Brexit : réussir sa sortie ?

par Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak

Le sommet européen des 14-15 décembre 2017 marquera-t-il le début d’une nouvelle phase de négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) ?

Theresa May souhaite faire du Brexit un succès et que soit mis en place un partenariat spécial entre le Royaume-Uni et l’UE, un partenariat sur mesure qui permettrait aux échanges commerciaux et financiers de se poursuivre avec un minimum de frictions après la sortie du Royaume-Uni de l’UE, tout en redonnant au Royaume-Uni sa souveraineté nationale, en particulier en retrouvant la possibilité de pouvoir limiter l’immigration des travailleurs en provenance de l’UE et en n’étant plus soumis à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Pour les pays de l’UE-27, il faut, au contraire, montrer que sortir de l’UE a un coût économique important, sans gain budgétaire notable, que ceux qui sortent doivent continuer à accepter une partie importante des règles européennes et qu’ils ne peuvent prétendre bénéficier des avantages du marché unique sans en supporter les coûts. Il faut éviter que d’autres États membres soient tentés de suivre l’exemple britannique.

Ce billet fait le point sur les positions de négociation de l’UE-27 et du gouvernement britannique, sur les divisions britanniques à l’approche du sommet européen. Les négociations, en cours depuis près de six mois sont difficiles et recouvrent de nombreux enjeux : droits des citoyens, règlement financier, frontière en Irlande et futur partenariat entre le Royaume-Uni et l’UE-27.

Le sommet européen des 14-15 décembre 2017 marquera-t-il le début d’une nouvelle phase de négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE) ? À l’approche de ce sommet, les enjeux sont importants pour les Britanniques. Une majorité de Britanniques avait voté en faveur d’une sortie de l’Union européenne le 23 juin 2016, mais ce n’est que le 29 mars 2017 que Theresa May a notifié officiellement la décision britannique de sortir de l’UE en déclenchant l’article 50 du Traité sur l’Union européenne. Cet article stipule que « L’État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. À la lumière des orientations du Conseil européen, l’Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l’Union ». Le déclenchement de l’article 50 ouvre une période de deux ans pour négocier la sortie du Royaume-Uni, le 29 mars 2019.

Ces négociations sont en cours depuis près de six mois. Elles sont difficiles et recouvrent de nombreux enjeux. C’est la première fois qu’un pays demande à sortir de l’UE, et ni le Royaume-Uni ni l’UE-27 ne souhaitent en sortir perdants. Pour le gouvernement britannique, le point clé est celui de la mise en place d’un futur partenariat commercial et financier avec l’UE. Theresa May souhaite faire du Brexit un succès et que soit mis en place un partenariat spécial entre le Royaume-Uni et l’UE, un partenariat sur mesure qui permettrait aux échanges commerciaux et financiers de se poursuivre avec un minimum de frictions après la sortie du Royaume-Uni de l’UE, tout en redonnant au Royaume-Uni sa souveraineté nationale, en particulier en retrouvant la possibilité de pouvoir limiter l’immigration des travailleurs en provenance de l’UE et en n’étant plus soumis à la Cour de justice de l’union européenne (CJUE). Pour les pays de l’UE-27, il faut, au contraire, montrer que sortir de l’UE a un coût économique important, sans gain budgétaire notable, que ceux qui sortent doivent continuer à accepter une partie importante des règles européennes et qu’ils ne peuvent prétendre bénéficier des avantages du marché unique sans en supporter les coûts. Il faut éviter que d’autres États membres soient tentés de suivre l’exemple britannique.

La position de l’UE-27 et les divisions britanniques

Le 29 avril 2017, le Conseil européen a défini ses orientations (des « lignes de négociations ») et a nommé Michel Barnier, négociateur en chef des négociations pour le compte de l’UE. Pour l’UE, les négociations doivent, dans un premier temps, porter sur un « retrait ordonné », soit sur trois points seulement : les droits des citoyens européens au Royaume-Uni, le règlement financier de la séparation et la frontière entre l’Irlande et l’Irlande du Nord. L’UE-27 a adopté une position dure sur chacun de ces trois points, refuse de discuter des relations futures entre l’UE et le Royaume-Uni avant que ceux-ci ne soient réglés, a interdit toute discussion bilatérale (entre le RU et un pays membre) et bloqué toute pré-négociation entre le RU et un pays tiers sur leurs futures relations commerciales. Cela place le Royaume-Uni dans une situation délicate puisque les entreprises (britanniques ou étrangères) réclament que soit levée l’incertitude sur les conditions des échanges entre le RU et l’UE après mars 2019, menaçant de réduire leurs investissements au RU, voire de délocaliser dans l’UE-27 tant que l’incertitude n’est pas levée.

L’UE est en position de force puisque le commerce avec l’UE est 5 fois plus important pour le RU que le commerce avec le RU ne l’est pour l’UE. De plus, l’UE a marqué son unité dans la sortie britannique (comme dans la crise grecque). Dans les deux cas, des positions fermes l’ont emporté. Ni au Conseil européen, ni au Parlement, les partisans de lignes plus conciliantes ne se sont exprimés, comme s’ils avaient peur d’être accusés de rompre l’unité européenne.

Au contraire, les Britanniques sont partagés en quatre positions qui traversent les rangs des conservateurs et des travaillistes. Parmi les partisans de rester dans l’UE, les remainers, certains, comme Tony Blair ou Michael Heseltine, très minoritaires, espèrent encore que, devant les difficultés, le Royaume-Uni renoncera à sortir de l’UE. Lord Kerr, le rédacteur de l’article 50, rappelle que la décision d’activer cet article est réversible. Mais ce serait contraire à la tradition démocratique britannique que de ne pas respecter le vote populaire. Un nouveau référendum pourrait être organisé, mais au regard des sondages rien n’assure que le vote serait aujourd’hui différent de celui du 23 juin 2016.

Pour une majorité de remainers, le Brexit aura bien lieu, et il s’agit maintenant d’en minimiser les coûts économiques. Certains remainers, en particulier parmi les travaillistes, préconisent maintenant un soft Brexit, qui permettrait au RU de rester dans le marché unique. Mais, compte-tenu des conditions imposées par l’UE-27 (le respect des « 4 libertés fondamentales » – libre circulation des marchandises, des services, du capital et du travail – et le maintien de l’autorité de la CJUE), le Brexit n’aurait finalement abouti qu’à priver le Royaume-Uni de toute voix au chapitre pour des décisions qu’il devrait appliquer. Les partisans d’un soft Brexit sont aussi en faveur d’un délai de transition (prévu par le Traité, sous réserve d’un accord unanime des pays de l’UE), qui repousserait de deux ans la sortie du Royaume-Uni et éviterait le risque que le Royaume-Uni quitte l’UE le 29 mars 2019 sans accord négocié.

Les plus fervents partisans du Brexit sont prêts à prendre le risque d’un hard Brexit, sans accord avec l’UE. Le Royaume-Uni n’aurait plus à contribuer au budget de l’UE (soit environ 0,5 point de PIB par an en termes nets) ; il aurait le statut de pays tiers dans le cadre des règles de l’OMC. Le Royaume-Uni devrait alors renégocier des accords commerciaux avec tous ses partenaires, en particulier les États-Unis. Les contrôles aux frontières devraient être rétablis. Les partisans d’un hard Brexit ne sont pas favorables à une période de transition, qui ne ferait que retarder le moment où le Royaume-Uni « reprendrait le contrôle », et l’empêcherait de négocier des accords avec les pays hors UE. En cas de hard Brexit, le risque serait que les multinationales relocalisent en Europe continentale leurs usines et sièges sociaux, que de façon générale il devienne moins attractif d’investir au Royaume-Uni et qu’une large partie des activités bancaires et financières de la zone euro quittent Londres pour Paris, Francfort, Amsterdam ou Dublin. Londres pourrait cependant jouer la carte de la concurrence fiscale (en particulier par la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés) et du paradis réglementaire, surtout en matière financière. Toutefois, le Royaume-Uni ne pourrait guère s’abstraire des contraintes internationales (les accords de la COP21, ceux de la lutte contre l’optimisation fiscale, ceux sur les échanges d’informations fiscales et bancaires, les accords de Bâle III). Les conditions financières de son départ feraient l’objet d’un règlement judiciaire. Pour les plus libéraux, le Brexit permettrait de renforcer le modèle libéral du Royaume-Uni. Il est cependant peu probable que le Royaume-Uni, dont la législation est déjà très libérale, bénéficie d’un choc important de croissance induit par des réformes encore plus libérales.

La position du gouvernement britannique est intermédiaire et évolutive. Theresa May, qui, lorsqu’elle était ministre du gouvernement Cameron en 2016, avait appelé à voter pour le maintien dans l’UE, se donne comme objectif de faire du Brexit une réussite : le Royaume-Uni doit devenir un champion de la mondialisation (« A global Britain »), un champion du libre-échange commercial, dans la tradition libérale britannique, qui doit se tourner vers le grand large. Le pays affiche d’ailleurs un excédent commercial vis-à-vis de ses partenaires hors UE, avant tout avec les États-Unis, et conserve des liens historiques avec les pays du Commonwealth, tandis qu’il affiche un important déficit commercial avec les pays de l’UE (il est cependant excédentaire en matière de services).

Theresa May a pris acte de la position de l’UE-27 selon laquelle le Royaume-Uni ne pourra pas rester dans le marché unique s’il ne respecte pas les quatre « libertés fondamentales ». Elle souhaite cependant maintenir des relations commerciales et financières privilégiées avec l’UE en signant un partenariat spécifique de libre-échange. Comme le RU souhaite pouvoir reprendre le contrôle sur ses frontières, gérer l’arrivée de travailleurs en provenance de l’UE, ne plus être soumis à la CJUE, et refuse (contrairement aux pays de l’AELE) de se plier, pour accéder librement au marché européen, à des normes sur lesquelles il n’aura pas son mot à dire, Theresa May propose que soit établi un « partenariat spécifique et approfondi » entre le RU et l’UE. Par ailleurs, depuis le discours de Florence de septembre 2017, Theresa May demande qu’une période de transition de deux ans soit mise en place, de mars 2019 à 2021.

Theresa May avait organisé des élections législatives anticipées en juin 2017, afin de renforcer sa majorité au Parlement. En fait, les attaques des travaillistes contre l’austérité et les positions des conservateurs en faveur d’une réduction des aides à la dépendance, ont fait perdre aux conservateurs leur majorité. Theresa May a dû faire un accord avec le DUP, parti Unioniste nord-Irlandais, conservateur en matière de questions de société, mais opposé à l’austérité budgétaire et au compromis avec l’Irlande. Theresa May a donc abordé les négociations sur le Brexit avec une majorité affaiblie et divisée où certains ministres (David Davis, Secrétaire d’État en charge des négociations sur le Brexit, Boris Johnson, Secrétaire d’État aux Affaires Etrangères, Liam Fox, Secrétaire d’État au Commerce International) se déclarent prêts à prendre le risque de l’absence d’un accord.

Le 15 novembre 2017, le parlement britannique a définitivement voté la loi d’abrogation du droit européen, mettant fin à son application au RU et confiant au gouvernement la tâche de transposer (ou non) dans le droit britannique les lois et règlements européens (soit 12 000 textes). Toutefois, il a été acté que l’accord avec l’UE, s’il est signé, sera soumis au Parlement, un refus de celui-ci impliquant une sortie sans accord.

