On the taxation of household income and capital

By Henri Sterdyniak

The idea is very widespread that in France unearned income benefits from an especially low level of taxation and that the French system could be made fairer by simply raising this level. In an OFCE Note, we compare the taxation on capital income with that on labour income, and show that most of it is taxed just as highly. The reforms adopted in 2012 further increase the taxation of capital income. So there is little room for manoeuvre. However, there are tax loopholes and a few exceptions, the most notable being the current non-taxation of imputed rent (which benefits households that own their own residence).

The table below compares the marginal tax rates for different types of income. The effective economic tax rates (including the “IS” corporate income tax, non-contributory social charges, the CSG wealth tax, social security taxes) are well above the posted rates. The interest, rental income, dividends and capital gains that are taxed are taxed at approximately the same level as the highest salaries. It is therefore wrong to claim that capital income is taxed at reduced rates. When it is actually taxed, this is at high levels.

The official tax rate on capital income increased from 29% in 2008 to 31.3% in 2011 due to a 1.1 percentage point increase in payroll taxes to finance the RSA benefit, a 1 point increase in withholding tax and a 0.2 point increase to fund pensions. The government has financed the expansion of social policy by taxing capital income. This rate will increase to 39.5% (for interest) and to 36.5% for dividends on 2012 income.

Should we advocate a radical reform: submission of all capital income to the tax schedule on personal income? This might be justified for the public image (to show clearly that all income is taxed similarly), but not on purely economic grounds.

With respect to interest income, this would mean ignoring the inflation rate. The 41% bracket would correspond to a levy of 108% on the real income of an investment remunerated at 4% with an inflation rate of 2%. For dividends, one must not forget that the income in question has already paid the “IS” tax; the 41% bracket (by eliminating the 40% allowance) would correspond to a total tax of 70%. We must make a policy choice between two principles: a single economic tax rate for all income (which paradoxically would lead to preserving a special tax on capital income) or higher taxation on capital income, since this goes mostly to the better-off and is not the fruit of effort (which paradoxically would lead to subjecting it to the same tax schedule as labour income, while forgetting the IS tax and inflation).

The problem lies above all in schemes that allow tax avoidance. For many years, the banks and insurance companies managed to convince the public authorities that it was necessary to make income from household financial capital tax exempt. Two arguments were advanced: to prevent the wealthy from moving their capital abroad; and to promote long-term savings and high-risk savings. Exemptions were thus made for PEA funds, PEP funds, and UCITS mutual funds. Governments are gradually pulling back from these exemptions. Two principles should be reaffirmed: first, all capital income should be subject to taxation, and tax evasion should be combated by European  agreements on harmonizing tax systems; and second, it is the responsibility of issuers to convince investors of the value of the investments they offer – the State should not fiscally favour any particular type of investment.

There remains the possibility that wealthy families will succeed in avoiding taxes on capital gains through donations to children (alive or upon their death) or by moving abroad before taxation takes place. Thus, a wealthy shareholder can hold his securities in an ad hoc company that receives his dividends and use the company securities as collateral for loans from the bank, which then provides him the money needed to live. The shareholder thus does not declare this income and then passes on the company securities to his children, meaning that the dividends and capital gains he has received are never subjected to income tax.

The other black hole in the tax system lies in the non-taxation of imputed rent. It is not fair that two families with the same income pay the same tax if one has inherited an apartment while the other must pay rent: their ability to pay is very different.

Two measures thus appear desirable. One is to eliminate all schemes that help people avoid the taxation of capital gains, and in particular to ensure the payment of tax on any unrealized capital gains in the case of transmission by inheritance or donation or when moving abroad. The second would be gradually to introduce a tax on imputed rent, for example by charging CSG / CRDS tax and social security contributions to homeowners.

Having done this, a policy choice would be needed:

–         Either to eliminate the ISF wealth tax, as all income from financial and property capital would clearly be taxed at 60%.

–         Or to consider that it is normal for large estates to contribute as such to the running costs of society, regardless of the income the estates provide. With this in mind, the ISF tax would be retained, without comparing the amount of the ISF to the income from the estate, since the purpose of the ISF would be precisely to demand a contribution from the assets themselves.

 

 




De l’imposition des revenus et du capital des ménages

par Henri Sterdyniak

L’idée qu’en France les revenus du patrimoine bénéficieraient d’une fiscalité particulièrement faible de sorte qu’il serait possible de rendre le système français plus équitable en augmentant leur imposition est très répandue. Dans une note de l’OFCE, nous comparons la fiscalité portant sur les revenus du travail et celle portant sur les revenus du capital. Nous montrons que la plupart des revenus du capital sont autant imposés que les revenus du travail. Les réformes décidées pour 2012 augmentent encore la taxation des revenus du capital. Les marges de manœuvre sont faibles. Il existe cependant des niches fiscales et quelques exceptions, la plus notable aujourd’hui étant la non-imposition des loyers implicites (ceux dont bénéficie le ménage qui possède son logement).

Le tableau compare les taux d’imposition marginaux des différents types de revenus. Les taux économiques (intégrant IS, cotisations non contributives, CSG, prélèvements sociaux) sont nettement supérieurs aux taux affichés. Les intérêts, les revenus fonciers, les dividendes et les plus-values taxées sont approximativement imposés comme les salaires les plus élevés. Il est donc erroné de prétendre que les revenus du capital sont taxés à des taux réduits. Quand ils sont effectivement taxés, ils le sont à des taux élevés.

Le taux d’imposition affiché des revenus du capital a augmenté de 29 % en 2008 à 31,3 % en 2011 du fait de la hausse de 1,1 point du taux des prélèvements sociaux pour financer le RSA, de 1 point du taux de prélèvement libératoire et de 0,2 point du taux de prélèvement sociaux pour financer les retraites. Le gouvernement a financé l’extension de la politique sociale en taxant les revenus du capital. Ce taux passera à 39,5 % (pour les intérêts), à 36,5% pour les dividendes sur les revenus de 2012.

Faut-il préconiser une réforme radicale : la soumission de tous les revenus du capital au barème de l’impôt sur le revenu ? Ceci peut être justifié pour des raisons d’affichage (bien montrer que tous les revenus sont pareillement imposés), mais pas sur le plan purement économique.

