Coup de froid sur la construction : le gouvernement fait dans le réchauffé

par Pierre Madec

C’est dans un contexte d’atonie du marché de l’immobilier que le gouvernement a annoncé à la fin du mois d’août dernier un « plan de relance de la construction ». Alors qu’en 2013, 318 748 logements sont sortis de terre et 381 609 permis de construire ont été délivrés (des réalisations très éloignées de l’objectif affiché de 500 000 logements construits par an entre 2012 et 2017) et que la baisse de l’investissement-logement pèse sur les performances économiques de la France (INSEE, 2014), quels sont les effets à attendre de ces « mesures d’urgence » ?

Refonte du dispositif d’incitation à l’investissement locatif dit « Duflot » (renommé pour l’occasion « Pinel »), nouvelle modification du prêt à taux zéro, mesures fiscales visant à favoriser la libération du foncier privé et développer le parc de logements sociaux, ou encore quasi abandon de la promesse de campagne du Président de la République visant à encadrer les loyers à la relocation (seule une « expérimentation » sera menée à Paris) sont autant de mesures annoncées par le gouvernement pour dynamiser le marché de la construction. Nous revenons ici sur les principales mesures de ce plan de relance.

Un marché du neuf déprimé

Entre 2004 et 2007, le rythme annuel moyen d’autorisations de construction s’établissait à 488 000 logements (voir figure 1). Après une baisse importante au début de la crise financière en 2008 et une chute à 329 790 permis de construire délivrés en 2009, le marché s’est quelque peu rétabli en 2010 et 2011, avant de fléchir à nouveau. En moyenne, sur la période 2010-2013, 422 000 permis de construire de logements ont été octroyés par an.

graph1_PM_0510

En 2013, on comptait 100 000 autorisations de construction de moins qu’en 2007 et les données disponibles pour le début de l’année 2014 ne poussent guère à l’optimisme. En effet, entre janvier et juillet 2014, 214 380 permis de construire ont été délivrés, soit 40 000 de moins que sur la même période en 2013 et 65 000 de moins qu’entre les mois de janvier et juillet de 2012.

L’origine de la baisse des opérations immobilières observée en 2012-2013 est complexe. Bien que la durée moyenne des prêts et les taux d’effort observés aient eu tendance à diminuer entre 2012 et 2013, l’importante baisse des taux d’intérêt hypothécaires et l’assouplissement des conditions d’apport sont autant de signes laissant penser que l’érosion des transactions observée sur le marché immobilier neuf trouve en partie son explication ailleurs que dans le durcissement des conditions d’octroi de crédit (Banque de France, 2014).

Tandis qu’en 2013 le financement du logement social se maintenait à des niveaux élevés (117 000 logements financés en 2013[1]) (DGUHC, 2014), les primo-accédants et les investisseurs-bailleurs se faisaient quant à eux plus rares sur le marché immobilier en général. En 2013, les premiers n’ont ainsi représenté que 12% des crédits à l’habitat octroyés contre 19% en 2012. De même, les opérations d’investissement locatif (dans le neuf comme dans l’ancien) ont représenté moins de 20% de la distribution de crédits immobiliers contre plus de 30% au début de l’année 2012 (Banque de France, 2014).

Sur le marché du neuf, les ménages semblent avoir souffert d’une part des restrictions opérées dans la distribution des prêts à taux zéro (PTZ) et d’autre part de la modification de la législation en faveur de l’investissement locatif.

Pour mémoire, le 1er janvier 2013 est entrée en vigueur une nouvelle version du prêt à taux zéro (PTZ). Cette dernière, plus restrictive que les précédentes, abaissait notamment les plafonds d’éligibilité (Madec, 2013). Résultat, en 2013, seuls 42 327 PTZ ont été accordés dans le neuf contre 51 732 en 2012 et près de 93 000 en 2011.

Dans le même temps, le dispositif d’incitation à l’investissement locatif « Duflot », bien qu’à priori plus avantageux pour les investisseurs (Le Bayon, Madec, Rifflart 2013), n’a pas rencontré le succès de ses prédécesseurs ; les bailleurs ayant semble-t-il été « effrayés » par l’introduction de plafonds de loyers. En 2013, les promoteurs immobiliers, qui représentent historiquement environ 30% des ventes dans le neuf mais la grande majorité des investissements locatifs (plus de 80%), déclaraient avoir écoulé 35 300 « Duflot », soit 40% du total des ventes réalisées. C’est la part la plus faible observée depuis 2001. Si le dispositif précédent, le « Scellier », n’avait pas rencontré un grand succès en 2012 (37 900 logements vendus sous ce statut) rappelons qu’en 2011 près de 60 000 « Scellier » avaient abondé le marché du neuf.

La baisse importante du nombre de primo-accédants et d’investisseurs-bailleurs engendrée par la refonte simultanée de ces deux dispositifs de soutien au marché immobilier neuf semble être l’une des explications de l’écroulement du marché immobilier neuf observé ces derniers mois.

Les mesures prises par le gouvernement, conscient à la fois du problème mais aussi, semble-t-il, de ses causes, suffiront-elles à doper la production ?

Un « Duflot » plus souple est-il une bonne chose ?

A la fin du mois d’août dernier, l’annonce par le Premier ministre de l’entrée en vigueur au 1er septembre du dispositif d’incitation à l’investissement locatif « Pinel », et donc par conséquent la mort de son prédécesseur, le « Duflot », a été (très) favorablement accueillie par les professionnels du secteur immobilier. En effet, et ce bien que le « Pinel » ne diffère du « Duflot » qu’à la marge (plafonds de loyers, de ressources, d’investissement et de défiscalisation inchangés), son arrivée a, semble-t-il, comblé les promoteurs immobiliers et les investisseurs et ce, alors même que les rendements attendus ne devraient pas être supérieurs à ceux de son prédécesseur (voir Le Bayon, Madec, Rifflart, 2013).

En introduisant plus de flexibilité dans la fixation notamment des durées de mises en location (6, 9 ou 12 ans contre 9 ou 12 ans auparavant) et en permettant aux bailleurs de louer, sous les mêmes conditions de ressources et de loyers (voir Madec, 2013), leur logement à leurs ascendants ou descendants, le gouvernement a satisfait une demande ancienne des investisseurs. En contrepartie, le gouvernement réduit la déduction fiscale à 12 % du prix d’achat contre 18 % auparavant. Pour autant, ces aménagements rendent ce « Duflot revisité » assez critiquable. L’objectif de développer un parc de logements intermédiaires, suffisant pour loger des classes moyennes incapables d’assumer dans les zones les plus tendues les loyers du marché locatif privé mais non prioritaires dans le parc social classique, est remis en cause par ces ajustements puisque le propriétaire peut désormais retrouver la pleine possession de son bien après 6 ans, soit l’équivalent de deux baux.

Le PTZ : le marronnier gouvernemental !

Un mois après l’entrée en vigueur du « Pinel », le 1er octobre 2014, le prêt à taux zéro a (de nouveau) fait peau neuve[2]. Alors qu’il a été démontré que les versions antérieures du PTZ étaient sujettes à des effets d’aubaine importants (Gobillon et Le Blanc 2005 ou Madec, 2013) et qu’il était nécessaire de recentrer le dispositif sur les ménages les plus modestes, le gouvernement a décidé de relever les plafonds de ressources nécessaires à l’obtention du prêt, plafonds qu’il avait lui-même abaissé le 1er janvier 2013, afin d’étendre sa diffusion aux classes moyennes.

De même, si la réintroduction du différé de paiement (permettant de commencer le remboursement de son PTZ au bout d’un certain nombre d’années) pouvait déjà apparaître critiquable en 2013, l’allongement de la durée de ce différé l’est tout autant puisqu’il peut contribuer à rendre insolvables une partie des ménages en réduisant la durée de leurs remboursements (Bosvieux et Vorms, 2003).

Bien que l’objectif d’accroître les aides de l’Etat en faveur de l’accès au logement est louable, les mesures prises en faveur de l’augmentation de la distribution du PTZ vont surtout accroître artificiellement la production de prêts au lieu de solvabiliser un plus grand nombre de ménages.

Il en est d’ailleurs de même de la création des multiples abattements fiscaux annoncés par le gouvernement (abattements de 100 000 euros pour les donations, réalisées jusqu’à fin 2016, aux enfants et petits-enfants de logements neufs ou de terrains à bâtir réalisées jusqu’à 2015). Notons aussi qu’en plus d’être prises dans l’urgence et donc n’avoir que peu d’impacts durables, ces mesures vont accroitre les inégalités patrimoniales, mécanisme déjà à l’œuvre depuis plusieurs années sur le marché de l’accession (voir notamment Le Bayon, Levasseur et Madec 2013).

Comment libérer du foncier privé ?

Après les nombreuses mesures en faveur de la libération de foncier public prises depuis 2012 et afin d’accroître significativement l’offre foncière et donc immobilière, le gouvernement a mis en place des mesures fiscales visant à faciliter la libération de foncier privé : alignement de la fiscalité sur les plus-values sur les terrains à bâtir avec celle des immeubles bâtis (exonération totale au bout de 22 ans), abattement exceptionnel de 30% de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux sur les plus-values réalisées en cas de cession de terrains à bâtir pour toute promesse de vente conclue avant le 31 décembre 2015, ou encore abattement exceptionnel de 100 000 euros pour les donations de terrains réalisées jusqu’à fin 2015 à condition qu’ils soient ultérieurement construits.