L’état des négociations à la veille du sommet du 14-15 décembre

Cinq rounds de négociation étaient initialement prévus en 2017, de juin à octobre. L’objectif était que lors du sommet européen des 19-20 octobre, les négociations aient suffisamment avancé sur les trois points fixés en avril pour que les pays de l’UE-27 acceptent d’engager la négociation sur le futur partenariat. Dès le round du 19 juin, David Davis avait accepté la demande de séquençages de l’UE-27. Ainsi, seuls les trois points souhaités par l’UE-27 ont été discutés, alors que pour le gouvernement britannique (et les entreprises du pays), c’est le futur partenariat qui est crucial. Lors de la clôture du cinquième round, le 12 octobre 2017, Michel Barnier avait déclaré que les négociations sur les aspects financiers étaient dans une impasse et qu’il ne pourrait pas proposer au sommet européen du 19 octobre d’engager les discussions sur un accord commercial, tout en espérant que des progrès soient faits d’ici le sommet européen du 14-15 décembre. Le 20 octobre, le Conseil européen a cependant ouvert la possibilité d’un accord de transition, proposant que des discussions préparatoires soient menées en vue du sommet de décembre, qui sera donc crucial.

En ce qui concerne les droits des citoyens, en particulier des 3,2 millions de citoyens de l’UE résidents au Royaume-Uni, Theresa May a proposé que tous les citoyens de l’UE, installés au Royaume-Uni avant le 29 mars 2017, puissent obtenir un statut de résident qui leur garantisse les mêmes droits que les citoyens britanniques en matière d’emploi et de droits sociaux. Ceci serait automatique pour ceux qui y résident depuis plus de 5 ans et, quand ils atteindront 5 années de résidence pour les autres. Les négociations ont achoppé sur la date de référence (mars 2017 ou 2019 ?), sur le maintien du droit au regroupement familial et surtout le contrôle de l’application de l’accord par la CJUE, que l’UE-27 réclame pour éviter que le RU ne puisse durcir sa réglementation, mais que le RU ne peut accepter (toutefois, il pourrait consentir à la mise en place d’un tribunal d’arbitrage).

Sur la question de la frontière irlandaise, les deux parties sont d’accord pour préserver l’accord de paix en Irlande du Nord et pour maintenir l’absence de frontière terrestre, afin de ne pas mettre d’obstacles aux intenses échanges entre les deux parties de l’île et à la liberté de circulation entre les deux zones (30 000 personnes par jour franchissent la frontière), ce qui est difficile si le Royaume-Uni n’est plus ni dans le marché unique ni dans l’Union douanière. La République d’Irlande refuse toute frontière dure, et menace d’apposer un veto à tout accord qui mettrait des barrières supplémentaires entre l’Irlande et l’Irlande du Nord. Elle demande un statut spécial pour l’Irlande du Nord, qui maintiendrait celle-ci dans l’union douanière. En sens inverse, le DUP refuse le maintien de l’Irlande du Nord dans l’union douanière après le Brexit, du moins tout accord qui ne s’appliquerait pas à l’ensemble du Royaume-Uni ; le gouvernement britannique souhaite maintenir l’intégrité du Royaume-Uni, refuse que l’Irlande du Nord reste soumise à la réglementation de l’UE et que la frontière passe entre l’Irlande du Nord et le reste du RU. Il propose de mettre en place une frontière invisible, ce qui va demander une grande créativité. Sur ce point, l’UE-27 estime que c’est au Royaume-Uni de faire des propositions acceptables. Devant les difficultés de concilier des exigences inconciliables, les deux parties pourraient s’accorder pour reporter la question à la fin des négociations sur leur partenariat futur.

Sur la question du règlement financier, les positions semblent s’être rapprochées. Du côté de l’UE, on évoquait des montants de 60 à 100 milliards d’euros comme contribution britannique aux dépenses européennes déjà engagées, tandis que le Royaume-Uni ne souhaitait pas aborder la question du règlement financier indépendamment de la négociation du futur accord. En septembre 2017, Theresa May a cependant affirmé clairement que le Royaume-Uni honorerait ses engagements financiers envers l’UE, à savoir sa part dans les dépenses de 2017-19, ses engagements pour 2020, les dépenses d’investissements engagés au-delà, sa part des retraites des fonctionnaires européens. Le Royaume-Uni devrait devoir débourser entre 45 et 50 milliards d’euros. Dans le cadre des négociations sur le futur partenariat, le gouvernement britannique pourrait s’engager sur une éventuelle future contribution au fonctionnement du marché unique.

Bien qu’aucun des trois points de négociation initiaux ne soit aujourd’hui vraiment réglé, il semble que l’UE-27 acceptera que des négociations sur le partenariat futur puissent s’ouvrir en 2018. Ceci nécessitera que les pays de l’UE-27 s’entendent sur une position commune, ce qui reportera à mars 2018, le début d’une nouvelle série de négociations. Il est probable, et souhaitable, que le Conseil européen des 14-15 décembre accepte la demande britannique d’une période de transition de deux ans de sorte que le risque d’une sortie sans accord en mars 2019 serait levé.

Il faudra alors trouver un accord sur le futur partenariat entre l’UE-27 et le Royaume-Uni. L’UE-27 ne doit pas céder à la tentation de punir un pays sortant, en ne lui appliquant plus que les règles de l’OMC, ce qui nuirait aussi aux exportations européennes vers le Royaume-Uni, d’autant que l’UE affiche un excédent courant de 130 milliards d’euros vis-à-vis du pays. De même, les accords de coopération industrielle (Airbus, armement, énergie, …) pourront difficilement être remis en question. Il parait impossible que l’UE-27 accepte que le RU reste dans le marché unique, en choisissant les règles qu’il veut bien appliquer. Mais le minimum serait un accord commercial, sur le modèle du CETA. Le plus porteur pour les deux parties serait sans doute d’aboutir à un accord équilibré de partenariat commercial qui servirait de modèle pour créer un troisième cercle en Europe, ce qui pourrait à terme permettre d’intégrer la Norvège, l’Islande la Suisse, l’Ukraine, la Turquie, le Maroc et d’autres pays, et éviterait de placer les pays tiers dans l’alternative entre maintien de la souveraineté nationale et bienfaits de la libéralisation commerciale.

 

 




2018 : baisse du chômage non garantie

par Bruno Ducoudré

Contre toute attente, le taux de chômage au sens du BIT pour le troisième trimestre 2017 a augmenté de 0,2 point. Dans notre dernier exercice de prévisions pour l’économie française, nous avions prévu une stabilité du taux de chômage, en soulignant toutefois les risques qui pèsent sur son évolution au deuxième semestre 2017 et pour l’année 2018. Dans ce billet, nous revenons sur notre prévision d’emploi et de chômage pour 2017-2019 et sur les risques d’observer un coup d’arrêt à la baisse du taux de chômage en 2018.

IMG1_post04-12

L’emploi marchand ralentira en 2018…

Après trois années de destructions d’emplois salariés dans le secteur marchand            (-130 000 emplois entre fin 2011 et fin 2014), la reprise des créations d’emplois s’est amorcée en 2015 (+113 000 emplois) et celles-ci ont accéléré en 2016 (+229 000 emplois salariés marchands). Les créations d’emplois ont été soutenues par le rebond, certes faible, de la croissance à partir de 2014, et par les mesures de baisse de coût du travail (CICE, Pacte de responsabilité, Prime à l’embauche). Les créations nettes d’emplois étant supérieures à l’évolution de la population active, le nombre de chômeurs a diminué (-187 000 depuis fin 2014), portant le taux de chômage au sens du BIT en France métropolitaine à 9,4 % de la population active au troisième trimestre 2017, contre 10,1 % fin 2014 (tableau 1).

Tab1_post04-12

À l’horizon 2019, les créations d’emplois salariés dans le secteur marchand seraient soutenues par la croissance de l’activité économique. Le rythme des créations d’emplois ralentirait toutefois par rapport à 2017, sous le coup de la fin de la Prime à l’embauche au deuxième semestre 2017 et de la fin de la montée en charge du CICE et du Pacte de responsabilité.

Concernant la politique de l’emploi, celle-ci ne soutiendrait plus, hors mesures fiscales, les créations d’emplois à partir du deuxième semestre 2017 (-46 000 contrats aidés dans le secteur non-marchand en 2017), en raison d’un nombre prévu de contrats aidés au deuxième semestre insuffisant pour maintenir le stock existant. Pour 2018, le gouvernement a annoncé 200 000 contrats aidés non-marchands (contre 310 000 attendus pour 2017), ainsi que l’arrêt des emplois d’avenir. Le stock de contrats aidés devrait donc continuer de baisser rapidement. Pour 2019 nous avons retenu l’hypothèse d’une stabilisation du stock de contrats aidés non-marchands (hors baisse des emplois d’avenir), qui pourrait toutefois s’avérer optimiste compte tenu de la volonté du gouvernement de réorienter la politique de l’emploi vers la formation des jeunes éloignés du marché du travail et des chômeurs de longue durée. L’emploi public hors emplois aidés diminuerait quant à lui de 24 000 postes, en cohérence avec l’annonce de la suppression de 120 000 emplois publics sur l’ensemble du quinquennat[1].

Au total, et compte tenu des créations d’emplois non-salariés et de la réduction attendue des effectifs dans le secteur non-marchand, 251 000 emplois seraient créés en 2017, 123 000 en 2018, puis 196 000 en 2019.

… et le chômage devrait baisser…

Après sept années de hausse du taux de chômage, 2015 a été l’année de l’inversion de la courbe du chômage, celui-ci entamant une baisse quasi-ininterrompue depuis lors. Le dynamisme des créations d’emplois salariés dans le secteur marchand (483 000 entre la fin d’année 2014 et le deuxième trimestre 2017) explique une part importante de cette baisse. La population active observée est aussi bien moins dynamique depuis 2015 (+110 000 actifs par an en moyenne) qu’entre 2008 et 2014 (+166 000 actifs par an en moyenne).

En prévision et sur la base des dernières projections de population active de l’Insee[2], la population active tendancielle croîtrait ainsi de 80 000 personnes en moyenne sur la période 2017-2019, contre 160 000 personnes en moyenne chaque année sur la période 2008-2016. Le dynamisme des créations d’emplois aurait également un effet positif sur la population active via un effet de flexion, des personnes inactives étant incitées à revenir sur le marché du travail du fait de l’amélioration des conditions sur ce dernier.

Par ailleurs, le Plan d’investissement des compétences (2 millions de formations supplémentaires annoncées pour 2018-2022 dans le cadre du Grand plan d’investissement) doit débuter en 2018 et monterait en charge progressivement, ce qui freinera légèrement la hausse de la population active, en transférant temporairement des chômeurs de longue durée vers l’inactivité, sans toutefois modifier significativement la trajectoire prévue du taux de chômage.

En 2017-2019, l’emploi total resterait relativement dynamique (+251 000 en 2017, +123 000 en 2018 et +196 000 en 2019), soit un rythme suffisant pour faire baisser le chômage. Le taux de chômage en France métropolitaine devrait baisser de 0,2 point en 2018, et poursuivrait sa baisse en 2019 à un rythme plus rapide (-0,4 point, tableau 1). Cette baisse serait soutenue principalement par une croissance de l’activité plus dynamique en 2019 par rapport à 2018.

… si les contrats aidés ne pèsent pas trop sur l’emploi

La forte baisse des contrats aidés dans le secteur non-marchand, le moindre enrichissement de la croissance en emplois et la croissance de l’activité un peu moins dynamique en 2018 par rapport à 2017 freineraient la baisse du chômage en 2018 après la baisse significative de 2016 (-60 000 chômeurs prévus en 2018 en glissement annuel). La baisse attendue du chômage en 2018 pourrait toutefois ne pas se réaliser en cas d’effet plus fort de la baisse des contrats aidés sur l’emploi non-marchand et en cas de baisse de l’emploi non-salarié. Plus précisément, la croissance à elle seule ne garantit pas la baisse du chômage en 2018, la reprise étant molle par rapport aux reprises observées par le passé (croissance supérieure à 2%). Le gouvernement prend donc un risque avec la réduction des contrats aidés en raison des incertitudes qui entourent les prévisions d’emploi (effets d’aubaine, cycle de productivité, emplois non-salariés, …).

