Pour défendre le quotient familial

par Henri Sterdyniak

Certains responsables du Parti socialiste ont repris, début 2012, la thèse selon laquelle le quotient familial est injuste car il ne profiterait pas aux familles les plus pauvres qui ne paient pas d’impôt, et profiterait davantage aux familles riches qu’aux familles pauvres. Ceci dénote une certaine incompréhension du fonctionnement du système socialo-fiscal.

Peut-on remplacer le quotient familial par une prestation uniforme de 607 euros par enfant, comme le proposent certains responsables socialistes, s’inspirant d’un travail de la Direction du Trésor ? Ce  niveau de 607 euros n’a aucune justification autre que comptable : le coût actuel global du quotient familial réparti uniformément par enfant. Mais ce coût vient précisément de l’existence du quotient. Un crédit d’impôt, sans garantie d’indexation, verrait vite son pouvoir d’achat relatif diminuer, comme diminue celui des allocations familiales.

Avec ce crédit, la prise en compte des enfants dans la fiscalité perdrait toute logique. Comme le montre le tableau 1, les familles avec enfants seraient surtaxées par rapport aux couples sans enfant ; à revenu identique (par UC avant impôt), leur revenu après impôt serait plus faible. Le Conseil constitutionnel censurera certainement une telle disposition.

La France est le seul pays à pratiquer le système du quotient familial. Chaque famille se voit attribuer un nombre de parts fiscales, P, correspondant à sa composition ; ces parts correspondent grosso modo à son nombre d’unités de consommation (UC), telles que l’OCDE et l’INSEE les évaluent ; le système fiscal considère que chaque membre de la famille a un niveau de vie équivalent à celui d’un célibataire de revenu R/P ; la famille est donc taxée comme P célibataires de revenu R/P.

Le degré de redistribution assuré par le système fiscal est déterminé par le barème, qui définit la progressivité du système fiscal ; celle-ci est la même pour toutes les catégories de ménages.

Ainsi, le quotient familial (QF) est-il une composante logique et nécessaire de l’impôt progressif. Le quotient familial ne fournit ni aide, ni avantage spécifique aux familles ; il garantit seulement une répartition équitable du poids de l’impôt entre des familles de taille différente, mais de niveau de vie équivalent. Le QF n’est pas une aide arbitraire aux familles, qui augmenterait avec le revenu, ce qui serait évidemment injustifiable.

Prenons un exemple. La famille Durand a 2 enfants ; elle paie 3 358 euros d’IR de moins que la famille Dupont (tableau 1). Est-ce un avantage fiscal de 3 358 euros ? Non, car les Durand sont moins riches que les Dupont : ils disposent de 2 000 euros par part fiscale au lieu de 3 000. Par contre, les Durand paient autant d’IR par part que les Martin qui ont le même niveau de vie. Les Durand ne bénéficient donc d’aucun avantage fiscal.

Le quotient familial tient compte de la taille des foyers ; cette prise en compte est certes discutable ; mais on ne peut considérer qu’un système d’imposition qui ne tient pas compte de la taille des foyers est la norme et donc que tout écart à cette norme est une aide. Rien ne justifierait de prélever le même impôt sur le revenu aux Dupont sans enfant et aux Durand avec 2 enfants, qui ont certes le même montant de salaire, mais pas le même niveau de vie.

 

Par ailleurs, le plafonnement du quotient familial[1] tient compte du fait que la partie la plus élevée du revenu ne sert pas à la consommation des enfants.

La société peut choisir d’accorder ou non des prestations sociales ; mais elle n’a pas le droit de remettre en cause le principe de l’équité fiscale familiale : chaque famille doit être imposée selon son niveau de vie. Remettre en cause ce principe serait inconstitutionnel, contraire à la Déclaration des droits de l’homme selon laquelle : « Chacun doit contribuer aux dépenses publiques selon ses capacités contributives ». La loi garantit le droit des couples à se marier, à fonder une famille, à mettre en commun leurs ressources. L’impôt doit être familial et doit évaluer la capacité contributive de familles de composition différente. Aussi, est-il permis de faire confiance au Conseil constitutionnel pour interdire toute remise en cause du quotient familial[2].

La seule critique du système du quotient familial, socialement et intellectuellement recevable, doit donc porter sur ses modalités et non sur son principe. Les parts fiscales correspondent-elles bien aux unités de consommation (compte tenu d’une obligation de simplicité) ? Le montant du plafonnement du QF est-il approprié ? Si le législateur s’estime incapable de comparer le niveau de vie de familles de tailles différentes, il doit renoncer à la progressivité de l’impôt.

La politique familiale comporte un grand nombre d’instruments[3]. Les prestations sous conditions de ressources (RSA, complément familial, allocation-logement, ARS) ont pour objectif d’assurer un niveau de vie satisfaisant aux familles les plus pauvres. Les prestations universelles doivent compenser, en partie, le coût de l’enfant pour les autres. La fiscalité ne peut pas aider les familles pauvres plus qu’en ne les imposant pas. Elle doit être équitable pour les autres. Il est absurde de reprocher au quotient familial de ne pas bénéficier aux familles les plus pauvres : celles-ci bénéficient à plein de leur non-imposition et les prestations sous conditions de ressources aident ceux qui ne sont pas imposables.

Le tableau 2 montre le revenu disponible par UC d’un couple marié de salariés selon son nombre d’enfants, relativement au revenu par UC d’un couple sans enfant. En utilisant les UC de l’OCDE-INSEE, il apparaît que pour de bas niveaux de revenus, les familles avec enfants ont à peu près le même niveau de vie que les couples sans enfant. Par contre, au-delà de 2 SMIC, les familles avec enfants ont toujours un niveau de vie nettement plus bas que les couples sans enfant. Encore, ne tient-on pas compte du fait qu’avoir trois enfants ou plus oblige souvent la femme à réduire son activité ou même à la cesser. Ce sont les classes moyennes qui connaissent la perte de pouvoir d’achat relative la plus forte en élevant des enfants. Faut-il une réforme qui diminuerait encore leur situation relative ?

 

Le niveau de vie de la famille est d’autant plus bas qu’elle comporte beaucoup d’enfants. Avoir des enfants n’est donc jamais une niche fiscale, même à de hauts niveaux de revenus. Si donc une réforme de la politique familiale est nécessaire, elle passe par l’augmentation du niveau des allocations familiales pour tous et non pas par la mise en cause du QF.

Globalement, la redistribution est plus forte chez les familles que chez les couples sans enfant : le rapport des revenus disponibles entre un couple qui gagne 1 SMIC et un couple qui en gagne 10 est de 6,2 s’ils n’ont pas d’enfant ; de 4,8 s’ils ont 2 enfants ; de 4,4 s’ils en ont 3. L’existence du quotient familial ne réduit pas la progressivité du système socialo-fiscal pour les familles nombreuses (tableau 3).


Considérons une famille avec deux enfants où l’homme est au SMIC, la femme ne travaille pas. Cette famille bénéficie, par mois, de 174 euros de prestations familiales (AF + ARS), de 309 euros de RSA et de 361 euros d’allocation logement. Son revenu disponible est de 1 916 euros pour un revenu avant impôt de 1 107 euros ; même en tenant compte de la TVA, son taux d’imposition net est négatif de – 44 %. Sans enfant, elle n’aurait que 83 euros de PPE, 172 euros d’allocation logement. Chacun des enfants lui « rapporte » 295 euros. Son revenu par UC est de 912 euros par mois contre 885 euros si elle n’avait pas d’enfant. La politique familiale prend en charge la totalité du coût des enfants. Les parents ne supportent aucune perte de pouvoir d’achat du fait de la présence d’enfants.