Que faut-il penser de ces mesures ? Tout d’abord, elles n’ont pas vocation à perdurer, et ce alors même que l’incertitude fiscale qui pèse sur les investisseurs est avancée par ces derniers comme la raison principale du moindre attrait du marché immobilier neuf.

Elles ont pour la plupart été prises afin de créer un choc d’offre sur le marché du foncier privé. Or le foncier, et sa pénurie, dans les zones les plus tendues est un problème de fond, durable et ancien qui ne peut se résoudre par des solutions court-termistes.

La fiscalité des plus-values sur les immeubles bâtis est une fiscalité incitant les propriétaires à détenir leur bien durant une longue période afin de profiter de l’exonération totale de taxation. L’alignement de la fiscalité des terrains à bâtir sur cette mauvaise fiscalité ne peut donc être une solution. Pour favoriser la mobilité résidentielle et libérer à la fois du foncier mais aussi des logements, c’est bien la détention qu’il faut taxer et non les transactions comme c’est actuellement le cas. Le gouvernement en est d’ailleurs conscient puisque c’est lui qui a, en septembre 2013, réduit de 30 ans à 22 ans la durée nécessaire pour bénéficier de l’exonération de taxation des plus-values sur les immeubles bâtis afin de créer (déjà) un choc d’offre. Une solution pérenne pourrait résider en une refonte du système actuel de taxation (mise en place d’une fiscalité progressive et dissociée de toute durée de détention ouvrant droit à exonération) ou en une réforme profonde des taxes de détention actuellement en vigueur telle que la taxe foncière, par exemple.

Un encadrement abandonné, un PLUI (presque) retrouvé

Enfin, de nombreuses autres dispositions ont été prises dans le plan de « relance de la construction » afin de « redonner confiance aux acteurs du marché ». L’abandon programmé de l’encadrement des loyers en fait partie. Sous prétexte des difficultés rencontrées dans la mise en place des observatoires des loyers, le gouvernement a argué l’impossibilité technique de mettre en application l’une des mesures phare de la loi ALUR. Sans mentionner les impacts probablement positifs de la mesure d’encadrement (impacts détaillés dans Le Bayon, Madec, Rifflart 2013 et Madec, Sterdyniak 2013), il est intéressant  de noter que lors de leur mise en place, les observatoires des loyers avaient vocation à se nourrir des informations recueillies auprès des acteurs locaux du marché locatif (professionnels, agents immobiliers, …) ; or ces derniers s’obstinaient à dénoncer le manque de données présentes au sein de ces observatoires.

Enfin, en matière de logement social, qui rappelons-le n’est que peu touché par l’érosion de la construction neuve, le gouvernement a aussi annoncé plusieurs mesures. Parmi elles, le renforcement des pénalités prévues par la loi SRU et surtout la mise en œuvre dès le 1er janvier 2015 de la possibilité pour les préfets de délivrer des permis de construire dans les communes ne remplissant pas leurs obligations de construction de logement sociaux. Cette dernière mesure, visant à dé-municipaliser (et donc dépolitiser) la problématique du logement semble aller dans le bon sens. Rappelons tout de même qu’il existait déjà dans la version initiale de la loi ALUR une disposition allant dans ce sens et qui visait à la mise en place du plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI). Ce dernier avait vocation à transférer le pouvoir de décision des maires en matière d’urbanisme, et donc de construction, au niveau de l’intercommunalité. Ce PLUI n’a pu voir le jour dans sa version initiale puisqu’après discussion au Parlement, un amendement offrant un droit de véto aux maires a été intégré, vidant par là même, la mesure de son sens.

 


[1] A titre de comparaison, en 2012, 101 542 logements sociaux avaient été financés, 114 008 en 2011, 128 721 en 2010 et 116 066 en 2009.

[2] Pour rappel, nous en sommes donc à la 5e « version » du PTZ depuis 2011…




L’infinie maladresse du budget français

par Xavier Timbeau, @XTimbeau

C’est entendu, dans le projet de budget communiqué à la Commission européenne le 15 octobre 2014, la France ne respecte pas les règles de la gouvernance européenne et les engagements antérieurs négociés dans le cadre du Semestre européen. Alors que la France est en procédure de déficit excessif, la Commission européenne n’a pas a priori d’autre choix que de rejeter le budget français parce qu’elle  est la gardienne des traités. Si la Commission ne refusait pas le budget français, qui s’écarte très significativement, au moins en apparence, de nos engagements antérieurs, alors aucun budget ne pourrait jamais être rejeté.

Rappelons que la France, et son Président actuel, ont ratifié le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Croissance (« TSCG », entré en vigueur en octobre 2012), qui avait été adopté par les chefs d’Etats en mars 2012. Il avait été question pendant la campagne présidentielle de 2012 de le renégocier (ce qui avait suscité l’espoir des pays du sud de l’Europe), mais l’urgence de la crise des dettes souveraines en Europe, entre autres, en a décidé autrement. La France a implémenté les dispositions de ce traité dans la loi organique n°2012-1403, mettant en place par exemple le Haut Conseil des Finances Publiques et définissant un schéma pluriannuel de suivi de la trajectoire des finances publiques à partir des soldes structurels (c’est-à-dire corrigés des effets de la conjoncture).

Tout semble donc indiquer que la France a accepté le cadre très contraignant que le TSCG et le 2-pack renforcent et qui avait été établi par le 6-pack (5 règlements et une directive, datés de 2011, qui renforcent le Pacte de Stabilité et de Croissance et qui en précisent le calendrier et les paramètres). La bonne volonté de la France a d’ailleurs été manifeste lors de la communication, en octobre 2013, d’un projet de budget 2014 et d’un programme de stabilité en avril 2014 plus que conformes. C’est dans une conférence de presse en septembre 2014 que le gouvernement français a annoncé que l’objectif de réduction de déficit pour 2015 ne serait pas tenu. Faible croissance et très faible inflation sont les arguments avancés alors pour une sérieuse révision de la situation économique présentée comme un discours de vérité. Le même cas s’était présenté en 2013, l’objectif nominal d’alors ayant été fixé en sous-estimant les multiplicateurs budgétaires. Cependant le calendrier et l’ampleur des ajustements avaient été respectés et un délai, de fait, accordé.

Donc, jusqu’à la conférence de presse, la mécanique du traité n’était pas mise en difficulté majeure. Une des innovations du TSCG est en effet de ne plus viser un objectif nominal (3%) mais de s’attacher à l’effort structurel. Si la conjoncture est plus mauvaise que prévue, alors, l’objectif nominal de déficit n’est pas rempli (ce qui est le cas). Dans ce cas, l’objectif est l’effort structurel. Dans le programme de stabilité 2014-2017 d’avril 2014, l’effort structurel annoncé (page 13) est de 0,8 point de PIB en 2015 de réduction du déficit structurel après 0,8 en 2014. La procédure de déficit excessif (précisée également dans un vade-mecum de la Commission) exige au minimum un effort structurel de 0,5 point du PIB et demande une documentation précise des moyens d’y parvenir.

C’est ici que le projet de budget 2015 matérialise l’infraction au traité. L’effort en 2014 n’est plus que de 0,1 point et est annoncé à 0,2 point en 2015. Ces chiffres sont ainsi inacceptables par la Commission. Comment expliquer cette modification provocatrice ? Plusieurs éléments y concourent. Le premier est une modification de la norme de comptabilisation du CICE qui conduit à inscrire en 2015 les dépenses générées en 2015 et payées en 2016. Au moment où le CICE monte en charge, c’est 0,2 point de PIB en moins dans l’effort budgétaire français. Le second est une modification de l’hypothèse de croissance potentielle. Au lieu de 1,5% de croissance potentielle dans le programme de stabilité 2014-2017, celle-ci est supposée être de 1,2% sur la période 2014-2017. A méthode constante, l’effort en 2014 aurait été de 0,5 point du PIB et de 0,6 point en 2015. La différence avec le programme de stabilité d’avril 2014 s’explique par la révision à la baisse de l’inflation et par quelques modifications sur les mesures. La nouvelle présentation du même budget, avec une modification marginale du contexte économique, est celle d’une absence d’effort structurel. Non seulement l’objectif nominal ne sera pas atteint, mais en plus l’effort structurel de 2014 et de 2015 est abandonné. Et ce, à politique inchangée ! Pire, ce projet de budget laisse entendre que l’objectif nominal n’est pas atteint parce que l’effort structurel n’a pas été réalisé en 2014 et ne le sera pas en 2015.