Le premier risque concerne l’effet des contrats aidés sur l’emploi non-marchand, qui pourrait être plus important compte tenu de la diminution conjointe du taux de prise en charge par l’État. À cela pourrait s’ajouter une baisse de l’emploi non-salarié. Afin d’illustrer l’incidence de ces incertitudes sur notre prévision de taux de chômage, nous avons utilisé la méthode de simulation de Monte-Carlo. Le choix des sources d’incertitudes porte sur le taux de croissance de l’emploi non-salarié, celui de l’emploi salarié marchand, mais aussi sur l’impact de la baisse des contrats aidés sur l’emploi non-marchand et sur l’incertitude relative au défaut de bouclage[3]. Le tableau ci-dessous résume les principales hypothèses concernant les densités de probabilités de chacun de ces facteurs d’entrée porteurs d’incertitudes qui seront propagées pour obtenir la densité de probabilité du taux de chômage à l’horizon de notre prévision. Cela nous permet d’associer à notre prévision un intervalle de confiance. Compte-tenu de l’impact de l’incertitude entourant le défaut de bouclage, nous donnons les intervalles de confiance avec et sans l’incertitude liée au défaut de bouclage.

En lien avec nos hypothèses de croissance, l’emploi salarié marchand augmenterait de façon quasi-certaine à l’horizon de notre prévision, tandis que l’emploi non-marchand diminuerait. Hors défaut de bouclage, le taux de chômage baisserait à l’horizon 2019. En revanche il resterait stable ou augmenterait au deuxième semestre 2017 (respectivement fin 2018) avec une probabilité de 40 % (3 %). La prise en compte du défaut de bouclage augmente considérablement l’incertitude sur l’évolution du taux de chômage, qui pourrait rester stable ou augmenter d’ici la fin d’année 2018 avec une probabilité de 30 %. Celui-ci baisserait toutefois fin 2019 avec une probabilité de 87 % en prenant en compte le défaut de bouclage. Pour conclure, la baisse du taux de chômage attendue pour l’année 2018 est entourée d’une incertitude telle qu’il ne faut pas exclure l’arrêt de la baisse du taux de chômage en 2018.

Tabe2_post04-12

IMGs2_post04-12

[1] La baisse des emplois aidés dans le secteur non marchand en 2019 s’explique par la fin des emplois d’avenir. Les emplois non aidés non marchands diminuent de 6 000, intégrant la baisse de 24 000 postes de fonctionnaires, compensée pour partie par une hausse des autres emplois non aidés (une partie des contrats aidés étant remplacée par des contrats non aidés).

[2] Cf. Koubi M., & Marrakchi A., 2017, « Projections de la population active à l’horizon 2070 », Insee, Document de travail, n° F1702.

[3] Le défaut de bouclage provient de l’utilisation de sources différentes pour décomposer la population active entre emploi (source comptabilité nationale) et chômage (source enquête emploi). Ce défaut de bouclage est nul en moyenne sur la période 2002-2016.




Une (ré) assurance chômage européenne

par Léo Aparisi de Lannoy et Xavier Ragot

Le retour de la croissance ne peut faire oublier la mauvaise gestion de la crise au niveau européen sous son aspect économique, mais aussi social et politique. Les divergences des taux de chômage, des balances courantes et des dettes publiques entre les pays de la zone euro sont inédites depuis des décennies. Les évolutions de la gouvernance européenne doivent viser la plus grande efficacité économique pour la réduction du chômage et des inégalités tout en explicitant et en justifiant leurs enjeux financiers et politiques afin de les rendre compatibles avec des choix politiques nationaux. La constitution d’une assurance chômage européenne remplit ces critères.

L’idée d’un mécanisme européen d’indemnisation des chômeurs est une vielle idée dont les premières traces remontent au moins à 1975. Cette idée est aujourd’hui très débattue en Europe avec des propositions émanant d’économistes ou d’administrations italiennes, françaises, des études menées par des instituts allemands, dont le dernier Policy Brief de l’OFCE propose une synthèse. Cette possibilité est même évoquée dans des communications de la Commission européenne. Cette note présente les débats européens, ainsi que le système en place aux États-Unis.

Le mécanisme de réassurance chômage européen présenté dans cette note vise à financer les indemnités chômage des pays en cas de récession sévère et s’inspire pour cela de l’expérience des États-Unis. Ce mécanisme constitue un second niveau européen en plus de niveaux nationaux d’assurance chômage différents. Il permet de soutenir les chômeurs dans les pays touchés par une récession importante, ce qui contribue à soutenir la demande agrégée et l’activité tout en réduisant les inégalités dans les pays bénéficiaires, et est compatible avec une réduction des dettes publiques. Ce mécanisme n’engendre ni transferts permanents vers les pays qui ne se réformeraient pas, ni de distorsions de concurrence, ni le transfert de pouvoirs politiques relevant aujourd’hui de la subsidiarité. Il est en effet, comme c’est le cas aux États-Unis, compatible avec une hétérogénéité de systèmes nationaux.

Pour donner des ordres de grandeur, un système de réassurance, équilibré sur le cycle économique européen et sans transferts permanents entre les pays, aurait augmenté la croissance de 1,6% du PIB en Espagne au cœur de la crise, et l’Allemagne aurait reçu une aide européenne de 1996 à 1998 et de 2003 à 2005. La France aurait connu une augmentation du PIB de 0,8% en 2013 grâce à un tel système, comme le montrent des simulations présentées par des équipes européennes.

Pour accéder à l’étude complète, consulter ici le Policy Brief de l’OFCE, n°28 du 30 novembre 2017.




Taux d’activité et durée du travail : des ajustements différenciés

par Bruno Ducoudré et Pierre Madec

La plupart des pays européens ont, au cours de la crise, réduit plus ou moins fortement la durée effective de travail, via des dispositifs de chômage partiel, la réduction des heures supplémentaires ou le recours aux comptes épargne-temps, mais aussi via le développement du temps partiel (particulièrement en Italie et en Espagne), notamment le temps partiel subi. A contrario, l’évolution favorable du chômage américain s’explique en partie par une baisse importante du taux d’activité.

En supposant qu’une hausse d’un point du taux d’activité entraîne, à emploi constant, une hausse du taux de chômage, il est possible de mesurer l’impact de ces ajustements (durée du travail et taux d’activité) sur le chômage, en calculant un taux de chômage à emploi constant et contrôlé de ces ajustements. Excepté aux États-Unis, du fait entre autres des réformes des retraites menées, l’ensemble des pays étudiés ont connu une augmentation de leur population active (actifs occupés + chômeurs) plus importante que celle observée dans la population générale. Mécaniquement, sans création d’emploi, ce dynamisme démographique a pour effet d’accroître le taux de chômage des pays concernés.

Si le taux d’activité s’était maintenu à son niveau de 2007, le taux de chômage serait inférieur de 1,7 point en France, de 2,7 points en Italie et de 1,8 point au Royaume-Uni (Graphique). Par contre, sans la contraction importante de la population active américaine, le taux de chômage aurait été supérieur de plus de 3 points à celui observé en 2016. Il apparaît également que l’Allemagne a connu depuis la crise une baisse importante de son chômage (-5,1 points) alors même que son taux d’activité croissait de 2,2 points. À taux d’activité inchangé, le taux de chômage allemand serait de … 1,2%. Il reste que les évolutions des taux d’activité résultent aussi de facteurs démographiques structurels si bien que l’hypothèse d’un retour vers les taux de 2007 est arbitraire. Pour les États-Unis, une partie de la baisse du taux d’activité s’explique par l’évolution de la structure de la population. Aussi, le chiffre de sous-emploi peut être considéré comme surévalué.

Concernant la durée du travail, les enseignements semblent bien différents. Il apparaît ainsi que si la durée du travail avait été maintenue dans l’ensemble des pays à son niveau d’avant-crise, le taux de chômage aurait été supérieur de 3,9 points en Allemagne, de 3,4 points en Italie et de 0,8 point en France. En Espagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis, le temps de travail n’a que très peu évolué depuis la crise. En contrôlant le temps de travail, le taux de chômage évolue donc comme celui observé dans ces trois pays.

Graph_post30-11

Il faut rappeler que la baisse de la durée du travail est tendancielle, ce qui se reflète dans les évolutions observées pendant la crise indépendamment des mesures spécifiques prises pour amortir le choc sur l’emploi par des mécanismes comme le chômage partiel ou l’utilisation de comptes épargne temps. Depuis la fin des années 1990, l’ensemble des pays étudiés ont fortement réduit leur temps de travail. En Allemagne, entre 1998 et 2008, cette baisse a été en moyenne de 0,6 % par trimestre. En France, le passage aux 35 heures a entraîné une baisse similaire sur la période. En Italie, au Royaume-Uni et aux États-Unis, ces ajustements à la baisse de la durée moyenne du travail ont été respectivement de -0,3 %, -0,4 % et -0,3 % par trimestre. Au total, entre 1998 et 2008, la durée du travail a été réduite de 6 % en Allemagne et en France, de 4 % en Italie, de 3 % au Royaume-Uni et aux États-Unis et de 2 % en Espagne, de facto seul pays à avoir intensifié, durant la crise, la baisse du temps de travail entamée à la fin des années 1990.

 




Assurance chômage des démissionnaires : un pari pascalien

par Bruno Coquet, Chercheur affilié à l’OFCE

Le projet d’indemnisation des salariés démissionnaires par l’assurance chômage vise à favoriser la mobilité pour améliorer le fonctionnement du marché du travail, stimuler l’emploi et la croissance. Cette réforme fait le pari que l’indemnisation des démissionnaires peut lever des contraintes d’offre qui pèsent sur l’emploi. Si elle n’y parvient pas, qu’elle n’attire pas de candidats, son coût sera nul. Si elle y parvient, ce projet serait rentable pour l’Unedic.

Aujourd’hui déjà, beaucoup de salariés démissionnaires sont indemnisés par l’Unedic. Ceux qui ont démissionné pour un motif jugé « légitime » par l’Unedic, mais aussi ceux qui ayant démissionné pour réaliser un projet qui n’a pas abouti se sont alors inscrits à Pôle Emploi, ont recherché un emploi sans succès et sont de ce fait chômeurs involontaires.

Ce projet d’extension des motifs légitimes d’indemnisation des salariés démissionnaires se situe donc aux marges de l’assurance chômage. Toutefois, notre travail montre que les craintes et les chiffrages alarmistes de la sélection adverse que susciteraient ces nouvelles règles sont extravagants, d’abord parce que les emplois libérés par les démissions seraient pour l’essentiel remplacés, mais aussi parce que l’Unedic et Pôle Emploi ont le savoir-faire nécessaire pour contrôler le comportement de ce type de chômeurs.

Même s’il est en terrain connu, il n’en reste pas moins que l’assureur devra encadrer ce dispositif avec soin, comme il le fait toujours pour contrôler les risques de sélection adverse et d’aléa moral, mais également afin de ne pas sortir de son rôle, qui est de fournir une assurance-revenu et non de financer des investissements ou de financer des reconversions professionnelles.

Les chômeurs éligibles devront avoir un projet de création d’entreprise ou de formation, et les moyens de le financer, l’assurance étant seulement là pour subvenir aux besoins de consommation de leur vie courante. Le salarié étant le seul décideur de sa démission, l’assureur devra réduire les asymétries d’information (inscription anticipée à Pôle Emploi, documentation du projet et des démarches, etc.) pour contrôler l’aléa moral, et aussi partager une partie des coûts avec le bénéficiaire (délai de carence, etc.) afin de limiter les risques de sélection adverse sans restreindre l’accès au dispositif.

Une modalité pratique raisonnable consisterait à créer un motif d’éligibilité aux allocations chômage plus précis, qui s’apparenterait à une « démission pour reconversion professionnelle ». Les nouveaux droits s’inséreraient ainsi dans le droit commun (éligibilité, taux de remplacement, durée des droits, etc.) sans nécessiter la création d’une « annexe » dédiée ou de droits au rabais.

