Quel effet pourrait-on attendre de la réforme du RSA sur le taux de chômage en 2025?

France
Emploi
État-Providence
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11 février 2025

La publication de l’Insee ce matin révèle un taux de chômage en légère baisse, passant de 7,4 % à 7,3 % entre le 3e et le 4e trimestre 2024. Une bonne nouvelle ? Pas vraiment. Cette diminution intervient alors que le taux d’activité recule de 0,3 point et le taux d’emploi de 0,2 point, confirmant ainsi les destructions d’emplois du 4e trimestre et mettant en lumière un certain découragement sur le marché du travail. Le gouvernement espère précisément inverser cette tendance en 2025 grâce à la mise en œuvre du volet consacré aux bénéficiaires du RSA dans la Loi pour le plein emploi promulguée le 18 décembre 2023. Depuis le 1er janvier, les bénéficiaires du RSA (allocataires et conjoints) sont automatiquement inscrits à France Travail, s’ajoutant ainsi aux demandeurs de RSA. Cette mesure vise à encourager la réinsertion professionnelle par un accompagnement adapté aux besoins individuels, autrement dit, à favoriser la transition des inactifs vers l’activité. Bien qu’il soit encore trop tôt pour juger de son efficacité, nous devrions, a minima, observer un impact sur la population active dans les mois à venir.

Aujourd’hui, le nombre de chômeurs est appréhendé par le chômage défini au sens du BIT, donné par l’Insee via les réponses à l’enquête Emploi en continu (EEC). Outre l’effet que cela aura sur les statistiques de demandeurs d’emploi1, qui ne seront connus qu’à la fin du mois (le 27 février exactement), nous devrions attendre un effet sur le taux de chômage au sens du BIT, grandeur largement scruté dans les discussions publiques.

La réforme du RSA et la perception de la coercition liées aux 15 heures d’activité peuvent modifier les comportements des personnes interrogées et en particulier leur façon de répondre au questionnaire de l’enquête Emploi. La question posée est la suivante: « Percevez-vous (encore) le RSA (ou le RSO)? Si quelqu’un avec qui vous faites budget commun perçoit le RSA, répondre OUI ». Les résultats présentés reposent sur plusieurs hypothèses concernant les comportements individuels, ce qui signifie que les chiffres qui suivent offrent une estimation générale plutôt qu’une évaluation précise.

Une hausse de -0.1 à 0.9 point du taux de chômage en cas de changement de comportement de réponse face au questionnaire.

Selon l’enquête Emploi 2023, on retrouve près de 1,7 million d’individus percevant le RSA, contre 2,1 million de BRSA selon la Drees. Cet écart peut être en partie expliqué par le fait que 6% des allocataires habitent dans des logements non ordinaires2 et ceux-ci ne sont pas couverts par l’enquête Emploi. Cela concernerait 124 000 individus. On explique les 232 000 restant par un problème d’identification des allocataires du RSA dans l’enquête Emploi (sous déclaration, Mayotte exclu de l’enquête Emploi, etc.).

2 Un logement ordinaire est défini par opposition à un logement offrant des services spécifiques (résidences pour personnes âgées, pour étudiants, de tourisme, à vocation sociale, pour personnes handicapées, couvents, prisons, etc.) (Minima sociaux et prestations sociales, (ed. 2024), DREES).

L’ampleur de l’impact de la réforme sur le chômage demeure très incertaine, puisque nous faisons des hypothèses à partir de la photographie donnée par l’enquête Emploi en 2023, et nous évaluons le plus simplement possible l’impact sur le taux de chômage (voir Table 1). Il est important de préciser que nous raisonnons sur le nombre de chômeurs, i.e. nous ne prenons pas en compte la variation du nombre de demandeurs de RSA.

Graphique : Où sont les bénéficiaires du RSA dans l’Enquête Emploi 2023?

Graphique : Où sont les bénéficiaires du RSA dans l’Enquête Emploi 2023?