Pourtant le gouvernement plaide les circonstances exceptionnelles. Pourquoi avoir modifié les hypothèses de croissance potentielle et n’avoir pas conservé la norme comptable antérieure pour présenter le projet de budget français 2015 ? Un effort de 0,6 point du PIB en 2015 au lieu d’un effort précédemment annoncé de 0,8 point du PIB n’aurait pas posé de problème à la Commission, qui aurait relevé des hypothèses trop hautes de croissance potentielle (comme d’ailleurs dans ses remarques sur le projet de budget 2014, que le Conseil n’a pas retenu en novembre 2013). Il aurait été simple de répondre que l’on ne change pas des hypothèses de croissance potentielle tous les 6 mois et que c’est d’ailleurs l’objet de ce concept et la raison de son introduction dans les traités et les règles européennes : éviter la pro-cyclicité des politiques budgétaires, éviter de faire plus de restriction budgétaire au moment où les mauvaises nouvelles s’amoncellent. Il aurait été acquis que la Commission a une appréciation plus basse que la France, mais la croissance potentielle est non observée et son évaluation repose sur de nombreuses hypothèses. Ainsi, il n’est pas précisé dans les traités ou les règlements si l’on considère une croissance potentielle à court terme ou à moyen terme. Or la Commission estime (dans le 2012 Ageing Report) que la croissance potentielle à moyen terme de la France est de 1,7% par an (en moyenne de 2010 à 2060) et de 1,4% en 2015. Et surtout, rien n’oblige la France à adopter l’hypothèse de la Commission. Le règlement EU 473/2011 demande que les hypothèses soient explicitées et qu’éventuellement des opinions extérieures soient demandées. La loi organique 2012-043 énonce que « Un rapport annexé au projet de Loi de programmation des finances publiques et donnant lieu à approbation du Parlement présente : (…) 9° Les modalités de calcul de l’effort structurel mentionné à l’article 1er, la répartition de cet effort entre chacun des sous-secteurs des administrations publiques et les éléments permettant d’établir la correspondance entre la notion d’effort structurel et celle de solde structurel ; 10° Les hypothèses de produit intérieur brut potentiel retenues pour la programmation des finances publiques. Le rapport présente et justifie les différences éventuelles par rapport aux estimations de la Commission européenne » ce qui donne bien la mainmise sur l’hypothèse de croissance potentielle au gouvernement et pose le parlement souverain en dernier juge.

Fallait-il faire une opération vérité sur la croissance potentielle et modifier significativement cette hypothèse cruciale dans la présentation du budget ? Fallait-il que l’opération vérité conduise à présenter comme presque neutre un budget dans lequel on effectue un choix lourd et coûteux de politique (financer la compétitivité des entreprises par la baisse des dépenses publiques et la hausse des prélèvements sur les ménages) ? L’hypothèse de la Commission est-elle plus pertinente parce qu’elle a été continûment révisée tous les 6 mois depuis maintenant 5 ans ? Ne pouvait-on pas expliquer que l’ambitieux programme de réformes structurelles du gouvernement français contribuerait lui-même à relever le potentiel dans le futur (à moins qu’il n’y croie pas) ? Le CICE et le pacte de responsabilité ne sont-ils pas le gage de la vitalité retrouvée d’un tissu productif au point que cela se traduise par plus de croissance potentielle ? Ne fallait-il pas plutôt suivre les avis des auteurs d’un rapport pour le CAE sur la croissance potentielle qui ne se sont pas risqués à en produire une nouvelle estimation ? N’est-ce pas sur le sujet de la croissance qu’il fallait engager le dialogue (constructif et technique, dans des cénacles discrets) avec la Commission plutôt que d’afficher une infraction manifeste aux règles européennes ? Dans le projet de Loi de finance 2015 il est écrit (page 5) : « la trajectoire retient, par prudence, une croissance potentielle révisée à la baisse par rapport à la précédente loi de programmation, en reprenant la dernière estimation de croissance potentielle de la Commission européenne (printemps 2014) ». Quelle est cette sorte de prudence qui ressemble à une bourde aux conséquences terribles ? Est-ce le désordre dans le gouvernement à la fin du mois d’août 2014 qui a permis les circonstances de cette infinie maladresse ?

Il est impossible de justifier la présentation faite : la Commission réprimandera la France, qui ne réagira pas, sûre de son droit (et comme l’a déjà annoncé son gouvernement). La Commission devra alors monter l’échelle des sanctions et il est peu probable que le Conseil l’arrête en route, d’autant que les décisions y seront prises à la majorité qualifiée inversée. Le French bashing prendra un nouveau tour et ceci ne fera apparaître que l’inutilité du processus, puisque la France ne changera rien à sa trajectoire de finances publiques. Cela dépréciera la parole et l’influence française au moment où s’élabore l’initiative d’un plan d’investissement de 300 milliards d’euros qui n’est voulu que par la France et la Pologne (d’après la rumeur), au risque de faire capoter une des rares initiatives qui pouvait nous faire sortir de la crise.

En laissant la fureur feutrée de la technocratie exprimer son mécontentement envers la France, c’est la fragilité de la « gouvernance européenne » qui sera révélée. Or celle-ci ne repose que sur la dénonciation de la France et la pression par les pairs qu’elle implique. La France peut être mise à l’amende, mais ni le Conseil ni la Commission ne disposent d’instruments pour « forcer » la France à satisfaire aux exigences du traité. C’est toute la faiblesse de cette « gouvernance européenne » puisqu’elle ne fonctionne que si les Etats membres se plient volontairement aux règles. Elle n’a donc de gouvernance que le nom, mais elle est pourtant la clef de voûte de la sortie de la crise des dettes souveraines. La Banque centrale européenne est intervenue, à l’été 2012, parce que la gouvernance renforcée des finances publiques devait résoudre le problème de passager clandestin. Les (nombreux) détracteurs de l’intervention de la Banque centrale européenne ont largement dénoncé l’hypocrisie du traité, qui ne garantit rien puisqu’il repose sur la discipline consentie des Etats membres. L’infraction française, l’impuissance de la Commission et du Conseil constitueront une démonstration de cette faiblesse, au point que l’on peut craindre que le château de cartes ne s’effondre.

La France pourrait revoir son projet de budget et ajouter des mesures, qui dans la nouvelle méthode comptable et avec une hypothèse plus basse de potentiel, lui permettent de tenir son engagement d’effort structurel d’avril 2014. Ce scénario est très improbable et c’est une bonne chose (voir le post d’Henri Sterdyniak). Improbable, parce que les presque 2 points de TVA à taux plein nécessaires pour arriver à un effort de 0,8% du PIB (et donc sans compenser le retard pris en 2014) ne seraient pas votés par le Parlement français. Bonne chose, parce qu’ils auraient induit une récession (ou un sérieux ralentissement) en France et une montée du chômage totalement inacceptables pour simplement sauver la face de la Commission et appliquer avec diligence les textes européens.

Il aurait été bien plus habile de s’en tenir aux hypothèses (et méthodes) du programme de stabilité 2014. Le Haut Conseil aurait protesté, la Commission aurait querellé mais les règles de la gouvernance européenne auraient été sauves. On dit que les statistiques sont la forme la plus avancée du mensonge. Entre deux mensonges, autant choisir le moins stupide.




Réformer aujourd’hui l’Assurance chômage en France : pas une bonne idée selon des indicateurs de l’OCDE

par Eric Heyer

Six mois après la signature d’un accord national interprofessionnel sur l’indemnisation du chômage, conclu par les partenaires sociaux, dont les nouvelles règles doivent normalement s’appliquer jusqu’en 2016, le gouvernement français, désireux d’aller plus loin dans la réforme du marché du travail, évoque la possibilité de réformer à nouveau l’Assurance chômage en diminuant la durée d’indemnisation et le montant des allocations chômage.

Si toute réforme doit viser l’amélioration de la « qualité de vie » de nos citoyens, il n’est pas sûr que la réforme de l’Assurance chômage atteigne cet objectif. C’est en tout cas ce que laisse à penser la dernière publication de l’OCDE.

Ainsi, dans le chapitre 3  des Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2014, l’organisation internationale a mis en œuvre les recommandations du rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi de 2009 en évaluant la qualité de l’emploi dans les pays de l’OCDE. Ce nouvel indicateur complète les mesures traditionnelles sur la quantité de travail et doit transformer à terme le contenu des politiques publiques en imposant aux acteurs publics de nouveaux critères d’évaluation.

L’OCDE construit un indicateur de qualité de l’emploi sur la base de trois dimensions : qualité des salaires, sécurité sur le marché du travail et qualité de l’environnement professionnel. D’après l’OCDE, cette dernière dimension est relativement médiocre en France : le niveau élevé d’exigences professionnelles et des ressources insuffisantes pour s’acquitter des tâches provoquent un niveau élevé de stress au travail des salariés français. S’agissant des salaires, en tenant compte à la fois de leur niveau et de leur répartition, la France est proche de la moyenne des pays de l’OCDE. Finalement, si la qualité de l’emploi dans l’hexagone se situe dans la moyenne des pays développés, cela est dû principalement, d’après l’OCDE, à une sécurité sur le marché du travail forte en France, en raison du bon niveau de prise en charge et … de la générosité de l’indemnisation chômage.

Les propositions de réformes de l’Assurance chômage auraient alors tendance à détériorer plutôt que améliorer la « qualité de vie » des Français et rateraient leur cible de ce point de vue-là. Permettraient-elles alors d’améliorer la quantité de travail ?

Des éléments de réponse se trouvent dans le chapitre 1 de ce même rapport de l’OCDE. Dans celui-ci, l’organisation internationale indique que le taux de chômage structurel – i. e. le taux de chômage dépendant de l’importance des rigidités qui empêchent le bon fonctionnement du marché du travail – n’a pas augmenté depuis le début de la crise en France, à l’instar d’ailleurs d’un grand nombre de pays développés : la forte hausse observée du chômage depuis 2008 a donc, pour l’OCDE, une composante principalement conjoncturelle que l’on ne combat pas avec une réforme de l’Assurance chômage.

En conséquence, dans le contexte actuel de l’économie française, une réforme de l’Assurance chômage, telle que suggérée par le gouvernement, devrait, si l’on en croit les analyses de l’OCDE, détériorer la qualité de l’emploi – et en particulier la qualité de vie des chômeurs – sans réduire le niveau du chômage !




