 50 ans.

  2. Programme de Stabilité de la France, avril 2024.

18 Alors que dans notre dernière prévision nous anticipons une réduction du déficit de cette composante de 0,5 point de PIB.

Une grande partie de la dégradation des comptes publics provient du creusement du solde structurel primaire hors mesures temporaires de 0,6 point de PIB18. Les marges de résorption des déficits temporaires aurait été compensées par l’évolution des dépenses publiques. Selon les dernières informations disponibles, les dépenses des collectivités locales auraient été particulièrement dynamiques. Par ailleurs, la charge de la dette serait 0,1 point de PIB supérieure en 2024 à celle de 2023. Enfin, le ralentissement de l’activité dégrade le solde public de 0,1 point de PIB.

Toutefois, ces facteurs ne suffisent pas à expliquer l’ampleur de la dégradation des comptes publics. Pour comprendre le chiffre du déficit public de 2024, il est nécessaire de tenir compte de la faiblesse des recettes fiscales compte tenu de la croissance du PIB (voir graphique 16). Cette faiblesse traduit avant tout une normalisation des recettes qui avait été extrêmement favorable au cours de la période 2020-2022 et qui avait commencé l’année dernière19.

19 Plus de détails dans l’encadré 2024: encore une surprise négative du déficit ?.

Graphique 16. Elasticité et gains budgétaires cumulés

20 Si la procédure a été déclenchée, la trajectoire de finances publiques pour se mettre en conformité avec la gouvernance budgétaire européenne reste inconnue. Initialement prévue pour la mi-octobre avec le retard pris sur le calendrier budgétaire la date de publication de la recommandation peut prendre du retard.

Dans ce contexte budgétaire, le Conseil de l’Union Européenne a lancé une procédure de déficit excessif à l’encontre de la France courant juillet20. Il apparaît de plus en plus difficile d’échapper à la mise en œuvre d’un fort ajustement budgétaire.

Selon notre évaluation du PLF 2025, les mesures annoncées pour les PLF et PLFSS 2025 devraient contribuer à augmenter le solde primaire structurel de 1,2 point de PIB (hors mesures transitoires). Cet effort sera reparti entre 0,7 point de PIB en nouvelles mesures de prélèvements obligatoires (PO), 0,1 point en recettes non fiscales, et 0,4 point de PIB par le biais d’économies budgétaires structurelles. Parmi les nouvelles mesures en PO, on intègre la hausse annoncée de l’impôt sur les sociétés des plus grandes entreprises, une réforme des allègements généraux de cotisations sociales qui pourrait commencer par la suppression des allègements pour les plus hauts salaires21 et une hausse sur la fiscalité des ménages (avec la sortie complète du bouclier tarifaire et une hausse de la TICFE au-dessus de son niveau d’avant crise). Le reste de l’ajustement devrait passer par les économies réalisées sur la dépense publique primaire. Les mesures prises en compte dans notre prévision sont notamment la modification du mode d’indexation des pensions de retraite22, des économies parmi les dépenses des collectivités locales et le frein des remboursements par la Sécurité Sociale des dépenses des ménages en soins de ville. Au total, un effort d’une telle ampleur n’avait pas été observée depuis la période 2012-2013.

21 Une réforme plus globale pourrait être mise en place à moyen terme en suivant les propositions du rapport Bozio-Wasmer. Voir Antoine Bozio et Etienne Wasmer (2024), Les politiques d’exonération de cotisations sociales: une inflexion nécessaire, Rapport, octobre 2024, France Stratégie

22 Voir Madec(2024), Quel impact d’un décalage de l’indexation des pensions de retraites ?, Blog de l’OFCE, date et lien

Le 10 octobre, le Projet de Loi de Finances (PLF) 2025 a été rendu public. Il est désormais possible d’avoir une première idée de l’orientation de la politique budgétaire attendue pour l’année à venir.

Selon nos calculs, l’effort budgétaire primaire attendu pour l’année 2025 serait de l’ordre de 44 milliards d’euros (soit 1,5 point de PIB). Une partie de cet effort reflète l’extinction progressive des mesures d’urgence mises en place pour pallier les effets des crises Covid et énergétique. En excluant ces mesures, l’effort budgétaire primaire inscrit dans le PLF 2025 serait de 34 milliards (soit 1,1 point de PIB), ce qui reste un effort historiquement élevé.

