Le montant des recettes publiques en 2018 réserve-t-il une surprise ?

par Raul Sampognaro

En 2017 le déficit public français s’est amélioré de 0,8 point de PIB pour atteindre 2,6 % du PIB et passer sous la barre des 3 %. La baisse du déficit s’explique en grande partie par la hausse de 0,7 point de PIB du taux de prélèvements obligatoires (PO). Cette hausse s’est opérée alors même que les mesures discrétionnaires augmentaient les PO à peine de 0,1 point de PIB[1]. Ainsi, ces prélèvements ont connu un dynamisme bien supérieur à celui du PIB. Ce différentiel explique 0,6 point de PIB de la hausse totale du taux de PO. La question se pose de savoir si ce dynamisme des assiettes fiscales peut se maintenir en 2018.

La sensibilité des recettes fiscales à la croissance dépend des conditions cycliques

À court terme, les élasticités des recettes fiscales au PIB peuvent fluctuer et s’éloigner de leur niveau de long terme[2]. Trois raisons peuvent modifier le lien entre niveau d’activité et recettes publiques :

– La composition de la croissance : toutes les composantes du PIB ne sont pas soumises à la même taxation. Ainsi, une croissance portée par la consommation des ménages aura plus d’impact sur les recettes publiques que si elle l’est par les exportations ;

– Le cycle du prix des actifs : certaines recettes sont liées aux prix des actifs (immobiliers ou financiers) qui ne sont pas toujours corrélés au cycle du PIB. Ceci est notamment vrai pour la fiscalité locale ou les impôts assis sur la valeur du patrimoine ;

– Un effet dynamique sur l’assiette fiscale : certains impôts sont encaissés sur la base d’une assiette correspondant à l’année antérieure. Ainsi, les recettes d’IS de l’année t sont dépendantes des profits déclarés pour l’année t-1. De même, l’IRPP dépend (avant l’instauration du prélèvement à la source) du revenu de l’année précédente. Le décalage entre la dynamique du PIB et de celle des profits ou du RDB peut casser le lien entre PIB et recettes.

Ces facteurs ont joué en 2017 et, en particulier, l’emploi est reparti à la hausse. Dans ce contexte, ce sont surtout les impôts assis sur les revenus et le patrimoine (+5,2 %) et les impôts sur les produits et la production (+4,6 %) qui ont crû plus fortement que le PIB nominal (+2,8 %).

Une estimation de la sensibilité des recettes à la croissance en fonction du cycle pour la France

Évaluer le lien entre l’évolution des recettes et celle du PIB requiert de tenir compte des changements législatifs introduits. Il est possible d’appréhender l’impact des nouvelles mesures à partir des évaluations réalisées dans chaque projet de loi de finances. Nous suivons la méthodologie de Lafféter et Pak (2015)[3] pour obtenir une série des recettes corrigées des changements législatifs sur la période 1998-2017 (notée ). Le lien existant entre l’évolution spontanée des PO et le cycle de l’activité économique est évalué sur la base du modèle suivant, qui sera estimé économétriquement :

EQN_post26-06Où représente le PIB nominal à la date et des variables cycliques qui peuvent modifier à court terme l’élasticité des recettes fiscales au PIB nominal.

La spécification (1), présentée dans le tableau 1, relie simplement les recettes fiscales au PIB nominal à législation constante, sans se soucier du contexte cyclique. Dans ce modèle de référence, l’élasticité estimée est bien unitaire, ce qui traduit bien l’idée que les recettes fiscales, corrigées des mesures fiscales, croient spontanément comme le PIB.

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L’ajout de variables cycliques modifie le diagnostic. En particulier, la spécification (3) couple la croissance du PIB nominal avec le niveau de l’output-gap. En bas de cycle, l’élasticité des recettes serait sensiblement supérieure à l’unité et serait de 1,21.

Les recettes peuvent rester dynamiques en 2018

En 2018, l’output gap resterait ouvert et la reprise devrait se poursuivre en France selon notre dernière prévision. Dans ce contexte, un aléa haussier sur les recettes ne peut pas être exclu. Dans notre scénario de base – prudent – où l’élasticité des PO serait unitaire, le déficit nominal s’établirait à 2,4 %. En revanche, si l’élasticité s’établit à 1,21, un surplus de recettes fiscales de 6 milliards peut être attendu (0,3 point) et le déficit serait de 2,1 % du PIB.

Une telle surprise donnerait de l’air au gouvernement et sécuriserait sa trajectoire de finances publiques. Or, la France affiche une stabilisation de son solde structurel pour 2018. Ceci constitue une déviation de plus de 0,5 point de PIB vis-à-vis de la convergence vers son Objectif de Moyen Terme (OMT) dans le cadre du volet préventif du Pacte de stabilité[4], ce qui pourrait aboutir au renforcement des procédures budgétaires européennes. Or, avec une surprise positive sur les recettes – que l’on peut évaluer à 0,3 point de PIB d’après l’estimation du tableau 1 – l’écart vis-à-vis des obligations en termes de convergence vers l’OMT serait plus faible et dans la marge des déviations annuelles autorisées par le Pacte de stabilité et de croissance (0,25 point de PIB). Ceci, permettrait à la France de préserver sa stratégie de finances publiques et cela sans même jouer la carte des flexibilités existantes dans la gouvernance européenne, comme celles de la clause de réformes structurelles et la clause d’investissement public.

 

[1] Ce chiffre inclut la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises – 0,2 point de PIB – destinée à financer la moitié du remboursement de la taxe sur les dividendes annulés par le Conseil constitutionnel. Cette contribution exceptionnelle constitue un one-off qui ne sera pas reconduit en 2018. Ainsi, les mesures discrétionnaires structurelles peuvent même être évaluées comme une baisse de la fiscalité de 0,1 point de PIB.

[2] Dans un premier temps on peut considérer cette élasticité de long terme comme étant unitaire. La DG Trésor l’évalue à 1,04.

[3] Lafféter Q. et M. Pak, 2015, « Élasticités des recettes fiscales au cycle économique : étude de trois impôts sur la période 1979-2013 en France », Document de travail, INSEE, G. 2015/08.

[4] Le 23 mai 2018 la Commission européenne a publié sa recommandation au Conseil pour acter la fin de la procédure de déficit excessif ouverte à l’encontre de la France en 2009. Cette recommandation sera validée par le Conseil avant la fin du mois de juin 2018.




Budget 2018-2019 : quel impact des mesures socio-fiscales sur le taux d’épargne des ménages ?

Par Pierre Madec et Mathieu Plane

La montée en charge des différentes mesures fiscales prises dans le cadre de la Loi de finances pour 2018 devrait affecter de manière différente les ménages selon qu’ils se situent en bas ou en haut de la distribution des niveaux de vie. Si, globalement, les mesures du budget devraient être quasiment neutres sur le pouvoir d’achat global des ménages en moyenne en 2018, les ménages les plus aisés bénéficieraient dès 2018 des réformes visant à réduire la taxation du capital (suppression de l’ISF et instauration du PFU sur les revenus du capital). Les 17,7 millions de ménages éligibles à l’exonération totale de la taxe d’habitation en 2020 devraient quant à eux voir celle-ci réduite de l’ordre de 30 % dès 2018. Les ménages du bas de la distribution devraient bénéficier des revalorisations de certains minima sociaux et de la Prime d’activité. Les salariés verront leur pouvoir d’achat s’accroître sous l’effet de l’entame de la bascule cotisation/CSG au détriment des retraités et des détenteurs de capital qui verront leur pouvoir d’achat amputé par la hausse de la CSG. Les fumeurs ainsi que les ménages utilisant un véhicule à combustion ou se chauffant au fioul verront leur niveau de vie amputé de l’accroissement de la fiscalité écologique et du tabac. De fait, l’analyse à elle seule de l’évolution du pouvoir d’achat au niveau macroéconomique ne permet pas d’éclairer le débat sur les nombreux transferts s’opérant sous l’effet des nouvelles mesures au sein même des ménages. En 2019, la montée en charge des mesures d’aides aux bas revenus ainsi que le renforcement de la fiscalité indirecte devraient également affecter de manière différente les ménages selon leur position dans la distribution des niveaux de vie.

Ces effets différenciés auront un impact sur le comportement d’épargne et de consommation au niveau macroéconomique. Comme la propension à épargner s’accroît avec le revenu des ménages[1], le taux d’épargne des 5 % les plus aisés est très élevé. Principaux bénéficiaires des mesures discrétionnaires de 2018, ils sont aussi les plus susceptibles d’augmenter leur épargne. À titre d’illustration, le taux d’épargne des ménages appartenant aux 20% les plus modestes est, selon l’Insee, de 3% alors que celui des 10% les plus aisés s’établit à 65%. La politique fiscale a donc de fortes chances de se traduire par une hausse marquée du taux d’épargne des ménages entre 2017 et 2019, hausse que nous chiffrons à 0,2 point (graphique).

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[1] Voir Céline Antonin, « Les liens entre taux d’épargne, revenu et incertitude. Une illustration sur données françaises », Sciences Po OFCE Working Paper, n° 19 -2018/05/09.




Livret A : un placement sans intérêt ?

par Céline Antonin

Alors que les Caisses d’épargne célèbrent en 2018 le bicentenaire de leur création, le gouvernement a décidé de modifier la méthode de calcul du taux de rémunération du livret A. Cette mesure concerne un grand nombre d’épargnants : en effet, malgré un taux de détention en baisse[1] en 2016, essentiellement lié à l’application de la loi Eckert[2], le livret A reste populaire et son encours atteint le record historique de 249 milliards d’euros en février 2018. Ce n’est certes pas la première modification de cet ordre : ne serait-ce qu’au début des années 2000, le mode de calcul du taux de rémunération a été modifié à trois reprises[3]. Le projet de réforme présenté le 19 avril 2018 est clairement défavorable aux détenteurs du livret A. Il traduit notamment la volonté de détourner les ménages de l’épargne défiscalisée et de les inciter à investir dans des placements de long-terme dédiés à l’investissement productif ; en cela, il est cohérent avec la réforme de la fiscalité du capital et l’instauration d’une flat tax à 30 %.

Quel changement par rapport au mode de calcul antérieur ?

Selon l’arrêté de novembre 2016, le taux de rémunération du livret A est égal au chiffre le plus élevé entre :

  1. a) la moyenne arithmétique entre la moyenne semestrielle de l’EONIA[4] (Euro Overnight Index Average) et l’inflation en France mesurée par la moyenne semestrielle de la variation sur les douze derniers mois connus de l’indice des prix à la consommation hors tabac de l’ensemble des ménages ;
  2. b) l’inflation mentionnée au a), majorée d’un quart de point sauf si l’écart entre le taux monétaire et l’inflation mentionnés au a) est supérieur à un quart de point.

À partir de 2020, la réforme proposée par le gouvernement est la suivante : le taux du livret A sera égal à la moyenne semestrielle du taux d’inflation hors tabac et des taux interbancaires à court terme (EONIA), arrondie à 0,1 point le plus proche. Par ailleurs, un taux plancher de 0,5 % est instauré. Dans l’intervalle, entre novembre 2017 et le 31 janvier 2020, le taux du livret A sera maintenu à 0,75 %.

Les raisons qui motivent cette décision

Le premier argument mis en exergue pour motiver ce changement de calcul est le creusement problématique de l’écart de taux entre d’une part les taux courts négatifs liés à la politique monétaire expansionniste de la BCE, et d’autre part une inflation restée positive. Le creusement de cet écart rend la rémunération du livret A plus coûteuse pour la Caisse des dépôts et consignations et pour les banques, alors même que les taux à court terme sont négatifs.

Par ailleurs, les encours collectés par les banques sont centralisés par la Caisse des dépôts afin de servir au financement du logement social. Or, la nécessité de maintenir un niveau de rémunération plus élevé pour les épargnants que le taux à court terme renchérit le coût de financement du secteur du logement social. Ainsi, le gouvernement avance que les charges financières du secteur du logement social devraient être réduites de 675 millions d’euros par an grâce à la réforme.

