Le gel du barème de l’impôt sur le revenu1 a été évoqué récemment comme une piste potentielle de réduction du déficit dans un contexte de finances publiques plus dégradées qu’anticipées. Habituellement, le barème de l’impôt sur le revenu est indexé sur l’inflation ou sur l’évolution du revenu des ménages observée l’année précédente. Cette indexation vise à éviter que la hausse des revenus n’entraîne une augmentation plus que proportionnelle de l’imposition des contribuables. Dans les faits, ces dernières années, le barème de l’impôt sur le revenu a été le plus souvent indexé non pas l’évolution des revenus mais sur celle des prix. Cette indexation des seuils de l’impôt sur le revenu sur l’inflation s’est traduite par une hausse du taux apparent d’imposition sur le revenu dans un contexte où celui ci a crû plus rapidement que les prix.
En 2024, nous anticipons que les revenus taxables à l’impôt sur le revenu2 devraient augmenter de 4,1% pour un indice des prix à la consommation en hausse lui de 2,2%. Dès lors, l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation devrait se traduire par une hausse des recettes fiscales de l’ordre de 2,6 milliards d’euros. A l’aide du modèle de micro-simulation Ines, développé conjointement par l’Insee, la Drees et la Cnaf, et dont la dernière version simule la législation socio fiscale de 2022, nous simulons différents scénarii de gel, total ou partiel, du barème de l’impôt sur le revenu.
Les gains budgétaires à attendre d’un gel total du barème de l’impôt sur le revenu sont de l’ordre de 3 milliards. En outre, près de 380 000 ménages deviendraient imposables au titre de l’impôt sur le revenu alors qu’ils en seraient exonérés si l’indexation du barème sur l’inflation était pratiquée3. Ces ménages sont des ménages appartenant au centre de la distribution des niveaux de vie c’est-à-dire des ménages n’appartenant ni aux 30% les plus modestes, ni au 20% les plus aisés. En cas de gel, les ménages proches du niveau de vie médian perdraient entre 50 et 100 euros par an par rapport à une situation d’indexation « usuelle4 » soit entre 0,2% et 0,3% de leur niveau de vie annuel.
Ces pertes dépasseraient les 250 euros pour les 15% de ménages les plus aisés (les trois derniers vingtièmes) avec un effet légèrement régressif en pourcentage du niveau de vie en fin de distribution. Autrement dit, au sein des ménages les plus riches, les plus aisés seraient relativement moins affectés que les autres, en raison de la faible progressivité de l’impôt dans les tranches les plus élevées.
Au total ce sont 17,6 millions de ménages qui verraient leur impôt sur le revenu augmenter par rapport à une situation d’indexation sur l’inflation.
Nous avons simulé une deuxième mesure qui consisterait à indexer sur l’inflation la première tranche d’impôt sur le revenu mais à ne pas faire évoluer les trois dernières tranches du barème c’est-à-dire celles des taux marginaux à 30%, 41% et 45%. Sous ces hypothèses, 7,3 millions de ménages verraient leur impôt sur le revenu s’accroître. Selon nos estimations, cette mesure « épargnerait » les ménages du centre de la distribution et concentrerait l’effort sur les ménages plus aisés. Cependant, les gains budgétaires seraient moindres, atteignant environ 1,7 milliard d’euros.
Enfin, un dernier scénario a été simulé : le seul gel des deux tranches supérieures du barème de l’impôt sur le revenu. La mesure concentrerait l’effort sur les 560 000 foyers fiscaux les plus aisés mais les recettes fiscales à attendre seraient très faibles, de l’ordre de 200 millions d’euros.