La compétitivité française, objet de la politique de l’offre

par Sarah Guillou

Le débat politique opposant ceux qui voudraient donner la priorité à une politique de la demande à ceux qui au contraire placent les conditions de l’offre comme l’objectif premier peut être éclairé par le récent rapport du World Economic Forum sur la compétitivité (The Global Competitiveness Report 2014-2015) [1]. Rappelons que la compétitivité est une dimension clé de la croissance future des économies matures spécialisées dans les hautes technologies ou les produits à forte valeur ajoutée[2].

La France se classe en 23e position au regard de l’indicateur de compétitivité globale calculé par l’organisation « World Economic Forum ». Dépassant la simple mesure traditionnelle des coûts de production relatifs, cet indicateur de compétitivité incorpore de nombreux sous-indicateurs (100 au total) qui couvrent de nombreuses dimensions du fonctionnement des marchés des produits, des marchés du travail, des institutions mais aussi des indicateurs relatifs au capital humain, aux infrastructures et au système d’innovation ainsi que des mesures qualitatives issues d’enquêtes d’opinion. Un ensemble de dimensions qui déterminent in fine le niveau de productivité. L’indicateur de compétitivité proposé est « global » d’une part par l’ampleur des dimensions incluses et d’autre part par le nombre de pays couverts.

La compétitivité est mesurée relativement à 143 pays. La pondération des sous-indicateurs est déduite de l’appartenance des pays à une catégorie de niveau de développement économique : phase 1, gouvernée par la disponibilité des facteurs ; phase 2,  en transition de la phase 1 à  la phase 3 ; phase 3,  gouvernée par l’efficacité des facteurs ; phase 4 en transition de la phase 3 à la phase 5 ; phase 5,  gouvernée par l’innovation. Selon la catégorie, l’importance accordée à chaque sous-indicateur pour la détermination du niveau de compétitivité diffère. Ce qui explique que le classement ne reflète pas tout à fait la hiérarchie traditionnelle des pays selon leur niveau de richesse économique. Par ailleurs, la diversité des indicateurs entrant en jeu peut conduire à rapprocher dans le classement des profils économiques très différents : ainsi la Russie talonne l’Italie classées respectivement aux 49e et 53e rangs ; les Emirats Arabes Unis suivent la Norvège classée 11e.

Au regard du débat sur l’arbitrage offre-demande, il est intéressant de remarquer que l’indicateur de compétitivité globale repose sur un ensemble de sous-indicateurs qui ne relèvent pas tous de réformes structurelles associées à l’offre et nombreux sont ceux qui résultent d’un soutien équilibré de la demande. Ainsi, par exemple, la disposition de capital humain de qualité (qualifié, en bonne santé…) ne nécessite pas seulement un environnement qui valorise le travail et la récompense au mérite, mais un niveau de sécurité et de protection sociale qui participent à la qualité de vie qui attire et retient le capital humain et donc un certain niveau de dépenses publiques. C’est aussi vrai des infrastructures. Plus généralement, l’indicateur de compétitivité est le résultat d’un équilibre entre niveau de dépenses publiques et réformes structurelles, dosage qui permet que les indicateurs se complémentent.

La première place tenue par la Suisse récompense la qualité de son environnement économique – infrastructure, capital humain, institutions, confiance, stabilité macroéconomique – qui compense la faiblesse de la taille du marché, du degré d’ouverture et de spécialisation dans les industries manufacturières de haute technologie[3]. Six pays européens sont dans le top 10, ce qui doit nous rassurer sur le modèle européen[4]. L’économie française stabilise sa position dans le classement relativement à l’année précédente après quatre années de recul – elle était classée 16e en 2008.

Parmi les 144 pays classés, la France doit sa place dans le premier quintile (les premiers 20%, soit les 28 premiers pays) à la qualité de ses infrastructures, la qualité de son système éducatif, son niveau technologique et sa culture entrepreneuriale[5]. La compétitivité est avant tout un concept relatif et dans une économie mondiale où de plus en plus de pays ambitionnent d’appartenir au top 10 des puissances économiques, le jugement sur l’économie française dépend fortement du groupe auquel elle aspire appartenir. Ce qui interroge, c’est que celle-ci a longtemps appartenu à ce top 10 et que ses principaux compagnons historiques y sont toujours (Allemagne, Royaume-Uni, Belgique, Pays-Bas, Etats-Unis). Relativement à ce premier quintile, qui regroupe entre autres 13 pays européens, les Etats-Unis, le Canada, le Japon et la Chine, sa place en queue de peloton n’est pas glorieuse et nécessite qu’on s’interroge sur les indicateurs qui placent l’économie française parmi les moins compétitives. Le fonctionnement du marché du travail, la position budgétaire de l’Etat, sa moindre performance relative en termes d’environnement favorable au travail et à l’investissement expliquent principalement cette position.

Plus précisément, l’analyse des sous-indicateurs – parmi les 100 – pour lesquels la France a une performance la plaçant dans le dernier tiers des 144 pays, avec donc un rang de classement entre la 96e place et la 144e, et en la comparant avec des pays proches (voir graphiques 1 à 3) permet de révéler les faits saillants suivants :

1)      Le poids des réglementations administratives, l’effet des taxes sur les incitations à investir, l’effet des taxes sur les incitations à travailler, la coopération dans les relations employés-employeurs, la pratique à l’embauche et au licenciement et le taux d’imposition en pourcentage des profits sont les dimensions les plus contrastées relativement à l’Allemagne, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.

2)      La contre-performance française est souvent dépassée par la contre-performance italienne.

3)      Les indicateurs relatifs à la politique budgétaire sont problématiques mais pas de façon fortement distincte de ses partenaires.

Le fonctionnement du marché du travail, et plus généralement l’environnement réglementaire qui influence les incitations au travail et à l’investissement, ressortent donc comme les dimensions qui tirent l’indicateur de compétitivité globale vers le bas. Précisons que ces indicateurs sont établis à partir de mesures objectives (nombre de réglementations, niveau des taxes, données macroéconomiques par exemple) mais aussi essentiellement à partir des réponses à une enquête auprès des chefs d’entreprises. Ceux-ci doivent indiquer, sur une échelle de 1 à 7, leur appréciation de différents items sous-jacents aux indicateurs. Les indicateurs révèlent donc principalement une réalité ressentie. Pour la France, la faiblesse du classement dans les dimensions soulignées en 1) révèle la sévérité du jugement des entrepreneurs.

Les enseignements de politiques économiques sont les suivants. La marge de progression la plus large et la singularité de la position française se trouvent dans les dimensions soulignées en 1). Des réformes structurelles sont à mener en priorité sur la lourdeur des réglementations administratives, les incitations au travail et à l’investissement et sur la qualité des relations employés-employeurs. Mais quelles politiques pourraient bien y parvenir ?

La simplification administrative et le Pacte de responsabilité vont dans le bon sens mais on peut se demander si les mesures prises modifieront la perception qu’ont les entreprises des incitations économiques de leur environnement administrativo-légal. Par ailleurs, rien n’est entrepris en ce qui concerne l’amélioration des relations employés-employeurs. Enfin, il serait souhaitable que les gouvernements adoptent une position neutre et stable vis-à-vis des entreprises, position, qui, ni ne méprise leur rationalité économique, ni hypertrophie leur pouvoir sur l’avenir industriel. Et même si le divorce entre l’Etat et les entreprises est en partie « constitutionnel » comme le prétend Jean Peyrelevade[6], on ne peut pas renoncer à améliorer le dialogue social et à réconcilier les entreprises françaises avec leur habitat économique et le pouvoir réglementaire. C’est une des clés de la compétitivité française.

Au final, le triple enseignement de ce rapport est 1°) de rappeler que la compétitivité est la conjonction de nombreux éléments qui ne se résume pas simplement à faciliter l’exercice de l’activité économique (i. e. baisses d’impôt, flexibilité du marché du travail), 2°) que les économies les plus compétitives ne sont pas celles où la puissance publique s’est retirée car de nombreuses dimensions exigent un Etat qui investisse efficacement (dans l’éducation et les infrastructures) et qui oriente les capitaux (dans les énergies renouvelables par exemple) ; 3°) que la marge de progression de la compétitivité française se situe aujourd’hui, non pas dans les investissements publics, mais dans les incitations au dialogue social, à l’emploi, au travail et à l’investissement.

Ce classement procure donc un faisceau de preuves que les conditions de l’offre peuvent être grandement améliorées en France et que des réformes en ce sens sont impératives si l’objectif prioritaire est la compétitivité de l’économie française.

post_sg_0810

 


[1]L‘exercice du calcul de la compétitivité par le World Economic Forum a commencé en 1979 et s’est progressivement élargi à plus de dimensions et plus de pays.

[2] Ces activités productives sont en effet associées à des rendements d’échelle croissants – en raison des coûts fixes d’entrée élevés, R&D notamment – qui impliquent une viabilité économique à grande échelle, c’est-à-dire à une échelle qui dépasse le seul marché domestique.

[3] De même, la transparence politique est plus valorisée que la transparence économique.

[4] Suisse, Finlande, Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède.

[5] Précisément : « the country’s business culture is highly professional and sophisticated » (page 23).

[6] J. Peyrelevade, Histoire d’une névrose, la France et son économie, Albin Michel, 2014.




L’innovation dans les énergies renouvelables : quand intervention de l’État et concurrence vont de pair

par Lionel Nesta et Francesco Vona[1]

Contrairement à une idée reçue selon laquelle la concurrence n’exige aucune intervention de l’État, les politiques d’innovation et de concurrence se complètent mutuellement. C’est la principale conclusion d’une étude[2] que nous avons réalisée sur l’innovation dans le domaine des énergies renouvelables et que nous résumons dans une note de l’OFCE (OFCE Briefing Paper, n°8, October 6, 2014).