Une autre volonté affichée par le gouvernement est d’inciter les épargnants à délaisser les livrets défiscalisés et à diriger leurs économies vers l’investissement productif. Notons que si la baisse des taux incite les épargnants à se détourner du livret A, cela déplace le problème vers la question du financement du logement social (Levasseur, 2013).

Mauvaise nouvelle pour le détenteur du livret A

Par rapport à la situation actuelle, la réforme de 2020 est défavorable aux détenteurs d’un livret A. Elle entraîne en effet la disparition de la garantie de rémunération supérieure à l’inflation. Comme le montre le tableau, le mode de calcul est plus avantageux sous le régime actuel dans tous les cas, sauf lorsque l’inflation est inférieure aux taux courts minorés d’un quart de point, auquel cas la réforme ne change rien.

Tabe-post3-05Or, depuis 2010, l’inflation est systématiquement supérieure ou égale au niveau des taux courts (graphique 1). Par conséquent, si le mode de calcul avait été celui proposé par cette réforme, les épargnants auraient été désavantagés depuis 2010. Par exemple, en mars 2018, avec une moyenne semestrielle des taux EONIA de -0,35 % et une moyenne semestrielle du taux de variation sur douze mois de l’IPC hors tabac à 1,09 %, le taux moyen de rémunération serait de 0,37 %, soit 0,4 %. L’instauration d’un taux plancher permettrait de porter ce taux à 0,5 %, mais le taux serait néanmoins deux fois plus faible que si l’on applique le mode de calcul actuel (1 % en l’occurrence). Ainsi, sur l’année 2017, le taux de rendement du livret A, hors mouvements de dépôts ou de retrait, est de 0,8 % avec la formule de calcul théorique actuelle ; il aurait été de 0,5 % avec la formule de calcul applicable à partir de 2020. Sur longue période (2010-2017), le taux de rendement aurait été de 7,9 % avec la formule actuelle, contre 5,9 % après réforme.

Le graphique 2 permet de comparer comment le taux de rémunération du livret A aurait évolué historiquement si la réforme de 2020 avait été mise en place dès 2000. Ainsi, on compare le taux théorique que l’on obtiendrait en appliquant le calcul avec la législation actuelle au taux théorique que l’on obtiendrait en appliquant les modalités de la réforme. Sur la période 2000-2009, les taux courts étant plus élevés que l’inflation, la réforme n’aurait pas eu d’impact. En revanche, entre 2010 et 2014, la réforme prévue aurait conduit à un taux de rémunération plus faible. En 2015 et 2016, période d’inflation très faible, l’instauration d’un taux plancher aurait permis d’éviter que le taux du livret A ne tombe en dessous de 0,5 %, et se serait révélé donc plus favorable que le calcul actuel. Par contre, dès que le spectre de la déflation s’éloigne, en 2017, le taux post-réforme redevient désavantageux pour l’épargnant.

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Notons également que jusqu’à présent, la formule théorique de calcul des taux a servi de point de départ à la fixation du taux légal, mais que le législateur s’en est quasi systématiquement écarté, dans un sens toujours plus favorable aux épargnants. Cela a notamment permis de ne jamais avoir un taux inférieur à 0,75 %, point bas historique.

Au total, la réforme prévue pour 2020 est désavantageuse pour l’épargnant :

  • Le fait de geler à 0,75 % le taux du livret A jusqu’en janvier 2020, alors que nous prévoyons une progression de l’IPC de 1,1 % en 2018 et de 1,5 % en 2019, va entraîner un rendement réel négatif pour l’épargnant pendant cette période de transition, car la remontée des taux courts devrait être lente ;
  • Par ailleurs, avec la suppression de la référence aux taux d’inflation comme taux plancher après la réforme de 2020, le rendement réel de l’épargne pourrait rester négatif si les taux courts sont inférieurs au taux d’inflation ;
  • Si le gouvernement souhaite appliquer à la lettre la formule théorique de calcul du taux de livret A, cela devrait également être défavorable aux épargnants, qui bénéficiaient jusqu’à présent d’un coup de pouce lié à un taux toujours plus favorable que la stricte formule de calcul.Seule l’instauration d’un taux plancher permettra d’éviter que le taux de rémunération du livret A ne tombe en dessous de 0,5 %. Cependant, comme le montre le graphique 1, il est très rare que l’inflation soit durablement aussi faible en dehors de périodes exceptionnelles. L’idée est donc de détourner les épargnants du livret A et de rendre d’autres types de placements plus attractifs, aidés en cela par la mise en place de la flat tax à 30 %[5]. Pour l’instant, l’annonce du maintien du taux au niveau historiquement bas de 0,75 % en novembre 2017 n’a pas empêché l’encours du livret A de progresser mensuellement de 5 % en glissement annuel (graphique 3), pour atteindre le record historique de 249 milliards d’euros en février 2018.

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Etant donné la forte concentration de l’épargne défiscalisée, une potentielle substitution dépendra essentiellement du comportement des « gros déposants » dont les dépôts sur le livret A sont proches des plafonds (supérieurs à 19 125 euros) et qui représentent près de la moitié des encours du livret A en 2016. Or, ces « gros déposants » étant les plus sensibles aux variations du taux de l’épargne réglementée (Levasseur, 2013), le réajustement pourrait s’avérer brutal.

 

[1] Le taux de détention d’un livret A par les personnes physiques est passé de 91,7 % en 2015 à 83,4 % en 2016 (Rapport annuel pour 2016 de l’Observatoire de l’épargne réglementée).

[2] La loi Eckert oblige depuis le 1er janvier 2016 les banques à recenser les comptes bancaires inactifs et à les transférer à la Caisse des dépôts et consignations au bout d’un certain délai.

[3] Le texte de référence pour le calcul des taux est le règlement du Comité de la réglementation bancaire n° 86-13 du 14 mai 1986 relatif à la rémunération des fonds reçus par les établissements de crédit.

[4] L’EONIA désigne le taux de référence moyen pondéré des dépôts interbancaires au jour le jour.

[5] Voir Aparisi de Lannoy et Madec, Fiscalité du capital mobilier, quel impact du prélèvement forfaitaire unique?, 2017, Policy brief, OFCE.




Incohérences fiscales

par Henri Sterdyniak

La société française a choisi de mettre en place un niveau important de dépenses publiques et sociales, ce qui implique un haut niveau de prélèvements obligatoires. Ce choix social nécessite d’une part que les dépenses soient gérées avec rigueur, d’autre part que les prélèvements soient le plus équitables possibles.La fiscalité a trois rôles. Le premier est de faire financer les dépenses publiques par chaque citoyen selon ses capacités contributives. Ceci se traduit aussi par la règle : « A revenu égal, impôt égal ». Le degré de liberté des gouvernements en matière fiscale est ainsi en principe limité. Le deuxième est de redistribuer les revenus de façon à ce que les revenus disponibles soient plus équitables que les revenus primaires. Le troisième est d’inciter les agents économiques à avoir des comportements socialement et économiquement souhaitables. Ces objectifs se renforcent parfois (ainsi, la taxation progressive est conforme aux deux premiers rôles de la fiscalité) mais parfois se contredisent (ainsi, subventionner les emplois à domicile n’est pas conforme aux deux premiers objectifs). Aussi, les mesures fiscales incitatives qui entrent en conflit avec le principe de taxation selon les capacités contributives doivent-elles être soigneusement réfléchies.

Malheureusement, la fiscalité française est trop souvent réformée par des mesures incohérentes, qui contribuent à la rendre compliquée et injuste. Ces réformes sont dictées par les préoccupations à court terme des hommes politiques, au pouvoir ou en campagne électorale. Des mesures à fort effet de communication sont souvent privilégiées, comme la baisse de l’IR, censée avoir un impact psychologique positif sur les contribuables. Les gouvernants préfèrent créer de nouvelles prestations plutôt qu’indexer correctement les prestations existantes. Des dispositions inutiles, compliquées, injustes ne sont pas revues pour ne pas faire de vagues. Pourtant, il est légitime qu’une réforme qui vise à mettre fin à des situations injustes, crée des perdants parmi leurs bénéficiaires.

Nous discuterons ici, de point de vue de la logique fiscale, six mesures annoncées par Emmanuel Macron dans sa campagne électorale, mesures que le gouvernement actuel essaie de mettre en œuvre dans le budget et la loi de financement de la Sécurité sociale de 2018[1].

 1- La suppression de l’ISF et la création de l’IFI

Le gouvernement a donc décidé de supprimer l’ISF. Cet impôt était accusé de faire fuir les plus riches et de coûter davantage en pertes de recettes fiscales qu’il ne rapporte. Il ne portait pourtant pas sur les biens professionnels et comporte de larges possibilités d’exemption pour les entrepreneurs et leurs familles. L’ISF considérait que le patrimoine est un indicateur de la capacité à contribuer aux dépenses publiques, en plus du revenu. Déjà, le plafonnement de l’ISF en fonction du revenu était une erreur puisque les contribuables aisés qui réussissaient à échapper à l’IR en dissimulant leur revenu, échappaient aussi à l’ISF. Le gouvernement va donc remplacer l’ISF par un IFI (Impôt sur la fortune immobilière) pour encourager les placements productifs et décourager les placements immobiliers.

Le problème est que ce nouvel impôt n’aura strictement aucune légitimité. Les dépenses des collectivités locales liées au logement sont déjà prises en charge par la taxe foncière. Il y aurait certes des arguments pertinents pour taxer le revenu que représentent les loyers implicites, mais l’IFI n’est pas une taxe sur les loyers implicites puisqu’il frappe aussi les immeubles loués. Il y a aussi de bons arguments pour taxer les biens de luxe, comme l’occupation de résidences d’un prix élevé, les yachts, les voitures luxueuses, etc. Mais, l’IFI ne taxe que les résidences (et pas les autres biens de luxe) et ne fait pas le partage entre résidences occupées et résidences louées. Du point de vue redistributif, il n’y a pas de raison pour frapper particulièrement la richesse immobilière. Faut-il détaxer la richesse mobilière car elle a la possibilité de fuir à l’étranger ? C’est récompenser l’exil fiscal et encourager la concurrence fiscale en renonçant à l’équité.

Par ailleurs, le besoin de logement est aussi respectable qu’un autre ; une entreprise qui construit et gère des logements pour étudiants est aussi utile qu’une entreprise qui organise des soirées de gala ; la production de services de logement est aussi productive que la production de tels ou tels services, services de beauté, d’éducation, de loisir, etc. Comment placer la frontière : comment traiter les titres de SCPI, de OCPI ? C’est de l’immobilier, semble dire le gouvernement. Et les entreprises qui gèrent des établissements d’accueil de personnes âgées ou dépendantes, celles qui gèrent des chaînes d’hôtels ? Que faire enfin des entreprises qui possèdent et louent des bureaux ou des locaux industriels ? La distinction entre actifs immobiliers et mobiliers est parfois arbitraire.

Enfin, il semble que l’IFI portera sur la valeur du patrimoine immobilier moins les dettes immobilières. Imaginons donc quelqu’un qui dispose d’un patrimoine de 3 millions d’euros et veut faire un placement immobilier. Il peut acheter un immeuble pour 3 millions et sera alors assujetti à l’IFI ; mais, il peut aussi acheter cet immeuble avec un crédit de 2,5 millions et utiliser 2,5 millions à faire des placements financiers, par exemple un dépôt dans sa banque (qui servira précisément à financer ce crédit). Dans ce cas, son patrimoine immobilier net ne sera que de 0,5 million et il ne sera pas assujetti.

Bref, l’IFI est un impôt mal pensé, qui ne sert qu’à réduire le coût de la suppression de l’ISF (et son mauvais effet sur l’opinion publique). Il est certain que l’IFI sera déféré par les parlementaires devant le Conseil constitutionnel. Il est probable que celui-ci le refusera.