Le principal défi pour cette réforme est d’atteindre les objectifs ambitieux qu’elle se fixe en matière d’emploi. Si les salariés prêts à rompre leur CDI pour initier un projet sont rares, ou échouent, peu d’emplois seront créés, si bien que les entrées dans ce dispositif d’indemnisation des démissionnaires s’assècheraient rapidement. Si un dispositif maîtrisé favorise la mobilité du travail, les démissions susciteraient au moins partiellement des embauches dans l’entreprise de départ, et au moins certains projets de création d’entreprise et de reconversion professionnelle réussiraient.

Dans ces conditions, on peut – sous des hypothèses raisonnables – estimer que le dispositif attirerait environ 35 000 bénéficiaires par an, pour un coût de l’ordre de 250 millions d’euros la première année, et un gain net total de 590 millions d’euros pour l’assurance chômage sur les cinq premières années. La première année se solde par un déficit supplémentaire de 255 Mo€, car même si une majorité des emplois libérés sont pourvus, ils le seraient pour moitié seulement par des chômeurs indemnisés, tandis que tous les démissionnaires deviennent chômeurs indemnisés ; les années suivantes, les projets débouchent sur des emplois supplémentaires, si bien que le chômage indemnisé diminue, tandis que les cotisations augmentent. Le coût de l’accompagnement n’influerait qu’à la marge sur cet équilibre.

Tab_post28-11

Le coût potentiel de la réforme n’est clairement pas un obstacle à sa mise en œuvre. Si le dispositif n’attire pas, il ne coûtera rien. Si en revanche la majorité des projets des salariés démissionnaires débouchent sur un emploi durable, des bénéfices sont garantis à brève échéance, si bien que l’extension de l’assurance chômage aux démissionnaires peut être financée à ressources constantes, sans amputer le droit commun. Pour convaincre les sceptiques, l’Etat pourrait même, sans grand risque, amorcer le dispositif en avançant à l’assureur le montant des dépenses engagées la première année.

 

Pour en savoir plus : Bruno Coquet, « L’assurance chômage pour les démissionnaires. Un pari sur l’emploi, une bonne affaire pour l’Unedic ? », OFCE Policy brief, n° 27, 28 novembre.




PLF 2018 : fin d’une procédure, début d’une nouvelle ?

par Raul Sampognaro

Le 22 novembre, la Commission européenne a publié son avis concernant le Projet de Loi de Finances (PLF) 2018. Le PLF 2018 devrait permettre de maintenir le déficit en dessous de la barre de 3 % pour la deuxième année consécutive (2,9 % prévu par les services de la Commission en 2017 et 2018). Dans ce contexte, la procédure de déficit excessif (PDE) ouverte au lendemain de la crise financière devrait être clôturée courant 2018.

Le PLF 2018 étant celui qui assure le passage du volet correctif au volet préventif du Pacte de stabilité et de croissance a un statut ambigu avec les règles de la gouvernance européenne. Il est conforme avec les règles de la PDE, car il assure le maintien sous les 3 % mais il risque de dévier significativement par rapport aux règles du volet préventif.

La Commission pointe des risques significatifs de non-respect des règles du volet préventif…

Les pays de la zone euro sortant d’une PDE ont deux obligations à respecter :

  1. Avoir une cible de déficit structurel (c’est-à-dire après correction des effets de la conjoncture) au moins inférieure à 0,5 point de PIB potentiel. Cette cible est l’Objectif de Moyen Terme (OMT) de l’État membre ;
  2. Avoir une dette publique inférieure à 60 % du PIB, ou qui est en train de converger vers cette cible à un horizon de 20 ans. Ceci est connu comme le respect du critère de dette.

La France sortira de la PDE avec un déficit structurel sensiblement supérieur à son OMT[1]. Au cours des prochaines années, elle devra converger vers sa cible. Les flexibilités introduites dans l’application du Pacte du 13 janvier 2015 permettent d’adapter la vitesse de convergence à la situation conjoncturelle. Compte tenu de la situation française, l’ajustement requis est de 0,5 point par an jusqu’à atteindre la cible.

Par ailleurs, la France sortira de la PDE avec une dette publique supérieure à 60 % et devrait réaliser un sur-ajustement au cours des 3 prochaines années pour faire converger la dette vers cette cible. Cette dernière règle s’est avérée extrêmement difficile à respecter, notamment par des effets non anticipés par le législateur comme le risque déflationniste. Toutefois, ce critère serait moins strict que celui de convergence vers l’OMT.

Selon les services de la Commission, le solde structurel français devrait se dégrader de 0,4 point en 2018, à la faveur des baisses de fiscalité et de la maîtrise limitée de la dépense. Ainsi, la Commission pointe un écart de 0,9 point de PIB entre l’évolution du solde structurel et les règles du volet préventif. Dans son avis, la Commission parle « d’un risque significatif de déviation par rapport aux contraintes du volet préventif en 2018 ». L’évaluation finale du budget 2018 au regard des règles du volet préventif sera faite au moment de la notification du déficit 2018 en mars 2019.

… comme l’ont fait quasiment tous les pays soumis au volet préventif

Depuis 2012, quasiment tous les pays de la zone euro ont clôturé leur PDE[2] (tableau 1). L’expérience des différents États Membres nous permet d’évaluer la sévérité avec laquelle les règles ont été appliquées. En 2018, la France sera dans une situation comparable à celle de l’Autriche, la Belgique et l’Italie au moment de leur entrée dans le volet préventif. Parmi ces pays, censés être les plus contraints après la PDE, seule la Belgique s’est approchée de l’ajustement structurel de référence des traités. Ceci masque le fait que la Belgique a réalisé la quasi-totalité de l’ajustement sur la seule année 2017. Au cours des deux premières années hors DPE, l’ajustement structurel mis en place n’a été que de 0,1 point de PIB par an.

L’Autriche et l’Italie ont même relâché leurs efforts budgétaires une fois sortis de leur PDE. Le cas transalpin (impulsion budgétaire de 0,3 point par an en moyenne) est informatif sur la lecture flexible des règles européennes réalisée par la Commission. La Commission a ouvert des rapports en 2015, 2016 et 2017, sans jamais aboutir à l’ouverture d’une nouvelle procédure. En 2015, l’Italie a sensiblement dévié de l’ajustement requis au titre du critère de dette. La Commission a admis que le critère de dette était très dur à tenir dans un contexte conjoncturel défavorable et déflationniste. Puis, en 2016, la Commission a autorisé au gouvernement italien à dévier de l’ajustement structurel nécessaire pour assurer la convergence vers l’OMT. Pour faire cela, elle a appliqué le niveau maximal de déviation autorisée par les nouvelles flexibilités, notamment la clause d’investissement et la clause de réformes structurelles. Finalement, en avril 2017, la Commission a pointé à nouveau des risques de déviation à la suite de la publication du Programme de stabilité. En revanche, la Commission n’a pas imposé de sanctions et a annoncé la réévaluation de la situation à la fin de l’exercice comptable.

raul

Au final, depuis leur sortie de PDE, seulement trois pays ont tenu les objectifs d’ajustement fixés par le volet préventif : Malte, l’Irlande et la Belgique. Pour le reste des pays étant sortis de la PDE, le solde nominal s’est amélioré malgré la faiblesse des ajustements. Ceci reflète avant tout l’amélioration de la composante conjoncturelle du solde public, possible par la reprise de l’activité. Ainsi, les marges budgétaires données par l’embellie conjoncturelle ont été utilisées pour alléger la consolidation, en contradiction avec le renforcement souhaité des règles du volet préventif au lendemain de la crise des dettes de la zone euro. Le PLF 2018 s’inscrit dans cette logique.

Au vu de la flexibilité affichée par la Commission dans sa lecture des règles budgétaires, il est difficile d’anticiper la réouverture d’une procédure, cette fois-ci pour dette excessive, à l’encontre de la France en lien avec le PLF 2018. Dans un contexte où la conjoncture permettra d’améliorer le solde budgétaire, la France fera le maximum pour utiliser les clauses d’investissement (Grand Plan d’Investissement) et de réformes structurelles (ordonnances, réforme de la formation professionnelle, réforme de la taxation du capital, …) afin de dévier des objectifs budgétaires établis par le volet préventif. Toutefois, au vu de l’ampleur des déviations prévues, il ne restera que des marges de manœuvre budgétaire très limitées pour la deuxième moitié du quinquennat.

 

[1] Les services de la Commission estiment que le déficit structurel français sera à 2,7 points de PIB en 2018 alors que le gouvernement juge que le solde sera de 2,1 points, l’OMT a un objectif de déficit de 0,4 point.

[2] A partir de 2019, cela devrait être le cas de tous les pays de l’union monétaire avec la fin attendue des dernières PDE au Portugal (2017), France (sortie prévue en 2018) et en Espagne (2019).




Quelle incidence du CICE sur les salaires et l’emploi ?

Par Bruno Ducoudré, Éric Heyer, Alaïs Martin-Baillon, Mathieu Plane [1]

Le dernier rapport du Comité de suivi du Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi (CICE) rappelle la difficulté d’évaluer l’impact de ce dispositif et propose des conclusions extrêmement prudentes sur son efficacité. Il mentionne également l’importance de mener des études macroéconomiques complémentaires aux travaux existants et la nécessité de poursuivre cette évaluation afin d’allonger la période de temps disponible pour ces analyses économétriques.Ce rapport relance la question de l’efficacité du CICE au moment même où l’exécutif annonce qu’il va le transformer en baisse de cotisations sociales patronales pour 2019. Cette mesure phare du quinquennat Hollande fait ainsi l’objet de multiples évaluations qui n’ont pour l’instant pas atteint de consensus (voir le rapport de France Stratégie : ou encore les évaluations de l’OFCE réalisées à partir d’emod.fr). À ce jour, France Stratégie conclue à un « un effet sur les salaires difficiles à déceler » et, avec un certain nombre de réserves, à un effet modéré sur l’emploi.

Dans notre étude « Quelle incidence du CICE sur les salaires et l’emploi ? Une évaluation sur la période 2014 t1 à 2017 t3 » (publiée dans le dernier Working paper de l’OFCE, n°25 du 26 octobre 2017), nous proposons une évaluation trimestrielle de ce dispositif à l’aide de données issues des comptes de branches. Dans ce billet nous synthétisons les principaux résultats issus de ce travail et présentons les dernières évaluations à notre disposition. Notre méthodologie consiste à estimer les élasticités interbranches au CICE de l’emploi et des salaires, et cela pour chaque trimestre. Cela nous permet de suivre au cours du temps l’évolution de l’impact de cette mesure. Nous présentons ci-dessous deux graphiques résumant l’évolution temporelle de ces élasticités.

 graph blog

Nos derniers résultats indiquent un effet positif et significatif du CICE sur les salaires au cours de l’année 2016 et qui décline fortement au début de l’année 2017. Nous mettons également en évidence un effet positif et significatif du CICE sur l’emploi depuis le début de l’année 2015, effet qui diminue également au premier trimestre 2017 tout en restant positif.

Ces résultats sont cohérents avec ceux présentés dans les différentes notes d’étape complémentaire aux rapports de 2016 et 2017 du Comité de suivi du CICE dirigé par France Stratégie lorsque nos travaux portent sur la même période de temps. Leur méthodologie s’appuie sur des données d’entreprises, ce qui limite leur analyse à la période 2013-2015, alors que l’utilisation de données de branches, issues des comptes nationaux trimestriels, nous permet d’estimer l’impact de cette mesure jusqu’au deuxième trimestre de l’année 2017 (avec le corollaire que nous travaillons sur des données sujettes à de possibles révisions).

Les rapports du Comité de suivi du CICE concluent à un effet positif modeste « probable » du CICE sur l’emploi en 2014 et 2015 quand nos estimations laissent apparaître un effet extrêmement faible et seulement très légèrement significatif en fin d’année 2014, voire non significatif sur l’ensemble de l’année selon les spécifications retenues[2]. En revanche, nos analyses mettent en évidence un effet positif, significatif et croissant de ce dispositif sur l’emploi entre le premier trimestre de l’année 2015 et le premier trimestre de l’année 2017.