Voyons maintenant la famille aisée avec deux enfants où l’homme gagne 6 fois le SMIC, la femme 4 fois. Cette famille bénéficie, par mois, de 126 euros de prestations familiales et dépense 1 732 euros d’IR. Son revenu disponible est de 7 396 euros pour un revenu avant impôt de 10 851 euros ; compte tenu de la TVA, son taux d’imposition est positif de 44 %.  Le système français fait donc contribuer les familles aisées et finance les familles pauvres. Sans enfant, la famille aisée paierait 389 euros d’impôt de plus par mois. Son revenu par UC est de 4 402 euros par mois contre 5 819 euros si elle n’avait pas d’enfant. Les parents supportent une perte de niveau de vie de 24,4 % du fait de la présence des enfants.

Remarquons enfin que cette famille aisée reçoit 126 euros par mois d’AF, bénéficie de 389 euros de réduction d’IR et supporte 737 euros par mois de cotisations familiales. Contrairement à la famille pauvre, elle gagnerait à la suppression totale de la politique familiale.

Certes, il serait souhaitable d’augmenter le niveau de vie des familles les plus pauvres : le taux de pauvreté des enfants de moins de 18 ans reste élevé : 17,7% contre 13,5% pour l’ensemble de la population en 2009. Mais cet effort doit être financé par tous les contribuables et pas spécifiquement par les familles.

Aucun parti politique ne propose des mesures fortes pour les familles : une importante revalorisation des prestations familiales, en particulier du complément familial et de la composante « enfant » du  RSA ;  l’attribution de la composante « enfant » du RSA aux enfants de chômeurs ; l’indexation des prestations familiales et du RSA sur les salaires et non sur les prix.

Pire, en 2011, le gouvernement actuel, qui se pose aujourd’hui en défenseur de la politique familiale, a décidé de ne pas indexer les prestations familiales sur l’inflation, faisant perdre 1% de pouvoir d’achat, alors que le pouvoir d’achat des retraités est maintenu. Les enfants ne votent pas…

Il m’est difficile de penser que les familles nombreuses, et même les familles avec deux enfants, et en particulier les familles avec enfants de la classe moyenne, celles où les parents (et surtout les mères) jonglent avec leurs horaires pour s’occuper de leurs enfants tout en travaillant, soient les grandes « profiteuses » du système actuel. Faut-il vraiment proposer une réforme qui augmente l’imposition des familles, et surtout des familles nombreuses ?


[1] L’avantage fourni par le quotient familial est actuellement plafonné à 2 585 euros par demi-part.  Ce niveau est justifié. Un enfant représente, en moyenne, 0,35 UC  (0,3 pour les moins de 15 ans ; 0,5 pour les plus de 15 ans). Le plafond correspond à la détaxation du 35 % du revenu médian. Voir : H. Sterdyniak: « Faut-il remettre en cause la politique familiale française ? », Revue de l’OFCE, n°116, janvier 2011.

[2] Comme il est déjà intervenu pour imposer que la Prime pour l’emploi tienne compte de la composition familiale.

[3] Voir Sterdyniak (2011), op.cit.




TVA « sociale », antisociale ?

par Jacques Le Cacheux

Evoquée à nouveau par le Président de la République le 31 décembre lors de ses vœux, la perspective d’instaurer une « TVA sociale » fait, une nouvelle fois, polémique. Alors que le MEDEF a inclus cette mesure dans une série de propositions de modification de la fiscalité destinée à redonner à la France de la compétitivité, la gauche y est majoritairement opposée, voyant dans cette « TVA sociale » un oxymore, une mesure antisociale, vouée à amputer le pouvoir d’achat des consommateurs et frappant de manière disproportionnée et injuste les plus modestes d’entre eux. Mais de quoi parle-t-on et quelle est, du point de vue de la fiscalité sur la consommation, la situation de la France par rapport à celle, notamment, de ses principaux partenaires européens ?

La proposition d’instaurer une « TVA sociale »est, en réalité, la combinaison de deux mesures : augmenter la TVA, et affecter le surcroît de recettes publiques ainsi obtenu au financement de la protection sociale, en abaissant – en principe d’un même montant – les cotisations sociales. Les modalités de ces deux opérations peuvent, elles-mêmes, être très diverses : la hausse de la TVA peut concerner le taux normal (aujourd’hui à 19,6%), le taux réduit (aujourd’hui à 5,5%, mais récemment augmenté à 7% pour une série de produits et services), la création d’un taux intermédiaire, le passage au taux normal de certains produits ou services actuellement au taux réduit, etc. ; la baisse des cotisations sociales peut viser les cotisations patronales ou les cotisations salariés, être uniforme ou ciblée sur les bas salaires, etc. Autant de choix politiques possibles, dont les impacts distributifs ne sont pas les mêmes.

La France est aujourd’hui l’un des pays de l’UE dans lequel le taux implicite de taxation de la consommation est le plus bas (Eurostat). Son taux normal de TVA, ramené à 19,6% en 2000 après avoir été porté à 20,6% en 1995 pour contribuer au respect des critères de Maastricht alors que la récession de 1993 avait gravement creusé le déficit budgétaire, est désormais un peu inférieur à celui que pratiquent la plupart de nos partenaires, la dégradation actuelle des finances publiques ayant incité plusieurs pays européens à augmenter récemment leur taux normal de TVA. Le taux réduit, à 5,5%, était, jusqu’à l’augmentation décidée en décembre 2011 sur certains produits et services, le plus bas de l’UE.

Que peut-on attendre d’une TVA sociale ? Envisageons successivement les effets sur la compétitivité et ceux sur le pouvoir d’achat et distinguons les deux volets de l’opération. Une augmentation de la TVA a un effet bénéfique sur la compétitivité des entreprises françaises, parce qu’elle accroît le prix des importations sans grever les exportations, qui sont assujetties à la TVA du pays de destination. En cela, une augmentation de la TVA est bien équivalente à une dévaluation. Dans la mesure où la majorité de nos échanges commerciaux est réalisée avec nos partenaires européens au sein du marché unique européen, on peut considérer qu’il s’agit là d’une politique non coopérative. Certes, mais si tous nos partenaires recourent à ce type de dévaluation « interne » à la zone euro – rappelons que l’Allemagne a augmenté de 16% à 19% son taux normal de TVA en 2007 –, et que nous ne le faisons pas, cela équivaut à une appréciation réelle de « l’euro français ». Il serait sans doute préférable de viser une meilleure coordination fiscale en Europe, et de tendre vers des taux plus uniformes. Mais les circonstances ne s’y prêtent guère, et la menace d’une hausse de la TVA peut être un moyen d’inciter notre principal partenaire à plus de coopération sur ce dossier.