L’innovation est en effet le seul moyen permettant, à terme, de surmonter une contrainte environnementale croissante. Dans le domaine de l’énergie, l’augmentation de la rareté des ressources rend de plus en plus pressant le besoin de sources d’énergies renouvelables, comme la biomasse, l’énergie solaire ou éolienne.

Mais en dépit de l’augmentation considérable des demandes de brevets dans le domaine des énergies renouvelables (voir la graphique 1 pour le cas de six grands pays de l’OCDE), les énergies renouvelables ne peuvent toujours pas rivaliser avec les combustibles fossiles, leur production étant moins chère et leur distribution plus efficace. Les politiques publiques s’avèrent dès lors nécessaires notamment parce qu’elles peuvent s’inscrire dans une perspective de long terme permettant le développement des énergies renouvelables. Se pose alors la question des politiques publiques qui seront les plus efficaces pour servir de support à l’innovation verte.

Initialement, l’adoption de l’Accord de Kyoto sur le changement climatique a créé un consensus sur la nécessité de ces politiques environnementales. Ainsi, au cours des 20 dernières années, les pays de l’OCDE ont de plus en plus soutenu l’innovation dans les énergies renouvelables en diversifiant le type d’intervention. Aujourd’hui, ces politiques publiques visent à la fois à stimuler les investissements dans les capacités dites « vertes » et à réduire le coût de production de l’énergie renouvelable.

Dans le même temps, le processus de libéralisation des marchés de l’énergie s’est graduellement affirmé, et ce dans la plupart des pays de l’OCDE. Il a accru la concurrence en abaissant les barrières à l’entrée et accéléré la privatisation des producteurs d’énergie. Ce processus de libéralisation peut être positif pour l’innovation dans les énergies renouvelables, car ce type d’innovation s’appuie sur l’émergence de nouveaux acteurs. Les grands opérateurs historiques, eux, ne sont guère incités à développer des nouvelles technologies qui mettraient en cause leurs investissements passés dans la production d’énergie à grande échelle.

Dans ce contexte, il est important de comprendre la façon dont l’interaction entre politique publique et libéralisation influe sur l’innovation dans les énergies renouvelables. Notre principal résultat est que ces politiques sont plus efficaces dans des marchés libéralisés. Trois fois plus efficaces, en fait ! En général, cette complémentarité est l’un des plus grands moteurs de l’innovation, en particulier pour les brevets de haute qualité. Ce résultat est résumé dans le graphique 2 où nous décrivons l’effet marginal estimé des politiques d’énergies renouvelables sur l’innovation en fonction du degré de déréglementation du marché. Cet effet est positif pour les pays ayant un niveau de réglementation en dessous de la moyenne, comme c’est le cas pour l’Allemagne et les Etats-Unis. Notre conclusion est que l’effet des politiques d’énergies renouvelables sur l’innovation est médiatisé par le degré de concurrence sur le marché de l’énergie.

Encore une fois, dans le secteur de l’énergie, contrairement à la croyance commune que la concurrence n’exige aucune intervention de l’État, les politiques d’innovation et de concurrence se complètent mutuellement.

Graph1Vona_nesta

 

Graph2_Vona_nesta

 

 

 


[1] Cette recherche a bénéficié du financement du 7e PCRD de l’Union européenne (FP7/2007-2013) n°320278 (RASTANEWS).

[2] Voir : Nesta, L., Vona, F., Nicolli, F., 2014. “Environmental Policies, Competition and Innovation in Renewable Energy”, Journal of Environmental Economics and Management, vol. 67(3), 396-411.




Politique budgétaire et stabilité macroéconomique en union économique et monétaire : le cas de l’UEMOA

par Mamadou DIOP et Adama DIAW

L’idée selon laquelle la politique budgétaire est un outil efficace de la politique économique pour stimuler l’activité réelle n’est pas confirmée au plan empirique et ne fait pas l’unanimité au sein des économistes. L’article publié dans La Revue de l’OFCE (n°137-2014) soulève deux écueils majeurs de la politique des gouvernements de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) : le délai de mise en œuvre des mesures budgétaires et l’irréversibilité de certaines dépenses de consommation publique. Il s’agit, en effet, de la capacité à annuler certaines dépenses lorsqu’elles ne seront plus nécessaires pour la stabilisation de l’activité économique. Cette réversibilité de la politique budgétaire est, aujourd’hui, une condition nécessaire pour préserver la soutenabilité des finances publiques à moyen terme. Pour stabiliser la conjoncture d’un pays à partir de la politique budgétaire, il est important d’identifier parmi les dépenses publiques, celles qui affectent sensiblement l’activité économique, tout en tenant compte de leur délai de réaction. Tel est l’objet de cet article qui se propose d’évaluer l’impact des chocs budgétaires sur l’activité économique des Etats de l’UEMOA et de faire ressortir ainsi les canaux de transmission de leur politique budgétaire.




Fiscalité des ménages et des entreprises : à la recherche d’un consensus

par Henri Sterdyniak et Vincent Touzé

De 2010 à 2013, les prélèvements obligatoires en France ont augmenté de 60 milliards d’euros (soit de 3 % du PIB). La France se place au deuxième rang mondial pour le taux de prélèvements obligatoires. Un consensus semble exister pour estimer que la fiscalité française est non seulement lourde mais aussi injuste, compliquée et opaque. À la suite des mouvements de protestation liés à la mise en place de l’écotaxe, et plus généralement, de la hausse d’un sentiment de ras-le-bol fiscal, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a annoncé, le 19 novembre 2013 qu’il mettait en chantier une grande réforme fiscale. En 2014, le gouvernement a organisé des Assises de la fiscalité des entreprises et a mis en place un groupe de travail sur la fiscalité des ménages. Des mesures de baisses d’impôts ou de cotisations sociales ont été annoncées, sans pour autant prendre la forme d’une grande réforme fiscale, leur contrepartie étant des baisses de dépenses publiques non précisées.

Quels devraient être les contours d’une grande réforme de la fiscalité française ? Peut-on dégager des consensus entre économistes ? Peut-on faire la part de choix politiques qui appartiennent aux citoyens (comme le degré de progressivité de l’impôt, son caractère familial ou individuel), de choix de stratégie macroéconomique (la politique de l’offre versus celle de la demande), de débats plus techniques (Existe-t-il un double dividende ecologie/emploi ? Faut-il privilégier l’impôt unique ou maintenir de nombreux impôts incitatifs ?) ?

L’ensemble de ces questions fait débat au sein de la société mais aussi entre économistes. Aussi, dans le cadre de sa mission d’animation du débat public en économie, l’OFCE a-t-il organisé le 20 mai 2014 une conférence de consensus pour faire dialoguer économistes et fiscalistes et chercher à dégager des points d’accords et expliciter les désaccords. La Note de l’OFCE (n°45 du 26 septembre 2014) publie le compte-rendu des débats de  cette journée. Le premier a porté sur la fiscalité des entreprises, qu’il faut sans doute rendre moins  lourde et moins compliquée. Le deuxième sur la fiscalité écologique, qui doit impérativement monter en puissance. Le troisième sur la fiscalité des ménages dont la complexité actuelle masque l’importante redistributivité, de sorte qu‘une réforme simplificatrice serait utile, même si elle ne peut se traduire par des changements importants dans le degré de progressivité de l’impôt. Enfin, le dernier débat a exploré les enjeux de la fiscalité des revenus du capital  dont le rôle redistributif limite fortement les possibilités d’ajustement.




La croissance de la zone euro dépend-elle vraiment d’une hypothétique relance budgétaire allemande ?

par Christophe Blot et Jérôme Creel

Le débat sur les politiques économiques en Europe a été relancé cet été par Mario Draghi, lors du désormais traditionnel symposium de Jackson Hole, qui réunit notamment les principaux banquiers centraux de la planète. Malgré cela, il semble que les uns (Wolfgang Schaüble, Ministre allemand des finances) et les autres (Christine Lagarde, directrice du FMI) continuent de camper sur leurs positions : discipline budgétaire et réformes structurelles, d’un côté ; relance de la demande et réformes structurelles, de l’autre. La différence est certes ténue, mais elle a ouvert la voie à ce que Mme Lagarde a dénommé « des marges de manœuvre budgétaires pour soutenir la reprise européenne ». Elle vise en particulier l’Allemagne, mais a-t-elle effectivement raison ?

Dans l’interview accordée au quotidien Les Echos, Christine Lagarde déclarait que l’Allemagne « dispose très probablement de marges de manœuvre budgétaires pour soutenir la reprise européenne ». Force est de constater que la zone euro est toujours en panne de croissance (au deuxième trimestre 2014, le PIB est encore inférieur de 2,4 % à son niveau d’avant-crise, au premier trimestre 2008). Malgré les baisses de taux d’intérêt décidées par la BCE et les mesures exceptionnelles qu’elle continue de prendre, le moteur de la croissance européenne reste entravé par l’insuffisance de la demande à court terme, résultant principalement de politiques budgétaires globalement restrictives à l’échelle de la zone euro. Dans le contexte actuel, le soutien de la croissance par des politiques budgétaires plus expansionnistes se heurte aux contraintes budgétaires et à la volonté politique de poursuivre la réduction des déficits. Les contraintes budgétaires peuvent être réelles pour les pays très fortement endettés et ayant perdu l’accès au marché, telle la Grèce. Elles sont plutôt de nature institutionnelle pour les pays capables d’émettre des titres de dette publique à des taux historiquement très faibles, telle la France. Selon Mme Lagarde, l’Allemagne disposerait de marges de manœuvre faisant de cette économie le seul moteur potentiel de la reprise européenne. Une analyse plus fine des effets – internes et de débordement vers les partenaires européens – de la politique budgétaire invite toutefois à tempérer cet optimisme.