En ce qui concerne les revenus d’intérêts, ce serait oublier le taux d’inflation. La tranche de 41 % correspondrait à un prélèvement de 108 % sur le revenu réel d’un placement rémunéré à 4 % pour un taux d’inflation de 2 %. Pour les dividendes, ce serait oublier que les revenus concernés ont déjà payé l’IS ; la tranche de 41 % (en supprimant l’abattement de 40%) correspondrait ainsi à une imposition total de 70 %. Il faut effectuer un choix politique entre deux principes : un même taux de taxation économique pour tous les revenus (qui amènerait paradoxalement à conserver une fiscalité spécifique pour les revenus du capital) et une taxation plus forte des revenus du capital puisque ceux-ci sont surtout reçus par les plus aisés et ne sont pas les fruits de l’effort (qui amènerait paradoxalement à les traiter selon le même barème que les revenus du travail, en oubliant IS et inflation).

Le problème réside surtout dans les dispositifs qui permettent d’échapper à la taxation.  Pendant de longues années, les banques et les sociétés d’assurances avaient réussi à convaincre les pouvoirs publics qu’il fallait détaxer les revenus du capital financier des ménages. Deux arguments étaient utilisés : éviter que les plus riches placent leurs capitaux à l’étranger ; favoriser l’épargne longue et l’épargne à risque. C’est ainsi qu’avaient été exonérés les PEA, le PEP, les OPCVM de capitalisation. Les gouvernements sont progressivement revenus sur la plupart de ces dispositifs. Deux principes devraient  être réaffirmés : d’une part, tous les revenus du capital doivent être soumis à taxation, l’évasion fiscale devant être combattue par les accords européens d’harmonisation de la fiscalité ; d’autre part, c’est aux émetteurs de convaincre les épargnants de l’intérêt des placements qu’ils proposent, l’Etat n’a pas à favoriser fiscalement telle ou telle forme de placement.

Reste la possibilité qu’utilisent les familles aisées d’échapper à la taxation des plus-values par la donation aux enfants (en vie ou au moment du décès) ou par le départ à l’étranger avant leur réalisation. Ainsi, un riche actionnaire peut loger ses titres dans une société ad hoc qui reçoit ses dividendes, utiliser les titres de cette société comme caution pour obtenir des prêts de sa banque qui lui fournissent les sommes dont il a besoin pour vivre et ainsi ne pas déclarer de revenu ; puis léguer les titres de cette société à ses enfants, de sorte que les dividendes et les plus-values dont il a bénéficié ne sont jamais imposées à l’IR.

L’autre trou noir de la fiscalité réside dans la non-imposition des loyers implicites. Il n’est pas juste que deux familles de même revenu payent le même impôt si l’une a hérité d’un appartement et l’autre doit payer un loyer : leur capacité contributive est très différente

Deux mesures apparaissent donc souhaitables. La première consisterait à supprimer tous les dispositifs qui permettent d’échapper à la taxation des plus-values, en particulier faire payer l’impôt sur les plus-values latentes en cas de transmission par donation et héritage ou de départ à l’étranger. La deuxième serait d’introduire progressivement une taxation des loyers implicites, par exemple en faisant payer la CRDS-CSG et les prélèvements sociaux aux propriétaires de leur logement.

Ceci fait, il faudra faire un choix politique :

–         Soit supprimer l’ISF, puisque tous les revenus du capital financier et foncier seraient bien taxés à  60 %.

–         Soit considérer qu’il est normal que les patrimoines élevés contribuent en tant que tels aux frais de fonctionnement de la société, indépendamment des revenus qu’ils procurent. Dans cette optique, il faut maintenir l’ISF et ne pas comparer le montant de l’ISF au revenu du patrimoine dans la mesure où le but de l’ISF est précisément de mettre à contribution les patrimoines eux-mêmes.

 




Women’s Day

On the occasion of 8 March, we would like to remind our readers that, together with Sciences-Po, the OFCE has developed the specialist Research Programme for Teaching and Knowledge on Gender Issues (PRESAGE).

A number of posts on this blog have taken up the subject of occupational equality between men and women.

 




Is our health system in danger? Reorienting the reform of health management (4/4)

By Gérard Cornilleau

Health is one of the key concerns of the French. Yet it has not been a major topic of political debate, probably due to the highly technical nature of the problems involved in the financing and management of the health care system. An OFCE note presents four issues that we believe are crucial in the current context of a general economic crisis: the last major concern about the health system is hospital financing. This underwent severe change in 2005 with the launch of the T2A system, which reintroduced a direct financial relationship between the activity of the hospitals and their financial resources. It has reinforced the importance and power of the “managers”, which could give the impression that hospitals were henceforth to be regarded as undertakings subject to the dictates of profitability.

The reality is more complex, as the T2A system is aimed less at making hospitals “profitable” than at rationalizing the way expenditure is distributed among the hospitals by establishing a link between their revenue and their activity, as measured by the number of patients cared for weighted by the average cost of treating each patient. Paradoxically, the risk of this type of financing is that it could lead to a rise in spending by encouraging the multiplication of treatments and actions. In fact, the HCAAM report for 2011 (op. cit.) notes that the 2.8% growth in hospital fee-for-service expenditures in 2010 can be broken down into a 1.7% increase attributable to an increase in the number of stays and a 1.1% increase attributable to a “structural effect” linked to a shift in activity towards better reimbursed treatments [1].

This development is worrying, and it could lead to a rise in hospital costs for no reason other than budget needs. The convergence of costs at private clinics and at government and non-profit hospitals is no guarantee against this tendency, as the incentives are not different for private clinics. Here we are reaching the limits of management by competition, even in a notional form, as its flaws are too numerous for it to be the only means of regulation and management.

Public hospitals also receive lump-sum allocations to carry out the general interest and training missions assigned to them. This lump-sum envelope represented approximately 14% of their actual budget in 2010 [2]. It provides funding for teaching and research in the hospitals, participation in public health actions, and the management of specific populations such as patients in difficult situations. Unlike reimbursements related to the application of the fee schedule, the amounts of the corresponding budgets are restrictive and easy to change.

Consequently, budget adjustments are often based on setting aside a portion of these allocations and revising the amounts allocated based on changes in total hospital expenditure. In 2010, for instance, the overrun of the spending target set for the hospitals that year, estimated at 567 million euros, resulted in a 343 million euro reduction in the budget allocated to the general interest mission, or an adjustment of about -4.2% from the original budget (HCAAM, 2011).