2- Le Prélèvement Forfaire Unique

Avec les mêmes motivations pour favoriser les placements financiers, le gouvernement veut introduire un Prélèvement Forfaitaire Unique à 30% sur les revenus du capital mobilier. L’objectif qui avait guidé les premières réformes fiscales du quinquennat précédent : « Tous les revenus doivent être taxés de la même manière » est oublié. Le principe de progressivité de l’impôt sur le revenu est lui aussi oublié. Comment le justifier ? La cohérence de la taxation du revenu des ménages est mise en cause. Le chiffre de 30% est arbitraire. A chaque réforme se posera la question : comment s’applique-t-elle aux revenus du capital ? On le voit dès maintenant avec la hausse de la CSG (qui ne frappera donc pas les revenus du capital). Le 30% sera-t-il bien réparti entre 15,5+1,7=17,2% pour la Sécurité Sociale et 12,8% pour l’Etat ? Ce 12,8% est très faible par rapport au 45% de la tranche supérieur de l’IR.

La fiscalité actuelle distingue les intérêts et les dividendes. Les dividendes ayant déjà subi un prélèvement à l’IS (de 33,3% en principe) bénéficient en contrepartie d’un abattement de 40% à l’IR, ce qui n’est pas le cas pour les intérêts. Cet avantage relatif des dividendes va disparaître avec le PFU.

On pourrait à la limite justifier des exonérations du revenu épargné (à condition qu’il soit taxé à la sortie, comme dans les PERP) ; il est difficile de justifier un traitement privilégié des revenus du capital qui ne sont pas a priori réinvestis dans les fonds propres des entreprises. La mesure envisagée ne s’attaque pas aux dépenses fiscales injustifiées actuellement : la non-taxation des PEA, les privilèges de l’assurance-vie…

Le point le plus délicat nous semble le même que celui de l’IFI : comment justifier un traitement différencié des revenus du capital mobilier et des revenus du capital immobilier ? Se pose de plus le traitement du revenu mixte, celui des entrepreneurs individuels, dont la composante implicite « revenu du capital » sera taxé au taux normal de l’impôt sur le revenu, donc obligatoirement à un taux plus élevé que 30%, de sorte que la mesure devrait décourager les entrepreneurs individuels d’investir dans leur entreprise. Là aussi, le Conseil constitutionnel aura son mot à dire.

3- La réduction de la taxe d’habitation

Pour compenser ces deux mesures qui profitent essentiellement aux ménages les plus riches, Le gouvernement a donc décidé de supprimer la taxe d’habitation pour 80% des contribuables, ceux dont le revenu fiscal de référence est en dessous d’un certain seuil. Certes la taxe d’habitation est un impôt injuste qui affecte lourdement les habitants des communes pauvres et dont la base (les valeurs locatives) est périmée. Cependant, cette base périmée demeure pour la taxe foncière ; elle demeure pour les 20% de ménages qui continueront à la payer ; on peut craindre que la mesure de suppression ne fasse que retarder la nécessaire révision des valeurs locatives

Ensuite, il faudra compenser durablement la perte pour les communes ; on ne peut se contenter de leur dire que l’Etat assurera une compensation euros pour euros car ce serait injuste (pourquoi subventionner plus certaines communes que d’autres en 2027 sur la base de leur taxe d’habitation de 2017). De toute évidence, il fallait repenser la fiscalité locale : revaloriser les bases de la taxe d’habitation et de la taxe foncière ; réduire leur importance en finançant par des transferts budgétaires les dépenses imposées aux communes et, par ailleurs, donner aux communes une part de la taxation du revenu. Mais il aurait fallu réfléchir à cette réforme avant de prendre une mesure d’allègement sur laquelle il faudra revenir. Il sera d’autant plus difficile de repenser la fiscalité locale que les perdants seront obligatoirement des ménages figurant dans les 80% bénéficiant de la réforme aujourd’hui, donc que la prochaine réforme semblera anti-redistributive.

Cette mesure a le défaut de prévoir que 80% des habitants ne contribueront plus financièrement, en tant qu’habitant, à leur commune ; c’est gênant du point de vue de la démocratie locale. Enfin, la réforme introduit un seuil brutal, ce qui n’est pas souhaitable en principe et introduit des injustices (une personne dont le revenu dépasse le seuil de 1 euro peut devoir payer 500 euros d’impôt supplémentaire) ou des complications (si on introduit un raccord en biseau). Une fiscalité progressive bien pensée suppose un barème avec des tranches régulières d’imposition et non avec des seuils.

Notons cependant un point satisfaisant. Le seuil d’exonération s’applique au revenu fiscal de référence (et non au revenu imposable), de sorte que les revenus de capital financier (ceux qui ne seront pas soumis à l’IR mais au PFU) seront bien pris en compte. Le barème des seuils tient compte de la situation familiale selon des unités de consommation proches de celles définies par l’OCDE (ou l’INSEE) : les familles avec enfants sont toutefois légèrement perdantes

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4- Financement de l’assurance chômage : une réforme sans légitimité

L’assurance chômage est jusqu’à présent régie selon les principes de l’assurance sociale. Chaque salarié a droit à des prestations (l’ARE, Allocation d’aide au retour à l’emploi) qui dépendent, pour leur montant comme pour leur durée, des cotisations que lui et son entreprise ont versées. Actuellement, les cotisations employeurs représentent 4 % du salaire brut ; les cotisations salariés 2,4%. Les règles sont définies par accord contractuel entre les partenaires sociaux qui gère l’UNEDIC ; l’Etat valide ces règles et garantit la dette de l’Unedic. Le principe des assurances sociales est que le lien entre les cotisations et les droits n’est pas strict, n’est pas défini par des règles actuarielles, mais est social, comportant une certaine composante de solidarité. Ainsi, les cotisations ne dépendent pas du risque individuel de chômage ; ainsi, le taux de remplacement des cadres est plus faible que celui des salariés au SMIC. Les prestations chômage constituent du salaire socialisé et différé. La même problématique s’applique aux 0,75 point de cotisations maladie des salariés qui finance les indemnités maladie et maternité de remplacement.

Comme l’assurance chômage couvre des pertes d’emploi involontaires, elle ne couvre pas les salariés démissionnaires. Toutefois, elle couvre les démissions jugées légitimes (comme suivi du conjoint ou harcèlement au travail) et tout salarié démissionnaire peut demander un réexamen de ses droits après 4 mois. Les partenaires sociaux ont décidé que la rupture conventionnelle ouvre les droits aux prestations chômage. Le gouvernement propose d’ouvrir ce droit aux salariés démissionnaires, ce qui ne pose pas problème, sauf que ce droit ne serait donné qu’une fois tous les 5 ans, au lieu de dépendre du motif de la démission.

L’autre réforme envisagée est d’ouvrir le droit à l’ARE aux non-salariés, mais cela supposerait, en toute équité, qu’ils cotisent pour 4+2,4=6,4% d’une base de leur revenu équivalente au salaire brut, base qui permettrait de calculer leurs droits à l’ARE. De même que le salaire brut représente environ 70% du salaire extra-brut, le revenu assuré des non-salariés pourrait représenter 70 % de leur revenu d’activité (la différence étant leurs cotisations sociales) ; les non-salariés devraient cotiser pour environ 6,4% de leur revenu assuré (soit 4,5% de leur revenu d’activité). Les non-salariés voudront-ils bien payer une telle cotisation ? On pourrait certes mettre en place une cotisation plus faible qui leur ouvrirait des droits plus limités (soit en niveau de revenu assuré, soit en taux de remplacement), dans une caisse autonome. Par contre, ils ne peuvent avoir des droits équivalents à ceux des salariés sans cotisations équivalentes aux leurs. Ce d’autant plus que pour les non-salariés, le chômage est difficile à définir en raison de la discontinuité de leur activité et de leur revenu. S’agit-il de compenser la perte totale de revenu d’activité ou les fluctuations de celui-ci ou la baisse durable de revenu ? En tout état de cause, il faudra des règles spécifiques pour eux (comme pour les intermittents du spectacle). Il aurait fallu que ces règles soient négociées, avec les gestionnaires de l’Unedic, si les non-salariés voulaient bénéficier de l’assurance-chômage des salariés.

Bizarrement, le gouvernement affirme que les prestations chômage qui couvriront tous les actifs deviendront de ce fait une prestation universelle. C’est une interprétation erronée. Les prestations famille ou maladie en nature sont universelles car elles ne dépendent pas des cotisations versées. Ce n’est pas le cas pour les prestations chômage, retraites ou maladie de remplacement, qui restent des prestations d’assurances sociales. Cet argument est utilisé pour justifier de remplacer les cotisations chômage (et maladie) des salariés, soit 3,15 points par 1,7 point de CSG.

Les allocations chômage seraient en partie financées par un impôt payé par des retraités et des titulaires de revenu foncier. Elles perdraient leur statut de salaire différé et socialisé. Cela justifierait qu’elles ne soient plus gérées de façon paritaire par les syndicats de salariés et d’employeurs, mais par l’Etat. Une prestation financée par l’impôt doit être une prestation universelle ou une prestation d’assistance. Avec cette réforme du financement, la porte est ouverte pour que les allocations chômage deviennent des prestations universelles d’un montant uniforme et relativement faible, au détriment des salariés de salaire moyen qui se détourneraient du système de protection sociale qui ne les protégerait plus de façon satisfaisante.

Alors que les salariés profiteraient d’une hausse de 1,8% de pouvoir d’achat, les retraités (du moins ceux qui paient actuellement la CSG, ceux dont le revenu dépasse 1 330 euros par mois pour un célibataire, 2 040 euros pour un couple) subiraient une perte de pouvoir d’achat de 1,85%, alors qu’ils ne bénéficient pas depuis 1983 de hausse de pouvoir d’achat, quelle que soit l’évolution des salaires. La réforme réduirait immédiatement le taux de remplacement net des retraites (de 72% à 69,5 %), alors que celui-ci est déjà sur une pente descendante du fait des réformes en cours. Cette baisse ne s’inscrit pas dans une réflexion d’ensemble sur l’évolution souhaitable du niveau de vie relatif des retraités. Elle fragilise encore la garantie de niveau de vie que devrait apporter le système des retraites puisqu’une mesure analogue pourrait être prise demain pour les cotisations famille ou santé.

Les chômeurs seraient épargnés. Ils continueraient à payer 6,7% de CRDS-CSG contre 9,1% pour les retraités et 9,7% pour les actifs.

Les ménages titulaires de revenus du capital financier ne seraient pas touchés pour la quasi-totalité puisque le PFU implique une taxation uniforme à 30% de ces revenus[2].

Les fonctionnaires et les salariés du secteur public ne paient pas actuellement de cotisations maladie et chômage ; ils paient une contribution de solidarité de 1%. La réforme se traduirait pour eux par une baisse de 0,7% de leur revenu brut, si leur contribution de solidarité était supprimée. Certes, le gouvernement avait fait courir le bruit qu’ils bénéficieraient eux aussi d’une hausse de revenu équivalente à ceux du secteur privé, mais il y a renoncé, se contentant d’évoquer les gains que le PPCR apporterait aux fonctionnaires. Par ailleurs, les salariés du secteur public n’ont pas droit à l’Unedic. Leurs éventuelles prestations chômage sont payées par leur employeur. Cela deviendra injustifiable s’ils financent l’Unedic par de la CSG. Mais il faudrait alors que les employeurs publics paient des cotisations employeurs.