Les nouvelles mesures en prélèvements obligatoires mises en place par le PLF 2025 s’élèvent à 0,7 point de PIB (22 milliards d’euros) à 0,8 point si l’on ajoute les recettes non fiscales(voir tableau 9). En termes quantitatifs, la principale mesure en PO serait la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises (8 milliards). Il faut notamment ajouter la réforme des allègements généraux de cotisations sociales employeurs(a) et la hausse de la TICFE allant au-delà de fin du bouclier tarifaire (4 milliards pour chacun de ces deux dispositifs). La contribution différentielle temporaire sur les très hauts revenus devrait permettre de collecter 2 milliards d’euros selon le PLF 2025. Sur le champ des PO, la hausse de 4 points des cotisations sociales des collectivités locales devrait avoir un effet de plus de 2 milliards. Le reste des PO augmenterait de 1,7 milliard selon nos calculs. Enfin 2 milliards de recettes non fiscales sont attendues avec le versement exceptionnel de dividendes par EDF.

Les efforts en dépenses primaires inscrits dans le PLF 2025 permettraient de diminuer les déficit structurel de 0,4 point de PIB (12 milliards d’euros). Sur le champ de la dépense publique primaire la politique de l’emploi (notamment le soutien à l’apprentissage) et les aides aux entreprises devraient contribuer aux efforts à hauteur de 4,5 milliards (0,2 point de PIB). Le décalage de l’indexation des pensions devrait permettrait de limiter les dépenses de 3,6 milliards (0,1 point de PIB). Enfin, le recalibrage des aides écologiques (2 milliards), la hausse du ticket modérateur et la baisse des indemnités journalières (2 milliards), et la réduction de l’aide publique au développement (1 milliard) et la réduction de niches sociales et des modifications dans la prime d’activité (1 milliard) contribueront de manière significative à l’effort.

Tableau 9. Principales mesures budgétaires pour 2025
Prélèvements obligatoires
Dépense primaire
Mds d'euros Pts de PIB Mds d'euros Pts de PIB
Mesures inscrites dans le PLF 2025
Surtaxe IS grands groupes 8,0 0,3 Recentrage dépenses d'apprentissage et aides aux entreprises −4,5 −0,2
Baisse des exonérations CS (retour d'IS inclus) 4,0 0,1 Décalage revalorisation retraites −3,6 −0,1
TICFE - supplément PLF 2025 3,0 0,1 Recalibrage aides écologiques (MaPrimeRenov…) −1,9 −0,1
Hausse de 4 points du taux de cotisation retraites (CNRACL) 2,3 0,1 Hausse du ticket modérateur et baisse du plafond des IJ −1,7 −0,1
Taux d'IR minimum à 20 % 2,0 0,1 Réduction niches sociales et assurance chômage −1,1 0,0
Autres 0,9 0,0 Aide Publique au développement −1,3 0,0
Taxe exceptionnelle fret maritime 0,5 0,0


Mesures énergétiques diverses 0,3 0,0


Fin des mesures d’urgence
Fin bouclier tarifaire (retour à la normale de la TICFE) 3,9 0,1 Fin des mesures transitoires en dépenses (plan de relance...) −6,0 0,2
Total PLF 2025 20,9 0,7 Total PLF 2025 −12,8 −0,4
Total 24,9 0,8 Total −18,8 −0,6
Source : PLF 2025. Calculs OFCE.

Selon nos prévisions, la politique budgétaire devrait pénaliser la croissance du PIB français de 0,8 point de PIB (voir tableau 10). La composition de l’effort, particulièrement fort en PO, explique cet effet multiplicateur moyen de 0,7 (sur le champ des nouvelles mesures introduites par le PLF 2025, hors effacement des mesures d’urgence passées). En effet, les nouveaux PO (ciblés sur les entreprises et les ménages aisés), qui représentent 60 % de l’ajustement, auraient un effet multiplicateur à court terme (1eannée) moyen de 0,4, tandis que les mesures en dépenses auraient un effet moyen proche de 1. Ainsi, la composition de l’ajustement permettrait de limiter les effets sur la croissance du PIB hexagonal en 2025.

Enfin, il semble important d’ajouter que ces calculs incluent exclusivement les mesures du PLF 2025. Au-delà des mesures détaillées ci-dessus, le gouvernement a un objectif de redressement des comptes publics encore plus ambitieux qui inclut une hausse de 1,5 milliard d’euros de la fiscalité écologique (billets d’avion, énergies fossiles) et une baisse supplémentaire de la dépense de l’Etat de 5 milliards. Au total, le gouvernement vise un ajustement primaire supplémentaire de 0,2 point de PIB qui serait introduit par amendement gouvernemental au cours du débat parlementaire. Compte tenu de l’équilibre politique instable (encadré 2) à l’Assemblée Nationale il semble prudent de s’en tenir à l’ajustement budgétaire décrit ici et de ne pas ajouter ces mesures peu documentées à ce stade de l’analyse. En tout cas si ces mesures sont finalement intégrées à la Loi de finances initiale de 2025, la croissance serait amputée de 0,1 point supplémentaire.