The regulation of hospital expenditure has tended to focus on the smallest budget share, which is also the easiest for the central authorities to control. While it is possible to revise the reimbursement rates of the T2A fee schedule, this takes time to affect the budget and the targets are harder to hit. The system for managing hospital budgets is thus imperfect, and it runs the dual risk of uncontrolled slippage on expenditures governed by the T2A system and a drying up of the budget envelopes used to finance expenditures that do not give rise to any billing. There is no magic bullet for this problem: returning to the previous system of a total budget to finance total expenditure would obviously not be satisfactory when the T2A system has made improvements in the link between hospital activity and financing; nor is it acceptable to keep putting the burden of any budget adjustments solely on the budget envelopes of the general interest and investment missions, especially in a period of austerity. The general trend is to minimize the scope of the lump-sum funding envelope (Jégou, 2011) and to maximize the scope of fee-for-service charging.

Pricing is not, however, always perfectly suited to the management of chronic complex conditions. One could therefore ask whether, conversely, the establishment of a mixed rate system of reimbursement, including a component that is fixed and proportional, would not be more effective, while facilitating the overall regulation of the system as a whole by means of a larger lump-sum envelope. The fixed part could for example be determined on the basis of the population covered (as was the case in the old system of an overall budget). This development would also have the advantage of reducing the obsessive managerial spirit that seems to have contributed significantly to the deterioration of the working atmosphere in the hospitals.

 


[1] The patients treated by the hospital are classified into a Groupe Homogène de Malade (GHM, a diagnosis-related group) based on the diagnosis. For each stay of a given patient, the hospital is paid on the basis of a fee set in the Groupe Homogène de Séjours (GHS, a stay-related group), which refers to the patient’s GHM and to the treatment that they receive. In theory this system can associate an “objective” price with the patient treated. In practice, the classification into a GHM and GHS is very complex, particularly when multiple pathologies are involved, and the classification process can be manipulated. As a result, it is impossible to determine precisely whether the shift towards more expensive GHS classifications reflects a worsening of cases, the manipulation of the classifications, or the selection of patients who are “more profitable”.

[2] The credits, called “MIGAC” (for general interest missions and aid to contracting), came to 7.8 billion euros in 2010 out of total hospital expenditure in the “MCO” field (Medicine, Surgery, Obstetrics, Dentistry) of 52.7 billion; see HCAAM, 2011.

 

 




Notre système de santé est-il en péril ? Réorienter la réforme de la gestion hospitalière (4/4)

par Gérard Cornilleau

La santé fait partie des préoccupations essentielles des Français.  Pourtant sa place dans le débat politique reste limitée, sans doute du fait du caractère très technique des problèmes que posent le financement et la gestion du système de soins.  Une note de l’Ofce présente les quatre problèmes qui nous semblent essentiels dans le contexte actuel  de crise économique générale : le dernier sujet de préoccupation important à propos du système de santé concerne le financement de l’hôpital. Celui-ci a été fortement perturbé par la mise en place de la T2A depuis 2005. Cette dernière a réintroduit un lien financier direct entre l’activité des hôpitaux et leurs ressources financières. Cette réforme a  renforcé l’importance et le pouvoir des « gestionnaires », ce qui a pu donner le sentiment que les hôpitaux étaient dorénavant assimilés à des entreprises soumises à un impératif de rentabilité.
La réalité est plus complexe car la T2A vise moins la « rentabilisation » des hôpitaux que la rationalisation de la répartition des dépenses entre eux en établissant un lien entre leurs recettes et leur activité mesurée par le nombre de patients pris en charge pondéré par le coût moyen des traitements de chacun d’entre eux. Le risque de ce mode de financement est paradoxalement d’inciter à la dépense en contribuant à privilégier la multiplication des traitements et des actes. De fait le rapport du HCAAM pour 2011 (op.cit.) note que la croissance de 2,8 % des dépenses hospitalières tarifées à l’activité en 2010 se décompose en une hausse de 1,7 % imputable à l’augmentation du nombre de séjours et une hausse de 1,1 % imputable à un « effet structure » lié au déplacement de l’activité vers des prises en charge mieux rémunérées[1].

Cette évolution est inquiétante et pourrait conduire à une remontée des dépenses hospitalières sans autre justification que la nécessité budgétaire. La convergence des tarifs appliqués aux cliniques privées et aux hôpitaux publics et non lucratifs n’est pas une garantie contre cette dérive car les cliniques privées ne sont pas soumises à des incitations différentes. On touche là aux limites de la gestion par la concurrence, fut-elle fictive, dont les imperfections sont trop nombreuses pour qu’elle soit le seul moyen de régulation et de gestion.

Les hôpitaux publics reçoivent aussi des crédits forfaitaires destinés à assurer les missions d’intérêt général et de formation qui leur sont confiées. Cette enveloppe de crédit représente environ 14 % de leur budget exécuté en 2010[2]. Elle permet de financer les activités d’enseignement et de recherche des hôpitaux, la participation aux actions de santé publique, ou la prise en charge de populations spécifiques comme les patients en situation de précarité. Contrairement aux remboursements liés à l’application de la tarification, les montants des budgets correspondants sont limitatifs et faciles à modifier.

En conséquence la régulation budgétaire s’appuie souvent  sur la mise en réserve d’une partie de ces crédits et la révision des montants attribués en fonction de l’évolution de l’ensemble de la dépense hospitalière. Ainsi en 2010 le dépassement en cours d’année de l’objectif de dépenses assigné aux hôpitaux, évalué à 567 millions d’euros, s’est traduit par une réduction de 343 millions d’euros du budget affecté aux missions d’intérêt général, soit un ajustement de l’ordre de – 4,2 % par rapport au budget initial (HCAAM, 2011).