L’affectation des recettes obtenues à une réduction des cotisations sociales n’aura, quant à elle, d’effets bénéfiques additionnels sur la compétitivité que si elle engendre effectivement une baisse du coût de la main-d’œuvre pour les entreprises installées en France. Cela serait le cas si la réduction concerne les cotisations patronales, mais ne le serait pas si l’on abaisse les cotisations salariés.

Peut-on attendre un effet bénéfique sur l’emploi ? Oui, grâce à l’effet compétitivité au moins, mais qui en tout état de causes sera faible, sauf à imaginer une augmentation massive des taux de TVA. Celui de la baisse du coût du travail est moins clair, car les cotisations sociales patronales son déjà nulles ou faibles sur les bas salaires, qui constituent précisément, selon les études disponibles, les catégories de salariés pour lesquelles la demande est sensible au coût.

La baisse du pouvoir d’achat des ménages français ne risque-t-elle pas, en réduisant la consommation intérieure, d’annuler ces gains potentiels ? En partie peut-être, mais rien n’est moins sûr. En effet, l’augmentation de la TVA ne sera probablement pas intégralement et instantanément répercutée dans les prix de vente : dans le cas de l’Allemagne en 2007, la hausse des prix a été relativement faible et étalée dans le temps – ce qui signifie que ce sont les marges des producteurs ou des distributeurs qui absorbent une part de la hausse, l’effet bénéfique sur les entreprises s’en trouvant alors un peu réduit — ; en France, des travaux empiriques sur la hausse de 1995 montrent qu’elle n’a pas non plus été intégralement et immédiatement répercutée dans les prix ; et on se souvient, bien que l’on ne puisse s’attendre à une symétrie des effets, que la baisse de la TVA dans la restauration n’avait été que très peu répercutée dans les prix.

La hausse de la TVA serait-elle « antisociale », en frappant de manière disproportionnée les ménages les plus modestes ? Non ! Il faut en effet rappeler que les minima sociaux, le SMIC et les pensions de retraite sont indexés sur l’indice des prix à la consommation. Dès lors, sauf à imaginer que l’on gèle ces indexations – ce que le gouvernement vient de faire pour certaines allocations –, le pouvoir d’achat des bas revenus ne sera pas affecté, et seuls les salariés au dessus du SMIC et les revenus de l’épargne souffriraient d’une baisse de pouvoir d’achat si les prix à la consommation répercutaient la hausse de la TVA. Encore faut-il ajouter que, s’il y a un effet bénéfique sur l’emploi, certains chômeurs trouveront un emploi et la masse des salaires distribués augmentera, de sorte que l’effet dépressif sur la consommation souvent invoqué par les opposants à cette mesure ne saurait être que mineur, voire inexistant.

En bref, la TVA « sociale » ne mérite ni excès d’honneur ni indignité. Comme pour toute réforme de la fiscalité, il ne faut certes pas en attendre le remède miracle contre le chômage, ni même un redressement massif de nos comptes extérieurs, même si elle participerait à l’amélioration de notre compétitivité-prix. Mais le rééquilibrage de nos prélèvements obligatoires, pour les faire porter davantage sur la consommation et moins sur le coût du travail doit être un objectif. Taxer la consommation est une bonne manière de procurer des ressources aux finances publiques dans un contexte de mondialisation, et la TVA, invention française adoptée par presque tous les pays, est une modalité commode de le faire, et de pratiquer, sans le dire, un forme de protectionnisme en détaxant les exportations. La TVA n’est, en revanche, pas un bon instrument de redistribution, car le recours à un taux réduit sur les produits de consommation courante profite finalement autant ou plus aux plus aisés qu’aux plus démunis, comme l’ont compris la plupart de partenaires européens, chez qui le taux réduit est soit inexistant (comme au Danemark) soit substantiellement plus élevé que chez nous (souvent à 10 ou 12%). Il est souhaitable de rendre le système fiscal français plus juste, mais il faut pour cela utiliser les instruments qui ont le pouvoir redistributif le plus fort et le mieux ciblé : les prélèvements directs – impôt sur le revenu, CSG, taxe d’habitation –, les transferts sociaux, voire certaines dépenses publiques (éducation, santé notamment). Ce qui manque au projet de TVA « sociale », c’est de s’inscrire dans une perspective globale de réforme fiscale qui redonne de la cohérence et de la justice à l’ensemble des prélèvements obligatoires.




Les échecs du RSA

par Guillaume Allègre

Le Comité national d’évaluation du Revenu de solidarité active (RSA) a publié le 15 décembre son rapport final. Il s’appuie sur des données administratives recueillies avant et après la mise en place du RSA et non plus sur des données expérimentales. Le rapport souligne deux échecs de la réforme : les effets sur l’emploi ne sont pas discernables et la réduction de la pauvreté est fortement limitée à cause d’un important non-recours à la partie « complément de revenus pour travailleurs pauvres » (RSA activité). Ceci montre l’échec du processus expérimental qui n’a pas permis de corriger les éventuelles erreurs de conception du dispositif proposé. Une réforme permettrait de répondre à certaines lacunes du RSA.

 Pas d’effet sur le taux d’emploi

« De façon générale, les résultats des travaux menés ne montrent pas d’effet important et généralisé du RSA sur les taux de retour à l’emploi des bénéficiaires sur la période 2009-2010, même si certains résultats ponctuels laissent penser que le passage du RMI au RSA a pu avoir un impact marginal sur certains groupes de bénéficiaires » (p.100). Ceci confirme les conclusions d’une évaluation ex-ante menée à l’OFCE : les effets sur le retour à l’emploi des bénéficiaires du RSA socle sont, en pratique comme en théorie, relativement faibles. Le rapport souligne également que l’on n’observe pas les effets pervers que l’on pouvait attendre en termes de développement du temps partiel et des petits boulots, ce qui ne surprend guère dans la mesure où ces effets pervers ne pourraient être observés que si l’effet premier sur l’offre de travail est réel. Si le RSA activité n’a pas d’effet sur l’offre de travail, il ne peut pas avoir d’effet pervers sur la précarité de l’emploi.

Notons que le Comité national n’évalue pas l’impact global sur l’emploi mais seulement l’impact sur le retour à l’emploi des bénéficiaires de minima sociaux. Or, théoriquement, cet impact devrait être positif, mais compensé (1) par un plus faible retour à l’emploi de non-bénéficiaires de minima sociaux (par exemple de chômeurs), s’il y a des effets de file d’attente sur le marché du travail et (2) par une diminution de l’offre de travail des femmes dans les couples mariés du fait d’une incitation moins forte à la reprise d’emploi du travailleur additionnel : l’effet pervers attendu le plus important n’est pas le développement du temps partiel mais celui de la monoactivité au sein des couples. Toutefois, en pleine crise économique, il est difficile de penser que les modifications des incitations financières ont pu avoir des effets (positifs ou négatifs) sur l’offre de travail des ménages ou l’emploi. Face à la dégradation de la situation de l’emploi et à l’incertitude économique, il est rationnel de vouloir garder un pied dans l’emploi, même si l’écart financier avec le chômage ou l’inactivité est faible à court-terme[1]. De plus le marché du travail est globalement aujourd’hui dans une situation de rationnement de l’emploi (c’est-à-dire presque entièrement déterminé par la demande des entreprises), l’offre de travail ne faisant que modifier la position de certaines personnes dans la file d’attente. Il n’est donc pas exclu que le RSA puisse avoir des effets plus importants sur l’emploi lorsque la situation sur le marché du travail sera moins dégradée. Dans les termes du Comité national d’évaluation, « l’efficacité d’une telle politique peut être limitée sur un marché du travail caractérisé par une diminution conjoncturelle de la demande de travail par les employeurs ». On peut tout de même juger qu’un médicament qui ne fera de l’effet que lorsque le patient sera guéri ne constitue pas un soin adéquat. On peut aussi regretter une politique sociale procyclique et donc peu efficace du point de vue de la lutte contre la pauvreté (Périvier, 2011).

