Comment expliquer le taux d’épargne élevé en France ?
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Au troisième trimestre 2025, le taux d’épargne des ménages français s’établit à 18,4 % du revenu disponible brut (RDB), après 18,7 % au trimestre précédent. Depuis la crise Covid, il se maintient à un niveau élevé et dépasse encore de 3,8 points son niveau d’avant-crise. Ce taux d’épargne élevé se traduit par un faible soutien de la consommation des ménages à la croissance. Dans une récente étude, nous analysons donc les déterminants de cette hausse du taux d’épargne en France, à partir d’une nouvelle estimation de l’équation de consommation.
Nous montrons que depuis la fin de la crise sanitaire, l’équation de consommation des ménages estimée sur la période pré-Covid sous-estime le taux d’épargne observé. Elle doit donc être réestimée pour parvenir à expliquer ses évolutions récentes.
Plusieurs facteurs sont alors mis en avant (Figure 1) :
L’épisode d’inflation élevée de 2022 et 2023 a réduit la valeur réelle du patrimoine financier des ménages, les incitant à épargner davantage afin de compenser cette « taxe inflationniste ». Fin 2023, l’inflation expliquait 1,9 point de hausse du taux d’épargne par rapport à fin 2019. Sa contribution diminue depuis 2024 avec le reflux de l’inflation.
La hausse des taux d’intérêt à partir de 2022 a également freiné la consommation, via le renchérissement du coût des crédits ou un effet de substitution en faveur de l’épargne mieux rémunérée. Toutefois, en termes réels, les taux n’ont augmenté qu’à partir de 2024 et ne contribuent à la hausse du taux d’épargne qu’à compter de cette date. Mi-2025, le taux d’intérêt réel explique environ 0,5 point de hausse du taux d’épargne par rapport à son niveau pré-Covid.
La hausse de la part des revenus du patrimoine financier dans le RDB a aussi favorisé l’augmentation du taux d’épargne, ces revenus étant proportionnellement plus épargnés que les autres types de revenus. Au troisième trimestre 2025, elle contribue à hauteur de 1,4 point de revenu à la hausse du taux d’épargne par rapport à fin 2019.
Enfin, les gains de pouvoir d’achat au niveau macroéconomique ont soutenu le taux d’épargne, car à court terme la consommation est plus inerte que le revenu : le taux d’épargne s’ajuste, permettant ainsi aux ménages de lisser leur consommation face aux fluctuations de leur revenu.
Cependant, depuis début 2025, le taux d’épargne simulé par l’équation sous-estime le taux d’épargne observé (Figure 2). Cet écart coïncide avec la montée de l’instabilité politique consécutive à la dissolution de l’Assemblée nationale et à la censure du budget ; il pourrait donc révéler l’influence d’un facteur supplémentaire : l’incertitude politique. En effet, l’écart se réduit lorsque nous introduisons l’indice d’incertitude politique nationale de Baker, Bloom et Davis (2016) dans l’équation.
Nous estimons que si l’incertitude était restée au niveau du deuxième trimestre 2024, le taux d’épargne au troisième trimestre 2025 aurait été inférieur de 0,6 point.