La régulation de la dépense hospitalière a donc tendance à porter sur la part du budget la plus faible qui est aussi la plus facile à maîtriser par les autorités centrales. Il est certes possible de réviser les tarifs de remboursement de la T2A, mais l’impact budgétaire est nécessairement retardé et les objectifs visés plus difficiles à atteindre.  Le système de gestion budgétaire des hôpitaux est donc imparfait et il fait courir le double risque d’un dérapage mal contrôlé des dépenses régies par la T2A et d’un assèchement des enveloppes budgétaires qui servent au financement des dépenses qui ne peuvent pas donner lieu à facturation. Il n’y a pas de solution simple à cette difficulté : revenir au système antérieur de budget global pour le financement de la totalité de la dépense ne serait évidemment pas satisfaisant alors que la T2A a permis d’améliorer le lien entre l’activité des hôpitaux et leur financement ; faire peser tous les ajustements budgétaires sur les seules enveloppes de missions générales et d’investissement, surtout dans une période de rigueur, n’est pas plus acceptable. La tendance générale est de limiter le plus possible le champ de l’enveloppe de financement forfaitaire (Jégou, 2011) et d’étendre au maximum celui de la tarification à l’activité.

Mais la tarification n’est pas toujours parfaitement adaptée à la prise en charge de pathologies complexes et chroniques.  On peut donc se demander si, à l’inverse, la mise en place d’un tarif de remboursement mixte comprenant une part fixe et proportionnelle ne serait pas plus efficace tout en facilitant la régulation d’ensemble du système du fait d’une enveloppe forfaitaire plus large. La partie fixe pourrait par exemple être déterminée sur la base de la population couverte (comme c’était le cas dans la modalité ancienne de budget global). Cette évolution aurait aussi l’avantage de faire reculer l’obsession gestionnaire qui semble avoir fortement contribué à dégrader le climat social au sein des hôpitaux.


[1] Les malades pris en charge par l’hôpital sont classés dans un Groupe Homogène de Malade (GHM) sur la base du diagnostic. Pour chaque séjour d’un malade donné l’hôpital est rémunéré sur la base d’un tarif établi en Groupe Homogène de Séjours (GHS) qui renvoie au GHM auquel appartient le malade et au traitement qu’il reçoit. En théorie ce système permet d’associer un tarif « objectif », en fonction du malade pris en charge. En pratique, le classement en GHM et GHS est très complexe, notamment du fait des pathologies multiples, et le classement est « manipulable ». Il en résulte que l’on ne peut pas savoir précisément si le glissement vers des GHS plus coûteux correspond à une aggravation des cas, à une manipulation du codage ou à une sélection des patients les plus « rentables ».

[2] Ces crédits dit MIGAC (pour Missions d’intérêt général et aides à la contractualisation) atteignaient 7,8 milliards d’euros en 2010 sur un total de dépenses hospitalières du champ MCO (Médecine, Chirurgie, Obstétrique et Odontologie) de 52,7 milliards, Cf. HCAAM, 2011.




Should the Stability and Growth Pact be strengthened?

By Jérôme Creel, Paul Hubert and Francesco Saraceno
The European fiscal crisis and the ensuing need to reduce the levels of public debt accelerated the adoption of a series of reforms of European fiscal rules in late 2011. Two rules were introduced to strengthen the Stability and Growth Pact (SGP). Given that many Member States in the euro zone have structural deficits and public debts that exceed the thresholds under consideration, it seemed worthwhile to assess the macroeconomic implications of compliance with these fiscal rules by four countries, including France.
The current limit of the public deficit to 3% of GDP was supplemented by a limit on the structural deficit equivalent to 0.5% of GDP, and by a rule on debt reduction requiring heavily indebted countries to reduce their level of public debt every year by 1/20th of the difference with the reference level of 60% of GDP. Moreover, the limit on the structural deficit goes beyond the 3% rule because it is associated with a requirement to incorporate a balanced budget rule and automatic mechanisms for returning to balanced budgets in the constitution of each Member State in the euro zone. Due to an unfortunate misnomer, this is now often called the “golden rule” [1]. To distinguish this from the “golden rule of public finance” applied by the French regions, the German Länder and, from 1997 to 2009, the UK, we will henceforth call this “balanced budget rule” the “new golden rule “.
Because of the international financial crisis raging since 2007, the euro zone States often fall far short of the demands of the new rules. This raises the question of the consequences that flow from imposing these rules on the Members. To this end, we decided to study the paths of convergence with the different rules of four countries that are representative of the euro zone, using a standard theoretical model.
We chose a large country with an average level of public debt (France), a small country with a somewhat larger debt (Belgium), a large country with a large debt (Italy) and a small country with a relatively low level of debt (Netherlands). The size of the country, large or small, is associated with the size of their fiscal multiplier, i.e. the impact of public spending on growth: large countries that are less open than the small countries to international trade have a greater multiplier effect than the small countries. The four countries also differed with respect to the size and sign of their structural primary balance in 2010: France and the Netherlands ran a deficit, while Belgium and Italy had a surplus.
In the model, the evolution of the public deficit is countercyclical and the impact of an increase in the public deficit on GDP is positive, but excessive indebtedness increases the risk premium on the long-term interest rates paid to finance this debt, which ultimately undermines the effectiveness of fiscal policy.
The rules that we simulated are: (a) a balanced (at 0.5% of GDP) budget or the “new golden rule”; (b) the 5% per year rule on debt reduction; (c) the 3% ceiling on the total deficit (status quo). We also evaluated: (d) the impact of adopting an investment rule along the lines of the golden rule of public finance which, in general, requires a balanced budget for current expenditure over the cycle, while allowing the debt to finance public investment.
We simulated over 20 years, i.e. the horizon for implementing the 1/20th rule, the impact of the rules on growth, on the inflation rate and the structural public deficit and on the level of public debt. First, we analyzed the path followed by the four economies after the adoption of each fiscal rule in 2010. In other words, we asked how the rules work in the context of the fiscal austerity that Europe is currently experiencing. Second, we simulated the dynamics of the economy after a demand shock and a supply shock, starting from the base situation of the Maastricht Treaty, with the economy growing at a nominal rate of 5% (growth potential of 3% and inflation rate of 2%), and a debt level of 60%. It is interesting to note that the real growth potential in the euro zone countries has been consistently below 3% since 1992, which has helped to make the rule limiting public finances even more restrictive than originally planned.
Our simulations led to a number of results. First, in every case the adoption of the rules produced a short-term recession, even in small countries with a small fiscal multiplier and a small initial public debt, such as the Netherlands. This complements the analysis that the widespread implementation of austerity in Europe is inevitably undermining growth (see The very great recession, 2011) by showing that there is no fiscal rule that, strictly applied in the short term, makes it possible to avoid a recession. This finding points to an incentive on the part of government to dissociate the use of the fiscal rules de facto and de jure: in other words, if the ultimate goal of economic policy is the preservation and stability of economic growth, then it is wise not to act on the pronouncements.
Second, recessions can lead to deflation. Under the constraint of zero nominal interest rates, deflation is very difficult to reverse with fiscal austerity.
Third, the investment rule leads to a better macroeconomic performance than the other three rules: the recessions are shorter, less pronounced and less inflationary over the time period considered. Ultimately, the levels of public debt decreased admittedly less than with the 1/20th rule but, as a result of the growth generated, France’s public debt shrinks by 10 GDP points from its 2010 level, while the Belgian and Italian debt are reduced by 30 and 50 GDP points, respectively. Only the country that was least indebted initially, the Netherlands, saw its debt stagnate.
Fourth, while ignoring the investment rule, which is not part of European plans, it appears that, in terms of growth, the status quo is more favorable than the “new golden rule” or the rule on debt reduction; it is, however, more inflationary for the large countries. This indicates that, in terms of growth, the strengthening of the Stability and Growth Pact, brutally applied, would be detrimental to the four economies.
Fifth, when the economy in equilibrium is hit by demand and supply shocks, the status quo seems appropriate. This confirms the idea that the current Pact provides room for fiscal maneuvering. The simulations nevertheless suggest that the status quo remains expensive compared with the investment rule.
To conclude, it is difficult not to notice a paradox: the rules designed to prevent governments from intervening in the economy are being discussed precisely after the global financial crisis that required governments to intervene to help cushion the shocks resulting from market failures. This work aims to shift the debate: from the goal of fiscal stabilization to the goal of macroeconomic stabilization. The European authorities – the governments, the ECB and the Commission – seem to consider the public debt and deficit as policy objectives in their own right, rather than as instruments to achieve the ultimate objectives of growth and inflation. This reversal of objectives and instruments is tantamount to denying a priori any role for macroeconomic policy. Many studies [2], including the one we have conducted here, adopt the opposite position: economic policy definitely plays a role in stabilizing economies.

