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Elliot Aurissergues, Christophe Blot, Edgar Carpentier-Charléty, Magali Dauvin, François Geerolf, Éric Heyer et Mathieu Plane
Département analyse et prévision de l’OFCE
Résumé
La zone euro a traversé plusieurs crises qui ont parfois menacé sa pérennité mais qui ont aussi entraîné des réformes de sa gouvernance budgétaire et des changements dans la conduite de la politique monétaire. À la veille des élections européennes et 25 ans après sa création, la question se pose de la performance économique de la zone euro par rapport à celle de l’économie américaine. Alors que les trajectoires de PIB par habitant ont été relativement similaires entre 1999 et 2008, elles divergent notablement depuis.
Nous étudions les causes possibles de ce décrochage en distinguant les facteurs d’offre et de demande.
â– Côté offre, la zone euro s’est caractérisée sur l’ensemble de la période par une croissance de la productivité nettement plus faible qu’aux États-Unis. À l’inverse, alors qu’il a stagné aux États-Unis, le taux d’emploi de la population en âge de travailler s’est nettement amélioré dans les pays européens même si des disparités au sein du continent demeurent.
Plus récemment, la divergence est également liée à l’impact de la crise énergétique et à la hausse plus forte des prix de l’énergie en Europe en lien avec la baisse de l’offre de gaz naturel russe après le déclenchement de la guerre en Ukraine.
â– Du côté de la demande, force est de constater qu’il y a un déficit de demande agrégée bien réel en zone euro, avec une épargne qui dépasse nettement l’investissement depuis 2010, alimentant les déséquilibres commerciaux dans le monde. Cette épargne excédentaire s’explique entre autres par une politique budgétaire plus restrictive en Europe qu’aux États-Unis. Cette sous performance agrégée de la zone euro s’accompagne de trajectoires très hétérogènes au sein de la même zone. Sur l’ensemble de la période, les pays du « Nord » ont crû plus vite que la France et que les pays du « Sud ». La période récente a cependant permis à certains pays, notamment l’Italie, de combler une partie de l’écart.
L’enjeu des prochaines années sera celui de la consolidation budgétaire et de ses effets sur l’activité.
â– Il est impératif de ne pas reproduire l’erreur de 2011-2014. Une politique de consolidation budgétaire peut-être adaptée en période de reprise de l’activité mais elle est pernicieuse voire inefficace lorsque l’économie est en sous-régime ; si celle-ci doit être menée en période de basse conjoncture, elle sera moins néfaste sur l’activité en étant graduelle, lissée et non synchronisée au sein de la zone euro.
â– Par ailleurs, la priorité de ce côté de l’Atlantique ne peut pas être uniquement le rétablissement des finances publiques, au risque de voir le fossé économique avec les États-Unis continuer à se creuser : avec les nouveaux défis mondiaux et géostratégiques, l'Europe doit financer sa sécurité, la transition écologique et les nouvelles industries vertes.
Utilisant son excédent structurel d'épargne, un plan de relance européen ambitieux, ciblé à la fois sur l’offre et sur la demande, permettrait de relever ces défis tout en mettant les économies sous tension, stimulant ainsi la croissance et la productivité. Une croissance potentielle accrue plus élevée est cruciale pour la soutenabilité des dettes publiques à long terme.
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