L’emploi à contre courant

Autrices, auteurs & résumé
Par
Sabine Le Bayon ;

Dans la zone euro, même si la croissance a été faible au premier semestre 2024, le taux de chômage est resté stable à 6,5% de la population active. Il a même légèrement baissé durant les derniers mois, atteignant 6,4% de la population active en août 2024, soit son plus bas niveau depuis 1999.

Aux États-Unis, malgré la forte croissance, le taux de chômage a amorcé une remontée depuis le point bas du premier trimestre 2023, à 3,5% et atteint désormais 4% au deuxième trimestre 2024. En effet, la productivité américaine a nettement augmenté entre mi-2023 et mi-2024 (+2,8% sur un an), contrairement à la zone euro où elle a diminué (-0,3%). Dans les deux zones, la population active a progressé à des rythmes similaires (entre 0,5 et 1% sur un an), ce qui n’a donc pas eu d’influence sur les évolutions relatives récentes du taux de chômage (tableau 1).

La stabilité du taux de chômage dans la zone euro masque néanmoins des dynamiques différentes entre les quatre plus grands pays : une baisse du taux de chômage en Espagne et en Italie, pour revenir vers les niveaux observés avant la crise financière de 2008 ; une légère augmentation depuis mi-2023 en France et en Allemagne. Le taux de chômage italien est désormais inférieur à celui français (graphique 1).

En Allemagne, un ralentissement des créations d’emplois a été observé depuis la mi-2023. C’est également le cas en France. Au contraire, en Espagne, les créations d’emplois sont restées dynamiques.

Au Royaume-Uni, le taux de chômage a été quasiment stable entre le deuxième trimestre 2023 et le deuxième trimestre 2024 mais il se situe sur une tendance faiblement haussière depuis mi-2022. Il reste faible, à 4,2% au deuxième trimestre 2024. La croissance du PIB et la légère décrue de la population active ont compensé les gains de productivité.

Au Japon, malgré une faible croissance, le taux de chômage est resté faible, dans un contexte de recul de la productivité par tête. Malgré la baisse de la population totale, la population active continue de croître grâce à l’augmentation du taux d’activité des femmes et des seniors.

Graphique 1. Taux de chômage mensuel
Tableau 1. Décomposition du taux de chômage sur un an
Evolution en % Population active (a) Productivité par tête (b) PIB (c) Variation du taux de chômage (a) + (b) - (c)
Allemagne 0.8 −0.4 0.0 0.5
France 0.6 0.5 1.0 0.1
Italie 0.7 −0.9 0.6 −0.9
Espagne 1.6 1.1 3.1 −0.4
Zone euro 0.9 −0.3 0.6 0.0
Royaume-Uni −0.3 0.9 0.7 −0.1
Etats-Unis 0.6 2.8 3.0 0.4
Japon 0.4 −1.2 −0.9 0.0
Notes: Il s’agit précisément de l’évolution sur un an entre le T2 2023 et T2 2024.
L’evolution du taux de chômage est en point de population active.
La variation du taux de chômage est approximée par la somme du taux de croissance de la population active et de la productivité par tête de laquelle est retranché le taux de croissance du PIB.
Sources: comptabilités nationales, calculs OFCE.

La croissance de l’emploi qui avait soutenu le revenu des ménages devrait s’interrompre dans plusieurs pays européens où le cycle de productivité est dégradé et où il se redresserait (comme la France et l’Allemagne). En Allemagne, l’emploi reculerait dès le troisième trimestre 2024. Le taux de chômage atteindrait 3,9% fin 2025. En France, il y aurait également des destructions d’emplois à partir du dernier trimestre 2024. Le taux de chômage remonterait à 7,7% fin 2025, dans un contexte de population active un peu plus dynamique qu’en Allemagne. A l’inverse, les créations d’emploi se poursuivraient en Espagne et le taux de chômage baisserait à 11% fin 2025. Au Royaume-Uni, le taux de chômage poursuivrait sa hausse pour atteindre 4,9% fin 2025, avec de faibles créations d’emplois. Aux États-Unis, le taux de chômage progresserait jusqu’à 4,5% en 2025. Certes il resterait à un faible niveau, mais ce mouvement reflète la décélération de l’emploi depuis plusieurs trimestres, avec même des destructions observées au premier trimestre 2024. Les créations d’emplois repartiraient au deuxième semestre 2024, mais seraient moins dynamiques que la population active, avec pour conséquence une légère hausse du taux de chômage.