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[1] This misnomer has been criticised in particular by Catherine Mathieu and Henri Sterdyniak in 2011, and by Bernard Schwengler in 2012.
[2] See, for example, the cross-disciplinary study that appeared in English in 2012 in the American Economic Journal, Macroeconomics, and the bibliography that it contains, or in French, the study that appeared in 2011 by Creel, Heyer and Plane on the multiplier effects of temporary fiscal stimulus policies.




Notre système de santé est-il en péril ? Réformer le remboursement des soins (3/4)

par Gérard Cornilleau

La santé fait partie des préoccupations essentielles des Français.  Pourtant sa place dans le débat politique reste limitée, sans doute du fait du caractère très technique des problèmes que posent le financement et la gestion du système de soins.  Une note de l’Ofce présente les quatre problèmes qui nous semblent essentiels dans le contexte actuel  de crise économique générale : le troisième, ici présenté, le problème du remboursement des soins, des soins de longue durée et de la hausse des dépassements d’honoraires.

Actuellement le remboursement des soins par la Sécurité sociale varie en fonction de la gravité de la maladie : les soins de longue durée, qui correspondent à des affections de gravité élevée, sont pris en charge à 100 % alors que les remboursements des soins courants ont tendance à diminuer du fait de  l’existence et de la hausse de forfaits divers non remboursés. S’ajoute à cette évolution structurelle la hausse des dépassements d’honoraires non remboursés qui réduisent la part des dépenses financée par la Sécurité sociale.  Il en résulte que la prise en charge des soins courants par l’assurance maladie est limitée à 56,2 % alors que le taux de remboursement des malades atteints d’affections de longue durée (ALD) est de 84,8 % pour les soins de ville[1]. Cette situation a de multiples conséquences fâcheuses : elle peut entraîner un renoncement à certains soins courants avec des conséquences négatives sur la prévention des affections plus graves ; elle renchérit le coût des assurances complémentaires qui paradoxalement sont taxées pour alimenter l’assurance obligatoire au motif de la forte prise en charge publique des ALD. Enfin elle donne à la définition du champ des ALD un rôle central alors qu’il n’est pas très facile à délimiter puisqu’il faut mêler la mesure du « degré » de gravité et celle du coût des traitements pour définir la liste des affections ouvrant droit à un remboursement complet. La question des affections multiples et de leur prise en charge simultanée par l’assurance maladie au titre des soins courants ou des ALD constitue d’autre part un casse-tête bureaucratique  générateur d’incertitude et de dépenses de gestion et de contrôle peu utiles.

C’est pourquoi certains proposent de remplacer le système des ALD par la mise en place d’un bouclier sanitaire qui permettrait la prise en charge à 100 % de l’ensemble des dépenses dépassant un certain seuil annuel. Au-delà d’un certain seuil de dépenses non remboursées (correspondant par exemple au niveau actuel  du « reste à charge » moyen après remboursement de l’assurance maladie obligatoire, soit environ 500 euros par an en 2008[2]) la prise en charge par la Sécurité sociale deviendrait intégrale. Un tel système assurerait mécaniquement la prise en charge des dépenses les plus importantes associées aux maladies graves sans nécessiter le détour actuel par les ALD.

On peut aussi imaginer moduler le seuil de dépenses non remboursées en fonction du revenu (Briet et Fragonard, 2007) ou le taux de remboursement ou les deux. Cette possibilité est généralement évoquée pour limiter la hausse des dépenses remboursées. Elle pose la question habituelle du soutien des plus favorisés aux assurances sociales alors qu’ils auraient intérêt à se rallier à la mutualisation du risque santé dans le cadre d’assurances privées à cotisations proportionnelles aux risques plutôt qu’aux revenus.