Les non-salariés paieraient certes de la CSG, mais a priori pas de cotisations, donc leurs droits ne seraient pas calculables, contrairement à ceux des salariés (sauf, là encore, si la prestation devient universelle). La réforme ne peut se justifier que si les non-salariés paient en plus de la CSG l’équivalent des cotisations chômage employeurs (soit 4% de leur revenu assuré, 2,8% de leur revenu d’activité), cela permettra de leur ouvrir des droits. En toute logique, ils devraient perdre 4,5% de pouvoir d’achat (2,8 points de cotisations employeurs et 1,7 point de CSG) en échange de l’ouverture de droits aux prestations chômage. En fait, le programme présidentiel prévoyait de leur donner les mêmes gains de pouvoir d’achat qu’aux salariés, alors même que leur situation de départ, en ce qui concerne les prestations chômage, était différente. Le gouvernement a donc décidé que les non-salariés bénéficieraient d’une réduction de 2,15 points de leur cotisation famille sur l’ensemble de leur revenu (ce qui compense la hausse de la CSG compte tenu des différences d’assiette) et d’une baisse dégressive des cotisations maladie jusqu’à un revenu de l’ordre de 3 SMIC. Ces baisses sont arbitraires et elles ne vont pas vers une convergence des cotisations salariés et non-salariés, en particulier pour les cotisations non-contributives maladie et famille. La réforme souhaitable, aligner les prestations et les cotisations des salariés et des non-salariés, se serait traduite au contraire par une hausse des cotisations des non-salariés.

Si la prestation chômage devient universelle, ouverte à tous les actifs sans conditions de cotisations, rien ne justifiera plus qu’elle soit financée en grande partie par des cotisations employeurs ne portant que sur les salaires.

Donc, la proposition du gouvernement ne repose pas sur une légitimité économique et sociale. Elargir l’assurance chômage telle qu’elle est, avec des droits dépendant des cotisations, nécessite qu’elle reste essentiellement financée par des cotisations assises sur les revenus d’activité (même si l’Etat et donc l’impôt pourrait prendre en charge une plus grande part des frais de fonctionnement de Pôle emploi et des dépenses de formation[3]). Transformer les prestations chômage en une prestation universelle suppose de supprimer les cotisations chômage employeurs ou de faire payer une cotisation équivalente aux non-salariés et aux revenus du capital. En tout état de cause, on ne peut avoir une prestation financée pour partie par la CSG, assise sur tous les revenus des ménages, pour partie par des cotisations employeurs assises sur les seuls salaires du privé, prestation à laquelle auraient droit les salariés du privé selon les cotisations versées par leurs employeurs et les non-salariés (de manière non encore définie) et pas les salariés du secteur public.

Contrairement à l’apparence, la mesure n’est pas favorable aux salariés puisque tant leur droit à l’assurance chômage que leur taux de remplacement à la retraite seront fragilisés. Il y a une différence fondamentale entre une cotisation qui fait partie du salaire socialisé et ouvre des droits salariaux que les syndicats ont toute légitimité à cogérer et un impôt (même si celui-ci finance une prestation). Ainsi, la réforme remet en cause le principe même de l’assurance chômage. Elle risque d’aboutir à remplacer une prestation d’assurances sociales, droit des salariés ayant cotisé, assurant un taux de remplacement relativement satisfaisant à la grande masse des salariés, par une prestation uniforme et d’un montant non garanti.

Reste l’aspect financier. Selon le gouvernement la mesure serait neutre pour les finances publiques. Donc, contrairement à ce qu’il prétend par ailleurs, elle n’augmenterait pas le pouvoir d’achat des ménages. Les retraités perdraient ce que gagneraient les actifs. En fait, les promesses faites ne sont pas équilibrées. Donner 1,45 % de hausse de revenu brut aux salariés du privé et aux non-salariés coûterait 9,6 milliards, ouvrir l’ARE aux non-salariés et aux démissionnaires environ 2 milliards ; prélever 1,7 point de CSG supplémentaire sur les retraités et titulaires de revenus immobiliers rapporterait 6 milliards. Il manque 5,6 milliards pour boucler l’opération.

5- L’exonération des heures supplémentaires

La mesure figurait dans le programme présidentiel : les heures supplémentaires seraient dispensées de cotisations sociales salariés et de CSG. Les cotisations salariés financent actuellement des prestations retraites (au régime général, à l’Agirc, à l’Arrco) ou chômage. Le montant de ces prestations dépend des cotisations versées. Si les heures supplémentaires ne sont plus soumises à cotisations, elles ne devraient pas ouvrir de droit. Les salariés perdraient à terme ce qu’ils gagneraient à court terme. Peut-on imaginer que les heures supplémentaires ouvrent des droits sans verser de cotisations ? Le Conseil constitutionnel s’est déjà opposé à ce dévoiement quand le gouvernement a voulu créer des exonérations de cotisations salariés pour les bas-salaires (décision du 6 Août 2014).

Le principe de base de la CSG, ce qui fait sa force et sa cohérence, est que, contrairement à l’IR, il n’est pas mité par des niches fiscales. Ce serait prendre une lourde responsabilité que d’en introduire une quasi-première, de plus pour les heures supplémentaires, dont il n’est pas évident qu’il faille les encourager en situation de chômage de masse.

6- Le choix de l’individualisation

Dans son programme, Emmanuel Macron proposait de permettre « à tous les couples qui le souhaitent de faire le choix d’une imposition individualisée ». Ceci avec l’argument : « dans le système actuel, certains couples à deux salaires paient davantage d’impôts que si les deux membres du couple vivaient seuls ! Cela pèse particulièrement sur le conjoint qui a le revenu le plus faible – souvent une femme – pour laquelle une hausse du revenu d’activité donne lieu à un supplément d’impôt plus important que si elle était seule ».

Notons d’abord qu’une telle présentation oublie les enfants. Peut-on préconiser que les parents pratiquent l’imposition séparée en attribuant fictivement la charge de 2 enfants au père et du troisième à la mère (ou l’inverse) ? Il mélange deux problèmes : le choix entre l’individualisation et la familialisation de l’impôt (que nous ne discuterons pas ici[4]) et le fait que, dans certains cas, l’individualisation serait plus favorable pour un couple. En fait, le principe de l’impôt progressif et du quotient familial fait que dans la grande majorité des cas, un couple (ou une famille) a intérêt à l’imposition conjointe. Il aurait même toujours intérêt à l’imposition conjointe si la France n’avait pas introduit un mécanisme baroque de décote.

Avec l’imposition séparée comme avec l’imposition conjointe, une personne seule compte pour une part fiscale et un couple pour 2 parts. C’est injuste par rapport aux unités de consommation telles que mesuré par l’OCDE ou l’INSEE (tableau 1) : une personne seule devrait compter pour 1 ; un couple pour 1,5. Mais, ce n’est pas réalisable du point de vue fiscal car le mariage (ou le PACS) serait fiscalement sanctionné par rapport au concubinage.

La meilleure solution aurait été de compter 2 part pour un couple (marié ou pacsé), 1 part pour une personne vivant en couple non officiel et 1,33 part (2/1,5) aux personnes vivant effectivement seules. Ce qui supposerait soit de se fier à leurs déclarations sur l’honneur, soit un contrôle pénible (comme celui que la CAF pratique déjà aujourd’hui).

La France avait choisi une cote mal taillée en donnant une part à tous les célibataires, une demi-part supplémentaire aux personnes seules avec enfants, une demi-part supplémentaire aux veuves (ou veufs) ayant élevé des enfants[5] et en introduisant en 1981 une décote pour les célibataires de bas-revenus. Cette décote a été étendue en 1986 aux couples de faible revenu, mais avec un montant identique pour les célibataires et les couples. Les couples bénéficient maintenant d’une décote plus élevée que les célibataires, mais le système continue à favoriser les célibataires (leur décote est de 1 165 euros) au détriment des couples (leur décote est de 1 920 euros, soit 410 euros de moins que 2 fois 1 165 euros). Ainsi, certains couples (par exemple, deux conjoints de 14 470 euros de revenu imposable chacun) peuvent devoir payer 410 euros de plus en étant mariés plutôt que concubins.

Il s’agit cependant de cas très particuliers. Le problème n’est pas qu’ils payent 410 euros de trop ; le problème est que les concubins bénéficient indument d’une réduction d’impôt qui devrait être réservée aux personnes vivant seules. L’idéal serait donc de supprimer la décote, quitte à repenser le barème pour les bas revenus, et d’attribuer 1,33 part aux personnes vivant seules.

Plus généralement, laisser aux couples la possibilité de choisir entre taxation conjointe ou séparée n’est pas une piste souhaitable. D’une part, cela rendra difficile le calcul de l’IR et l’automatisation du prélèvement à la source si les familles pouvaient changer chaque année la prise en charge des enfants et l’attribution des revenus et charges communes (revenus fonciers par exemple). D’autre part, le fisc et surtout les services sociaux ont besoin d’attribuer un niveau de vie à chaque famille : le meilleur moyen est de diviser le revenu fiscal de référence par le nombre d’unités de consommation de la famille. Cela ne serait pas possible si les familles avaient le droit de décider arbitrairement de leur composition pour minimiser leurs impôts et maximiser leurs droits aux aides. Il faut pouvoir distinguer une femme qui est seule sans ressources avec trois enfants et une femme sans ressources propres qui vit en famille, avec trois enfants et un mari à revenu satisfaisant. Compte-tenu des réformes récentes ou envisagées du RSA, de la prime d’activité, des allocation-logement, de l’impôt sur le revenu, comme de l’extension de la DSN, l’avenir est sans doute à un suivi en temps continu des ressources des ménages. Il faudra d’une façon ou d’une autre lever l’ambiguïté sur la composition de ces derniers.

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[1] Nous ne revenons pas ici sur le chiffrage du coût des mesures. Voir : « Evaluation du programme présidentiel pour le quinquennat 2017-2022 », OFCE, Policy Brief, n°25, 12 juillet 2017.

[2] Ne seraient touchés que les ménages les plus pauvres qui auraient intérêt à choisir la taxation à la CSG à 18,2% et à l’IR, donc les ménages non imposables pour les obligations, les ménages dans la tranche à 14% pour les actions. Très peu de personnes.

[3] Voir Bruno Coquet : « L’assurance chômage doit-elle financer le Service public de l’emploi ? », Lettre de l’OFCE, février 2016.

[4] Voir Sterdyniak Henri : « Faut-il remettre en cause la politique familiale française ? », Revue de l’OFCE, n° 116, janvier 2011 ; pour un point de vue différent : Allègre Guillaume et Hélène Périvier : “Le choix d’individualiser son impôt pour les couples.” OFCE Policy Brief n° 22, 2017.

[5] Cette demi part est maintenant réservée aux veuves (ou veufs) ayant élevé seules leurs enfants.




Avantage fiscal sur le gazole : une fin programmée

par Céline Antonin

Comme l’a souligné le rapport n°4019 de l’Assemblée Nationale sur l’offre automobile française, « la France est un des pays d’Europe dont le parc roulant est le plus diésélisé et où l’écart de fiscalité appliqué à l’essence et au gazole reste parmi les plus importants. » Or plusieurs arguments plaident pour un alignement des fiscalités. Tout d’abord, alors que l’avantage conféré au gazole s’expliquait par son utilisation majoritairement professionnelle, le diesel a massivement investi la sphère des voitures particulières, rendant cet avantage indu. En outre, le gazole présente des dangers pour la santé publique. En 2012, l’Organisation mondiale de la santé a classé les gaz d’échappement des moteurs diesel comme cancérogènes, avec un coût sanitaire estimé par la Cour des comptes entre 20 et 30 milliards d’euros[1]. L’argument économique plaide également pour un rééquilibrage : la forte diésélisation du parc automobile français conduit à un fort besoin d’importation en gazole alors que la France est exportateur net d’essence raffinée. Enfin, le manque à gagner fiscal est conséquent : la Cour des comptes chiffre la perte de recettes fiscales liées au diesel à 6,9 milliards d’euros pour l’année 2011.

Depuis, l’alignement est en cours : force est de constater que la fiscalité du gazole a été progressivement relevée à partir de la Loi de finances de 2015. En 2017, l’écart de fiscalité entre essence et gazole a été réduit d’un tiers par rapport à 2014, passant de 17 à 11 centimes d’euros. Le gouvernement Macron a réaffirmé la volonté d’éliminer ce différentiel à l’horizon de quatre ans. En 2018, le gazole augmenterait de 7,4 centimes d’euro et l’essence sans plomb de 4,5 centimes, sous le seul effet des taxes. Le réalignement devrait entraîner, en 2021, une hausse du prix à la pompe de 27 centimes pour le gazole et de 13 centimes pour le sans-plomb, à condition que le prix du pétrole en euros reste constant. Par ailleurs, la hausse de fiscalité sur le gazole devrait rapporter 3 milliards d’euros aux caisses de l’Etat en 2018[2] (par rapport à un scénario de stabilité fiscale). Si l’on considère l’ensemble des carburants, les recettes supplémentaires atteindraient 3,4 milliards d’euros pour l’année 2018.