Tableau 10. Effet sur le PIB de la politique budgétaire
Mds d'euros Pts de PIB Multiplicateur Effet sur le PIB
Mesures budgétaires
Total Recettes publiques 26,9 0,9 0,4 −0,4
Total Prélèvements obligatoires (PO) 24,9 0,8 0,4 −0,4
Mesures structurelles en PO 20,9 0,7 0,5 −0,4
Fin des mesures transitoires en PO 3,9 0,1 0,0 0,0
Total recettes non fiscales 2,0 0,1 0,5 0,0
Total mesures d'économies de dépenses publiques −16,8 −0,6 0,8 −0,4
Mesures en dépenses primaires inscrites dans le PLF 2025 −12,8 −0,4 1,0 −0,4
Charges d'intérêts 2,0 0,1 0,0 0,0
Fin des mesures transitoires en dépenses −6,0 −0,2 0,0 0,0
Total sur le champ PLF 2025
Total Effort budgétaire 42,0 1,4 0,5 −0,8
Total Effort budgétaire primaire 44,0 1,5 0,5 −0,8
Total Effort budgétaire primaire (hors mesures transitoires) 35,1 1,2 0,7 −0,8
Total sur le champ PLF 2025 amendé
Total Effort budgétaire 48,0 1,6 0,6 −0,9
Total Effort budgétaire primaire 50,0 1,7 0,5 −0,9
Total Effort budgétaire primaire (hors mesures transitoires) 41,1 1,3 0,7 −0,9
Source: PLF 2025. Calculs OFCE.
  1. Selon les règles courantes de la comptabilité nationale, pour l’ensemble des administrations publiques, la réforme des allègements de cotisations sociales employeurs se traduiront par une hausse des contributions sociales nettes, entrant dans le champ des prélèvements obligatoires.

Au delà de ce fort ajustement structurel, le solde public devrait s’améliorer en 2025 avec l’effacement des mesures d’urgence mises en place pour pallier les conséquences des crises sanitaire et énergétique (0,3 point de PIB). A contrario, le déficit devrait augmenter avec la hausse de la charge d’intérêts (de 0,1 point) et le ralentissement de la croissance nominale du PIB (0,3 point). Enfin, la fin de la normalisation des recettes publiques (encadré 4 ) devrait porter le déficit à la baisse de 0,1 point de PIB supplémentaire (avec une hypothèse d’élasticité à 0,9).

Au total, si les mesures budgétaires ici-inscrites sont effectivement votées23, nous prévoyons un déficit public de 5,3 % du PIB en 2025 (voir tableau 11). Ce qui reste un déficit à peine inférieur au niveau de 2023 et supérieur celui de 2022. Dans ce contexte, la dette publique au sens de Maastricht devrait s’établir à 115,1 % du PIB en 2025 (après 112,8 % en 2024), soit un niveau supérieur à celui de 2020 en pleine crise sanitaire. La France, malgré un ajustement d’une ampleur historique, se distinguera du reste de la zone euro avec une dette publique qui continuerait d’augmenter (encadré 5).

23 Voir encadré sur l’incertitude politique.

Tableau 11. Évolution des finances publiques
En pts de PIB 2020 2021 2022 2023 2024 2025
Solde public (= a + b + c - d + e) −8,9 −6,6 −4,7 −5,5 −6,1 −5,3
Solde public primaire hors mesures temporaires et effet d'activité (a) −1,2 −2,2 −2,4 −2,4 −3,0 −1,8
Charges d'intérêts (d) 1,3 1,4 1,9 1,9 2,0 2,1
Mesures d'urgence (b) −3,1 −3,5 −2,4 −1,3 −0,6 −0,3
Effet d'activité (y compris effet d'elasticité) (c) −3,3 −0,1 1,6 −0,1 −0,7 −1,1
...dont effet lié à l'output gap seul −4,0 −1,2 −0,5 −0,7 −0,8 −1,1
Fonds du plan de relance européen (e) 0,0 0,5 0,4 0,2 0,2 0,1
Dette publique 114,8 112,7 111,2 109,9 112,8 115,1
Sources: Insee, PLF 2024, Cour des comptes, Prévisions OFCE octobre 2024.