La mise en place d’un système de bouclier sanitaire pose aussi la question du rôle des assurances complémentaires. Historiquement ces assurances « complétaient » la couverture publique par la prise en charge de dépenses écartées totalement ou quasi intégralement du panier de soins remboursées par l’assurance de base (appareils dentaires, montures de lunettes, optique sophistiquée, chambres « seul » à l’hôpital, etc.). Elles interviennent aujourd’hui de plus en plus comme des assurances « supplémentaires » qui viennent compléter l’assurance publique pour le remboursement de l’ensemble des dépenses de santé (prise en charge du ticket modérateur, remboursement partiel des dépassements d’honoraires).  Le passage à un système de bouclier sanitaire limiterait leur champ d’action au remboursement des dépenses en deçà du seuil. On imagine souvent que les assurances complémentaires, si elles sortaient de leur rôle actuel de co-payeur aveugle des dépenses de soins, pourraient jouer un rôle actif de promotion de la prévention en proposant par exemple une modulation des cotisations en fonction des comportements des assurés[3]. Mais quel serait leur intérêt si le bouclier venait limiter leur engagement au-delà du seuil non pris en charge par l’assurance publique ? Même dans le cas du maintien d’un « reste à charge » non négligeable au-delà du seuil du fait des dépassements d’honoraires par exemple, elles resteraient certainement relativement passives et la situation serait peu modifiée par rapport à celle d’aujourd’hui  qui les écarte de l’essentiel de la prise en charge des maladies graves et coûteuses.

Dès lors un système dans lequel l’assurance publique assure seule la prise en charge d’un panier de soins clairement délimité est sans doute préférable : il faudrait pour cela que le bouclier sanitaire soit croissant avec le revenu, les ménages les plus pauvres étant pris en charge à 100 % au premier euro. Si les ménages aisés décidaient de s’auto-assurer pour les dépenses en deçà du seuil (ce qui est vraisemblable si celui-ci est inférieur à 1000 € par an), les complémentaires pourraient se retirer pratiquement intégralement du champ des remboursements des dépenses de soins courants. Par contre, elles pourraient se consacrer à la prise en charge des dépenses hors champ de l’assurance maladie publique, soit en pratique les dépenses de prothèses dentaire et d’optique correctrice. Dans ces domaines elles pourraient intervenir plus activement qu’aujourd’hui pour structurer l’offre de soins et d’appareillage. Leur rôle de payeur principal dans ces secteurs justifierait qu’on leur délègue la responsabilité de traiter avec les professions concernées.  Cette solution impliquerait toutefois qu’un système de prise en charge publique vienne aider les plus pauvres à accéder aux soins non pris en charge par l’assurance publique (sous une forme proche de l’actuelle CMU qui devrait toutefois être étendue et rendue plus progressive). Il n’existe donc pas de solution simple à la question de l’articulation entre assurance publique et assurance privée complémentaire.

Il faut aussi évoquer la fusion des deux systèmes, en pratique l’absorption du privé par le public, qui aurait l’avantage de simplifier l’ensemble du dispositif mais laisserait partiellement irrésolue la question de la définition du panier de soins pris en charge. Il est fort probable qu’à la marge du système des assurances complémentaires se réinstallent pour prendre en charge les dépenses annexes non couvertes par le système public du fait de leur caractère jugé non indispensable et de confort. Le remboursement des dépenses de santé doit donc certainement rester mixte, mais il est urgent de reconsidérer la frontière entre privé et public sinon la tendance à privilégier la baisse de la prise en charge publique se renforcera au détriment de la rationalisation du système et de  l’équité dans la prise en charge des dépenses de santé.


 


[1] En 2008. Il s’agit d’un taux de prise en charge hors optique. Avec l’optique le taux de prise en charge par l’assurance maladie tombe à 51.3 % (Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie, décembre 2011).

[2] HCAAM, 2011 (op.cit.)

[3] La prise en compte des comportements des assurés n’est pas aisée. Au-delà du recours aux examens préventifs qui peut être relativement facilement mesuré, les autres comportements de prévention sont difficilement vérifiables. Il existe d’autre part un risque, inhérent à l’assurance privée, d’écrémage de la population par les assureurs : pour attirer les « bonnes » clientèles on assure la prise en charge de dépenses caractéristiques des populations à plus faible risque (par exemple le recours aux médecines « douces »), et on rejette celles qui présentent le plus de risque sur la base de questionnaires médicaux détaillés.

 




Some precautions for reading the results of macroeconomic simulations: The case of social VAT

By Eric Heyer

In September 2007, the OFCE conducted simulations of the macroeconomic consequences of instituting a social value-added tax (VAT) using its emod.fr macroeconomic model. These simulations were discussed and published as an appendix to the Besson report on the subject. Nearly five years later, the government has decided to introduce a social VAT, so we asked Mathieu Plane and Xavier Timbeau to perform another round of simulations using the same model. The initial results were presented and discussed at a one-day workshop on the topic of taxation that took place at the Sciences-Politique Institute in Paris on 15 February. Why did we conduct new simulations, and how do they compare?

1. The measures simulated are different

There are a number of differences between the measure simulated in 2007 and the 2012 measure:

a. The shocks are on a different scale

In 2007, the measure simulated involved a rise of 3.4 points in the nominal VAT rate, which was offset by an ex ante reduction in employer contributions of the same amount. The measure proposed by the government in 2012 represents a 1.6 point increase in the standard VAT, which corresponds to a 1.1 point increase in the effective rate (10.6 billion euros) and an increase in the CSG tax on capital income from 8.2% to 10.2%, which amounts to 2.6 billion. The additional 13.2 billion euros in revenue will fund the elimination of employers’ “family” social security contributions. Comparing the results requires at a minimum calibrating the shocks so that they are on the same scale. As our model is linear, a simple rule of three can then reassess the impact of the measure in 2007 and compare it with that of 2012. As is shown in the Table summarizing the results of this recalibration, the impacts on employment of the two versions are very similar.

b. The shocks are not the same type

Unlike the simulations in 2007, besides the fact that there is a dose of CSG in its funding, the reduction in the cuts in contributions proposed by the government in 2012 is not uniform. It is targeted in particular at companies with employees who are paid at 1.5 to 2.1 times the minimum wage (SMIC), which has different sectoral impacts depending on the wage structure and on the impact on the relative cost of unskilled / skilled labour. The fact that it is focused on skilled workers whose labour cost is less elastic reduces the expected impact on employment of lowering labour costs. This effect will also be reduced by the potential substitution of unskilled labor by skilled more productive labour. While this kind of effect is well documented in the literature, our econometric macro model does not yet enable us to take this into account. Our model is in the process of being enhanced, which will at some point make it possible to refine our results.