Une réduction de la pauvreté et une aide aux bas revenus…limitée par la baisse de la PPE et par le non-recours

 Les sommes versées au titre du RSA activité bénéficient à une population qui est soit pauvre soit à bas revenus[2]. En cela, le RSA activité est bien ciblé et doit permettre de faire baisser le taux de pauvreté et le taux de bas revenus dans la mesure où les bénéficiaires potentiels y ont effectivement recours. Le rapport nous indique que, en tenant compte du non-recours, le RSA activité fait effectivement passer le taux de bas revenus de 16,3 à 16,1% de la population. Du point de vue de la lutte contre la pauvreté, un transfert social est toujours préférable à l’absence de transfert. Le rapport précise que « une fois prise en compte la PPE, le RSA activité accroîtrait d’environ 7% le revenu disponible médian par unité de consommation des allocataires qui en bénéficient au moins une fois au cours de l’année » (p. 70). Mais quid de ceux qui n’en bénéficient pas ? Et quid de l’impact de l’évolution des autres prestations ? Le remplacement de l’intéressement temporaire aux minima sociaux par le RSA activité a été compensé par un gel du barème de la Prime pour l’emploi (PPE)[3], instrument qui cible les classes populaires plutôt que les plus pauvres (la PPE est maximale au niveau du SMIC à temps-plein). En 2008, nous soulignions que supprimer la PPE pour financer le RSA reviendrait à faire payer aux classes populaires le financement de la lutte contre la pauvreté[4]. Or, si la PPE n’a pas été supprimée, elle a été fortement réduite : pour 2012, selon le projet de loi de finances (PLF), la Prime pour l’emploi représente 2,8 milliards d’euros (VM2012, p. 76) contre 4,4 milliards en 2008 (VM2010, p. 53), soit une baisse d’1,6 milliards (imputation des versements de RSA sur la PPE due comprise). Le PLF 2012 prévoit justement un coût pour le RSA activité de 1,6 milliards. La réforme a déshabillé la PPE pour habiller le RSA activité, en économisant au passage le coût des dispositifs antérieurs d’intéressement au RMI et à l’API (600 millions d’euros en 2008). Le coût net du RSA activité est ainsi passé de 1,5 milliards d’euros[5] dans le rapport Hénart pour la Commission des finances du Sénat (p.28) à -600 millions, soit un différentiel de 2,1 milliards d’euros[6].

Une partie de ce différentiel est dû au non-recours au RSA activité, estimé à 1,75 milliard d’euros par le Comité d’évaluation (soit 53% du coût théorique pour 2010). Il concerne deux tiers des personnes éligibles fin 2010. En matière de transferts sociaux, un taux de non-recours élevé signifie une prestation mal conçue, stigmatisante ou trop complexe. Un taux de non-recours de 68 % à la composante ‘RSA activité seul’ n’est pas un bon résultat[7]. Le rapport souligne plusieurs causes potentielles du non-recours : manque d’information (non-connaissance de la prestation, mauvaise évaluation de l’éligibilité), crainte de stigmatisation, sentiment de ne pas avoir besoin d’aide (« se débrouillent autrement financièrement »), refus du principe, complexité des démarches administratives.

Un échec du processus expérimental

L’absence d’effets sur l’emploi et l’importance du non-recours soulignent également l’échec du processus expérimental : l’expérimentation aurait dû servir à corriger les erreurs de conception du dispositif. Mais, le dispositif expérimental ne permettait pas de répondre aux questions pertinentes (Allègre, 2007). La façon dont l’expérimentation a été mise en place – et abrégée prématurément – a permis de confirmer cette prédiction (voir « L’expérimentation du revenu de solidarité active entre objectifs scientifiques et politiques »).

Et maintenant ?

Selon le Comité d’évaluation, laisser le temps au dispositif de monter en charge, ainsi qu’une meilleure information, devrait permettre d’améliorer le taux de recours. Une meilleure communication ne permettra toutefois pas de résoudre le problème du non-recours au RSA activité, du fait d’une erreur de conception initiale. En mettant l’accent sur les incitations et en mêlant des publics très hétérogènes, le RSA est mal-né.

Le caractère familialisé[8] du RSA activité pose des problèmes redistributifs et peut expliquer une partie du non-recours. Le RSA activité mêle condition d’emploi et familialisation de manière difficilement justifiable. Prenons le cas de deux salariés à temps plein au salaire minimum et ayant un conjoint inactif. Le premier n’a pas d’enfants et touche 170 euros mensuels de RSA. Le second a deux enfants et a droit à 290 euros par mois. Si cette seconde personne est victime d’un licenciement économique, elle perdra l’intégralité de son droit au RSA, et donc également la part de la prime liée à la présence d’enfants (120 euros). Alors que la situation de ce foyer est moins favorable lorsque le conjoint actif est au chômage, le foyer est moins aidé dans cette situation, y compris au titre des enfants à charge. Une solution consisterait à créer un complément familial généreux pour toutes les familles avec enfants[9] : l’aide liée à la charge d’enfants en direction des familles à bas revenus se ferait sous forme d’une prestation sous conditions de ressources – mais sans condition de statut dans l’emploi – dans l’esprit de la réforme britannique ayant scindé le Working Family Tax Credit en un Working Tax Credit et un Child Tax Credit (Brewer, 2003). Une telle solution permettrait également d’améliorer grandement le recours à la partie liée à la charge des enfants. L’éligibilité à la partie RSA activité serait plus facilement compréhensible : en effet, aujourd’hui, deux personnes ayant le même travail et le même salaire peuvent être éligibles ou non au RSA activité, décrit comme un complément de revenus pour travailleurs, selon qu’ils ont des enfants ou non[10]. Une autre solution consisterait à étendre le RSA aux revenus de remplacement, voire à l’ensemble des revenus, dans la logique d’un impôt négatif[11]. Ceci pourrait se faire dans le cadre d’une fusion CSG-IR-PPE-RSA activité avec prélèvement ou versement mensuel. Mais adopter une telle réforme nécessiterait alors de reposer la question de l’individualisation de l’instrument fusionné.


[1] Ceci peut également être vrai en période de croissance économique, notamment pour les personnes les moins qualifiées qui sont la cible du RSA.

[2] Les notions de pauvreté et de bas revenus sont discutées dans le rapport (p.65).

[3] Et aussi par le fait que, pour les ménages concernés par les deux prestations, la PPE soit réduite du montant de RSA versé.

