Plafonner le quotient conjugal

Un surcroît de recettes fiscales de plus de 3 milliards

Fiscalité
Démographie
État-Providence
Autrices, auteurs
Date de publication

5 février 2025

Dans un contexte où l’ajustement des finances publiques est une priorité pour l’exécutif, il est utile d’examiner le fonctionnement de l’impôt sur le revenu. Bien que le contexte politique complexe ne permette pas de proposer une réforme structurelle de cet impôt1, des ajustements paramétriques sont possibles, notamment en ce qui concerne la fiscalité des couples.

1 Telle qu’une modification du nombre de parts fiscales attribuées selon la configuration familiale ou encore une individualisation de l’impôt assortie d’une révision du barème etc.

Figure 1: Effet du plafonnement du bénéfice du quotient conjugal

En France, les couples mariés ou pacsés doivent déclarer conjointement leurs ressources et se voient attribuer deux parts fiscales. En l’absence de personne à charge, cela implique que le barème de l’impôt est appliqué au quotient conjugal – soit au revenu net imposable total divisé par deux-, ce qui réduit le taux moyen d’imposition par rapport à une personne seule de même revenu total. Lorsque les deux conjoints ont des revenus similaires, l’imposition jointe et l’imposition séparée (qui s’applique aux couples concubins) aboutissent généralement au même montant d’impôt2. En revanche, dès lors que les revenus des époux sont très différents, l’imposition jointe est plus avantageuse que l’imposition séparée. Ce gain fiscal est d’autant plus important que le revenu total du couple est élevé et inégalement réparti entre les conjoints (André et Sireyjol 2021).

2 À l’exception des couples bénéficiant de la décote ou d’une réduction d’impôt sous condition de ressources.

Le quotient conjugal suppose qu’il y a mutualisation des revenus au sein du couple. L’objectif est d’imposer non pas le revenu individuel mais le niveau de vie des couples. Cependant en accordant deux parts fiscales aux couples mariés ou pacsés, ce dispositif va au-delà des unités de consommation telles que mesurées par l’échelle d’équivalence de l’OCDE. L’ensemble des critiques adressées à ce dispositif sont détaillées dans Allègre, Périvier, et Pucci (2021).

Le traitement fiscal du quotient conjugal diffère de celui du quotient familial. En effet, depuis 1982, le bénéfice du quotient familial est plafonné dans un souci d’équité verticale (Glaude 1991). Il ne peut excéder un certain montant par demi-part fiscale, fixé à 1 759 euros en 20243. En revanche, le bénéfice du quotient conjugal n’est pas soumis à plafonnement4. Sans remettre en cause le principe du quotient conjugal, il est possible d’en aligner le fonctionnement sur celui du quotient familial. Ainsi, en conservant les deux parts fiscales attribuées aux couples mariés ou pacsés au titre du quotient conjugal, le bénéfice de ce dernier pourrait être plafonné à 3 518 euros (soit deux fois 1 759 euros).

3 Un couple avec deux enfants à charge ne peut bénéficier de plus de 3 518 euros de réduction d’impôt au titre des deux demis parts parts de quotient familial accordées pour les enfants.

4 Le bénéfice du quotient conjugal se stabilise à environ 35 000 euros pour les couples dont le revenu par part est supérieur au seuil de la dernière tranche du barème d’imposition (soit un revenu supérieur à 1 million d’euros).

5 L’accès à certaines données utilisées dans le cadre de ce travail a été réalisé au sein d’environnements sécurisés du Centre d’accès sécurisé aux données- CASD (Réf. 10.34724/CASD).

6 La simulation a été réalisée avec la législation 2022 et avec l’ERFS 2020. Le plafond du bénéfice du quotient conjugal que nous avons simulé est de 3 356 euros. En effet, en 2022 le bénéfice du quotient familial était plafonné à 1 678 euros par demi part.

À l’aide du modèle de microsimulation Ines développé par l’Insee, la Drees et la Cnaf5, nous simulons une réforme simple de ce dispositif  en plafonnant la réduction d’impôt associée au quotient conjugal au même niveau que pour le quotient familial6. Nous retenons les mêmes hypothèses que celles adoptées lors des simulations de réformes de l’impôt sur le revenu basées sur la législation de 2018 (Allègre, Périvier, et Pucci 2021).

Cette réforme entraînerait une augmentation des recettes fiscales de 3,2 milliards d’euros (soit 2,8% des recettes fiscales issues de l’impôt sur le revenu en 2024). Moins d’un couple marié ou pacsé sur dix (7 %) verrait son montant d’impôt dû augmenter. Huit couples perdants sur dix se situeraient dans les trois derniers déciles de niveau de vie des couples mariés ou pacsés, et 45% dans le dernier décile, pour ces couples la perte moyenne serait d’environ 1 200 euros par an (Figure 1).

En plafonnant la réduction d’impôt associée au quotient conjugal, les recettes fiscales augmenteraient de manière ciblée en affectant principalement les couples les plus aisés.

Références

Allègre, Guillaume, Hélène Périvier, et Muriel Pucci. 2021. « Taxation of Couples and Marital Status Simulation of Three Reforms of the Marital Quotient in France ». Economie et Statistique / Economics and Statistics, nᵒ 526-527 (octobre): 3‑20. https://doi.org/10.24187/ecostat.2021.526d.2050.
André, Mathias, et Antoine Sireyjol. 2021. « Redistributive Effects of the Taxation of Couples and Families: A Microsimulation Study of Income Tax ». Economie et Statistique / Economics and Statistics, nᵒ 526-527 (octobre): 21‑39. https://doi.org/10.24187/ecostat.2021.526d.2049.
Glaude, Michel. 1991. « L’originalité du système du quotient familial ». Economie et Statistique / Economics and Statistics, nᵒ 248: pp.51‑67.