Le but de ce billet est de décrypter les composantes du prix du carburant et de détailler le chiffrage prospectif de la hausse du prix d’ici 2021.

Un différentiel lié à l’histoire

Si historiquement, le gazole a bénéficié d’une fiscalité préférentielle, c’est d’abord en raison de son utilisation quasi-exclusivement professionnelle, dans un contexte de reconstruction après la Seconde Guerre mondiale. En 1980, ce carburant ne représentait en effet que 8,4 % des immatriculations. Ce n’est qu’à la fin des années 1980 que les véhicules légers à motorisation diesel destinés aux particuliers sont apparus massivement. Leur diffusion s’est accélérée au cours des années 2000 (graphique 1) et la part des immatriculations de véhicules diesel a culminé à 73 % en 2008. Depuis, cette part décroît ; cela étant, les nouvelles immatriculations de véhicules diesel représentent plus de la moitié des immatriculations de véhicules particuliers neufs en France en 2016. Par ailleurs, les véhicules diesel représentent 62,4 % du parc automobile[3]. La France n’est pas une exception en Europe : cinq pays (l’Irlande, le Luxembourg, l’Espagne, le Portugal et la Grèce) affichent un taux de diésélisation plus fort.

Le rééquilibrage a été envisagé par plusieurs gouvernements, dès 1998 (gouvernements Jospin puis Raffarin), mais la réforme n’a jamais été menée à son terme, malgré la décision de l’Organisation mondiale de la santé de 2012 de classer les particules fines de gaz d’échappement de véhicules diesel comme cancérogènes. De nombreux rapports ont cependant souligné l’absence de justification de l’avantage fiscal sur le gazole, notamment en termes de manque à gagner pour l’Etat, et prôné l’alignement des fiscalités à l’instar du Comité pour la fiscalité écologique[4] en 2013.

Finalement, à partir de la Loi de finances de 2015, la fiscalité portant sur le gazole a été progressivement relevée. Ainsi, la principale composante de cette fiscalité, la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), a plus fortement augmenté sur le gazole que sur l’essence sans plomb (graphique 1). En 2017, le gouvernement Macron s’est engagé à poursuivre la convergence et a annoncé que le différentiel serait comblé grâce à l’augmentation de la TICPE.

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Les composantes du prix à la pompe : un petit rappel technique

Le prix de vente des carburants se décompose en strates successives[5].

Le prix du carburant hors taxes

La première composante est le prix d’achat du pétrole brut, déterminé sur les marchés mondiaux. Sur ces marchés, deux indices (Brent et Western Texas Intermediate) font référence : les formules de prix de tous les bruts vendus sur les marchés internationaux sont explicitement indexées sur le prix du Brent s’ils sont à destination de l’Europe et du WTI à destination des États-Unis. Par conséquent, on peut faire l’approximation selon laquelle les évolutions de prix du brut importé en France sont identiques à celles du Brent. L’effet du taux de change est crucial, puisque le pétrole brut est négocié en dollars sur les marchés : lorsque l’euro s’apprécie, la facture pétrolière s’allège.

Le pétrole importé est ensuite raffiné avec le prélèvement d’une marge de raffinage par les producteurs. Les produits pétroliers raffinés font l’objet de cotations sur les marchés régionaux (Rotterdam pour l’Europe du Nord, Gênes-Lavéra pour la Méditerranée). Les carburants sont ensuite transportés et distribués sur l’ensemble du territoire. Les distributeurs prélèvent une marge de transport/distribution, définie comme la différence entre le prix hors taxe et le prix sur le marché de produits raffinés. La France se situe en dessous de la moyenne européenne pour la marge de transport-distribution, avec des marges comprimées du fait d’un secteur très concurrentiel.

La taxation du carburant

Les taxes constituent l’essentiel du prix à la pompe. En 2016, elles représentent 66 % du prix TTC pour le SP-95 et 63 % pour le gazole (graphique 2).

Une première taxe, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques[6] (TICPE), est un droit d’accise, perçu sur les volumes, et non sur le prix de vente du produit. Elle est complexe car elle résulte de la combinaison de plusieurs strates :

– Une TICPE nationale, fixée chaque année par la Loi de finances et reprise en droit français dans le tableau B de l’article 256 du code des douanes. Cette TICPE nationale sur chaque unité consommée est plus faible sur le gazole que sur l’essence : en 2014, elle atteignait 42,8 centimes d’euros sur le gazole contre 62,3 centimes d’euros sur le sans-plomb ;

– Une part de TICPE régionale (uniformisée en 2017 par la Loi de finances rectificative pour 2016) ;

– La taxe carbone (ou contribution climat énergie), intégrée à la TICPE depuis 2014, et fortement relevée chaque année. En 2014, le montant de la taxe carbone était de 7 € par tonne de CO2 ; ce montant a été relevé à 14,50 €/tonne de CO2 en 2015, 22 €/ tonne de CO2 en 2016 et 30,5 €/tonne de CO2 en 2017.

Une seconde taxe, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), porte sur le prix de vente hors taxe majoré de la TIPCE (d’où une double taxation, puisque l’on taxe à la fois le prix hors taxe et la TICPE). Le taux de TVA en vigueur sur la consommation de produits pétroliers et de gaz naturel est le taux normal, soit 20 %.

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En 2018, la taxation du gazole va augmenter sous l’effet de deux mesures :

Un alignement du prix du gazole sur celui de l’essence sans plomb à l’horizon 2021

– D’abord le gouvernement a annoncé sa volonté d’augmenter la TICPE « nationale » chaque année de 2,6 centimes par litre de gazole jusqu’en 2021 (annonce de Bruno Le Maire du 12 septembre 2017) ;

– Par ailleurs, l’article 1 VIII de la Loi sur la transition énergétique pour une croissance verte prévoyait une trajectoire croissante de la composante carbone jusqu’en 2030 : la composante carbone devrait passer de 30,50 €/ tonne de carbone en 2017 à 39 €/ tonne de carbone en 2018, et à 60,4 €/ tonne de carbone en 2021. Or, le ministre de la Transition écologique a expliqué que cette trajectoire était insuffisante pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et une nouvelle trajectoire devrait être inscrite dans le Projet de loi de finances de 2018. Cette nouvelle trajectoire prévoit un prix de 44,6 €/ tonne de carbone en 2018, 55 €/ t en 2019, 65,4 €/ t en 2020, 75,8 €/ t en 2021 et 86,2 €/ t en 2022.

Ainsi, en 2018, les prix du gazole augmenteraient de 2,6 centimes par litre auxquels il faut ajouter 3,8 centimes par litre au titre de la taxe carbone[7] et 1,6 centime au titre du surplus de TVA. Le surcoût par litre de gazole serait donc de 7,4 centimes d’euros, si le prix du gazole hors taxes reste inchangé ainsi que la part régionale de la TICPE (tableau).A l’horizon 2021, si l’on fait l’hypothèse d’une hausse de la TICPE nationale de 2,6 centimes chaque année, et qu’on suit la trajectoire de taxe carbone qui devrait être inscrite dans le Projet de loi de finances de 2018, le montant de la TICPE sur le gazole passerait de 54,4 centimes d’euros en 2017 à 76,9 centimes en 2021. En supposant le prix du baril de pétrole inchangé, le montant total des taxes sur le gazole passerait quant à lui de 0,75 euro en 2017 à 1,02 euro en 2021, soit une augmentation de 36 %.Dans le même temps, la TICPE sur l’essence sans plomb passerait de 65,8 à 76,7 centimes d’euros par litre entre 2017 et 2021. En supposant le prix du baril de pétrole inchangé, le montant total des taxes sur l’essence sans plomb passerait de 88,8 centimes à 101,7 centimes en 2021, soit une augmentation de 15 %.

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Ainsi, en 2021, le prix du gazole rejoindrait celui du sans plomb, effaçant l’avantage historique conféré au gazole. Cela devrait se traduire par la désaffection des consommateurs pour les véhicules diesel par rapport aux véhicules à essence, amplifiant la baisse amorcée en 2012 (graphique 1). Cela étant, les ventes de gazole représentent 80,8% de la consommation française de carburants, et la hausse de fiscalité sur le gazole devrait rapporter 3 milliards d’euros aux caisses de l’Etat en 2018[8] (par rapport au scénario de stabilité fiscale). Si l’on considère l’ensemble des carburants, les recettes supplémentaires atteindraient 3,4 milliards d’euros pour l’année 2018[9].

En 2018, nous prévoyons une légère baisse du prix du baril de pétrole en euros (qui passerait de 46 à 43 euros par baril), sous l’effet de l’appréciation de l’euro. Cette baisse devrait réduire de moitié la hausse du prix à la pompe pour 2018. Cependant, à plus long terme, l’Agence Internationale de l’Energie n’exclut pas un nouveau choc pétrolier d’ici le début des années 2020, en raison d’une insuffisance d’investissements en amont[10]. Ainsi, la facture pourrait s’avérer très salée pour le consommateur, et le seuil symbolique de 2 euros par litre pourrait à nouveau être franchi. L’augmentation de la facture carburant est néanmoins une bonne nouvelle du point de vue écologique, même si, à court terme, la consommation de carburant devrait peu baisser en raison d’une faible élasticité-prix de la demande, et d’une transition électrique qui prendra du temps.

 

[1] Référé n°65241 de la Cour des comptes, 17 décembre 2012.

[2] En faisant l’hypothèse d’une élasticité du volume d’achat au prix du carburant de -0,4, et sachant que les ventes de gazole de 2016 représentaient 40,6 millions de mètres cubes en 2016.

[3] Chiffre de 2014, Comité des constructeurs français d’automobiles.

[4] Avis n° 3 du Comité pour la fiscalité écologique « L’écart de taxation entre le gazole et l’essence », 18 avril 2013.

[5] Pour le détail du calcul technique du prix à la pompe, on pourra se reporter à C. Antonin, Lettre de l’OFCE, n°328, 2011.

[6] La TICPE a remplacé en 2011 la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers).

[7] Sachant qu’un litre de gazole produit 2,7 kg de CO2 (et un litre de sans plomb produit 2,2 kg de CO2).

[8] En faisant l’hypothèse d’une élasticité du volume d’achat au prix du carburant de -0,4, et sachant que les ventes de gazole de 2016 représentaient 40,6 millions de mètres cubes en 2016 (UFIP et CPDP).

[9] Les ventes d’essence sans plomb représentaient 9,8 millions de mètres de cube en 2016 (UFIP et CPDP).

[10] International Energy Agency (2017), Market Report Series: Oil 2017, Analysis and Forecast to 2022.




Attention : un PFU peut en cacher un autre

par Pierre Madec

Dans le cadre de l’évaluation économique du programme présidentiel, l’OFCE publiait le 30 juin dernier un policy brief évaluant les effets redistributifs de la mise en place d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30% tel que proposé dans le programme du candidat Emmanuel Macron. Nous établissions que le coût budgétaire de la mesure était d’environ 4 milliards d’euros en année pleine. Les équipes du candidat annonçaient quant à elles un coût budgétaire quasi nul. Dans un entretien au journal Les Echos en date du 12 septembre 2017, le ministre de l’Economie et des Finances jugeait notre évaluation « fantaisiste et exagérée ». Dans ce contexte, il paraît nécessaire d’opérer un éclaircissement.