De même, les rapports du Comité de suivi évoquent un effet nul ou très faible du CICE sur les salaires en 2014 et 2015, résultats également mis en avant par nos estimations. Nos travaux laissent apparaître un effet significatif du CICE sur les salaires à la fin de l’année 2015, effet qui perdure en 2016 tout en déclinant fortement jusqu’au premier trimestre de l’année 2017.

La nature même de notre travail, qui s’appuie sur des estimations inter-branches, appelle cependant une interprétation prudente de nos résultats. En effet, ces élasticités se lisent comme la différence en termes de créations d’emplois ou de variations de salaire entre deux branches lorsque l’une d’elles reçoit un point de taux de CICE en plus, ce qui ne permet pas d’évaluer l’impact macroéconomique des variations totales. Par ailleurs, rappelons que nous travaillons sur des données susceptibles d’être révisées par l’INSEE, ce qui peut avoir pour conséquence une modification de ces résultats sur la fin de période.

 

[1] Ce travail sera mis à jour tous les trimestres et les résultats seront présentés sous forme de billet de blog à échéance régulière.

[2] Voir le document original : « Quelle incidence du CICE sur les salaires et l’emploi ? Une évaluation sur la période allant du premier trimestre 2014 au deuxième trimestre 2017 », Working Paper de l’OFCE, n°25-2017 pour le détail de ces estimations .




La BCE en terrain neutre ?

par Christophe Blot et Jérôme Creel

L’implication de la Banque centrale européenne (BCE) dans la gestion budgétaire des Etats membres de la zone euro est un sujet régulier de controverse. Depuis la mise en œuvre des programmes d’achats de titres de dette publique, la BCE est tout à la fois accusée de faire des profits sur les Etats en difficulté et de prendre le risque de socialiser les pertes. La naissance de ces controverses résulte de la difficulté à bien appréhender les relations entre la BCE, les banques centrales nationales (BCN), et les gouvernements.L’architecture monétaire européenne se résume à une séquence de délégation de pouvoir. Les décisions relatives à la conduite de la politique monétaire dans la zone euro sont déléguées à une institution indépendante, la Banque centrale européenne (BCE). Mais, en vertu du principe européen de subsidiarité, la mise en œuvre de la politique monétaire est ensuite déléguée aux banques centrales nationales (BCN) des Etats membres de la zone euro : l’ensemble BCE + BCN étant nommé Eurosystème. Alors que cette dimension de l’organisation de la politique monétaire dans la zone euro n’avait jusqu’ici pas vraiment retenue l’attention, un débat a récemment émergé dans le cadre de la mise en œuvre du programme d’assouplissement quantitatif. D’après commentateurs et journalistes, certaines banques centrales nationales profiteraient plus que d’autres de ladite politique pour acheter et soutenir leur dette publique nationale, plus risquée que celle d’autres pays plus « vertueux »[1]. Celles-ci pourraient donc échapper au contrôle de la BCE et ne pas appliquer strictement la politique décidée à Francfort.

Dans un document récent, préparé dans le cadre du dialogue monétaire du Parlement européen avec la BCE, nous montrons que ces inquiétudes ne sont pas fondées pour la simple et bonne raison qu’en moyenne depuis le début de mise en œuvre de cette politique, la clé de répartition théorique a été respectée (graphique). Cette clé de répartition stipule que les achats de titres obligataires par l’Eurosystème se font au prorata de la participation des Etats au capital de la BCE. Rappelons qu’une partie des achats – 10 sur les 60 milliards d’achats mensuels effectués dans le cadre du PSPP – est effectuée directement par la BCE[2]. Les autres achats sont effectués directement par les BCN. Comme chaque banque centrale achète les titres émis par son gouvernement, les acquisitions d’obligations publiques par les BCN ne conduisent pas à un partage des risques entre les Etats membres. Les profits ou les pertes sont conservées au bilan des BCN ou transférées aux gouvernements nationaux selon les accords en vigueur dans chaque pays.

Cette répartition des achats d’obligations publiques qui se veut neutre en termes de gestion de risque ne l’est cependant pas tout à fait, mais pas pour les raisons qui semblent avoir inquiété le Comité des affaires économiques et monétaires du Parlement européen. Cette répartition favorise le maintien de taux de rendement très bas sur les dettes de certains Etats membres. En effet, en ne se basant pas sur les besoins de financement des Etats membres ou sur la taille de leurs dettes publiques, elle peut produire des distorsions en raréfiant l’offre d’obligations publiques disponibles sur les marchés secondaires. Tel peut être le cas en Allemagne, en Espagne et aux Pays-Bas dont les parts dans les dettes publiques européennes sont moindres que leurs parts respectives dans le capital de la BCE (tableau). A l’inverse, les achats d’obligations italiennes sont moindres avec la clé de répartition actuelle qu’avec une clé de répartition qui tiendrait compte de la taille relative de la dette publique. La politique de la BCE a donc moins de répercussions sur le marché de la dette italienne qu’elle n’en a sur le marché allemand.

Ce choix pourrait par ailleurs contraindre les décisions de la BCE sur la poursuite de l’assouplissement quantitatif après décembre 2017. Admettons que la meilleure politique pour la BCE consiste à poursuivre au même rythme la politique actuelle au-delà de décembre 2017, mais à la stopper une bonne fois pour toutes en juillet 2018. En l’état des règles de répartition, cette politique reste conditionnée à la disponibilité d’obligations publiques échangeables jusqu’en juillet 2018 pour tous les pays, y compris ceux dont les émissions de dette sont rares car leurs besoins de financement sont faibles. Il se pourrait que la poursuite de cette politique en l’état des règles adoptées par la BCE soit impossible parce que les dettes disponibles sont en montants insuffisants dans certains pays. Il faudrait alors mettre en œuvre une politique différente en réduisant par exemple drastiquement les achats mensuels de titres à court terme (mettons en janvier 2018), tout en poursuivant éventuellement cette politique plus longtemps (au-delà du premier semestre 2018). Le choix de ne pas recourir à un partage des risques dans la gestion de la politique monétaire européenne est donc loin d’être neutre dans la mise en œuvre effective de cette politique.

graph 2

 

tab

 

[1] Mario Draghi a en effet été interrogé sur la répartition de la politique d’achat de titres publics (PSPP pour Public sector purchase programme) lors de la conférence de presse qu’il a tenu le 8 septembre 2017.

[2] Sur cette somme, il y a un partage des risques : les gains ou les pertes sont partagés par l’ensemble des BCN au prorata de leur contribution au capital de la BCE.




Les nouvelles inégalités du travail. Pourquoi l’emploi se polarise

par Gregory Verdugo

Qu’est-ce que la polarisation des emplois ?

Au long des trois dernières décennies, le travail a pris un nouveau tournant. Si l’après Seconde Guerre mondiale a vu les inégalités de salaire reculer, depuis les années 1980, les écarts se creusent continûment. Les écarts de salaire augmentent tout le long de la distribution, à la fois entre les bas et moyens ou entre les moyens et hauts salaires. Dans d’autres pays comme la France où les inégalités de salaires restent stables, c’est le risque de chômage et de précarisation qui frappe toujours davantage les moins qualifiés.

A cet essor des inégalités s’ajoute un grand chamboulement de la composition des emplois. Pour étudier l’évolution de la qualité des emplois, les économistes Alan Manning de la London School of Economics et Maarten Goos et Anna Salomons de l’Université d’Utrecht ont exploré les données très riches de l’Enquête européenne sur les forces de travail pour 16 pays européens sur la période 1993 à 2010[1]. À partir du salaire moyen observé dans l’emploi au début de cette période, ils distinguent trois grandes catégories : les emplois peu qualifiés, les emplois intermédiaires et les emplois très qualifiés.

Alan Manning et ses co-auteurs calculent comment évolue la part de ces trois groupes dans l’emploi total. Leurs résultats, présentés dans le graphique 1, indiquent que, dans la plupart des pays, l’emploi se polarise, c’est-à-dire que la part des emplois intermédiaires est en forte baisse au profit d’une hausse des emplois soit peu qualifiés, soit très qualifiés. La baisse des emplois intermédiaires est conséquente : en France, avec une chute de 8 points, l’emploi intermédiaire se réduit de 47% à 39% entre 1993 et 2010. En comparaison, sa part recule de 12 points en Espagne, 11 points au Royaume-Uni, 10 points en Suède et au Danemark, 6 points en Allemagne et 5 points au Portugal.

Si la part des professions intermédiaires se contracte, les parts des emplois peu qualifiés et très qualifiés sont en nette expansion. En France, ces deux groupes augmentent de manière parfaitement symétrique, d’environ 4%. Ainsi, pour deux emplois intermédiaires qui disparaissent, à la fois un emploi qualifié et peu qualifié supplémentaire est créé. Notons que par rapport à la Belgique (+9%), au Danemark (+8%) ou la Finlande (+12%), la progression de la part des emplois qualifiés est plus modérée en France ; elle est proche de celle de l’Allemagne, l’Autriche ou la Norvège.

IMG_post10-10

 

Gagnants et perdants de la révolution informatique

Ce grand bouleversement du marché du travail s’explique d’abord par la nature du changement technologique récent, l’informatique, qui a révolutionné l’organisation des entreprises. Les ordinateurs fonctionnant en suivant des procédures et règles explicites préalablement programmées, ils se sont avérés très doués pour effectuer des tâches dites « routinières » qui caractérisaient le travail humain dans les emplois intermédiaires. Un ordinateur peut commander un robot dans l’industrie, établir des feuilles de paye, ou distribuer de l’argent. En raison de leur efficacité et leur faible coût, les ordinateurs ont remplacé le travail élémentaire et répétitif humain qui composait de nombreux emplois intermédiaires. Les emplois les plus détruits par l’informatisation furent ainsi ceux des opérateurs sur des chaînes de production qui furent automatisées mais aussi ceux des employés de bureau ou des secrétaires.

Au contraire, les plus qualifiés sont les gagnants du progrès technologique. Non seulement les ordinateurs ne peuvent remplacer leur travail, mais ils les rendent plus productifs. En démultipliant la quantité d’information et facilitant sa recherche, l’Internet facilite la spécialisation des connaissances et permet de se concentrer sur les tâches d’analyse. Grace aux progrès de l’informatique, les entreprises ont demandé toujours plus de travail qualifié, ce qui a permis d’absorber l’arrivée de larges cohortes de diplômés du supérieur sans que leurs salaires ne soient réduits.

Le commerce international a-t-il polarisé l’emploi ?

 Le commerce international bénéficie au consommateur en décuplant ses choix et en modérant les prix. Indirectement, en libérant des revenus, il stimule aussi la demande et l’emploi dans le secteur des services. Mais derrière le consommateur se trouve aussi un travailleur aux intérêts parfois opposés. Si le commerce international favorise le premier, son effet sur le second est plus ambigu.

Il est aujourd’hui clair que l’emploi intermédiaire a été victime de la croissance du commerce avec les pays en développement. L’accélération du commerce avec les économies émergentes à bas coût du travail a conduit les entreprises des pays développés à se spécialiser dans les tâches de conception les plus sophistiquées, celles où l’analyse d’informations et la créativité sont mobilisées. Au contraire, les tâches basiques de production sont toujours plus externalisées, ce qui a entraîné la destruction d’une grande partie des emplois industriels intermédiaires dans les pays développés.

Des études récentes sur les Etats-Unis[2] et la France[3] montrent que, à la suite du boom des importations liées à l’accession de la Chine à l’OMC durant les années 2000, le marché du travail s’est très dégradé dans les régions les plus concurrencées par la Chine. Pour la France, les destructions d’emplois industriels liés à la concurrence chinoise sont quantifiées à 100 000 emplois entre 2001-2007, soit 20% des 500 000 emplois perdus dans ce secteur.

