par Pierre Madec et Mathieu Plane
Le portrait social de la France livré par l’INSEE il y a quelques jours indique que le niveau de vie moyen, par unité de consommation, a baissé de près de 400 euros entre 2012 et 2013 soit la baisse la plus importante mesurée depuis 2008. La reprise annoncée de l’économie française dans les prochains trimestres sera-t-elle à même de redresser le niveau de vie et le pouvoir d’achat des ménages ?
Nous étudions ici l’évolution du pouvoir d’achat par ménage[1] au sens de la comptabilité nationale depuis 1999, avec un focus particulier sur la période de la crise (2008-2016)[2]. A partir du compte des ménages, nous analysons les composantes du revenu des ménages de façon à identifier à la fois l’impact direct des politiques budgétaires sur le pouvoir d’achat (prestations sociales et prélèvements obligatoires) mais aussi la dynamique des revenus du travail et du capital. Pour les années 2015 et 2016, nous avons repris la prévision contenue dans le Rapport Economique Social et Financier du Projet loi de finances pour 2016.
Si la période d’avant crise (1999-2007) a clairement été une période faste pour le pouvoir d’achat des ménages (+540 euros par ménage en moyenne annuelle), tirée par le dynamisme des revenus du travail et du capital, ce dernier a été fortement amputé depuis le début de la crise. Sur la période 2008-2014, le pouvoir d’achat par ménage s’est ainsi réduit de plus de 1200 euros. Si le pouvoir d’achat par ménage s’est relativement bien maintenu lors de la première partie de la crise, c’est-à-dire de 2008 à 2010, sous l’effet notamment du plan de relance et des prestations sociales qui ont joué leur rôle contra-cyclique en amortissant le revenu (+ 1020 euros par ménage sur la période), la consolidation budgétaire entamée en 2011 a considérablement impacté le pouvoir d’achat. La forte augmentation des prélèvements obligatoires sur les ménages de 2011 à 2014 a réduit le pouvoir d’achat par ménage de 1120 euros en quatre ans. Cela tend à montrer que les politiques fiscales sont pro-cycliques depuis 1999 : la hausse des impôts sur le revenu et le patrimoine a été maximale lorsque les ressources des ménages se sont le plus contractées (-50 euros en moyenne par an sur la période 2011-14). A l’inverse, les charges liées à ces deux types d’impôt ont très faiblement augmenté au cours de la période précédant la crise (+48 euros par ménage par an en moyenne sur la période 1999-2007) alors que les ressources des ménages ont connu une très forte croissance sur cette période (+690 euros en moyenne par an par ménage). La baisse du nombre d’emplois par ménage et la quasi-stagnation des rémunérations réelles ont quant à elles contribué à réduire les revenus réels du travail par ménage de 350 euros par an sur la période 2001-14. Et la baisse des revenus réels du capital a conduit à diminuer le pouvoir d’achat de 320 euros par ménage. Seules les prestations sociales ont contribué positivement au pouvoir d’achat (650 euros par ménage sur quatre ans). Au final, le pouvoir d’achat par ménage s’est contracté de 1330 euros sur la période 2011-14, et ce malgré une année 2014 marqué par le début du redressement du pouvoir d’achat (+200 euros par ménage) tirée par la hausse des revenus du travail en raison de salaires réels dynamiques, dans un contexte d‘inflation nulle, et d’une légère amélioration de l’emploi total (+ 81 000).
Selon les prévisions contenues dans le PLF 2016 présenté par le gouvernement, le pouvoir d’achat par ménage croitrait en 2015 et 2016 de 335 euros en moyenne par an, soit une légère accélération par rapport à 2014. La contribution annuelle des revenus du travail au pouvoir d’achat (240 euros) serait proche de celle observée en 2014 grâce à une masse salariale relativement dynamique. En revanche, les revenus réels du capital connaitraient une forte augmentation, contribuant à accroitre le pouvoir d’achat par ménage de 160 euros par an, soit un rythme légèrement supérieur à la moyenne d’avant crise (140 euros par an sur la période 1999-2007). Toutefois, malgré la baisse votée de l’IR, la pression fiscale continuerait à peser sur le pouvoir d’achat (-115 euros en moyenne par an et par ménage) en raison de l’augmentation des autres types de prélèvements. Enfin, sous l’impulsion des 50 milliards d’économies prévues sur la période 2015-17, dont 11 proviennent d’économies sur les prestations sociales, ces dernières ne contribueraient à augmenter le pouvoir d’achat par ménage que de 60 euros par an, soit près de trois fois moins que la hausse annuelle de la période précédant la crise (1999-2007), période qui a pourtant été marquée par une baisse du chômage.
La politique budgétaire, bien que moins restrictive que par le passé, continuera donc à peser sur la dynamique du revenu des ménages. Ces derniers ne récupéreraient en 2016 qu’environ 50 % de la perte de revenu encaissée sur la période 2011-13. Au final, malgré un redressement du revenu sur la période 2015-16, le pouvoir d’achat par ménage resterait en 2016 proche de celui observé dix ans auparavant.
[1] Le pouvoir d’achat par ménage correspond au revenu disponible brut, en euros constants, divisés par le nombre de ménages.
[2] De façon à équilibrer l’analyse, nous avons séparé 2 périodes avec des durées équivalentes, celle de l’avant crise qui s’étale sur les 9 ans précédant la crise (1999-2007) et celle après la crise qui dure également 9 ans (2008-16)
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