Rappelons tout d’abord ce qui définit un chômeur au sens du BIT que l’enquête permet de retrouver. C’est un personne âgée de 15 ans ou plus et qui répond simultanément aux conditions suivantes :

  • Ne pas avoir effectué une seule heure de travail rémunéré lors de la semaine de référence ;

  • Être disponible dans les deux semaines suivant la semaine de référence ; et enfin

  • Avoir chercher activement un emploi au cours du dernier mois ou en avoir trouvé un qui commence dans moins de trois mois.

Examinons de près les BRSA identifiés dans l’enquête Emploi dont 40.7 % (20.1 % + 20.6 %) sont en activité et 59.3 % sont inactives. Il est certain que la réforme peut permettre un retour à l’emploi de chômeurs allocataires et ainsi modifier le partage emploi/chômage mais les résultats de l’expérimentation engagée en 2023 ne permettent pas une estimation de l’effet. Nous nous concentrons donc sur le groupe des personnes considérées comme inactifs. Ce groupe comprend les inactifs purs, c’est-à-dire ceux qui ne recherchent pas activement un emploi, ainsi que les individus constituant ce que l’on appelle le halo autour du chômage. Il existe trois catégories de halo autour du chômage, illustrées dans ce qui suit:

Graphique : Trois catégories de halo

Graphique : Trois catégories de halo

Selon les données de l’EEC 2023, en moyenne, 1,95 million de personnes se trouvent dans le halo autour du chômage, et près de 16.4 % d’entre elles sont BRSA (soit 320 000 personnes). Si les BRSA considérés dans les halo I et halo III indiquaient être disponibles pour travailler et que ceux compris dans les halo II et halo III cherchaient activement un emploi, mais qu’aucun ne parvenait à trouver un emploi, alors ils seraient considérés comme étant au chômage selon la définition du BIT et non plus inactives. Cela entraînerait une augmentation du taux de chômage de 0.9 point 3. Si l’on considère la structure de l’emploi de l’enquête Emploi en 2023, alors le taux de chômage n’augmenterait plus que de 0.4 point4. Enfin, si les répondants au questionnaire, auparavant comptabilisés dans le halo autour du chômage, indiquaient avoir travaillé au moins une heure au cours de la semaine de référence et donc seraient comptabilisés dans l’emploi, le taux de chômage pourrait baisser de 0.1 point.

3 Autrement dit, dans cette hypothèse, les 320 000 personnes incluses dans le halo du chômage (I, II et III) seraient comptabilisées comme chômeuses, ce qui se traduirait par une hausse de 0.9 point du taux de chômage.

4 Sous cette hypothèse, on considère que les 320 000 se partagent entre emploi et chômage selon la clé de répartition suivante :

  • RSA en emploi : 345 + 320*(345/(345+353))=503

  • RSA au chômage : 353 + 320*(353/(345+353))=515.

Si l’on augmente le nombre de chômeurs de (515 – 353) = 162 et la population active de 320, alors le taux de chômage n’augmente plus que de 0.4 point.

Enfin, étant donné la difficulté pour France Travail d’absorber l’afflux important de personnes déjà inscrites (près d’un millions), en plus de celles sollicitant pour la première fois le RSA, il est probable que l’impact sur le taux de chômage ne soit que partiel au premier trimestre 2025, compliquant davantage l’évaluation des effets de la réforme sur l’objectif de Plein Emploi.

Table 1: Effet de la réforme sur le chômage au sens du BIT
En pt de % de la pop. active Tous en emploi Structure EEC 2023 Tous au chômage
Halo (I+II+III) -0.1 0.4 0.9
Halo I 0 0.1 0.2
Halo II 0 0.2 0.4
Halo III 0 0.2 0.4
Note de lecture: Si toutes les personnes considérées dans le halo autour du chômage repassent dans la population active et selon le partage emploi/chômage de l’EEC 2023, alors le taux de chômage pourrait augmenter au total de 0,4 point. La somme des effets pour les trois catégories du halo autour du chômage diffère du halo du fait des arrondis. d
Sources: Enquête Emploi en continu EEC - 2023, INSEE (producteur) et PROGEDO-ADISP (diffuseur), calculs OFCE.