Comment dompter le marché ?

Bien sûr, on ne doit pas oublier que le marché du travail est un marché où le jeu de l’offre et la demande est limité par un ensemble de normes et de règles qui sont cruciales en termes d’inégalités. Malgré le rôle important de la technologie et du commerce, les institutions du marché du travail gardent un rôle central et elles ont modelé la réponse de chaque pays à l’informatisation et à l’essor du commerce international et, selon les cas, ont freiné ou accéléré la polarisation de l’emploi.

Selon de nombreux travaux, le salaire minimum et la manière de négocier collectivement les salaires ont influencé la façon dont les inégalités et l’emploi ont été impactés par les progrès technologiques et la mondialisation. Les institutions ont surtout affecté les salaires des moins qualifiés, ceux qu’elles cherchent le plus à protéger. Pour les bas salaires, le salaire minimum a réduit puissamment les écarts salariaux en France[4]. La centralisation des négociations salariales au niveau des branches a aussi contribué à limiter les inégalités de salaires en nivelant les salaires entre entreprises dans un secteur. Là où ces institutions sont restées fortes, elles ont préservé les petits salaires d’une baisse et ont modéré les écarts de salaire.

Mais ces institutions sont aussi suspectées, si elles sont trop contraignantes, de freiner les créations d’emplois et de contribuer à un chômage élevé des peu qualifiés. Elles n’ont notamment pas pu freiner les destructions d’emplois et trop de protection est suspecté d’avoir découragé les créations. À la fin des années 1990, Thomas Piketty de l’École d’Économie de Paris remarquait que la croissance de l’emploi dans les services s’était réduite en France par rapport aux États-Unis à la suite des hausses du salaire minimum français dans les années 1980[5]. Plus récemment, les chercheurs Julien Albertini de l’Université Humboldt, Jean Olivier Hairault de l’Université Paris 1, François Langot de l’Université du Maine et Thepthida Sopraseuth de l’Université de Cergy Pontoise ont montré que le salaire minimum a limité la croissance du secteur des services manuels non-routiniers en France[6] et a ainsi diminué les opportunités de ceux dont les emplois ont été détruits par le commerce international ou la technologie. Ce déficit d’emploi est particulièrement marqué dans les activités intensives en travail peu qualifié comme l’hôtellerie et la restauration ou le commerce de détail[7]. Comment adapter les régulations au nouveau contexte du marché du travail est un enjeu essentiel des politiques d’emploi dans les années à venir.

Quel travail demain ?

Le progrès technologique n’a pas fait disparaître le travail. Mais la prochaine vague de machines performantes pourrait être, cette fois, vraiment différente. Jusqu’ici, les machines n’étaient pas douées pour les tâches abstraites et manuelles non-routinières mais les avancées de la robotique et l’informatique pourraient vite changer la donne. Chaque année, les possibilités techniques permettant aux ordinateurs et robots de simuler le raisonnement humain et devenir intelligents sont décuplées : l’augmentation des capacités de calcul permet d’analyser et de répondre plus adroitement aux stimulations externes ; la communication avec l’environnement est de plus en plus fine grâce à une batterie de puissants capteurs aidée de programmes capables notamment de comprendre les plus subtiles nuances du langage humain et de reconnaître des visages et objets ; les possibilités de stockage des données sont décuplées avec le développement du « cloud robotics » où chaque robot accumule et partage en réseau expérience et information avec ses confrères robots[8].

Certains chercheurs pensent que les développements des machines intelligentes et de la robotique devraient permettre de remplacer le travail dans un grand nombre d’emplois dans les années à venir. En 2015, les chercheurs Carl Benedikt Frey et Michael Osborne de l’Université d’Oxford prédisaient que 47% des employés aux États-Unis ont un travail qui risque d’être automatisé dans le futur[9]. Ils prévoient des conséquences particulièrement importantes dans les transports et la logistique, où les progrès des capteurs intelligents rendront les véhicules sans conducteurs sûrs et rentables.

Mais les emplois des moins qualifiés ne sont pas les seuls à être menacés. Les capacités d’analyse grandissante des ordinateurs leurs permettent maintenant d’aider à la décision dans des tâches complexes, notamment dans le domaine médical ou juridique, où elles remplacent ainsi du travail qualifié. Au Memorial Sloan-Kettering Cancer Center à New-York aux États-Unis, un programme informatique aide les cancérologues à déterminer le traitement le plus approprié pour les patients. Le programme se nourrit de 600 000 rapports médicaux, 1,5 million de dossiers de patients et d’essais cliniques, et 2 millions de pages publiées dans ces journaux médicaux[10]. Il apprend et s’améliore en permanence. Dans le domaine du droit, le « Clearwell System » utilise les techniques d’analyse automatique de langage pour classifier les masses de documents transmises aux parties avant les procès qui peuvent comprendre plusieurs milliers de pages. En deux jours, l’ordinateur est capable d’analyser de manière fiable 570 000 documents. Il fait économiser l’équivalent du travail de dizaines d’avocats et juristes, et permet de gagner un temps précieux dans la préparation des procès[11].

Faut-il craindre ces évolutions ? Aucune loi fondamentale en économie ne garantit que chacun va pouvoir trouver un emploi correctement rémunéré dans le futur. La dégradation des emplois qu’a entraînée la polarisation rappelle que le progrès n’améliore pas toujours leur qualité. Mais offrira-t-il au moins des emplois ?

 

Pour en savoir plus : Gregory Verdugo a publié en juin 2017 « Les nouvelles inégalités du travail : pourquoi l’emploi se polarise » aux Presses de Sciences Po, collection Sécuriser l’emploi.

Lien livre presses de Sciences Po : http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/livre/?GCOI=27246100938740&fa=author&person_id=1987

Lien livre sur Cairn : https://www.cairn.info/les-nouvelles-inegalites-du-travail–9782724620900.htm

 

[1] Maarten Goos, Alan Manning, Anna Salomons, « Explaining job polarization: Routine-biased technological change and offshoring », American Economic Review, 104 (8), 2014, p. 2509-2526.

[2] David Autor, David Dorn, Gordon Hanson, « The China Syndrome: Local Labor Market Effects of Import Competition in the United States », American Economic Review, 103 (6), 2013, p. 2121-2168.

[3] Clément Malgouyres, « The Impact of Chinese Imports Competition on Employment and the Wage Distribution: Evidence from French Local Labor Markets », EUI ECO Working Paper, 2014.

[4] Gregory Verdugo, « The Great Compression of the French Wage Structure, 1969–2008 », Labour Economics, 28, 2014, p. 131-144.

[5] Thomas Piketty, « L’emploi dans les services en France et aux États-Unis : une analyse structurelle sur longue période », Économie et Statistique, 318, 1998, p. 73-99.

[6] Julien Albertini, Jean-Olivier Hairault, François Langot, Thepthida Sopraseuth, 2017. « A Tale of Two Countries: A Story of the French and US Polarization, » IZA Discussion Papers, n° 11013, juin 2017.

[7] Ève Caroli, Jérôme Gautié, Bas salaires et qualité de l’emploi : l’exception française ?, Paris, Editions Rue d’Ulm, 2009, p. 49

[8] Gill Pratt, « Is a Cambrian explosion coming for robotics? », The Journal of Economic Perspectives, 29 (3), 2015, p. 51-60.

[9] Carl Benedikt Frey, Michael Osborne, « Technology at Work: The Future of Innovation and Employment », Oxford Martin School, 2015. Retrieved from http://www.oxfordmartin.ox.ac.uk/publications/view/1883

[10] Jonathan Cohn, « The robot will see you now », The Atlantic, 20 février 2013.

[11] John Markoff, « Armies of expensive lawyers replaced by cheaper software », The New York Times, 4 mars 2011.




Incohérences fiscales

par Henri Sterdyniak

La société française a choisi de mettre en place un niveau important de dépenses publiques et sociales, ce qui implique un haut niveau de prélèvements obligatoires. Ce choix social nécessite d’une part que les dépenses soient gérées avec rigueur, d’autre part que les prélèvements soient le plus équitables possibles.La fiscalité a trois rôles. Le premier est de faire financer les dépenses publiques par chaque citoyen selon ses capacités contributives. Ceci se traduit aussi par la règle : « A revenu égal, impôt égal ». Le degré de liberté des gouvernements en matière fiscale est ainsi en principe limité. Le deuxième est de redistribuer les revenus de façon à ce que les revenus disponibles soient plus équitables que les revenus primaires. Le troisième est d’inciter les agents économiques à avoir des comportements socialement et économiquement souhaitables. Ces objectifs se renforcent parfois (ainsi, la taxation progressive est conforme aux deux premiers rôles de la fiscalité) mais parfois se contredisent (ainsi, subventionner les emplois à domicile n’est pas conforme aux deux premiers objectifs). Aussi, les mesures fiscales incitatives qui entrent en conflit avec le principe de taxation selon les capacités contributives doivent-elles être soigneusement réfléchies.

Malheureusement, la fiscalité française est trop souvent réformée par des mesures incohérentes, qui contribuent à la rendre compliquée et injuste. Ces réformes sont dictées par les préoccupations à court terme des hommes politiques, au pouvoir ou en campagne électorale. Des mesures à fort effet de communication sont souvent privilégiées, comme la baisse de l’IR, censée avoir un impact psychologique positif sur les contribuables. Les gouvernants préfèrent créer de nouvelles prestations plutôt qu’indexer correctement les prestations existantes. Des dispositions inutiles, compliquées, injustes ne sont pas revues pour ne pas faire de vagues. Pourtant, il est légitime qu’une réforme qui vise à mettre fin à des situations injustes, crée des perdants parmi leurs bénéficiaires.

Nous discuterons ici, de point de vue de la logique fiscale, six mesures annoncées par Emmanuel Macron dans sa campagne électorale, mesures que le gouvernement actuel essaie de mettre en œuvre dans le budget et la loi de financement de la Sécurité sociale de 2018[1].

 1- La suppression de l’ISF et la création de l’IFI

Le gouvernement a donc décidé de supprimer l’ISF. Cet impôt était accusé de faire fuir les plus riches et de coûter davantage en pertes de recettes fiscales qu’il ne rapporte. Il ne portait pourtant pas sur les biens professionnels et comporte de larges possibilités d’exemption pour les entrepreneurs et leurs familles. L’ISF considérait que le patrimoine est un indicateur de la capacité à contribuer aux dépenses publiques, en plus du revenu. Déjà, le plafonnement de l’ISF en fonction du revenu était une erreur puisque les contribuables aisés qui réussissaient à échapper à l’IR en dissimulant leur revenu, échappaient aussi à l’ISF. Le gouvernement va donc remplacer l’ISF par un IFI (Impôt sur la fortune immobilière) pour encourager les placements productifs et décourager les placements immobiliers.

Le problème est que ce nouvel impôt n’aura strictement aucune légitimité. Les dépenses des collectivités locales liées au logement sont déjà prises en charge par la taxe foncière. Il y aurait certes des arguments pertinents pour taxer le revenu que représentent les loyers implicites, mais l’IFI n’est pas une taxe sur les loyers implicites puisqu’il frappe aussi les immeubles loués. Il y a aussi de bons arguments pour taxer les biens de luxe, comme l’occupation de résidences d’un prix élevé, les yachts, les voitures luxueuses, etc. Mais, l’IFI ne taxe que les résidences (et pas les autres biens de luxe) et ne fait pas le partage entre résidences occupées et résidences louées. Du point de vue redistributif, il n’y a pas de raison pour frapper particulièrement la richesse immobilière. Faut-il détaxer la richesse mobilière car elle a la possibilité de fuir à l’étranger ? C’est récompenser l’exil fiscal et encourager la concurrence fiscale en renonçant à l’équité.