[4] D’autres pourraient se réjouir que les transferts sociaux soient ainsi mieux ciblés : toutes choses égales par ailleurs, il serait préférable qu’un transfert social cible les plus pauvres et les plus démunis. Un transfert des pauvres vers les plus pauvres constitue alors une amélioration sociale puisque, formellement, ce transfert réduit les inégalités. Ceux qui défendent la suppression de la PPE pour financer le RSA activité utilisent cet argument (voir par exemple, Hirsch pour qui la Prime pour l’emploi était «mal conçue, mal ciblée, coûteuse »). Cette rhétorique s’appuie sur une conception étroite de la lutte contre les inégalités, qui devrait se limiter à la lutte contre la pauvreté. Les pays qui adoptent cette conception libérale de l’Etat-providence ne sont, paradoxalement, pas ceux où la pauvreté est la plus faible.

[5] « Le coût net du dispositif est obtenu par l’imputation, sur son coût brut, des économies induites par la suppression des dispositifs d’intéressement au retour à l’emploi (600 millions d’euros), l’imputation du RSA sur la PPE (700 millions d’euros), la non indexation du barème de la PPE au titre de 2009 (400 millions d’euros) et les gains escomptés de l’assujettissement du RSA à la CRDS (150 millions d’euros). Il s’élève donc à 1,5 milliard d’euros. »

[6] Certains pourraient alors se demander ce que finance réellement la « contribution additionnelle pour le financement du Revenu de Solidarité Active » de 1,1% sur les revenus du patrimoine. Formellement, elle est affectée au Fonds national des solidarités actives. Mais, d’un point de vue économique, elle allège la charge du budget général.

[7] Dans une note méthodologique, Antoine Math recensait en 2003 les études sur le non-recours. Les résultats varient d’une étude à l’autre selon le champ et la méthode utilisée mais les taux de non-recours sont beaucoup plus faibles que ceux observés pour le RSA activité : de 8 à 12 % ou de 2,9 % à 4,6 % selon deux études sur les aides au logement ; 5,2 ou 33 % pour le RMI ;  7,3 % ou 33 % pour l’Allocation parentale d’éducation.

[8] Sur la question de la conjugalisation et de l’égalité dans l’emploi entre les hommes et les femmes, voir RSA : où sont les femmes ?

[9] Actuellement, le CF ne bénéficie qu’aux familles avec 3 enfants ou plus.

[10] Le problème symétrique lié à la conjugalisation ne serait pas résolu. Ce problème est évoqué dans le rapport : « compte tenu du caractère familialisé du RSA, il est plus difficile pour un couple de savoir s’il est éligible. Par ailleurs, les couples peuvent avoir le sentiment de mieux arriver à se débrouiller financièrement que les personnes seules. Enfin, l’analyse du Crédoc souligne qu’une partie des bénéficiaires du RSA activité pense que l’éligibilité cesse à partir d’environ 1 500 euros de salaire quelle que soit la configuration familiale (annexe 17) ; or de nombreux couples ayant des revenus d’activité supérieurs à ce seuil sont éligibles ».

[11] Et en mettant l’accent sur l’aspect redistributif de la prestation.




Dispositif Scellier : un bilan contrasté pour un coût élevé

par Sandrine Levasseur

La réaction du « lobby immobilier » à la suite de la suppression du dispositif Scellier au 31 décembre 2012 a été vive. Cette suppression constitue une première – et nécessaire –  étape vers une remise à plat plus générale de toute la politique du logement dont le financement et l’efficacité posent question. Retour sur les aspects positifs et négatifs du « Scellier ». Instauré en 2009, ce dispositif qui succédait à d’autres amortissements du même type (Robien, Borloo, Périssol, etc.) consistait en une réduction d’impôt pour tout acquéreur d’un logement neuf disposé à le mettre en location. Le taux de réduction d’impôt, initialement de 25 % du prix de revient d’un logement (dans la limite d’un investissement de 300 000 euros), a été successivement abaissé à 22 % pour 2011 puis à 14 % pour 2012. Tandis qu’il ne fait pas de doute que le dispositif Scellier a soutenu ces dernières années toute la filière « logement » (de la construction jusqu’à la vente) et a permis d’accroître l’offre de logements (toujours insuffisante), on peut s’interroger sur le coût fiscal d’un tel dispositif.

Rendre à César ce qui est à César : les aspects positifs du dispositif « Scellier »

• L’amortissement Scellier a été un profond adjuvant pour le secteur de la construction et de l’immobilier, notamment au plus fort de la crise. En 2009, selon le Rapport de la Commission des finances, environ 65 000 logements ont bénéficié de l’amortissement Scellier, ce qui a représenté deux-tiers des ventes de logements neufs. En 2010, 77 500 logements ont été concernés, soit plus de 70 % des ventes dans le neuf. A la fin septembre 2011, on estimait à 75 000 le nombre de « Scellier » depuis le début de l’année. Rappelons qu’en 2010 le secteur du bâtiment a généré à lui tout seul 6,3 % du PIB français et employé 7,5 % des effectifs salariés du secteur marchand. C’est sans compter la valeur ajoutée et les emplois dans le secteur des services immobiliers. Il est clair que sans le soutien du « Scellier », la crise économique en France – et ses conséquences sur l’emploi – aurait été plus profonde :

• Dans les zones tendues, là où il y a un manque structurel de logements, les constructions de logements « Scellier » ont clairement permis d’accroître l’offre de logements, en quantité mais aussi en qualité ;

• L’amortissement Scellier a soutenu la construction de logements « verts », puisque la réduction d’impôts était d’autant plus avantageuse que les logements achetés respectaient les normes environnementales (normes BBC) ;

• Il a été ouvert à tous les contribuables alors que le dispositif Robien n’était intéressant que pour les personnes relevant des tranches d’imposition élevées. De ce point de vue, le dispositif Scellier a été plus équitable que les précédents amortissements.

Pour autant, il y a aussi des aspects négatifs associés au dispositif « Scellier ».

Les aspects négatifs du dispositif « Scellier »

Il y a eu, tout d’abord, le problème de la localisation des logements « Scellier », certes aujourd’hui résolu par la mise en place d’une carte des risques locatifs et l’abaissement des plafonds de loyer. Rappelons qu’initialement, le Scellier s’appliquait à tout logement neuf mis en location indépendamment de sa localisation (hors zone C, c’est-à-dire les communes situées dans des agglomérations de moins de 50 000 habitants), le propriétaire-contribuable n’ayant « qu’à louer » en respectant le plafond de loyer fixé par la loi en fonction des zones. Présenté par certains réseaux de commercialisation comme un outil de défiscalisation pur et simple, l’amortissement Scellier s’est traduit dans certains cas par la construction de logements dans des zones où les marchés locatifs étaient inexistants, provoquant gâchis et … dépit des propriétaires n’ayant pas trouvé de locataires ou alors pour un loyer bien inférieur à celui fixé par la loi. En 2011, 170 communes ont alors été classées en risques locatifs par les pouvoirs publics y interdisant ainsi la construction de « Scellier ». En outre, dans certaines zones, les plafonds de loyers ont été abaissés (entre 14 et 26 %) de façon à être davantage en adéquation avec les réalités du marché locatif. Si le problème de la localisation est maintenant résolu, on peut toutefois s’étonner (et déplorer) que la cartographie des investissements locatifs n’ait pas fait l’objet d’un suivi plus tôt et plus régulier. Aujourd’hui, environ 35 % des logements Scellier sont situés dans des zones à risques locatifs et, essentiellement des logements de type F2 ou F3 sont concernés.

