par Mathieu Plane
La baisse spectaculaire des prix du pétrole depuis la mi-2014, passant d’un baril de brent à 112 dollars en juin 2014 (soit 82 euros) à 55 dollars (49 euros) en moyenne depuis le début de l’année 2015, a conduit à redéployer une partie de la manne pétrolière des pays producteurs de pétrole vers les pays consommateurs. Si cette réduction de 50 % des prix du pétrole en dollars (40 % en euros) améliore mécaniquement notre balance courante, en allégeant notre facture énergétique d’environ 20 milliards d’euros par an, il est instructif d’évaluer les gains pour les ménages et les entreprises issus de cette manne pétrolière.
Pour les ménages, il y a deux sources directes d’économies : la première est liée à la baisse des prix à la pompe, dont la partie non taxée diminue avec la baisse des prix du pétrole, aux marges des raffineurs près. La seconde est liée à la baisse des prix hors taxes du fioul domestique. Selon les données fournies par le ministère de l’Ecologie, du développement durable et de l’énergie sur les prix à la pompe et le fioul domestique, nous avons évalué que la baisse des prix du pétrole engendrerait un gain direct de pouvoir d’achat pour les ménages de 2,7 milliards en 2014 et 5,8 milliards en 2015[1] (graphique 1), soit 8,5 milliards sur deux ans, ce qui représente 0,6 % du revenu disponible brut annuel des ménages (0,4 point de PIB).
Pour les entreprises, la baisse des prix du pétrole conduit à diminuer leur coût d’approvisionnement en énergie. Plus l’intensité en pétrole dans la production est élevée, plus cela représente une économie substantielle pour le secteur concerné. Selon nos calculs, à partir du tableau des entrées intermédiaires par branche, nous avons évalué le gain direct pour les entreprises : la baisse des prix du pétrole conduirait à réduire le coût de production des entreprises de 3,2 milliards d’euros en 2014 et 6,3 milliards en 2015 (graphique 2), soit 9,5 milliards en deux ans, ce qui représente 0,45 point de PIB. Les secteurs qui bénéficient le plus de la baisse des prix du pétrole sont logiquement le transport, l’industrie et l’agriculture qui récupèrent deux tiers des gains liés à la baisse des prix du pétrole alors qu’ils ne représentent que 20 % de la valeur ajoutée totale.
Face à cette baisse des coûts, les entreprises ont la possibilité soit de redresser leur marge en ne répercutant pas la baisse des prix du pétrole dans leur prix de vente, ce que laisse suggérer l’évolution récente des taux de marge et les différences de dynamique entre les prix de valeur ajoutée et ceux de consommation, soit de réduire leur prix au prorata des économies générées par la baisse des prix du pétrole. Cette deuxième option conduirait à redéployer le gain final des entreprises vers les ménages, augmentant ainsi leur pouvoir d’achat via la baisse des prix à la consommation. Mais aussi, par un effet de second tour, cela réduirait le coût de production des entreprises utilisant des consommations intermédiaires de branche dont la production est intense en pétrole, comme le transport.
En fonction de l’utilisation de cette manne pétrolière par les entreprises, les effets sur l’économie seront différents. Dans le cas du redressement des marges, les effets d’offre l’emporteront avec un impact faible à court terme sur la croissance mais élevé à moyen-long terme par le biais de l’augmentation de l’investissement. Dans le cas inverse, les effets de demande domineront avec un impact sur la croissance élevé à court terme en raison de la forte augmentation de la consommation des ménages, mais avec des effets potentiellement plus faibles à long terme.
[1] Les simulations pour 2015 supposent un prix du baril maintenu à 50 dollars jusqu’à la fin de l’année.