Par ailleurs, le besoin de logement est aussi respectable qu’un autre ; une entreprise qui construit et gère des logements pour étudiants est aussi utile qu’une entreprise qui organise des soirées de gala ; la production de services de logement est aussi productive que la production de tels ou tels services, services de beauté, d’éducation, de loisir, etc. Comment placer la frontière : comment traiter les titres de SCPI, de OCPI ? C’est de l’immobilier, semble dire le gouvernement. Et les entreprises qui gèrent des établissements d’accueil de personnes âgées ou dépendantes, celles qui gèrent des chaînes d’hôtels ? Que faire enfin des entreprises qui possèdent et louent des bureaux ou des locaux industriels ? La distinction entre actifs immobiliers et mobiliers est parfois arbitraire.

Enfin, il semble que l’IFI portera sur la valeur du patrimoine immobilier moins les dettes immobilières. Imaginons donc quelqu’un qui dispose d’un patrimoine de 3 millions d’euros et veut faire un placement immobilier. Il peut acheter un immeuble pour 3 millions et sera alors assujetti à l’IFI ; mais, il peut aussi acheter cet immeuble avec un crédit de 2,5 millions et utiliser 2,5 millions à faire des placements financiers, par exemple un dépôt dans sa banque (qui servira précisément à financer ce crédit). Dans ce cas, son patrimoine immobilier net ne sera que de 0,5 million et il ne sera pas assujetti.

Bref, l’IFI est un impôt mal pensé, qui ne sert qu’à réduire le coût de la suppression de l’ISF (et son mauvais effet sur l’opinion publique). Il est certain que l’IFI sera déféré par les parlementaires devant le Conseil constitutionnel. Il est probable que celui-ci le refusera.

2- Le Prélèvement Forfaire Unique

Avec les mêmes motivations pour favoriser les placements financiers, le gouvernement veut introduire un Prélèvement Forfaitaire Unique à 30% sur les revenus du capital mobilier. L’objectif qui avait guidé les premières réformes fiscales du quinquennat précédent : « Tous les revenus doivent être taxés de la même manière » est oublié. Le principe de progressivité de l’impôt sur le revenu est lui aussi oublié. Comment le justifier ? La cohérence de la taxation du revenu des ménages est mise en cause. Le chiffre de 30% est arbitraire. A chaque réforme se posera la question : comment s’applique-t-elle aux revenus du capital ? On le voit dès maintenant avec la hausse de la CSG (qui ne frappera donc pas les revenus du capital). Le 30% sera-t-il bien réparti entre 15,5+1,7=17,2% pour la Sécurité Sociale et 12,8% pour l’Etat ? Ce 12,8% est très faible par rapport au 45% de la tranche supérieur de l’IR.

La fiscalité actuelle distingue les intérêts et les dividendes. Les dividendes ayant déjà subi un prélèvement à l’IS (de 33,3% en principe) bénéficient en contrepartie d’un abattement de 40% à l’IR, ce qui n’est pas le cas pour les intérêts. Cet avantage relatif des dividendes va disparaître avec le PFU.

On pourrait à la limite justifier des exonérations du revenu épargné (à condition qu’il soit taxé à la sortie, comme dans les PERP) ; il est difficile de justifier un traitement privilégié des revenus du capital qui ne sont pas a priori réinvestis dans les fonds propres des entreprises. La mesure envisagée ne s’attaque pas aux dépenses fiscales injustifiées actuellement : la non-taxation des PEA, les privilèges de l’assurance-vie…

Le point le plus délicat nous semble le même que celui de l’IFI : comment justifier un traitement différencié des revenus du capital mobilier et des revenus du capital immobilier ? Se pose de plus le traitement du revenu mixte, celui des entrepreneurs individuels, dont la composante implicite « revenu du capital » sera taxé au taux normal de l’impôt sur le revenu, donc obligatoirement à un taux plus élevé que 30%, de sorte que la mesure devrait décourager les entrepreneurs individuels d’investir dans leur entreprise. Là aussi, le Conseil constitutionnel aura son mot à dire.

3- La réduction de la taxe d’habitation

Pour compenser ces deux mesures qui profitent essentiellement aux ménages les plus riches, Le gouvernement a donc décidé de supprimer la taxe d’habitation pour 80% des contribuables, ceux dont le revenu fiscal de référence est en dessous d’un certain seuil. Certes la taxe d’habitation est un impôt injuste qui affecte lourdement les habitants des communes pauvres et dont la base (les valeurs locatives) est périmée. Cependant, cette base périmée demeure pour la taxe foncière ; elle demeure pour les 20% de ménages qui continueront à la payer ; on peut craindre que la mesure de suppression ne fasse que retarder la nécessaire révision des valeurs locatives

Ensuite, il faudra compenser durablement la perte pour les communes ; on ne peut se contenter de leur dire que l’Etat assurera une compensation euros pour euros car ce serait injuste (pourquoi subventionner plus certaines communes que d’autres en 2027 sur la base de leur taxe d’habitation de 2017). De toute évidence, il fallait repenser la fiscalité locale : revaloriser les bases de la taxe d’habitation et de la taxe foncière ; réduire leur importance en finançant par des transferts budgétaires les dépenses imposées aux communes et, par ailleurs, donner aux communes une part de la taxation du revenu. Mais il aurait fallu réfléchir à cette réforme avant de prendre une mesure d’allègement sur laquelle il faudra revenir. Il sera d’autant plus difficile de repenser la fiscalité locale que les perdants seront obligatoirement des ménages figurant dans les 80% bénéficiant de la réforme aujourd’hui, donc que la prochaine réforme semblera anti-redistributive.

Cette mesure a le défaut de prévoir que 80% des habitants ne contribueront plus financièrement, en tant qu’habitant, à leur commune ; c’est gênant du point de vue de la démocratie locale. Enfin, la réforme introduit un seuil brutal, ce qui n’est pas souhaitable en principe et introduit des injustices (une personne dont le revenu dépasse le seuil de 1 euro peut devoir payer 500 euros d’impôt supplémentaire) ou des complications (si on introduit un raccord en biseau). Une fiscalité progressive bien pensée suppose un barème avec des tranches régulières d’imposition et non avec des seuils.

Notons cependant un point satisfaisant. Le seuil d’exonération s’applique au revenu fiscal de référence (et non au revenu imposable), de sorte que les revenus de capital financier (ceux qui ne seront pas soumis à l’IR mais au PFU) seront bien pris en compte. Le barème des seuils tient compte de la situation familiale selon des unités de consommation proches de celles définies par l’OCDE (ou l’INSEE) : les familles avec enfants sont toutefois légèrement perdantes

Tabe-post06-10

 

4- Financement de l’assurance chômage : une réforme sans légitimité

L’assurance chômage est jusqu’à présent régie selon les principes de l’assurance sociale. Chaque salarié a droit à des prestations (l’ARE, Allocation d’aide au retour à l’emploi) qui dépendent, pour leur montant comme pour leur durée, des cotisations que lui et son entreprise ont versées. Actuellement, les cotisations employeurs représentent 4 % du salaire brut ; les cotisations salariés 2,4%. Les règles sont définies par accord contractuel entre les partenaires sociaux qui gère l’UNEDIC ; l’Etat valide ces règles et garantit la dette de l’Unedic. Le principe des assurances sociales est que le lien entre les cotisations et les droits n’est pas strict, n’est pas défini par des règles actuarielles, mais est social, comportant une certaine composante de solidarité. Ainsi, les cotisations ne dépendent pas du risque individuel de chômage ; ainsi, le taux de remplacement des cadres est plus faible que celui des salariés au SMIC. Les prestations chômage constituent du salaire socialisé et différé. La même problématique s’applique aux 0,75 point de cotisations maladie des salariés qui finance les indemnités maladie et maternité de remplacement.

Comme l’assurance chômage couvre des pertes d’emploi involontaires, elle ne couvre pas les salariés démissionnaires. Toutefois, elle couvre les démissions jugées légitimes (comme suivi du conjoint ou harcèlement au travail) et tout salarié démissionnaire peut demander un réexamen de ses droits après 4 mois. Les partenaires sociaux ont décidé que la rupture conventionnelle ouvre les droits aux prestations chômage. Le gouvernement propose d’ouvrir ce droit aux salariés démissionnaires, ce qui ne pose pas problème, sauf que ce droit ne serait donné qu’une fois tous les 5 ans, au lieu de dépendre du motif de la démission.

L’autre réforme envisagée est d’ouvrir le droit à l’ARE aux non-salariés, mais cela supposerait, en toute équité, qu’ils cotisent pour 4+2,4=6,4% d’une base de leur revenu équivalente au salaire brut, base qui permettrait de calculer leurs droits à l’ARE. De même que le salaire brut représente environ 70% du salaire extra-brut, le revenu assuré des non-salariés pourrait représenter 70 % de leur revenu d’activité (la différence étant leurs cotisations sociales) ; les non-salariés devraient cotiser pour environ 6,4% de leur revenu assuré (soit 4,5% de leur revenu d’activité). Les non-salariés voudront-ils bien payer une telle cotisation ? On pourrait certes mettre en place une cotisation plus faible qui leur ouvrirait des droits plus limités (soit en niveau de revenu assuré, soit en taux de remplacement), dans une caisse autonome. Par contre, ils ne peuvent avoir des droits équivalents à ceux des salariés sans cotisations équivalentes aux leurs. Ce d’autant plus que pour les non-salariés, le chômage est difficile à définir en raison de la discontinuité de leur activité et de leur revenu. S’agit-il de compenser la perte totale de revenu d’activité ou les fluctuations de celui-ci ou la baisse durable de revenu ? En tout état de cause, il faudra des règles spécifiques pour eux (comme pour les intermittents du spectacle). Il aurait fallu que ces règles soient négociées, avec les gestionnaires de l’Unedic, si les non-salariés voulaient bénéficier de l’assurance-chômage des salariés.

Bizarrement, le gouvernement affirme que les prestations chômage qui couvriront tous les actifs deviendront de ce fait une prestation universelle. C’est une interprétation erronée. Les prestations famille ou maladie en nature sont universelles car elles ne dépendent pas des cotisations versées. Ce n’est pas le cas pour les prestations chômage, retraites ou maladie de remplacement, qui restent des prestations d’assurances sociales. Cet argument est utilisé pour justifier de remplacer les cotisations chômage (et maladie) des salariés, soit 3,15 points par 1,7 point de CSG.

Les allocations chômage seraient en partie financées par un impôt payé par des retraités et des titulaires de revenu foncier. Elles perdraient leur statut de salaire différé et socialisé. Cela justifierait qu’elles ne soient plus gérées de façon paritaire par les syndicats de salariés et d’employeurs, mais par l’Etat. Une prestation financée par l’impôt doit être une prestation universelle ou une prestation d’assistance. Avec cette réforme du financement, la porte est ouverte pour que les allocations chômage deviennent des prestations universelles d’un montant uniforme et relativement faible, au détriment des salariés de salaire moyen qui se détourneraient du système de protection sociale qui ne les protégerait plus de façon satisfaisante.

Alors que les salariés profiteraient d’une hausse de 1,8% de pouvoir d’achat, les retraités (du moins ceux qui paient actuellement la CSG, ceux dont le revenu dépasse 1 330 euros par mois pour un célibataire, 2 040 euros pour un couple) subiraient une perte de pouvoir d’achat de 1,85%, alors qu’ils ne bénéficient pas depuis 1983 de hausse de pouvoir d’achat, quelle que soit l’évolution des salaires. La réforme réduirait immédiatement le taux de remplacement net des retraites (de 72% à 69,5 %), alors que celui-ci est déjà sur une pente descendante du fait des réformes en cours. Cette baisse ne s’inscrit pas dans une réflexion d’ensemble sur l’évolution souhaitable du niveau de vie relatif des retraités. Elle fragilise encore la garantie de niveau de vie que devrait apporter le système des retraites puisqu’une mesure analogue pourrait être prise demain pour les cotisations famille ou santé.