2. The model used (emod.fr) evolves in the course of re-estimations

Finally, it is necessary to keep in mind that macroeconomic models incorporate a certain number of estimated parameters, which can influence the results. This is the case in the simulation we are interested in of the elasticities of exports and imports to their prices and the elasticity of the substitution between capital and labor. However, the estimated value of these parameters is updated regularly to keep as close as possible to reality as captured by the national accounts. Thus, for example, the price elasticity of exports has changed considerably in recent years, from 0.57 to 0.31 between the version of the model used in 2007 and the 2012 model, meaning that any decline in price was less creative of activity and therefore of jobs.

In the next issue of the Revue de l’OFCE we will present all the results of our simulations in detail. We will also indicate the impact of a change in the value of the key elasticities on our assessments so that readers can better understand our revisions of the impacts.

 




Fallait-il renforcer le Pacte de stabilité et de croissance ?

par Jérôme Creel, Paul Hubert et Francesco Saraceno

 

La crise budgétaire européenne et l’exigence de réduire les niveaux de dette publique qui a suivie ont accéléré l’adoption d’une série de réformes des règles budgétaires européennes à la fin de l’année 2011. Deux règles ont été introduites afin de renforcer le pacte de stabilité et de croissance (PSC). Etant donné que de nombreux Etats membres de la zone euro ont des déficits structurels et des dettes publiques supérieurs aux seuils considérés, il nous a semblé intéressant d’évaluer les conséquences macroéconomiques du respect de ces règles budgétaires par 4 pays, dont la France. 

La limite actuelle de déficit public à 3% du PIB a été complétée par une limite sur le déficit structurel équivalant à 0,5% du PIB, et par une règle de réduction de la dette imposant aux pays fortement endettés de réduire chaque année leur taux d’endettement public d’1/20e de la différence vis-à-vis du niveau de référence de 60% du PIB. De plus, la limite de déficit structurel va au-delà de la règle des 3% car elle est associée à l’obligation d’incorporer une règle de budget équilibré et des mécanismes automatiques de retour à l’équilibre budgétaire dans la Constitution de chaque Etat membre de la zone euro. Par un malheureux abus de langage, elle est désormais souvent qualifiée de « règle d’or » [1]. Afin de distinguer la « règle d’or des finances publiques » appliquée par les régions françaises, les Länder allemands et, de 1997 à 2009, par le Royaume-Uni, nous qualifierons par la suite cette « règle de budget équilibré » de  « nouvelle règle d’or ».

Du fait de la crise financière internationale qui sévit depuis 2007, les Etats de la zone euro sont souvent loin de satisfaire aux exigences des nouvelles règles en vigueur. Cela pose donc la question des conséquences que le respect de ces règles imposerait à ces Etats.  Pour ce faire, nous avons choisi d’étudier les trajectoires de convergence aux différentes règles de quatre pays, représentatifs de la zone euro, à l’aide d’un modèle théorique standard.

Nous avons choisi un grand pays avec un niveau moyen d’endettement public (France), un petit pays avec une dette un peu plus élevée (Belgique), un grand pays avec une dette élevée (Italie) et un petit pays avec une dette comparativement assez faible (Pays-Bas). La taille des pays, grande ou petite, est associée à la taille de leur multiplicateur budgétaire, l’effet des dépenses publiques sur la croissance : les grands pays moins ouverts que les petits pays au commerce international ont un effet multiplicateur plus important que les petits pays. Les quatre pays diffèrent également en fonction de la taille et du signe de leur solde primaire structurel en 2010 : la France et les Pays-Bas ont un déficit, alors que la Belgique et l’Italie dégagent un excédent.

Dans le modèle, l’évolution du déficit public est contracyclique et l’impact d’une hausse du déficit public sur le PIB est positif, mais un endettement excessif augmente la prime de risque sur les taux d’intérêt de long terme payés pour financer cette dette, ce qui nuit in fine à l’efficacité de la politique budgétaire.

Les règles que nous simulons sont : (a) l’équilibre (à 0,5% du PIB) du budget ou «nouvelle règle d’or» ; (b) la règle de 5% par an de réduction de la dette ; (c) le plafond de 3% de déficit total (statu quo). Nous évaluons également : (d) l’effet de l’adoption d’une règle d’investissement dans la veine de la règle d’or des finances publiques qui, de façon générale, impose l’équilibre budgétaire au cours du cycle pour les dépenses courantes, tout en permettant de financer l’investissement public par la dette.

Nous simulons sur 20 ans, i.e. l’horizon de réalisation de la règle du 1/20e, l’effet des règles sur la croissance, le taux d’inflation et le déficit public structurel, ainsi que sur le niveau de la dette publique. Premièrement, nous analysons le chemin suivi par les quatre économies après l’adoption de chaque règle budgétaire à partir de 2010. Nous demandons, en d’autres termes, comment les règles fonctionnent dans un scénario de consolidation budgétaire que l’Europe connaît d’ores et déjà aujourd’hui. Deuxièmement, nous simulons la dynamique de l’économie après un choc de demande et un choc d’offre, partant de la situation de base du Traité de Maastricht, avec l’économie à un taux de croissance nominal de 5% (une croissance potentielle à 3% et un taux d’inflation de 2%), et un niveau d’endettement de 60%. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que la croissance potentielle réelle dans les pays de la zone euro a été constamment inférieure à 3% depuis 1992, ce qui a contribué à rendre encore plus contraignante qu’initialement prévu la règle coercitive pesant sur les finances publiques.

Les résultats de nos simulations sont multiples. Premièrement, l’adoption des règles produit dans tous les cas une récession à court terme, même dans les petits pays avec un multiplicateur budgétaire faible et une faible dette publique initiale comme aux Pays-Bas. Cela complète le diagnostic selon lequel la rigueur généralisée en Europe nuit immanquablement à la croissance (cf. La très grande récession, 2011) en montrant qu’il n’existe pas de règle budgétaire qui, appliquée scrupuleusement à court terme, permet d’échapper à une récession. Cette constatation révèle une incitation, de la part des gouvernants, à dissocier les usages de jure et de facto des règles budgétaires : les annonces ont tout intérêt à ne pas être suivies d’effets, si l’objectif final de la politique économique est la préservation et la stabilité de la croissance économique.