Les mécanismes qui fondent l’hypothèse d’une croissance tirée par l’Allemagne sont assez simples. Une politique budgétaire expansionniste outre-Rhin stimulerait la demande intérieure allemande, ce qui accroîtrait les importations et créerait des débouchés supplémentaires pour les entreprises des autres pays de la zone euro. En contrepartie, cependant, un tel effet pourrait être tempéré par une politique monétaire légèrement moins expansionniste : selon Martin Wolf, Mario Draghi n’a-t-il pas assuré que la BCE ferait tout ce qui est en son pouvoir pour assurer la stabilité des prix à moyen terme ?

Dans un document de travail récent de l’OFCE, nous avons tenté de capter ces différents effets, commerciaux et de politique monétaire, dans une maquette dynamique de la zone euro. Il en ressort qu’une impulsion budgétaire positive de 1 point de PIB en Allemagne pendant trois années consécutives (soit un plan de 27,5 milliards d’euros par an[1]), augmenterait la croissance de la zone euro de 0,2 point la première année. Cet effet n’est certes pas négligeable. Pour autant,  il résulte exclusivement de la stimulation dont bénéficierait la croissance allemande et non des effets de débordement vers les partenaires européens de l’Allemagne. En effet, et à titre d’exemple, l’augmentation de la croissance espagnole serait dérisoire (0,03 point de croissance seulement la première année). La faiblesse des effets de débordement s’explique simplement par la valeur modérée du multiplicateur budgétaire[2] en Allemagne. En effet, la littérature récente sur les multiplicateurs suggère que ceux-ci sont d’autant plus élevés que l’économie est en situation de basse conjoncture. Or selon les estimations d’écart de croissance retenues dans notre modèle, l’Allemagne ne serait pas dans ce cas si bien que la valeur du multiplicateur tomberait à 0,5 selon la calibration des effets multiplicateurs retenus pour nos simulations. Ainsi la croissance allemande augmentant de 0,5 point, l’effet de stimulation pour le reste de la zone euro est faible et dépend ensuite de la part de l’Allemagne dans les exportations de l’Espagne et du poids des exportations espagnoles dans le PIB espagnol. In fine, une relance allemande serait sans aucun doute une bonne nouvelle pour l’Allemagne mais les autres pays de la zone euro risquent d’être déçus comme ils le seront sans doute de la mise en œuvre du salaire minimum ainsi que le suggéraient Odile Chagny et Sabine Le Bayon dans un post récent, au moins à court terme. On peut certainement supposer qu’à plus long terme, la relance allemande contribuerait à augmenter les prix outre-Rhin, y dégradant la compétitivité et offrant ainsi un canal supplémentaire par lequel les autres pays de la zone euro pourraient bénéficier d’une plus forte croissance.

Et si le même montant d’impulsion budgétaire n’était pas utilisé en Allemagne, mais plutôt en Espagne où l’écart de croissance est plus important, qu’adviendrait-il ? De fait, la simulation d’un choc budgétaire équivalent (27,5 milliards par an pendant trois ans, soit 2,6 points de PIB espagnol) en Espagne aurait des effets bien plus bénéfiques, pour l’Espagne mais aussi pour la zone euro. Alors que dans le cas d’une relance allemande, la croissance de la zone euro augmenterait de 0,2 point les trois premières années, celle-ci augmenterait en moyenne de 0,5 point par an pendant trois ans dans l’éventualité d’une relance effectuée en Espagne. Ces simulations suggèrent que s’il faut relancer la croissance dans la zone euro, autant le faire dans les pays où le retard de croissance est le plus important. Il est plus efficace de dépenser des fonds publics en Espagne qu’en Allemagne.

A défaut de relâcher les contraintes budgétaires espagnoles, un plan de relance financé par un emprunt européen, et dont les principaux bénéficiaires seraient les pays les plus fortement touchés par la crise, serait sans aucun doute la meilleure solution pour que la zone euro s’engage enfin sur une trajectoire de reprise dynamique et pérenne. Les discussions françaises et allemandes autour d’une initiative pour l’investissement seront donc bienvenues. Espérons qu’elles puissent conduire à l’adoption d’un plan ambitieux pour relancer la croissance européenne.

TAB_cb_jc_180914

 

 


[1] La mesure est ensuite compensée de manière strictement équivalente de telle sorte que le choc correspond à un choc budgétaire transitoire.

[2] On rappelle que le multiplicateur budgétaire traduit l’impact de la politique budgétaire sur l’activité. Ainsi, pour un point de PIB de mesures budgétaires expansionnistes (respectivement restrictives), le niveau d’activité augmente (respectivement baisse) de k point.




Après la décision du Conseil constitutionnel, l’impossible fusion RSA-PPE

Par Henri Sterdyniak

En juin 2014, le gouvernement avait fait voter par le parlement une nouvelle disposition prévoyant la dégressivité des cotisations sociales salariés, afin d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés à bas salaires. Ainsi, un salarié payé au SMIC aurait bénéficié d’une réduction de 3 points de cotisations, soit un gain de 43 euros par mois, correspondant à une hausse de 4% de son salaire net. La ristourne devait ensuite diminuer avec le niveau de salaire horaire pour s’annuler à 1,3 fois le SMIC. Le 6 août 2014, le Conseil constitutionnel a décidé de censurer cette disposition. Cette censure est bienvenue pour trois raisons.

Comme le fait remarquer le Conseil constitutionnel, les cotisations salariés financent des prestations de retraites ou de remplacement, d’assurances sociales, réservées aux personnes ayant cotisé, et qui dépendent des cotisations versées. La mesure aurait brisé la logique contributive du système puisque des salariés auraient ainsi eu la possibilité de percevoir des droits sans avoir pleinement cotisé[1]. Le Conseil constitutionnel souligne la spécificité des cotisations sociales contributives et rappelle ainsi un principe sain de notre système de sécurité sociale. Il faut cependant remarquer que le Conseil constitutionnel ne s’était pas opposé aux mesures d’exonérations de cotisations sociales employeurs portant sur les cotisations retraite dont la logique est également contributive. Par contre, les exonérations de cotisations maladie ou famille sont plus légitimes puisque ces cotisations n’ouvrent pas de droits individuels. Mais, il n’est jamais trop tard pour corriger ses oublis.

La nouvelle mesure prévue par le gouvernement aboutissait une nouvelle fois à réduire les ressources propres de la Sécurité sociale. Les exonérations de cotisations sociales sont devenues la plus grande arme contre le chômage au détriment de l’objet même des cotisations : financer la Sécurité sociale. Certes, l’Etat aurait compensé ces exonérations, mais la Sécurité sociale aurait dépendu encore plus de transferts publics d’autant que cette mesure s’ajoutait, pour les seules années 2013 et 2014, à l’extension des réductions de cotisations sociales employeurs et aux transferts des ressources issues de la fiscalisation des majorations familiales de retraite et de la baisse du quotient familial.

Enfin, cette exonération aurait introduit une nouvelle complication pour les fiches de paie. Celles-ci comportent déjà une vingtaine de lignes de cotisations. De plus, les employeurs doivent calculer des exonérations de cotisations employeurs dégressives de 28 points au niveau du SMIC jusqu’à 1,6 fois celui-ci, auxquelles s’ajoute le Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) de 6 % pour les salaires inférieurs à 2,5 fois le SMIC. A partir de 2016, les cotisations familiales seront abaissées de 1,8 point pour les salaires inférieurs à 3,5 fois le SMIC. Fallait-il rajouter une nouvelle dégressivité, avec un nouveau plafond, de 1,3 fois le SMIC ?

Malgré cette censure, le gouvernement ne renonce pas à son objectif. Ainsi, dans un article du Monde daté du 21 août 2014, le Président François Hollande a-t-il annoncé une réforme « qui fusionnera la Prime pour l’emploi (PPE) et le Revenu de solidarité active (RSA) pour favoriser la reprise du travail et améliorer la situation des travailleurs précaires ». Une telle réforme permettrait-elle de remplir l’objectif du président ? Pour répondre à cette question, il est utile de revenir sur les dispositifs existants.

L’état des lieux

La France a mis en place un système particulièrement compliqué qui vise deux objectifs en partie contradictoires : aider les familles pauvres et inciter les travailleurs non-qualifiés à travailler.

L’aide aux ménages les plus pauvres comprend le RSA (un revenu minimum familialisé), la PPE (une allocation individualisée visant à inciter à l’emploi), les allocations-logement (une allocation familialisée) et des prestations familiales sous conditions de ressources (complément familial, allocation de rentrée scolaire). Malgré les efforts de Martin Hirsch, son promoteur, le RSA n’englobe pas la PPE et les allocations-logement. Il se compose d’une allocation de base : le RSA-socle (un revenu minimum, qui dépend de la composition familiale), qui est réduit de 38  euros pour 100 euros de revenu d’activité. Le RSA est versé mensuellement sur la base d’une déclaration trimestrielle de revenu. La PPE est, elle, versée automatiquement sur la base de la déclaration d’impôt sur le revenu, avec un an de décalage. Le RSA s’impute sur la PPE, de sorte qu’un ménage qui ne demande pas le RSA touche automatiquement la PPE.