Notre évaluation publiée en juin avait pour source d’informations le programme d’ « En Marche » publié sur leur site internet. A l’aide du modèle de micro-simulation Ines, nous avons :

  1. Extrait du barème de l’impôt sur le revenu l’ensemble des revenus financiers autres que ceux issus de l’assurance-vie et des livrets défiscalisés (intérêts, dividendes, plus-value, …) ;
  2. Imposé l’ensemble de ces revenus à un prélèvement forfaire de 14,5% et à la CSG patrimoine de 15,5% ;
  3. Comparé la situation des ménages après la mise en place de la mesure à la situation qui était la leur dans le cadre de législation de 2015 ;
  4. Isolé les ménages gagnants et considéré que les autres ménages conservent l’imposition actuelle, comme le programme présidentiel le prévoyait. Autrement dit, il n’y a que des gagnants et, au pire, des impositions inchangées[1].

Par cette méthode nous avons chiffré le nombre de ménages bénéficiaires de la réforme à 12,8 millions et le coût budgétaire de la mesure à 4 milliards d’euros. Compte tenu des taux marginaux d’imposition des revenus du capital et de la concentration du capital financier dans le centile le plus élevé de la distribution de revenu, cette estimation semble raisonnable.

Depuis, le gouvernement a fait évolué la proposition de campagne et plusieurs nouvelles annonces ont modifié significativement l’évaluation du coût budgétaire de la mesure. La taxation obligatoire, donc non optionnelle, des assurances-vies de plus 150 000 euros (par contribuable) correspond à un gain fiscal de 1,2 milliard d’euros, réduisant l’impact budgétaire du PFU d’autant. L’entrée, obligatoire ou optionnelle, des plans d’épargne en actions ou des plans d’épargne Logement aura également un effet, bien que moindre, sur le coût de la réforme.

De fait, les comparaisons opérées entre notre évaluation du 30 juin 2017 et celle du gouvernement sont sur des bases différentes. Tel qu’il était conçu avant l’été, le PFU avait un coût budgétaire de 4 milliards. Cette évaluation n’était ni « fantaisiste » ni « exagérée » mais basée sur les éléments dont nous disposions en juin. Depuis, la mesure a été amendée. Ceci rend nécessaire une nouvelle évaluation du PFU (version de septembre 2017) que nous publierons dans les prochains jours. Le débat budgétaire pourra être l’occasion d’amendements qui peuvent encore modifier significativement le coût de la mesure.

On trouve encore (27 septembre 2017, 17h19) sur le site d’ « En marche » le paragraphe suivant : « A un taux d’environ 30 %, le PFU permet de maintenir le niveau des recettes antérieurement perçues sur les revenus de l’épargne, mais aussi de financer la hausse de la CSG (sic !) sur les revenus du capital, contrepartie de la baisse des cotisations salariales, et le remplacement de l’ISF par l’IFI. Le but n’est donc pas de baisser globalement la fiscalité des revenus du capital mais de la rendre plus lisible et plus efficace ». Sans commentaire.

 

[1] Le programme d’« En Marche » suggérait des abrogations de niches fiscales, mais sans indications précises et donc nous ne les avons pas simulées.

 




Exonération de taxe d’habitation : quel impact de la réévaluation des seuils ?

par Pierre Madec et Mathieu Plane

Dans un Policy brief OFCE publié en juin dernier dans le cadre de l’évaluation du programme présidentiel, nous analysions les conséquences de la réforme de la taxe d’habitation visant à exonérer 80% des ménages français, mesure proposée par le Président de la République lors de sa campagne électorale. Le 13 septembre, le ministre de l’Action et des Comptes publics présentait les modalités d’application de la mesure, quelque peu amendée lors des dernières semaines. Dans ce billet, nous proposons d’analyser l’impact de ces modifications.Initialement, la proposition visait à exonérer les ménages dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 20 000 euros par an et par part fiscale. Les déclarations du ministre ont modifié ce seuil et les paramètres du nouveau mode de calcul s’écartent quelque peu du principe des « parts fiscales » (tableau 1).

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Ces modifications ont deux conséquences principales. D’une part, la mesure finalisée accroît globalement le nombre de ménages éligibles à l’exonération. Comme détaillé dans notre Policy brief daté du 26 juin 2017, la proposition initiale entraînait l’exonération totale de la taxe d’habitation pour 21 millions de ménages métropolitains, soit 74% de la population ; 4,5 millions étant d’ores et déjà dispensés de cette taxe. Les seuils modifiés élargissent le nombre de ménages exonérés puisqu’il atteindrait 22,2 millions, soit 78% des ménages, un objectif proche de celui affiché par le gouvernement. Si 1,8 million de ces ménages sont des personnes seules, les familles monoparentales (+64 000) et les couples sans enfant sont également plus nombreux à bénéficier de l’augmentation des seuils (+450 000) (graphique 1). Les retraités, les ménages les plus touchés par la hausse à venir de la CSG, sont bénéficiaires de l’évolution des seuils puisqu’ils représentent la moitié des nouveaux entrants dans le dispositif (+670 000) (graphique 2). A contrario, les couples avec enfants[1], du fait notamment de la prise en compte relativement défavorable des enfants, sont moins nombreux à être éligibles au dispositif d’exonération (- 400 000).

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Augmentant massivement le nombre de bénéficiaires, la modification des seuils engendre un surcoût budgétaire non négligeable. Evalué à 9,4 milliards d’euros dans sa version initiale, l’exonération de la taxe d’habitation pour 80% des ménages devrait impacter au final les finances publiques de 10,3 milliards en 2020, la montée en charge de la mesure étant étalée sur trois ans. Le gain moyen pour les bénéficiaires devrait s’établir à 579 euros par ménage, soit légèrement supérieur au gain observé dans l’ancienne mouture (564€).

Globalement, la modification des critères d’éligibilité ne modifie pas les gains moyens par décile analysés lors de notre précédente évaluation. Malgré tout, les conséquences de la modification sont notables lorsque l’on observe le nombre de ménages bénéficiaires par décile de niveau de vie. La version précédente de la mesure était fortement ciblée sur les classes dites « moyennes ». Les ménages ayant un niveau de vie compris entre le 3e et le 7e décile concentraient à eux seuls 70% des bénéficiaires de la mesure. Sous l’effet de la hausse des seuils, des ménages plus aisés sont dorénavant éligibles à l’exonération (graphique 3). A contrario, les perdants sont à compter parmi les ménages du bas de la distribution de niveau de vie, ménages ayant plus de deux enfants. Ainsi, 1,7 million de ménages ayant un niveau de vie supérieur à la médiane sont dorénavant éligibles à l’exonération totale de la taxe d’habitation. Dans le même temps, 480 000 ménages au niveau de vie inférieur à la médiane sont exclus de l’exonération. Ce transfert s’expliquant intégralement par la nouvelle prise en compte de la composition des ménages.

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[1] La part fiscale habituellement attribuée aux enfants est de 0,5 et le nombre d’unité de consommation (uc) s’élèvent habituellement à 0,3. Dans la mesure les uc implicites pour les enfants sont de 0,22 ; 0,44 à partir du troisième enfant.

 




Prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu : comment faire ?

par Guillaume Allègre

Le gouvernement a décidé de reporter le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu (IR) à janvier 2019. A partir de cette date, les employeurs prélèveront directement l’impôt sur la fiche de paie à un taux transmis par l’administration fiscale. Ce taux sera calculé sur la base de la déclaration fiscale effectuée au printemps 2018 (sur les revenus 2017). En 2019, l’impôt sera ainsi payé sur les revenus 2019. L’avantage principal de la réforme réside dans cette contemporanéité : si les revenus d’un ménage baissent (chômage, départ à la retraite, …), l’impôt baissera proportionnellement[1]. En cas de changement de situation conduisant à une baisse prévisible significative de l’impôt dû, les ménages pourront demander en cours d’année sur le site impots.gouv.fr une mise à jour de leur taux de prélèvement à la source, de sorte que la baisse de l’impôt payé sera plus que proportionnelle. Le prélèvement à la source évite ainsi les difficultés de trésorerie pour les personnes dont la situation change en cours d’année. Du point de vue de l’Etat, le prélèvement à la source permettrait également une plus grande efficacité des stabilisateurs automatiques (l’IR variera en temps réel avec les revenus).

Dans un Policy brief OFCE récent (« Prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu : peu d’avantages et beaucoup d’inconvénients »), Gilles Le Garrec et Vincent Touzé évaluent la réforme et concluent qu’elle présente plus d’inconvénients que d’avantages. Parmi les inconvénients, elle occasionnerait des tâches administratives supplémentaires, elle impliquerait une année blanche « due à la non fiscalisation des revenus 2018 », une hausse fiscale liée à la suppression du délai d’un an pour payer l’IR, et la divulgation à l’employeur d’informations fiscales personnelles. Selon un rapport du Sénat, très critique du projet de loi prévoyant le prélèvement à la source, la réforme constituerait un « choc de complexité ». Il est vrai que ce n’est pas une réforme de simplification : les ménages devront toujours déclarer leurs revenus et il y aura une régularisation de l’impôt en n+1 si l’impôt dû est différent de l’impôt prélevé à la source l’année n ; les entreprises auront un rôle de tiers collecteur qu’elles n’ont pas aujourd’hui.

Il est en fait possible de répondre aux critiques adressées au prélèvement à la source si l’on procède à certains ajustements. Ce faisant, les avantages de la contemporanéité de l’impôt semblent supérieurs aux inconvénients.

Comme souligné par le rapport du Sénat, le taux utilisé pour le prélèvement à la source repose sur l’impôt payé en n-1 mais en excluant les éventuelles réductions et crédits d’impôt. Les ménages ne bénéficieront donc de ces réductions ou crédits qu’en milieu d’année n+1. L’Etat n’a ainsi pas voulu faire d’avance de trésorerie aux ménages. L’Etat pourrait être plus généreux en incluant les réductions et crédits d’impôt dans le calcul du taux de prélèvement à la source, quitte à régulariser en n+1 pour les ménages ayant perdu leurs avantages en année n.

Si la réforme est bien mise en place en janvier 2019, les ménages paieront en 2018 l’impôt sur les revenus qu’ils percevront en 2017 puis ils paieront en 2019 l’impôt sur leurs revenus 2019 (avec une régularisation en 2020). En termes de trésorerie, il n’y a donc pas d’année blanche du point de vue des ménages ou de l’Etat[2]. Les revenus perçus en 2018 ne seront pas imposés mais la loi prévoit déjà que les revenus exceptionnels (indemnités de rupture du contrat de travail, …), ainsi que les plus-values immobilières, les intérêts, les dividendes, les gains sur les stocks options ou les actions gratuites restent imposés selon les modalités habituelles (voir les modalités prévues pour l’année de transition). S’il n’y a pas d’année blanche en termes de trésorerie, la question de l’année d’un décès en cours d’année ne semble pas avoir été prévue par le législateur. En effet, dans la législation actuelle, les héritiers doivent payer l’impôt sur les revenus dû par la personne décédée l’année suivant le décès. Avec le prélèvement à la source, au contraire les héritiers seront remboursés d’un trop-perçu : si un individu meurt au milieu de l’année 2019, il aura payé trop d’impôt car l’impôt est annualisé (et fortement progressif) et l’individu décédé n’a des revenus que pour une partie de l’année[3]. Il y a donc une perte fiscale pour l’Etat[4]. Pour éviter la plus grosse partie de cette perte fiscale (le remboursement d’une grande partie de l’impôt payé l’année du décès), le législateur pourrait décider de proratiser le barème de l’impôt sur le revenu l’année du décès : si l’individu meurt au milieu de l’année, le barème en tranches serait multiplié par 50% de sorte que l’impôt prélevé durant la moitié de l’année serait plus ou moins égal à l’impôt dû à la fin de l’année. Une solution complémentaire ou de substitution serait d’augmenter l’impôt sur les successions de sorte que les héritiers ne soient pas gagnants à la réforme. Pour éviter que les héritiers gagnent avec la réforme, Le Garrec et Touzé suggèrent de conserver la créance fiscale sur l’année de transition mais cette solution semble trop compliquée à mettre en œuvre.