L’argument majeur contre le dispositif Scellier (ou tout autre amortissement de ce type) est clairement son coût fiscal, et ce d’autant plus qu’il court sur un certain nombre d’années (par exemple, 9 ans pour le Scellier standard). Ainsi, l’impact budgétaire du dispositif Robien (410 millions d’euros en 2010) ne s’éteindra qu’en 2016 alors qu’il n’est plus en vigueur depuis décembre 2008. Il faudra y ajouter le coût du dispositif Scellier qui, pour une extinction à la fin 2012, continuera malgré tout à peser sur le budget de l’Etat jusqu’en 2021. Selon le Rapport de la Commission des finances, le coût budgétaire du dispositif Scellier a été de 120 millions en 2010 et s’élèvera à 300 millions en 2011. Au total, sur 9 ans, les logements Scellier acquis en 2009 coûteront 3,4 milliards d’euros au budget de l’Etat tandis que ceux acquis en 2010 et 2011 coûteront respectivement 3,9 et 2 milliards d’euros. Notons que le coût de 2 milliards d’euros pour la « génération 2011 » est clairement sous-estimé puisque l’évaluation par la Commission des finances repose sur une anticipation sous-évaluée du nombre de logements Scellier réalisés au regard des dernières données disponibles (47 100 anticipés pour l’ensemble de l’année contre 75 000 réalisés à la fin septembre 2011). A titre de comparaison, la subvention de l’Etat en faveur des organismes de logement social s’est élevée à 1,45 milliard d’euros en 2010, contribuant ainsi au financement de 147 000 logements sociaux. Si logements Scellier et sociaux ne sont pas totalement comparables (et interchangeables), la mise en parallèle du coût budgétaire des uns et des autres interpelle la politique du logement. Et son financement.

Que faire ?

Au vu du coût budgétaire du dispositif Scellier, sa suppression nous semble bien fondée, et ce d’autant plus que la politique du logement de ces vingt dernières années a été plutôt favorable aux propriétaires-bailleurs. Soulignons, en effet, que les propriétaires-bailleurs ont aussi bénéficié indirectement des politiques d’allocation logement en faveur des locataires puisque l’on estime que 50 à 80 % du montant des allocations versées aux locataires ont en fait été répercutés dans les loyers, et donc au bénéfice des propriétaires.

La suppression du dispositif Scellier pose toutefois deux problèmes : celui de l’activité de la filière « construction » et celui du manque structurel de logements. De fait, il y a peu d’espoir que le recentrage du PTZ (prêt à taux 0) sur le logement neuf compense à lui tout seul la baisse de construction due à la suppression du Scellier. Alors, comment résoudre simultanément les deux problèmes ? La poursuite de l’effort en faveur du logement social, amorcé depuis quelques années, nous semble être la meilleure solution pour maintenir à la fois un niveau suffisant de construction et répondre (en partie) aux besoins en logements non satisfaits. Le logement social permettrait en outre de réduire la « cherté » du logement pour les classes sociales les plus modestes. Le coût pour le budget de l’Etat de 60 000 logements sociaux supplémentaires (60 000 étant le nombre annuel moyen de logements ayant bénéficié d’amortissement à l’investissement locatif depuis 15 ans) est estimé à 448 millions d’euros, payable « une fois pour toute ». C’est peu comparé au coût pour l’Etat d’une génération de logements Scellier.

Une politique davantage orientée vers le logement social ne permettra pas pour autant de faire l’économie d’une réflexion plus large sur le logement, ne serait-ce que pour le seul financement du logement social : drainage des fonds sur livrets A, accession sociale à la propriété, politique des loyers, « 1 % logement », politique foncière des collectivités locales, gestion du parc locatif …




La jeunesse, génération sacrifiée ?

par Guillaume Allègre

La jeunesse serait-elle sacrifiée par la génération des baby-boomers ? Dans cette note de l’OFCE, nous faisons le point sur les inégalités entre âges et générations et montrons comment la thèse du conflit de génération s’appuie sur une analyse partiale de la situation des jeunes qui occulte les avantages dont bénéficie au moins une partie de la jeunesse. Loin de la spoliation des jeunes par les baby-boomers, c’est à la transmission intergénérationnelle des inégalités, via le diplôme scolaire et les solidarités familiales, que l’on assiste.

La jeunesse fait face à des conditions d’insertion dans la vie active dégradées : le taux de chômage des 16-25 ans est passé de 9,7 % en 1976 à 17,9 % en 2007 pour atteindre 22,1 % en 2009. Cette montée du chômage s’est accompagnée d’un développement important de l’emploi temporaire, entraînant des écarts de salaires entre les jeunes et les moins jeunes nettement plus importants que dans les années 1970. La forte augmentation du prix des logements depuis 1998 s’est faite au détriment des non-propriétaires et donc des générations les plus jeunes. Alors que la montée en charge du système de retraites a permis la forte diminution du taux de pauvreté des plus de 60 ans, la pauvreté a rajeuni : en 2008 le taux de pauvreté des 18-29 ans s’élevait à 16,7 % contre 13 % pour l’ensemble de la population et 8 % pour les 60 à 74 ans.

Pourtant, si le constat d’une ‘génération sacrifiée’ part de faits avérés, l’approche consistant à évaluer ces phénomènes exclusivement sous le prisme de l’âge ou de la génération est trompeuse. En effet, l’approche générationnelle masque les inégalités au sein des générations. Les difficultés liées à l’entrée dans la vie active ne sont en effet pas partagées par l’ensemble des jeunes. Clerc et al. (2011) montrent que les non-diplômés sont particulièrement exposés à la conjoncture lors de leur entrée sur le marché du travail, alors que les diplômés accèdent toujours rapidement à l’emploi stable. Ce constat corrobore celui fait par le Cereq. Or, diplôme et origine sociale restent liés. Le logement constitue une autre voie de la transmission intergénérationnelle des inégalités : à terme, les gains liés à l’augmentation des prix de l’immobilier seront transmis aux enfants. Dès aujourd’hui, on peut constater une forte augmentation de l’écart d’accès à la propriété entre catégories sociales. Outre les aides liées à l’accès au logement, les jeunes issus des familles les plus aisées bénéficient de fortes solidarités familiales. Loin de la spoliation des jeunes par les baby-boomers, c’est bien à la transmission intergénérationnelle des inégalités, via le diplôme scolaire et les solidarités familiales, que l’on assiste.

Les politiques s’appuyant sur un diagnostic purement générationnel risquent de rater leur cible. Une CSG allégée pour les jeunes bénéficierait à ceux qui s’en sortent déjà alors que l’alourdissement de la CSG sur les pensions de retraite toucherait les petits retraités et les locataires autant que les bénéficiaires de retraites-chapeau et les propriétaires. Les retraités sont plus aisés que les jeunes actifs : la taxation progressive des revenus réduirait cette inégalité sans en créer une autre. Ils sont plus souvent propriétaires que les plus jeunes : il faut alors imposer les revenus du patrimoine qui échappent à l’impôt, les plus-values immobilières réelles et la valeur locative des logements occupés par leurs propriétaires (ou, à l’inverse, permettre aux locataires de déduire leur loyer de leur  revenu imposable et augmenter pour tous le barème de l’impôt sur le revenu). Les non-diplômés s’insèrent difficilement sur le marché du travail : c’est aux sorties sans diplôme du système scolaire et au chômage des non-diplômés qu’il faut prioritairement s’attaquer.