Trois dispositifs visent spécifiquement à inciter à l’emploi les travailleurs à bas-salaires : les exonérations de cotisations employeurs qui diminuent le coût du travail au niveau du SMIC ; la PPE et le RSA qui augmentent le gain à l’emploi des travailleurs non-qualifiés.

Un célibataire payé au SMIC a droit à la PPE, mais pas au RSA (tableau 1). Il coûte 1 671 euros à son entreprise (pour 35 heures de travail) ; son salaire supporte 540 euros de cotisations, chômage ou retraite, représentant des salaires différés ; il reçoit un transfert net de 140 euros (PPE + allocation logement – CSG-CRDS –  cotisations maladie et famille) ; son revenu disponible est de 1 271 euros. Il ne supporte donc aucune charge fiscale nette ; son assurance maladie lui est offerte. Les exonérations de cotisations employeurs sont supérieures aux cotisations non-contributives. En jouant de l’ensemble des dispositifs existants, il est possible de dissocier le niveau de vie assuré aux travailleurs au SMIC du coût de leur travail.

Par contre, une famille mono-active (tableau 2) bénéficie du RSA tant que les revenus salariaux du ménage ne dépassent pas 1,65 fois le SMIC (tableau 2). Le RSA augmente les revenus des ménages les plus pauvres, il accroît les gains à l’emploi du premier actif, mais réduit un peu celui du deuxième (tableau 3). La PPE bénéficie à des familles bi-actives qui sont au-delà du seuil de pauvreté (défini comme 60 % du revenu médian).

TAB1_hs0209

 

TAB2_hs0209

 

TAB3_hs0209

 

Les limites du système actuel

L’allègement des cotisations employeurs ; la PPE et le RSA créent une catégorie de salariés mal payés, dont les hausses de salaires sont très coûteuses pour l’employeur et peu rentables pour le salarié. Une hausse de 10 % du salaire d’un travailleur au SMIC (145 euros) coûte 242 euros à l’entreprise et rapporte 53 euros au salarié. Les entreprises sont incitées à créer des emplois non-qualifiés spécifiques, sans possibilité d’évolution pour les salariés, coincés dans une trappe à bas salaires. La réduction des cotisations sur les bas salaires ne favorise pas l’emploi de travailleurs qualifiés qui connaissent eux aussi un certain chômage. Les emplois créés ne correspondent pas à la qualification croissante des jeunes. Il serait donc nécessaire de revoir la cohérence de l’ensemble du dispositif. Pour autant, la persistance d’une masse importante de travailleurs non-qualifiés et la volonté de ne pas faire baisser le niveau de vie des travailleurs pauvres ne permettent guère actuellement de prendre le risque de supprimer les dispositifs existants.

Le calcul de la PPE est compliqué ; son versement intervient avec une année de retard, de sorte que son effet incitatif est sans doute très faible. Cette prime bénéficie à des salariés au-delà du seuil de pauvreté plutôt qu’aux familles les plus pauvres. En même temps, sa suppression diminuerait de 6% le niveau de vie des smicards, ce qui n’est pas envisageable.

Le taux de non-recours du RSA-activité est très important (de l’ordre de 68 %)[2]. Les travailleurs à bas salaires refusent d’être soumis à un suivi permanent pour toucher une prestation d’un montant relativement réduit. En raison de l’effet de stigmatisation dont sont victimes les titulaires du RSA, ils ne veulent pas être confondus avec des bénéficiaires du RSA-socle.

Le RSA fournit une allocation de l’ordre de 110 euros par enfant aux familles avec 1 ou 2 enfants au niveau du SMIC, allocation qui comble un manque de notre système, qui était peu généreux pour les familles de travailleurs pauvres. Mais cette allocation n’est pas versée aux familles de chômeurs. Il faudrait verser ces 110 euros sous forme d’un complément familial à toutes les familles pauvres avec 1 ou 2 enfants (celles à 3 enfants et plus ayant déjà un complément familial et des allocations plus généreuses) quelle que soit l’origine des revenus.

Le RSA n’est pas versé aux jeunes de moins de 25 ans alors que ceux-ci ont des difficultés particulières d’insertion.

Que faire ?

La France ayant déjà un grand nombre d’allocations et de prélèvements, il est possible de cibler précisément la mesure selon l’objectif visé. Plusieurs mesures sont envisageables :

Augmenter les prestations familiales

Si l’objectif est d’augmenter le pouvoir d’achat des familles pauvres, le plus simple est d’augmenter nettement les prestations familiales et l’allocation logement. Au contraire, le gouvernement a décidé de suspendre leur indexation en 2014 ou en 2015, leur infligeant ainsi des pertes de pouvoir d’achat, heureusement limitées par la faiblesse de l’inflation. Mais, la doctrine dominante aujourd’hui est qu’il faut inciter à l’emploi, donc augmenter les salaires nets plutôt que les prestations.

Baisser l’impôt sur le revenu

Les familles pauvres ne payant pas d’impôt sur le revenu, une baisse de celui-ci ne peut les concerner.

Rendre la CSG progressive

Comme le montre le tableau 1, un travailleur au SMIC paie 114 euros de CSG-CRDS et reçoit 79 euros de PPE. Ne pourrait-on compenser la suppression de la PPE en rendant la CSG progressive, ce qui permettrait d’exonérer les travailleurs au SMIC et d’augmenter le salaire perçu chaque mois par les smicards ? Avec justesse, le Conseil constitutionnel considère que tout impôt progressif doit être familialisé et doit prendre en compte l’ensemble des revenus de la famille. Une vraie progressivité de la CSG est donc pratiquement impossible à mettre en œuvre puisque les employeurs et organismes financiers devraient connaître la situation familiale de leurs salariés ou clients et l’ensemble de leurs revenus, donc refaire chacun le travail du fisc. Cela n’aurait de sens que dans le cadre d’une fusion CSG-IR, qui n’est pas envisageable à court terme.

Aussi, ne peut-on envisager qu’une progressivité réduite. Chacun aurait droit à un abattement de l’ordre de 1 445 euros par mois sur le montant de revenu soumis à la CSG-CRDS ; le conjoint sans ressources propres pourrait transmettre son droit à abattement à l’autre conjoint ; les enfants à charge donneraient droit à un abattement de moitié. En contrepartie, la PPE serait supprimée ; les retraités et les chômeurs pourraient être soumis à la même CSG que les salariés. Mais le coût de l’abattement serait énorme et il faudrait en contrepartie faire passer à 15% le taux de la CSG sur les revenus supérieurs à l’abattement. Il faut donc abandonner cette piste.

La fusion de la PPE et du RSA

La fusion de la PPE et du RSA est la piste proposée par le Président de la République. Mais, le diable est dans les détails : comment réaliser cette fusion ?

En 2013, le rapport du député Christophe Sirugue avait proposé une réforme consistant à créer une Prime d’activité qui remplacerait le RSA-activité et la PPE (voir l’analyse critique de Guillaume Allègre : Faut-il remplacer le RSA-activité et la PPE par une Prime d’activité ? Réflexions autour du rapport Sirugue, 2013) Mais, comme le RSA-socle persisterait, les familles à très bas salaires devraient solliciter deux allocations : le RSA-socle et la Prime d’activité. Le système serait compliqué pour elles. Le barème de la prime d’activité prévu dans le rapport Sirugue était arbitraire, avec des pentes et un pic à 0,7 SMIC qui n’avaient aucune justification. Le système était ainsi plus compliqué et plus arbitraire que celui du RSA et n’apportait pas d’améliorations fortes par rapport au système existant. La mesure proposée était coûteuse pour les familles mono-actives (certaines perdaient 10% de revenus). Le risque était que la prime d’activité souffre du même taux de non-recours que la PPA et que certaines familles perdent la PPE sans vouloir recourir à la Prime d’activité[3].

Une fusion qui aboutirait à une prestation familialisée versée par la CAF ferait courir le risque d’un taux élevé de non-recours et ferait des perdants parmi les ménages bi-actifs avec enfants. Une fusion qui aboutirait à une allocation versée sur la fiche de paie ne prendrait pas en compte les enfants et le conjoint, nuirait aux travailleurs à temps partiel et poserait des questions de cohérence avec le RSA socle.

Bref, la fusion est une piste délicate (sinon impossible) à mettre en œuvre.

Augmenter le SMIC[4]

Si l’objectif est d’augmenter le niveau de vie des salariés à bas salaires, la mesure évidente est d’augmenter le SMIC. Une hausse d’environ 10% permettrait de supprimer la PPE et de fournir aux smicards une hausse de revenu équivalente à celle qu’aurait procurée la mesure censurée par le Conseil constitutionnel. Certes, on renoncerait à aider spécifiquement les emplois à temps partiel, comme le fait la PPE, mais cette aide spécifique est trop compliquée pour avoir le moindre effet incitatif. Une hausse du salaire net est sans doute préférable.

Il faut cependant souligner qu’une augmentation du SMIC ne bénéficierait pas assez aux familles pauvres avec un ou deux enfants, en particulier aux familles de chômeurs, Il faudrait alors aider spécifiquement les familles de travailleurs pauvres (entre le RSA-socle et 2 fois le SMIC), en introduisant un complément familial de l’ordre de 80 euros pour un enfant, de 160 euros pour deux enfants

Le RSA-activité doit être maintenu, puisqu’il permet que toute activité se traduise effectivement par une hausse du revenu disponible mais son rôle serait réduit et, grâce à l’extension du complément familial, le non-recours aurait moins de conséquences pour les familles avec enfants.