Le Garrec et Touzé soulignent un autre inconvénient du passage au prélèvement à la source : du fait de l’abandon du délai d’un an pour payer l’IR, et comme les revenus augmentent (du fait de la croissance économique positive), l’Etat fait un gain de trésorerie aux dépens des ménages. Le législateur peut neutraliser cet effet en ajustant le barème de l’impôt sur le revenu (par exemple en rehaussant les tranches d’imposition).

Il convient de ne pas surestimer les démarches administratives supplémentaires pour les entreprises. Rappelons que les entreprises prélèvent déjà à la source les cotisations sociales et autres prélèvements sociaux[5]. Les services fiscaux communiqueront un taux de prélèvement au titre de l’IR pour chaque employé. Les entreprises n’auront qu’à appliquer ce taux au salaire net imposable, qui est déjà calculé par les logiciels de paie. Le mois suivant, elles reverseront les prélèvements à la DGFIP (elles gagnent ainsi un mois de trésorerie). La complication administrative est donc à la fois limitée et compensée. Les entreprises connaîtront néanmoins le taux d’imposition de leurs salariés (soumis au secret professionnel). Comme ils connaissent les salaires versés, les employeurs pourront savoir – par exemple pour un célibataire – si leur employé perçoit des revenus fonciers ou mobiliers. Pour préserver la confidentialité, les salariés pourront opter pour l’application d’un taux neutre ne prenant en compte que le salaire imposable (pour un célibataire sans enfant). Mais si l’application du taux neutre conduit à un prélèvement moins important, le salarié devra calculer lui-même et régler la différence directement à la DGFIP « au plus tard le dernier jour du mois suivant celui de la perception du revenu »[6], ce qui constitue une complication[7]. De plus, le taux neutre n’est guère favorable car il ne tient pas compte du quotient familial. Une réforme du taux neutre semble donc souhaitable[8].

Une autre complication concerne l’imposition des couples mariés ou pacsés, l’imposition en France étant conjugalisée (voir Allègre, Périvier, 2013 « Réformer le quotient conjugal »). Par défaut, l’administration fiscale communiquera le même taux pour les deux conjoints, quels que soient leurs revenus respectifs. Ce taux par défaut permettra à l’employeur d’avoir des informations sur le revenu du conjoint. De plus, étant donné que la femme perçoit généralement un salaire plus faible que celui de son conjoint, elle verra son salaire net d’IR fortement imposé, même si cela est neutre au niveau du couple. Les conjoints pourront néanmoins opter pour des taux individualisés. Les études dans le champ de l’économie comportementale ont montré que le choix de l’option par défaut avait une grande influence sur le comportement des individus qui optent souvent pour le taux par défaut (voir Thaler et Sustein, 2010 : Nudge. La méthode douce pour inspirer la bonne solution) – qui ici est défavorable au conjoint ayant les plus faibles revenus. Même si on sait peu de choses sur la façon dont le paiement de l’impôt est réparti aujourd’hui au sein des couples, il serait préférable du point de vue de l’égalité femmes-hommes que l’option de taux individualisés soit l’option par défaut.

La discussion ci-dessus montre que les difficultés liées au passage au prélèvement à la source ne sont pas majeures, même si ce passage nécessite quelques ajustements dont la plupart ont d’ailleurs déjà été anticipés par le gouvernement précédent. Les avantages liés à la contemporanéité de l’impôt – notamment en termes de trésorerie pour les ménages – nous semblent ainsi plus importants que les inconvénients. A terme, le prélèvement à la source permettrait également une fusion de l’impôt sur le revenu, d’une partie de la Prime d’activité et de la CSG, déjà prélevée à la source, ce qui simplifierait grandement le système socio-fiscal et lui donnerait plus de lisibilité. On peut donc espérer que cette réforme soit réellement mise en place en 2019 et non reportée sine die.

 

[1] Mais seulement proportionnellement alors que l’impôt est progressif : il y a un effet « assiette » (l’assiette de l’impôt varie immédiatement) mais pas d’effet « taux » (le taux ne varie pas à moins de demander expressément une modulation de taux en cours d’année en cas de changement de situation).

[2] Il y aura tout de même des possibilités d’optimisation dues au fait que les revenus 2018 ne seront jamais imposés. Le gouvernement prévoit des dispositions particulières pour que les contribuables ne puissent pas majorer artificiellement leurs revenus de l’année 2018.

[3] Prenons l’exemple d’un retraité célibataire, veuf ou divorcé ayant 50 000 euros de revenus annuels. Sur une année son impôt sera de 8 235 euros, soit 16,5% de son revenu. S’il meurt en milieu d’année, il n’aura que 25 000 euros de revenus. Le prélèvement à la source sera de 16,5%*25 000=4 118 euros. Or l’impôt dû pour 25 000 euros de revenus annuels n’est que de 1 625 euros (soit 6,5% du revenu). L’Etat devra donc rembourser 2 493 euros aux héritiers. Sans le prélèvement à la source, les héritiers auraient dû payer 1 625 euros. Avec le prélèvement à la source, on voit donc que l’Etat perd une année d’impôt l’année du décès du contribuable.

[4] Qui est compensée en partie par le fait que les nouveaux contribuables paieront leur impôt avec une année d’avance.

[5] Ce qui est tout de même plus simple du fait qu’ils sont individuels et proportionnels aux revenus.

[6]  LOI n°2016-1917 du 29 décembre 2016 – art. 60 (V)

[7] Il est possible que certains contribuables choisissent le taux neutre pour ne pas divulguer à leur employeur qu’ils bénéficient de crédits ou de réductions d’impôt. Il n’est pas prévu que la DGFIP règle la différence « au fur et à mesure ».

[8] Les contribuables devraient pouvoir tenir compte du quotient familial. Le solde à payer devrait être calculé par l’administration fiscale.




Revenu universel : l’état du débat

Par Guillaume Allègre et Henri Sterdyniak

Dans une situation de maintien d’un niveau élevé de chômage et de pauvreté, d’extension de la précarité du travail, de crainte de disparition des emplois du fait de l’automatisation, le projet de revenu universel s’est installé dans le débat économique et social en France comme dans d’autres pays développés. Il s’agirait de verser à  toute personne résidante dans le pays une allocation mensuelle sans aucune condition de ressources, d’activité, de contrepartie. Dans le cadre de sa mission d’animation et d’éclairage  du débat économique, l’OFCE a organisé, le 13 octobre 2016, une journée d’étude à laquelle ont été conviés des chercheurs qui avaient travaillé sur ce projet, pour le développer, le soutenir ou le critiquer. Un e-book rassemble la plupart des contributions qui ont été présentées et discutées durant cette journée, parfois revues compte-tenu des enseignements de la discussion.

Les débats ont porté sur plusieurs points :

  • Dans quel projet de société les propositions de revenu universel s’inscrivent-elles ? Quelles sont les modalités précises des projets en présence en termes de montant de l’allocation et d’insertion dans les dispositifs actuels de protection sociale ?
  • Le revenu universel est-il finançable ?
  • Quelles en seraient les conséquences financières pour les différentes catégories de ménages, en particulier pour ceux en situation de précarité financière ?
  • Quel serait l’impact sur l’activité, l’emploi, le chômage, les salaires, les conditions de travail, en particulier sur les emplois pénibles, le travail à temps partiel, le travail précaire, les bas-salaires ?
  • Le revenu universel est-il une réponse à la « fin du travail » ? Cette dernière est-elle une hypothèse crédible ?
  • Quels sont les projets alternatifs pour lutter contre la pauvreté et la précarité du travail ?

L’article d’Henri Sterdyniak, « Des minima sociaux au revenu universel ? », présente la situation actuelle des prestations d’assistance, des minimas sociaux et de la Prime d’activité en France. Ceux-ci sont ciblés et relativement généreux, mais le système est compliqué, s’accompagne de  contrôles intrusifs ;  les minima sociaux sont souvent ressentis comme stigmatisants. L’article plaide pour le maintien du caractère familial des impôts et des prestations d’assistance. L’article discute les divers justificatifs des projets de revenu universel et présente leurs modalités. Si on souhaite maintenir les prestations d’assurances sociales (chômage, retraite) et les prestations universelles (santé), le revenu universel devrait essentiellement être financé par la hausse des prélèvements directs sur les ménages, ce qui le rend peu réalisable. Par ailleurs, il n’est pas socialement souhaitable de renoncer à l’objectif de plein-emploi et d’écarter durablement une partie importante de la population du travail même en lui assurant un revenu à la lisière de la pauvreté. L’article plaide pour un revenu minimum garanti (sous conditions de ressources), à court terme pour la relance économique, pour la création d’emplois publics, pour des emplois de « dernier ressort », à plus long terme pour le partage du travail par la réduction du temps de travail et des cadences de travail.

L’article de Guillaume Allègre, « Le revenu universel : utopique ou pragmatique ?» souligne que deux objectifs sont souvent assignés au revenu universel : d’une part, gérer la fin du travail et, d’autre part, simplifier le système socio-fiscal et supprimer le non-recours. Pour les uns, il devrait être suffisant pour vivre, pour les autres, relativement faible pour ne pas bouleverser le système socio-fiscal. Des doutes subsistent sur la réalité de la raréfaction du travail. De plus, la réduction généralisée du temps de travail semble une stratégie plus soutenable que le revenu universel car elle concerne tous les salariés au lieu de couper la société en deux. Peut-être, faut-il envisager le revenu universel comme une réforme socio-fiscale qui permet surtout de lutter contre le non-recours aux prestations sociales. On passerait d’une prestation d’assistance quérable à une prestation universelle automatique. Se pose alors la question corollaire de l’individualisation du système socio-fiscal. Les pouvoirs publics font face à un arbitrage entre la simplicité et l’automaticité d’une part ou la réponse fine aux besoins d’autre part.

L’article de Gaspard Koenig,  « Revenu d’existence », dénonce le système actuel du RSA, le jugeant paternaliste, injuste et stigmatisant. Il défend une conception libérale du revenu d’existence qui permet à chaque individu d’être responsable et autonome, de définir ses propres besoins. Le revenu universel serait de 500 euros (250 euros pour les enfants), sous forme de crédit d’impôt,  tandis qu’une taxe de 25 % serait le seul impôt sur le revenu. La réforme ne changera pas fondamentalement la répartition des richesses mais libérera les plus pauvres de la hantise de la pauvreté en leur procurant stabilité et sécurité.

 L’article de Guillaume Mathelier, « Un pas vers l’égalité des dotations initiales : vers une  existence bien vécue », assigne à la société l’objectif philosophique et politique de garantir à chaque individu « une existence bien vécue ». L’exigence morale d’ « égalité des dotations initiales » s’inscrit dans trois mesures. La première mesure articule la mise en place d’un revenu d’existence pour couvrir les besoins fondamentaux à partir de 18 ans comprenant d’une part un revenu égalitaire, universel, sans condition ni contrepartie auquel s’ajoute d’autre part un montant équitable qui entend répondre aux besoins locaux et spéciaux des individus bénéficiaires. Sa deuxième mesure envisage qu’un revenu d’existence puisse être capitalisé pendant l’enfance et serait versé à 18 ans sous la forme d’un « capital d’émancipation » dont la contrepartie serait un service civique obligatoire. Enfin, des droits non monétaires (services publics, préservation des ressources vitales naturelles, biens communs), doivent s’y ajouter pour garantir l’objectif philosophique et politique d’une « existence bien vécue ».

Après avoir remis en cause dans leur article, «  Le revenu de base comme revenu primaire », la thèse de la fin du travail, Jean-Marie Monnier et Carlo Vercellone  proposent un réexamen de la notion de travail productif dans le capitalisme cognitif où le travail cognitif, immatériel et collectif tend à se déployer sur l’ensemble des temps sociaux et de vie. Cette mutation rend impossible la mesure de la quote-part que chaque individu apporterait à la production en raison du caractère de plus en plus social et collectif du travail. Aussi le revenu de base serait un revenu primaire directement lié à la production, c’est-à-dire la contrepartie d’activités créatrices de valeur et de richesse, actuellement non reconnues et non payées.