Les chômeurs seraient épargnés. Ils continueraient à payer 6,7% de CRDS-CSG contre 9,1% pour les retraités et 9,7% pour les actifs.

Les ménages titulaires de revenus du capital financier ne seraient pas touchés pour la quasi-totalité puisque le PFU implique une taxation uniforme à 30% de ces revenus[2].

Les fonctionnaires et les salariés du secteur public ne paient pas actuellement de cotisations maladie et chômage ; ils paient une contribution de solidarité de 1%. La réforme se traduirait pour eux par une baisse de 0,7% de leur revenu brut, si leur contribution de solidarité était supprimée. Certes, le gouvernement avait fait courir le bruit qu’ils bénéficieraient eux aussi d’une hausse de revenu équivalente à ceux du secteur privé, mais il y a renoncé, se contentant d’évoquer les gains que le PPCR apporterait aux fonctionnaires. Par ailleurs, les salariés du secteur public n’ont pas droit à l’Unedic. Leurs éventuelles prestations chômage sont payées par leur employeur. Cela deviendra injustifiable s’ils financent l’Unedic par de la CSG. Mais il faudrait alors que les employeurs publics paient des cotisations employeurs.

Les non-salariés paieraient certes de la CSG, mais a priori pas de cotisations, donc leurs droits ne seraient pas calculables, contrairement à ceux des salariés (sauf, là encore, si la prestation devient universelle). La réforme ne peut se justifier que si les non-salariés paient en plus de la CSG l’équivalent des cotisations chômage employeurs (soit 4% de leur revenu assuré, 2,8% de leur revenu d’activité), cela permettra de leur ouvrir des droits. En toute logique, ils devraient perdre 4,5% de pouvoir d’achat (2,8 points de cotisations employeurs et 1,7 point de CSG) en échange de l’ouverture de droits aux prestations chômage. En fait, le programme présidentiel prévoyait de leur donner les mêmes gains de pouvoir d’achat qu’aux salariés, alors même que leur situation de départ, en ce qui concerne les prestations chômage, était différente. Le gouvernement a donc décidé que les non-salariés bénéficieraient d’une réduction de 2,15 points de leur cotisation famille sur l’ensemble de leur revenu (ce qui compense la hausse de la CSG compte tenu des différences d’assiette) et d’une baisse dégressive des cotisations maladie jusqu’à un revenu de l’ordre de 3 SMIC. Ces baisses sont arbitraires et elles ne vont pas vers une convergence des cotisations salariés et non-salariés, en particulier pour les cotisations non-contributives maladie et famille. La réforme souhaitable, aligner les prestations et les cotisations des salariés et des non-salariés, se serait traduite au contraire par une hausse des cotisations des non-salariés.

Si la prestation chômage devient universelle, ouverte à tous les actifs sans conditions de cotisations, rien ne justifiera plus qu’elle soit financée en grande partie par des cotisations employeurs ne portant que sur les salaires.

Donc, la proposition du gouvernement ne repose pas sur une légitimité économique et sociale. Elargir l’assurance chômage telle qu’elle est, avec des droits dépendant des cotisations, nécessite qu’elle reste essentiellement financée par des cotisations assises sur les revenus d’activité (même si l’Etat et donc l’impôt pourrait prendre en charge une plus grande part des frais de fonctionnement de Pôle emploi et des dépenses de formation[3]). Transformer les prestations chômage en une prestation universelle suppose de supprimer les cotisations chômage employeurs ou de faire payer une cotisation équivalente aux non-salariés et aux revenus du capital. En tout état de cause, on ne peut avoir une prestation financée pour partie par la CSG, assise sur tous les revenus des ménages, pour partie par des cotisations employeurs assises sur les seuls salaires du privé, prestation à laquelle auraient droit les salariés du privé selon les cotisations versées par leurs employeurs et les non-salariés (de manière non encore définie) et pas les salariés du secteur public.

Contrairement à l’apparence, la mesure n’est pas favorable aux salariés puisque tant leur droit à l’assurance chômage que leur taux de remplacement à la retraite seront fragilisés. Il y a une différence fondamentale entre une cotisation qui fait partie du salaire socialisé et ouvre des droits salariaux que les syndicats ont toute légitimité à cogérer et un impôt (même si celui-ci finance une prestation). Ainsi, la réforme remet en cause le principe même de l’assurance chômage. Elle risque d’aboutir à remplacer une prestation d’assurances sociales, droit des salariés ayant cotisé, assurant un taux de remplacement relativement satisfaisant à la grande masse des salariés, par une prestation uniforme et d’un montant non garanti.

Reste l’aspect financier. Selon le gouvernement la mesure serait neutre pour les finances publiques. Donc, contrairement à ce qu’il prétend par ailleurs, elle n’augmenterait pas le pouvoir d’achat des ménages. Les retraités perdraient ce que gagneraient les actifs. En fait, les promesses faites ne sont pas équilibrées. Donner 1,45 % de hausse de revenu brut aux salariés du privé et aux non-salariés coûterait 9,6 milliards, ouvrir l’ARE aux non-salariés et aux démissionnaires environ 2 milliards ; prélever 1,7 point de CSG supplémentaire sur les retraités et titulaires de revenus immobiliers rapporterait 6 milliards. Il manque 5,6 milliards pour boucler l’opération.

5- L’exonération des heures supplémentaires

La mesure figurait dans le programme présidentiel : les heures supplémentaires seraient dispensées de cotisations sociales salariés et de CSG. Les cotisations salariés financent actuellement des prestations retraites (au régime général, à l’Agirc, à l’Arrco) ou chômage. Le montant de ces prestations dépend des cotisations versées. Si les heures supplémentaires ne sont plus soumises à cotisations, elles ne devraient pas ouvrir de droit. Les salariés perdraient à terme ce qu’ils gagneraient à court terme. Peut-on imaginer que les heures supplémentaires ouvrent des droits sans verser de cotisations ? Le Conseil constitutionnel s’est déjà opposé à ce dévoiement quand le gouvernement a voulu créer des exonérations de cotisations salariés pour les bas-salaires (décision du 6 Août 2014).

Le principe de base de la CSG, ce qui fait sa force et sa cohérence, est que, contrairement à l’IR, il n’est pas mité par des niches fiscales. Ce serait prendre une lourde responsabilité que d’en introduire une quasi-première, de plus pour les heures supplémentaires, dont il n’est pas évident qu’il faille les encourager en situation de chômage de masse.

6- Le choix de l’individualisation

Dans son programme, Emmanuel Macron proposait de permettre « à tous les couples qui le souhaitent de faire le choix d’une imposition individualisée ». Ceci avec l’argument : « dans le système actuel, certains couples à deux salaires paient davantage d’impôts que si les deux membres du couple vivaient seuls ! Cela pèse particulièrement sur le conjoint qui a le revenu le plus faible – souvent une femme – pour laquelle une hausse du revenu d’activité donne lieu à un supplément d’impôt plus important que si elle était seule ».

Notons d’abord qu’une telle présentation oublie les enfants. Peut-on préconiser que les parents pratiquent l’imposition séparée en attribuant fictivement la charge de 2 enfants au père et du troisième à la mère (ou l’inverse) ? Il mélange deux problèmes : le choix entre l’individualisation et la familialisation de l’impôt (que nous ne discuterons pas ici[4]) et le fait que, dans certains cas, l’individualisation serait plus favorable pour un couple. En fait, le principe de l’impôt progressif et du quotient familial fait que dans la grande majorité des cas, un couple (ou une famille) a intérêt à l’imposition conjointe. Il aurait même toujours intérêt à l’imposition conjointe si la France n’avait pas introduit un mécanisme baroque de décote.

Avec l’imposition séparée comme avec l’imposition conjointe, une personne seule compte pour une part fiscale et un couple pour 2 parts. C’est injuste par rapport aux unités de consommation telles que mesuré par l’OCDE ou l’INSEE (tableau 1) : une personne seule devrait compter pour 1 ; un couple pour 1,5. Mais, ce n’est pas réalisable du point de vue fiscal car le mariage (ou le PACS) serait fiscalement sanctionné par rapport au concubinage.

La meilleure solution aurait été de compter 2 part pour un couple (marié ou pacsé), 1 part pour une personne vivant en couple non officiel et 1,33 part (2/1,5) aux personnes vivant effectivement seules. Ce qui supposerait soit de se fier à leurs déclarations sur l’honneur, soit un contrôle pénible (comme celui que la CAF pratique déjà aujourd’hui).

La France avait choisi une cote mal taillée en donnant une part à tous les célibataires, une demi-part supplémentaire aux personnes seules avec enfants, une demi-part supplémentaire aux veuves (ou veufs) ayant élevé des enfants[5] et en introduisant en 1981 une décote pour les célibataires de bas-revenus. Cette décote a été étendue en 1986 aux couples de faible revenu, mais avec un montant identique pour les célibataires et les couples. Les couples bénéficient maintenant d’une décote plus élevée que les célibataires, mais le système continue à favoriser les célibataires (leur décote est de 1 165 euros) au détriment des couples (leur décote est de 1 920 euros, soit 410 euros de moins que 2 fois 1 165 euros). Ainsi, certains couples (par exemple, deux conjoints de 14 470 euros de revenu imposable chacun) peuvent devoir payer 410 euros de plus en étant mariés plutôt que concubins.

Il s’agit cependant de cas très particuliers. Le problème n’est pas qu’ils payent 410 euros de trop ; le problème est que les concubins bénéficient indument d’une réduction d’impôt qui devrait être réservée aux personnes vivant seules. L’idéal serait donc de supprimer la décote, quitte à repenser le barème pour les bas revenus, et d’attribuer 1,33 part aux personnes vivant seules.

Plus généralement, laisser aux couples la possibilité de choisir entre taxation conjointe ou séparée n’est pas une piste souhaitable. D’une part, cela rendra difficile le calcul de l’IR et l’automatisation du prélèvement à la source si les familles pouvaient changer chaque année la prise en charge des enfants et l’attribution des revenus et charges communes (revenus fonciers par exemple). D’autre part, le fisc et surtout les services sociaux ont besoin d’attribuer un niveau de vie à chaque famille : le meilleur moyen est de diviser le revenu fiscal de référence par le nombre d’unités de consommation de la famille. Cela ne serait pas possible si les familles avaient le droit de décider arbitrairement de leur composition pour minimiser leurs impôts et maximiser leurs droits aux aides. Il faut pouvoir distinguer une femme qui est seule sans ressources avec trois enfants et une femme sans ressources propres qui vit en famille, avec trois enfants et un mari à revenu satisfaisant. Compte-tenu des réformes récentes ou envisagées du RSA, de la prime d’activité, des allocation-logement, de l’impôt sur le revenu, comme de l’extension de la DSN, l’avenir est sans doute à un suivi en temps continu des ressources des ménages. Il faudra d’une façon ou d’une autre lever l’ambiguïté sur la composition de ces derniers.

——————-

[1] Nous ne revenons pas ici sur le chiffrage du coût des mesures. Voir : « Evaluation du programme présidentiel pour le quinquennat 2017-2022 », OFCE, Policy Brief, n°25, 12 juillet 2017.

[2] Ne seraient touchés que les ménages les plus pauvres qui auraient intérêt à choisir la taxation à la CSG à 18,2% et à l’IR, donc les ménages non imposables pour les obligations, les ménages dans la tranche à 14% pour les actions. Très peu de personnes.

[3] Voir Bruno Coquet : « L’assurance chômage doit-elle financer le Service public de l’emploi ? », Lettre de l’OFCE, février 2016.

[4] Voir Sterdyniak Henri : « Faut-il remettre en cause la politique familiale française ? », Revue de l’OFCE, n° 116, janvier 2011 ; pour un point de vue différent : Allègre Guillaume et Hélène Périvier : “Le choix d’individualiser son impôt pour les couples.” OFCE Policy Brief n° 22, 2017.

[5] Cette demi part est maintenant réservée aux veuves (ou veufs) ayant élevé seules leurs enfants.