Quelle place pour le développement soutenable dans la campagne présidentielle et législative ?

par Eloi Laurent

Comment relancer l’activité économique et l’emploi sans dégrader les conditions environnementales et consommer encore plus de ressources naturelles ? Peut-on concilier lutte contre les inégalités sociales et préoccupation écologique ? Où en sommes-nous de la conception et de la mise en œuvre des nouveaux indicateurs de bien-être, de progrès social et de soutenabilité, deux ans après la publication du Rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi ? Voici des questions cruciales pour les prochaines échéances électorales.

D’autres enjeux se font jour à plus ou moins brève échéance : quelle politique climatique française et européenne en prévision du sommet de Durban (novembre-décembre 2011) ? Sur quelles analyses s’appuyer pour comprendre les grands enjeux du prochain sommet de Rio+20 (juin 2012) – la gouvernance environnementale et l’économie verte ? Comment concilier les contraintes alimentaire et écologique ? Ce sont certaines des interrogations qui animent le premier ouvrage de la série Débats et politiques de la Revue de l’OFCE consacré au développement soutenable, contribution à 14 voix au débat écologique des campagnes présidentielle et législative qui s’annoncent, et bien au-delà.

Cet ouvrage s’ouvre par une introduction qui s’efforce de définir la place de l’économie dans la science de la soutenabilité. Il peut ensuite se lire de deux manières. Les douze contributions qu’il contient s’organisent en trois parties (Gouvernance écologique et justice environnementale, Economie du climat, Economie de la soutenabilité) mais aussi selon trois axes correspondant aux trois contributions majeures de l’économie à la résolution des grandes crises écologiques contemporaines : l’économie comme science de la dynamique, l’économie comme science des incitations et de la répartition, l’économie comme science de la mesure de ce qui compte.

L’économie comme science de la dynamique

L’économie se révèle en effet capable d’élaborer des modèles de prévision, de simulation et d’actualisation utiles à la décision publique, mais l’évaluation des indicateurs existants de soutenabilité environnementale montre l’insuffisance des dispositifs actuels. L’article de Didier Blanchet est sur ce point éloquent. Synthèse de la méthodologie et des enseignements du rapport de la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi et évocation de ses premières mises en œuvre, il lève très utilement les malentendus qui ont pu entourer ses travaux pour préciser le cadre et les enjeux des instruments de pilotage de la soutenabilité dont nous disposons et de ceux qui sont en cours de construction, pour mieux en percevoir les orientations et en évaluer la portée. C’est sur ces mêmes insuffisances qu’insistent Céline Antonin, Thomas Mélonio et Xavier Timbeau, qui, après en avoir rappelé les conditions de validité théorique et la méthodologie, pointent les limites de l’épargne nette ajustée telle qu’elle est aujourd’hui calculée par la Banque mondiale, dès lors que sont prises en compte la dépréciation du capital éducatif et des émissions de carbone plus conformes à la réalité. Jacques Le Cacheux se livre pour sa part à un exercice de prospective sur une question stratégique étrangement délaissée dans le débat public actuel : l’avenir des systèmes agricoles, notamment européens, pris entre les dynamiques démographique, alimentaire et écologique. Un article de ce numéro revient précisément sur le concept de découplage, qui, malgré toutes ses limites, ne devrait pas être caricaturé et encore moins abandonné : il se révèle très utile pour penser et favoriser la transition que doivent accomplir nos économies. L’économie, science de la dynamique, éclaire donc la question des coûts et des bénéfices des politiques de soutenabilité, et cette dimension renvoie à la capacité des systèmes économiques de façonner les incitations qui influencent les comportements mais aussi à celle de la discipline économique de mettre en lumière les enjeux de répartition qui se trouvent au cœur de la transition écologique.

L’économie comme science des incitations et de la répartition

Il est difficile d’imaginer meilleures cartographie et feuille de route que la conférence Nobel d’Elinor Ostrom pour se repérer sur le chemin restant à parcourir en matière de science de la gouvernance écologique et plus précisément de théorie des incitations appliquée à la gestion des ressources communes. Depuis le monde conceptuel de l’après-guerre, où deux types de biens s’offraient à un type d’individu selon deux formes optimales d’organisation, Lin Ostrom a considérablement enrichi l’économie de l’environnement par une approche social-écologique et polycentrique qui a complètement renouvelé le cadre des interactions entre systèmes humains et naturels et la conception des politiques environnementales. Dans cette contribution majeure, elle s’efforce d’être aussi pédagogue qu’elle est savante. Ses travaux, dont elle retrace ici le cheminement, seront au cœur du sommet Rio + 20 en juin prochain, dont l’ambition est de progresser sur les questions connexes de « l’économie verte dans le cadre du développement durable et de l’élimination de la pauvreté » et du « cadre institutionnel du développement soutenable ».

L’économie comme science des incitations fournit ainsi aux décideurs publics une palette d’instruments qui ne sont pas des panacées prêtes à l’emploi mais au contraire des mécanismes de précision dont les conditions d’efficacité, si elles sont de mieux en mieux connues, n’en demeurent pas moins déterminantes. L’économie du climat offre une illustration de la richesse de cet arsenal et de sa nécessaire intégration à différents niveaux de gouvernance. Gaël Callonnec, Frédéric Reynès et Yasser Yeddir-Tamsamani reviennent sur l’évaluation des effets économiques et sociaux de la taxe carbone en France pour mettre en évidence, à l’aide d’un modèle unique en son genre, la possibilité d’un double dividende économique et environnemental autant à court terme qu’à long terme. Christian de Perthuis explore les pistes de réforme de la surveillance et de la supervision des marchés européens du carbone et conclut à la nécessité de mettre en place une « banque centrale européenne du carbone » capable d’aider l’autorité publique et la société à découvrir graduellement le « bon » prix du carbone. Olivier Godard s’attache enfin à évaluer la pertinence, les modalités et la faisabilité de l’institution d’un ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne, visant à restaurer l’intégrité économique et environnementale de la politique climatique européenne. Il montre que sous certaines conditions un tel mécanisme contribuerait à renforcer la cohérence et la crédibilité de l’engagement européen. Ces contributions, prises ensemble, tracent les contours d’une politique française et européenne intégrée, cohérente et efficace en matière d’atténuation du changement climatique. Elles sont rien moins qu’essentielles pour les décideurs français et européens dans la perspective du sommet de Durban (novembre-décembre 2011), qui ne verra  pas d’avancées sur le front de l’adoption de cibles contraignantes de réduction de gaz à effet de serre et qui laissera donc la France et l’Union européenne face à leurs engagements et leurs responsabilités.