L’article de Jean-Éric Hyafil, «  Mise en place d’un revenu de base : difficultés et solutions » propose un exemple de réforme simple introduisant un revenu universel au niveau de l’actuel RSA pour une personne seule (475 €) en le finançant par une restructuration de l’IR. L’objectif de l’exercice est de partir de cet exemple pour mettre en évidence les enjeux, les difficultés et les éventuelles solutions pour rendre possible une réforme fiscale introduisant un revenu universel. La réflexion concerne la comptabilisation budgétaire d’une telle réforme, ses effets redistributifs, la question de l’avenir des dépenses fiscales sur l’IR (« niches fiscales »), la question de l’individualisation ou de la conjugalisation de l’impôt, la mobilisation d’autres ressources financières que l’IR pour financer le revenu universel, etc.

L’article de Anne Eydoux, « Conditionnalité et inconditionnalité : discussion de deux mythes sur l’emploi et la solidarité », dénonce deux mythes : celui selon lequel le RSA et les allocations chômage décourageraient le travail et celui de la fin de l’emploi salarié qui pourrait être remplacé par un revenu universel. L’article montre que c’est la faiblesse de l’offre d’emploi et les réformes de l’emploi qui expliquent la persistance du chômage et le développement de l’emploi précaire. Le projet de revenu universel revient à distribuer des ressources sans organiser la production nécessaire à les générer. Il oublie la centralité du travail et renonce à l’objectif de plein-emploi. L’article suggère d’autres pistes que le revenu universel, en particulier de réduire la conditionnalité des prestations sociales, mais aussi d’augmenter les salaires des emplois réputés non-qualifiés et de réduire la durée du travail.

Jean-Marie Harribey dans « Le revenu d’existence : un remède ou un piège ? »  dénonce les incohérences du projet de revenu d’existence. Il récuse la thèse de la fin du travail et l’abandon de l’objectif de plein-emploi. Il soutient que le travail socialement validé par le marché ou par une décision politique est la seule source de valeur, contrairement au travail domestique, au bénévolat ou aux activités libres, de sorte que le revenu d’existence serait obligatoirement un revenu de transfert. Mais distribuer plus de revenus nécessite obligatoirement de produire plus, ce qui est contradictoire avec la thèse selon laquelle le revenu universel permettrait d’échapper à la nécessité du travail.  L’article dénonce les risques du projet : la fracture entre ceux qui auraient un emploi et les exclus, la mise en cause des droits sociaux. Il propose la réduction collective du temps de travail et une allocation garantie pour les adultes.

L’article de Denis Clerc, « Le revenu d’existence : beaucoup de bruit pour pas grand-chose ? », présente une analyse critique des propositions de revenu universel. Il lui reproche de nécessiter beaucoup de transferts bruts pour des faibles effets redistributifs. On pourrait parvenir au même résultat de façon beaucoup plus simple en augmentant les revenus des plus pauvres (par l’aide sociale ou la création d’emplois socialement utiles financés en partie par la collectivité) tout en taxant davantage les plus riches. Il craint que la hausse de la fiscalité sur les plus riches se heurte à des obstacles politiques et économiques. Il souhaite que des expérimentations soient mises en place et que des décisions ne soient pas prises avant que leurs résultats ne soient connus.

Paul Ariès  dans « Pour un revenu universel démonétarisé : défendre et étendre la sphère de la gratuité » propose une dotation individuelle d’autonomie (DIA) qui serait donnée au maximum sous une forme démonétarisée : une partie en monnaie nationale, une partie en monnaie régionale si possible fondante pour faciliter la relocalisation des activités vers des activités à forte valeur ajoutée sociale et écologique et la partie essentielle sous forme de droit d’accès à des biens communs. L’objectif est d’étendre la sphère de la gratuité. Cette gratuité serait utilisée pour démocratiser le fonctionnement des services publics, pour repenser écologiquement et socialement les produits et services existants, pour décider ce qui doit être gratuit et donc produit en priorité, pour mettre en place des communs, des relations de dons réciproques.

Le texte de Bernard Friot, « Continuer d’affirmer une production non capitaliste de valeur grâce au statut politique du producteur », récuse tant le projet de revenu de base (qui permettrait au capital de ne plus assumer les responsabilités d’employeurs, d’organiser la baisse des salaires et l’insécurité de l’emploi) que la réponse keynésienne de plein emploi, de baisse de la durée du travail et de fiscalité redistributive. Les travailleurs ne doivent pas se battre pour une meilleure répartition de la valeur, mais sur la production d’une valeur alternative. Ils doivent remplacer les institutions capitalistes (propriété lucrative, crédit, marché du travail) par des institutions inspirées de la Sécurité sociale et de la fonction publique : la production non capitaliste, la qualification personnelle, le salaire à vie, le financement de l’investissement par une cotisation économique.

L’article de Mathieu Grégoire, « Le régime des intermittents : un modèle salarial pour l’ensemble de l’emploi discontinu ? » part de l’expérience de la mise en place puis du maintien du régime des intermittents du spectacle. Celui-ci organise la socialisation du salaire dans le cadre des mécanismes de solidarité interprofessionnelle et non par une subvention publique  financé par le contribuable. Aussi, la lutte pour un revenu inconditionnel doit passer par l’extension du rapport salarial et l’exigence d’un salaire pour tous et non par des mécanismes redistributifs. En s’appuyant sur le régime des intermittents, il convient de fournir à l’ensemble des salariés en emploi discontinu, un droit à un salaire indirect socialisé.

En tout état de cause, le débat sur le revenu universel n’aura pas été inutile s‘il permet de faire progresser la réflexion sur deux points importants : le niveau et les conditions d’accès aux minima sociaux, ainsi que l’évolution du travail.

Pour en savoir plus : Guillaume Allègre et Henri Sterdyniak (coord.), 2017 : “Revenu universel : l’état du débat”, OFCE ebook 




2010-2017 : un choc fiscal concentré sur les ménages

par Raul Sampognaro

Sous l’effet de la Grande Récession et du jeu des stabilisateurs automatiques, la France a connu un creusement important de son déficit public et de sa dette dans les premières années de la crise. Entre 2007 et 2010, le déficit public en France est passé de 2,5 à 6,8 % du PIB (avec un point haut en 2009 à 7,2 %) et la dette publique au sens de Maastricht a augmenté de 17,3 points, pour atteindre 81,7 % du PIB en 2010. Néanmoins, en 2010, sous la pression des marchés financiers et des règles budgétaires européennes, les gouvernements ont mis en place des politiques de réduction rapide des déficits structurels. Ce virage s’est traduit notamment par le renforcement des règles de la gouvernance budgétaire européenne.

Entre 2011 et 2017, le solde public structurel s’est amélioré de 0,7 point de PIB en moyenne par an. Une grande part de cet ajustement a été réalisée par la hausse des prélèvements obligatoires (PO), particulièrement entre 2011 et 2013. Ainsi, le taux de PO s’établira fin-2017, selon le PLF 2017, à 44,5 % (soit 3,3 points au-dessus de son niveau de 2010) après avoir atteint son maximum historique en 2013 (à 44,8 %). Cette augmentation des PO reflète l’ampleur des mesures nouvelles mises en œuvre pendant la période, y compris celles qui sont prévues dans le PLF/PLFSS 2017[1], pour un montant cumulé de 71,4 milliards d’euros (tableau).

Le choc fiscal a été particulièrement fort sur les ménages[2]. Les prélèvements qu’ils doivent payer s’établissent fin-2017 à un niveau supérieur de 52,5 milliards à celui de 2010 du fait des mesures nouvelles[3]. En revanche, le niveau des PO des entreprises est quasiment inchangée par rapport à 2010 (+0,5 milliard). Par ailleurs, les mesures nouvelles portant sur les prélèvements payés à la fois par les entreprises et les ménages, assises notamment sur la consommation énergétique, qui ne peuvent pas être ventilées, participent à la hausse des PO pour un montant de 15,9 milliards. Si le résultat des contentieux a eu tendance à amputer les recettes (-1,3 milliard), l’amélioration de l’efficacité dans la lutte contre la fraude fiscale devrait augmenter les recettes publiques de 3,8 milliards par an.

Ces résultats doivent être pris avec prudence : la répartition des mesures discrétionnaires entre agents est faite sur une base comptable et non sur la base de l’incidence fiscale qui, elle, est difficile à mesurer. Par exemple, une entreprise peut absorber une hausse du taux de TVA pour éviter une augmentation du prix de vente final de ses produits, afin de préserver ses parts de marché. Ceci impliquerait une baisse de ses marges et finalement la TVA serait « payée » par l’entreprise et non par le ménage, comme il est ici supposé.

Entre 2011 et 2017 des évolutions majeures de politique économique ont eu lieu. Entre 2011 et 2013, l’ajustement a été réparti de façon relativement équilibrée entre les entreprises (+31 milliards) et les ménages (+39 milliards), approximativement à hauteur de leur poids respectif dans les PO. En revanche, l’année 2014 marque un point d’inflexion avec la mise en place de la politique de l’offre. Cette politique a conduit à effacer pratiquement l’ensemble des hausses de PO portant sur les entreprises décidées entre 2011 et 2013, notamment grâce au CICE et au Pacte de responsabilité. Ainsi, depuis 2014 le niveau des PO des entreprises a baissé de 30,8 milliards d’euros. En revanche, afin de financer simultanément la réduction des déficits et la baisse des PO sur les entreprises, la fiscalité portant sur les ménages est restée en hausse (+13,4 milliards depuis 2014).

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Si on se focalise sur les mesures affectant le pouvoir d’achat des ménages, l’essentiel du choc a été réalisé avec la hausse des PO assis sur le revenu et le patrimoine[4] (+22,8 milliards). Par ailleurs, les mesures prises sur la fiscalité indirecte[5] – incluant notamment la TVA – ont augmenté la charge fiscale des ménages de 14 milliards, chiffre comparable à celui de la hausse des cotisations sociales pour 10,5 milliards. La hausse des cotisations sociales reflète essentiellement la réforme des retraites et la suppression de l’exonération de cotisations sociales des heures supplémentaires. Enfin, la fiscalité locale a été relevée de 5,2 milliards.

L’importance du choc fiscal subi par les ménages depuis 2011 a fortement amputé le pouvoir d’achat des ménages. Néanmoins, compte tenu de l’importance des mesures nouvelles concentrées sur les impôts les plus progressifs, la charge du choc a été concentrée sur les ménages les plus aisés (voir « 2010-2015 : un choc fiscal concentré sur les ménages … les plus aisés ? »), même si le poids non négligeable de la hausse de la fiscalité indirecte devrait nuancer cette conclusion.

 

[1] Depuis la présentation du PLF/PLFSS 2017, l’Assemblé nationale a voté des nouvelles modifications de PO. Parmi les principales mesures votées, il y a l’exonération de CSG pour 500 000 retraités, le renforcement de la taxe sur les transactions financières et la modification des prélèvements portant sur la distribution d’actions gratuites.

[2] Sont considérés comme des PO sur les ménages, les impôts directs (CSG, CRDS, IRPP, taxe d’habitation, …), certains impôts indirects (TVA, accises, …), les impôts sur le capital (ISF, DMTG, taxe foncière, DMTO, …), les cotisations sociales salariées et non salariées. Sont considérés comme des PO sur les entreprises, les impôts divers sur la production (cotisation sur la VA et cotisation foncière sur les entreprises (ex-TP), taxe foncière, C3S, …), les impôts sur les salaires et la main-d’œuvre, les impôts sur les sociétés et les cotisations sociales patronales. Certains prélèvements ne peuvent pas être distingués entre entreprises et ménages (TICPE, CSPE, …).

[3] Une mesure nouvelle mise en œuvre à la date t modifie de façon permanente le niveau des recettes issues du prélèvement en question.

[4] Incluant notamment l’IR, la  CSG et les droits de succession, correspondant aux poste D5 et D91 de la comptabilité nationale.

[5] Plus largement, ceci correspond aux impôts sur les produits, soit le poste D2 de la comptabilité nationale.