Deuxièmement, les récessions peuvent engendrer la déflation. En vertu de la contrainte à zéro pesant sur les taux d’intérêt nominaux, une déflation est très difficile à inverser avec une contrainte budgétaire.

Troisièmement, la règle d’investissement aboutit à de meilleures performances macroéconomiques que les trois autres règles : les récessions sont plus courtes, moins prononcées et aussi moins inflationnistes sur l’horizon considéré. In fine, les niveaux de dette publique diminuent certes moins qu’avec la règle du 1/20e mais, sous l’effet de la croissance engendrée, la dette publique française perd 10 points de PIB par rapport à son niveau de 2010, tandis que les dettes belges et italiennes diminuent respectivement de 30 et 50 points de PIB. Seul le pays initialement le moins endetté, les Pays-Bas, voit sa dette stagner.

Quatrièmement, en faisant abstraction de la règle d’investissement qui ne figure pas dans les projets européens, il apparaît que le statu quo est plus favorable que la « nouvelle règle d’or » ou que la règle de réduction de la dette en termes de croissance ; il s’avère cependant plus inflationniste pour les grands pays. En termes de croissance, cela semble signifier que le renforcement du Pacte de stabilité et de croissance, appliqué brutalement, serait préjudiciable aux 4 économies considérées.

Cinquièmement, lorsque l’économie à l’équilibre est frappée par des chocs de demande et d’offre, le statu quo semble approprié. Ceci confirme l’idée que le PSC actuel donne des marges de manœuvre budgétaire. Les simulations montrent néanmoins que le statu quo reste coûteux en comparaison avec la règle de l’investissement.

Pour conclure, il est difficile de ne pas remarquer un paradoxe : des règles visant à empêcher les gouvernements d’intervenir dans l’économie sont discutées précisément après la crise financière mondiale qui a requis des gouvernements qu’ils interviennent afin de contribuer à amortir les chocs découlant de défaillances de marché. Ce travail vise ainsi à réorienter le débat de l’objectif de  stabilisation budgétaire à celui de stabilisation macroéconomique. Les autorités européennes – les gouvernements, la BCE, ou la Commission – semblent considérer la dette et le déficit publics comme des objectifs politiques en soi, plutôt que comme des instruments pour atteindre les objectifs finaux de croissance et d’inflation. Ce renversement des objectifs et des instruments équivaut à nier a priori tout rôle à la politique macroéconomique. De nombreux travaux [2], dont celui que nous avons mené, adoptent plutôt la position opposée : la politique économique joue certainement un rôle dans la stabilisation des économies.

 

 

[1] Cet abus de langage a notamment été dénoncé par Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak en 2011, ou par Bernard Schwengler en 2012.

[2] Voir par exemple, en anglais, l’étude transversale parue en 2012 dans American Economic Journal, Macroeconomics, et la bibliographie qu’elle contient, ou, en français, l’étude parue en 2011 de Creel, Heyer et Plane, sur les effets multiplicateurs de politiques temporaires de relance budgétaire.

 

 




Is our health system in danger? Dealing with the shortage of doctors (2/4)

By Gérard Cornilleau

Health is one of the key concerns of the French. Yet it has not been a major topic of political debate, probably due to the highly technical nature of the problems involved in the financing and management of the health care system. An OFCE note presents four issues that we believe are crucial in the current context of a general economic crisis: the second issue, presented here, concerns access to care, which could become more complicated due to a temporary reduction in the number of doctors.

The coming decline in the number of physicians, even if it is limited and temporary, runs the risk of developing medical deserts. Incentives exist to steer health professionals towards areas with a low medical density, but these are woefully inadequate, and the issue of more direct intervention is now on the agenda.[1] It will be difficult to avoid calling into question the complete freedom of doctors to install wherever they wish, which could result in a requirement for new physicians to go first to priority areas. But this would place a heavy burden on younger doctors, and inevitably involve some recompense. Would this mean accepting further increases in pay? To what extent? Should we allow further increases in physician surcharges (“dépassements d’honoraires”)? The need for comprehensive negotiations with the profession is becoming clear: the past weakness of the numerus clausus restrictions on supply will lead for a while to some rationing in the supply of physicians; this reinforces the profession’s market power at the very time when it is becoming necessary to call old compromises into question. Ideally, it would be desirable to negotiate an increase in the income of doctors in training against a reduction in surcharges and constraints on their locations (possibly compensated by specific premiums). But this won’t work for generations who have just completed their studies. So the only way forward clearly involves a strong upgrade in prices for medical acts (or fixed fees if, as would be desirable, doctors’ incomes were calculated less on acts and increasingly on the size of their patient base [2]) as a counterpart for their acceptance of constraints on location (compensated) and a reduction in surcharges. These changes would constitute an additional burden on the health insurance system, which could be justified at least partially by the development of good practices. On the other hand, the increase in the individual remuneration of doctors will, for a few years, be partially offset by a reduction in their numbers.

The constraints of queuing should also encourage a better distribution of activity between physicians and a certain number of health technicians who can assist and even replace them in some situations (as is beginning to be the case in corrective optics ). All these changes – the end of absolute freedom of installation, stricter regulation of surcharges, the sharing of medical activity with health technicians, the development of group work – are possible but would involve a major overhaul of the old compromise between the state and doctors. The main difficulty here is socio-political. To overcome it, we must also accept financial compensation for physicians, which will be difficult in a context of general rationing.


[1] The HPST Act (Hospitals-Patients-Health-Regions) in July 2009 introduced a “public service commitment contract” that offers second-year medical students and interns an additional income of €200 per month for a commitment to move to a priority area for a period at least equal to the duration of the receipt of the aid, with a minimum of 2 years. 400 contracts were offered in 2010-2011 (200 to students and 200 to interns), but only 148 were signed (103 students and 45 interns). This very limited figure is clearly insufficient in view of the forthcoming problems with doctors locating to areas in difficulty.

[2] Since 2010, Health Insurance has established a “Contract for Improving Individual Practice” (“CAPI”), which provides a lump sum of up to €7,000 per year for physicians who agree to follow certain rules on care and prevention. This scheme introduces a form of pay for performance that is distinct from pay for medical acts, which is in addition to the very limited pay related to the management of patients with a long-term illness (“ALD”) by the treating physicians (€40 per year and per patient).