Il serait illusoire et même contre-productif d’isoler cette question des incitations économiques de celle des enjeux de justice et de répartition, omniprésents dans ce qu’il est convenu d’appeler l’économie politique de l’environnement. Ce sont ces enjeux que mettent en évidence Michael Ash et James Boyce qui rappellent le parcours de l’idée de justice environnementale aux États-Unis depuis les années 1980 avant de montrer comment celle-ci peut s’incarner dans des instruments quantitatifs susceptibles de modifier les comportements des entreprises et les pratiques des secteurs industriels les plus polluants. Ces avancées empiriques sont riches d’enseignements pour l’Union européenne, où l’idée de justice environnementale commence tout juste à trouver une traduction dans les politiques publiques. Il faut là aussi progresser et d’abord, comme le montre le dernier article de la première partie, sur le front de la précarité et des inégalités énergétiques, qui touchent durement la population française. Si les enjeux de répartition jouent un rôle dans les incitations, celle qui se révèle peut-être la plus puissante pour modifier les comportements et les attitudes des citoyens dépend de l’action des pouvoirs publics non pas seulement sur le prix mais sur la valeur. C’est l’économie comme science de la mesure de ce qui compte qui s’avère ici décisive.

L’économie comme science de la mesure de ce qui compte

« Il ne se passe pas une année sans que nos systèmes de mesure ne soient remis en question ». Dans la foulée du Rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi, Jean-Paul Fitoussi et Joe Stiglitz reviennent en clôture de ce numéro sur la nécessité de dépasser les mesures actuelles de l’activité économique pour concevoir et surtout mettre en application de véritables mesures du progrès social et du bien-être. De la catastrophe de Fukushima à la crise financière, de la révolution dans le monde arabe aux causes et aux conséquences du chômage de masse et à la crise européenne, ils livrent ici de nouvelles réflexions qui annoncent de nouveaux travaux et de nouvelles avancées. Leur article illustre parfaitement l’idée qui fonde le rôle essentiel de l’économie comme science de la mesure de ce qui compte vraiment dans les sociétés humaines : mesurer, c’est gouverner.

Contributions théoriques et empiriques s’inscrivant au cœur des débats scientifiques les plus intenses du moment sur les grand enjeux écologiques (climat, biodiversité, ressources agricoles, pollutions chimiques, soutenabilité, bien-être), les articles rassemblés ici sont également des appels à l’action, c’est-à-dire à la réforme des politiques publiques françaises et européennes. On trouvera dans les pages de ce numéro des propositions explicites ou seulement suggérées de réforme de la politique agricole commune européenne, de création de nouveaux instruments européens de mesure d’exposition au risque environnemental et industriel, de mise en place d’une politique européenne de lutte contre la précarité énergétique, de réforme et d’évaluation des politiques de gestion des ressources écologiques communes, d’institution d’une taxe carbone en France, de création d’une Banque centrale européenne du carbone, de mise en place d’un tarif carbone aux frontières de l’UE, de conception et de mise en œuvre de nouveaux indicateurs de progrès social et de bien-être au sein d’une institution permanente. Ces propositions méritent toutes d’être entendues et débattues dans la période politique capitale qui s’ouvre. Ce numéro aura alors réalisé ses ambitions.

 




Faut-il revenir sur la défiscalisation des heures supplémentaires ?

par Eric Heyer

Parmi les mesures du plan d’économies annoncé le 24 août 2011 par le Premier ministre François Fillon, figure une modification du dispositif  de défiscalisation des heures supplémentaires et son exonération de cotisations sociales[1] en vigueur en France depuis le 1er octobre 2007. A cette occasion il nous semble intéressant de revenir sur les principales conclusions de différents travaux effectués à l’OFCE sur ce dispositif.

1 – Dans un article à paraître dans l’Oxford Review of Economic Policy[2], il est montré que ce dispositif aurait un impact différent sur l’économie selon la conjoncture en vigueur au moment de son application.

  • Dans un contexte économique favorable, la hausse de la durée du travail incitée par la baisse du coût du travail et la suppression des charges salariales semble appropriée. Certes celle-ci n’est pas financée (dégradation du déficit public) et son financement par une hausse des prélèvements en change radicalement la nature mais sans remettre toutefois en cause l’impact positif sur l’emploi et le chômage.
  • En revanche, cette mesure est mal adaptée à une situation conjoncturelle dégradée comme celle que connaît actuellement de l’économie française. Dans une telle conjoncture de chômage de masse, une augmentation de 1% de  la durée du travail a une incidence négative sur l’emploi (-58 000 à 5 ans et -87 000 à 10 ans). Le taux de chômage augmente légèrement (0,2 point à 5 ans, 0,3 point à 10 ans). Cette mesure a un impact faible sur la croissance (0,2 point à 5 ans et 0,3 point à 10 ans) et n’est pas financé : le déficit se dégraderait de 0,5 point à 5 ans (0,4 point à 10 ans).

2 – Cela corrobore les résultats d’une étude récente publiée dans Economie et Statistique[3]. Menée sur des données regroupant 35 secteurs de l’économie française, les auteurs estiment qu’une hausse de 1 % des heures supplémentaires détruirait près de 6 500 emplois salariés du secteur marchand (soit 0,04 % des salariés marchand) dont les ¾ seraient des emplois intérimaires.

Ainsi, dans un contexte de grave crise économique, il semblerait que l’incitation à travailler plus ait nui à l’emploi, et notamment à l’emploi intérimaire.

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[1] Le gouvernement a décidé de réintégrer les heures supplémentaires dans le barème des allégements généraux de charges en maintenant les avantages fiscaux et sociaux spécifiques. Concrètement, cette mesure ne changera rien pour les salariés : la rémunération nette ne sera pas réduite et l’imposition ne sera pas alourdie. Quant aux employeurs, ils continueront à bénéficier des exonérations de charges au titre des heures supplémentaires déclarées mais verront leurs allégements de charges rabotés sur les bas salaires. Elle entrera en vigueur le 1er janvier prochain et générera d’après le gouvernement 600 millions d’euros de recettes de cotisations supplémentaires.

[2] Heyer É. (2011), « The effectiveness of economic policy and position in the cycle : the case of taxe reductions on overtime in France », Oxford Review of Economic Policy, à paraître.

[3] Cochard M., G. Cornilleau et É. Heyer (2011) : « Les marchés du travail dans la crise », Economie et Statistiques, n°438-440, juin.




Carburant cher : un mal nécessaire ?

par Céline Antonin

Avec un litre de gazole à 1,33 € et un litre de super sans plomb à 1,50 € en moyenne sur les huit premiers mois de 2011, les niveaux de 2008 (respectivement 1,26 € et 1,35 €) sont allègrement dépassés. A qui la faute ? Que doit faire l’Etat ?

A qui la faute ? Parmi les principaux coupables, citons  la crise au Moyen Orient et l’effondrement de la production libyenne qui ont pesé sur les cours mondiaux du pétrole, ou encore la dépréciation de l’euro par rapport au dollar. La mauvaise nouvelle, c’est que malgré la normalisation de la situation au Moyen Orient et la reprise progressive de la production libyenne à partir de 2012, l’accalmie devrait être de courte durée : en effet, selon les experts (voir, par exemple, ceux du FMI), les prix du pétrole sont structurellement orientés à la hausse ; les prix du carburant devraient donc rester durablement élevés.

Que doit faire l’Etat face à cette situation ? Dans une Lettre parue cet été, nous expliquions qu’une baisse généralisée des prix du carburant via une baisse des taxes était coûteuse économiquement et écologiquement et que la nécessité de concilier équité, efficacité et impératif écologique plaidait plutôt pour des mesures transitoires comme la mise en place de « chèques transport », spécifiquement ciblées vers les ménages périurbains et ruraux.