Par ailleurs, il  faudrait créer une allocation d’insertion, du montant du RSA, pour les jeunes à la recherche d’un emploi, n’ayant pas de droit à l’indemnité chômage, allocation soumise à des cotisations retraites.

Reste que, dans la situation actuelle, où la baisse du coût du travail est un des axes majeurs de la politique gouvernementale, on ne peut augmenter le coût du travail non-qualifié, de sorte que deux modalités sont possibles.

Soit, la compensation pour les employeurs se fait par une hausse des exonérations de cotisations sur les bas-salaires (qui devraient passer de 28 à 34,6%), ce qui n’introduit pas un dispositif supplémentaire. Mais, les exonérations de cotisations employeurs porteront sur des cotisations contributives, ce qui pourrait susciter l’ire du Conseil constitutionnel.

Soit, la hausse du SMIC se fait par une PPE figurant sur la fiche de paie, celle-ci étant explicitement reconnue comme prime, ce qui implique que le taux de prélèvement obligatoire augmentera, mais aussi que le Conseil constitutionnel ne pourra s’y opposer, avec l’inconvénient que la prime sera dégressive avec le niveau du salaire horaire, donc représentera une charge administrative supplémentaire pour les entreprises.

On le voit, il n’y a pas de solutions simples.

 

 


[1] Le Conseil écrit :  «  un même régime de sécurité sociale continuerait, en application des dispositions contestées, à financer, pour l’ensemble de ses assurés, les mêmes prestations malgré l’absence de versement, par près d’un tiers de ceux-ci, de la totalité des cotisations salariales ouvrant droit aux prestations servies par ce régime ; que, dès lors, le législateur a institué une différence de traitement, qui ne repose pas sur une différence de situation entre les assurés d’un même régime de sécurité sociale, sans rapport avec l’objet des cotisations salariales de sécurité sociale ».

[2] Selon P.  Domingo et M. Pucci, 2012, « Le non-recours au revenu de solidarité active et ses motifs », annexe n° 1 du rapport du Comité national d’évaluation du Rsa.

[3] Le Rapport sur la fiscalité des ménages de François Auvigne et Dominique Lefebvre, 2014, pointe lui-aussi les déficiences du projet.

[4] C’est déjà la stratégie préconisée par Allègre (2014).




Les enjeux du triple mandat de la BCE

par Christophe Blot, Jérôme Creel, Paul Hubert et Fabien Labondance

La crise financière a initié un débat sur le rôle des banques centrales et la conduite de la politique monétaire avant, pendant et après les crises économiques. Le consensus qui prévalait sur le rôle des banques centrales s’est fissuré. L’objectif unique de stabilité des prix est remis en cause au profit d’un triple mandat incluant l’inflation, la croissance et la stabilité financière. C’est de facto l’orientation qui est donnée au rôle de la BCE. Nous évoquons cette situation dans l’un des articles d’un numéro de la revue de l’OFCE intitulé « Réformer l’Europe »[1], dans lequel nous discutons de la mise en œuvre de ces différents objectifs.

La poursuite du seul objectif de stabilité des prix est aujourd’hui insuffisante pour assurer la stabilité macroéconomique et financière[2]. Un nouveau paradigme émerge dans lequel les banques centrales doivent à la fois veiller à la stabilité des prix, à la croissance et à la stabilité financière. Les évolutions institutionnelles récentes de la BCE vont dans ce sens puisqu’elle se voit confier la surveillance micro-prudentielle[3]. En outre, la conduite de la politique monétaire dans la zone euro montre que la BCE est restée attentive à l’évolution de la croissance[4]. Mais si la BCE poursuit de fait un triple mandat, la question de la bonne articulation entre ces différentes missions continue de se poser.

La coordination entre les différents acteurs en charge de la politique monétaire, de la régulation financière et de la politique budgétaire est primordiale et fait défaut dans l’architecture actuelle. Par ailleurs, certaines pratiques doivent être clarifiées. La BCE a joué un rôle de prêteur en dernier ressort (des banques et dans une moindre mesure des Etats) sans que cette fonction ne lui soit précisément attribuée. Enfin, dans ce nouveau schéma où la BCE joue un rôle accru dans la détermination de l’équilibre macroéconomique et financier de la zone euro, il nous semble nécessaire de renforcer le contrôle démocratique de la BCE. La définition des objectifs de la BCE dans le Traité de Maastricht lui laisse en effet une forte autonomie d’interprétation (voir notamment la discussion de Christophe Blot, ici). Par ailleurs, si la BCE rend compte régulièrement de son action auprès du Parlement européen, ce dernier n’a pas la possibilité de l’orienter [5].

A la suite de ces constats, nous évoquons plusieurs propositions afin d’articuler plus efficacement les trois objectifs poursuivis dorénavant par la BCE :

1 – Sans modification des traités en vigueur, il est important que les dirigeants de la BCE soient plus explicites dans les différents objectifs poursuivis[6]. La priorité annoncée à l’objectif de stabilité des prix ne semble désormais plus correspondre à la pratique de la politique monétaire : l’objectif d’écart de croissance semble primordial, tout comme celui de stabilité financière. Plus de transparence rendrait la politique monétaire plus crédible et certainement plus efficace à prévenir une autre crise bancaire et financière. Le recours à une politique de change[7] ne devrait plus être négligé car elle peut participer à la résorption des déséquilibres macroéconomiques dans la zone euro.

2 – En l’absence d’une telle clarification, l’indépendance extensive de la BCE devrait être remise en cause afin de mieux correspondre aux standards internationaux en la matière. Les banques centrales disposent très rarement de l’indépendance d’objectif : à titre d’exemple, la Réserve fédérale poursuit un double mandat explicite, tandis que la Banque d’Angleterre inscrit son action dans un ciblage d’inflation institutionnalisé. Un triple mandat explicite pourrait être imposé à la BCE par les gouvernements, à charge pour les dirigeants de la BCE d’arbitrer efficacement entre ces objectifs.

3 – La question de l’arbitrage devient effectivement plus délicate au gré de l’élévation du nombre des objectifs poursuivis. Elle l’est d’autant plus que la BCE s’est lancée de facto dans une politique de gestion de la dette publique qui l’expose désormais à la question de la soutenabilité des finances publiques européennes. Le mandat de la BCE devrait donc mentionner de jure son rôle de prêteur en dernier ressort, tâche usuelle des banques centrales, ce qui clarifierait la nécessité d’une coordination plus étroite entre gouvernements et BCE.

4 – Plutôt qu’à une remise en cause totale de l’indépendance de la BCE, qui n’obtiendrait jamais l’unanimité des Etats membres, nous appelons à la création ex nihilo d’un « organe de contrôle » de la BCE, qui pourrait être une émanation du Parlement européen, chargé de discuter et d’analyser la pertinence des politiques monétaires mises en place au regard des objectifs élargis de la BCE : stabilité des prix, croissance, stabilité financière et soutenabilité des finances publiques.  La BCE serait alors non seulement invitée à rendre compte de sa politique – ce qu’elle fait déjà auprès du Parlement ou au travers du débat public – mais pourrait aussi voir ses objectifs ponctuellement redéfinis. Cet « organe de contrôle » pourrait par exemple proposer une quantification de la cible d’inflation ou d’un objectif de chômage.

 


[1] « Réformer l’Europe », sous la direction de Christophe Blot, Olivier Rozenberg, Francesco Saraceno et Imola Streho, Revue de l’OFCE, n° 134, mai 2014. Le numéro est disponible en version française et anglaise et a fait l’objet d’un post de blog.

[2] Le lien entre stabilité des prix et stabilité financière est analysé dans Assessing the Link between Price and Financial Stability(2014),  Christophe Blot, Jérôme Creel, Paul Hubert, Fabien Labondance et Francesco Saraceno, Document de travail de l’OFCE 2014-2.

[3] La mise en œuvre de l’union bancaire confie à la BCE un rôle en matière de régulation financière (décision du Conseil de l’Union européenne du 15 octobre 2013). Elle est désormais en charge de la supervision bancaire (plus particulièrement des institutions de crédit dites « significatives ») dans le cadre du SSM (Single supervisory mechanism). A compter de l’automne 2014, la BCE sera en charge de la politique micro-prudentielle, en étroite coopération avec les organismes et institutions nationales. Voir également, l’article de Jean-Paul Pollin « Au-delà de l’Union bancaire » dans la Revue de l’OFCE (« Réformer l’Europe »).

[4] Castro (2011) « Can central banks’ monetary policy be described by a linear (augmented) Taylor rule or by a nonlinear rule ? », Journal of Financial Stability vol.7(4), p. 228-246. Ce papier montre, au travers de l’estimation de règles de Taylor entre 1999:1 et 2007:12, que la BCE a réagi significativement à l’inflation et à l’écart de production.

[5] Aux Etats-Unis, le mandat de la Réserve fédérale est défini par le Congrès qui exerce ensuite un droit de surveillance pouvant ainsi modifier ses statuts et son mandat.

[6] Au-delà de l’explicitation des objectifs en termes d’inflation ou de croissance, l’objectif fondamental de la banque centrale est de garantir la confiance en la monnaie.

[7] Cette question est en partie évoquée dans un post récent.