par Christophe Blot, Bruno Ducoudré, Eric Heyer et Raul Sampognaro
L’activité économique en Europe a donné des signes d’essoufflement qui se sont traduits par un ralentissement en 2018, amplifié en 2019. La croissance du PIB de la zone euro a progressé de 1,2 % au troisième trimestre 2019 en glissement annuel contre 1,6 % un an plus tôt et 3 % fin 2017. Les perspectives pour 2020 restent moroses et la croissance se maintiendrait à un rythme de 1,2 % tirée notamment vers le bas par le ralentissement allemand et la stagnation de l’Italie. Surtout, les risques sur le scénario de croissance restent principalement orientés à la baisse, ce qui pose la question de la capacité des autorités budgétaires à réagir pour amortir un choc négatif et empêcher une éventuelle récession dans un contexte qui reste marqué par un niveau des dettes publiques bien plus élevé qu’avant la Grande Récession de 2009.
Dans un Policy Brief récent, nous discutons l’évolution de la dette publique et déterminons quelle devrait être l’orientation des politiques budgétaires des pays de la zone euro permettant d’atteindre un objectif de 60% de dette publique par rapport au PIB en 2040. Nos analyses suggèrent qu’un assainissement budgétaire supplémentaire semble irréaliste dans certains pays (France, Italie, Espagne et Belgique), remettant en question la crédibilité de cet objectif. Certains pays – Allemagne en tête – bénéficient cependant de marges de manœuvre pour conduire une politique budgétaire plus expansionniste, ce qui permettrait non seulement d’amortir le choc négatif en cours mais aussi d’atténuer les besoins de consolidation devant être effectués par les autres pays. Il reste cependant que la convergence vers un ratio de dette publique de 60 % du PIB à l’horizon 2040 pour l’ensemble des pays se traduirait par une réduction de la croissance dans la zone euro, notamment dans les pays qui accusent déjà un retard de croissance, renforçant de fait l’hétérogénéité. Comme l’ont montré les précédents rapports iAGS et iASES. Ces simulations rappellent que l’orientation de la politique budgétaire en zone euro doit tenir compte des conséquences qu’elle génère en termes de croissance du PIB – et par conséquent d’emploi – et de la vitesse de réduction de la dette publique. Les autorités budgétaires n’échapperont pas à cet arbitrage entre des objectifs qui peuvent être concurrents.
Cet arbitrage se fait dans un contexte où les taux d’intérêts nominaux souverains s’établissent à des niveaux historiquement bas, même négatifs, dans nombreux pays de l’union monétaire. Ce scénario de taux bas semble être causé par des facteurs structurels (démographie, montée des inégalités, ralentissement du tendanciel de productivité) et pourrait être durable. Or, un niveau de taux plus bas facilite l’ajustement de la dette et donne de l’espace fiscal aux États. Nous illustrons cet effet en analysant l’impact (modéré) du taux d’intérêt sur l’exigence de consolidation budgétaire. Ainsi, l’ampleur des marges de manœuvre budgétaires dépendra fortement de la vitesse d’ajustement de la dette publique souhaitée et du niveau des taux d’intérêt.
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