par Eric Heyer
En septembre 2007, l’OFCE avait réalisé des simulations sur les conséquences macroéconomiques de la mise en place d’une TVA sociale à l’aide de son modèle macroéconomique emod.fr. Ces dernières avaient été commentées et publiées en annexe du rapport Besson sur le sujet. Près de 5 ans plus tard, le gouvernement a décidé d’instaurer une TVA sociale et nous avons avec Mathieu Plane et Xavier Timbeau procédé à une nouvelle salve de simulations à l’aide de ce même modèle dont les premiers résultats ont été présentés et commentés lors d’une journée d’étude sur le thème de la fiscalité qui s’est déroulée à Sciences Po Paris le 15 février dernier. Pourquoi avoir procédé à de nouvelles simulations et peut-on les comparer ?
1. Les mesures simulées sont différentes
Il existe de nombreuses différences entre la mesure simulée en 2007 et celle de 2012 :
a. Le choc n’est pas de même ampleur
En 2007, la mesure simulée était celle d’une hausse de 3,4 points du taux de TVA apparent, compensée par une baisse de cotisations employeurs de la même somme ex ante. La mesure proposée par le gouvernement en 2012 correspond à une hausse de 1,6 point de la TVA normal, ce qui correspond à une hausse de 1,1 point du taux apparent (10,6 milliards) et une augmentation de la CSG sur les revenus du capital de 8,2 % à 10,2 % pour un montant de 2,6 milliards d’euros. Ce supplément de recettes de 13,2 milliards permettra de financer la suppression des cotisations sociales patronales « famille ». Comparer les résultats nécessite au minimum de calibrer les chocs afin qu’ils soient de même ampleur. Notre modèle étant linéaire, une simple règle de trois permet alors de réévaluer l’impact de la mesure de 2007 et de la comparer à celle de 2012. Comme l’indique de tableau qui résume les résultats de ce recalibrage, les impacts sur l’emploi sont très proches entre les deux versions.
b. Le choc n’est pas de même nature
Contrairement aux simulations de 2007, outre le fait qu’il y ait une dose de CSG dans son financement, la réduction des allègements de charges proposée par le gouvernement en 2012 est non uniforme. Elle est particulièrement ciblée sur les entreprises ayant des employés rémunérés entre 1,5 et 2,1 SMIC, ce qui a des impacts sectoriels différents selon la structure des salaires ainsi que des effets sur le coût relatif du travail peu qualifié / qualifié. Ainsi, en le centrant sur des travailleurs qualifiés dont l’élasticité au coût du travail est plus faible, cela diminue l’effet escompté sur l’emploi d’une baisse du coût du travail. Cet effet serait également réduit par une éventuelle substitution d’emplois non qualifiés par des qualifiés plus productifs : si un tel effet est largement documenté dans la littérature économique, notre modèle macro économétrique ne permet pas en l’état de le prendre en compte. Un enrichissement de notre outil est en cours et permettra à terme d’affiner nos résultats.
2. Le modèle utilisé (emod.fr) évolue au gré des ré-estimations
Enfin il est nécessaire de rappeler que les modèles macroéconomiques intègrent un certain nombre de paramètres estimés, auxquels les résultats sont sensibles. C’est le cas, dans la simulation qui nous intéresse, des élasticités des exportations et des importations à leurs prix ainsi que de l’élasticité de substitution capital-travail. Or la valeur estimée de ces paramètres est mise à jour régulièrement de manière à coller au plus près de la réalité telle qu’elle ressort de la comptabilité nationale. C’est ainsi par exemple que l’élasticité des exportations à leurs prix a considérablement évolué au cours des dernières années passant de -0,57 à -0,31 entre la version du modèle utilisée en 2007 et celle de 2012, rendant toute baisse des prix relatifs moins créatrice d’activité donc d’emplois.
Dans le prochain numéro de la Revue de l’OFCE nous présenterons en détails l’ensemble des résultats de nos simulations. Nous indiquerons également l’incidence du changement de valeur des principales élasticités sur nos évaluations afin de permettre aux lecteurs d’appréhender au mieux nos révisions d’impacts.