par Guillaume Allègre et Xavier Timbeau
Dans une réponse au Capital au XXIe siècle, Odran Bonnet, Pierre-Henri Bono, Guillaume Chapelle et Etienne Wasmer (2014) tentent de montrer que la conclusion du livre en termes d’explosion des inégalités de patrimoine « n’est pas plausible ». Les auteurs pointent une incohérence dans la thèse de Thomas Piketty : le modèle d’accumulation du capital serait implicitement un modèle d’accumulation du capital productif, ce qui serait incohérent avec le choix d’inclure le capital immobilier à sa valeur de marché dans la mesure du capital. Correctement évalué, le ratio capital sur revenu serait resté stable en France, en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et au Canada, ce qui contredirait la thèse de l’ouvrage de Thomas Piketty.
Nous répondons, dans la Note de l’OFCE n°42, 25 juin 2014 (« Welcome to Nouillorc : Le capital-logement ne contribue-t-il vraiment pas aux inégalités? »), que les auteurs minimisent la contribution du logement aux inégalités. En particulier, nous ne pensons pas que l’évolution des prix de l’immobilier ait des « effets de second ordre (effets redistributifs réels) et atténués ». Comme souvent, le désaccord s’explique en partie par une absence de consensus sur ce qui compte vraiment en matière d’inégalités : les inégalités de patrimoine ? De revenus ? De consommation ? Ou encore la dynamique potentiellement divergente de ces inégalités ? Le désaccord s’explique aussi par le type de modèle utilisé. Les auteurs utilisent un modèle dynastique dans lequel les biens immobiliers sont transmis de parents à enfants puis aux petits-enfants. Dans ce modèle, les variations de prix de l’immobilier n’ont pas d’effet réel. Ce modèle n’est pas pertinent pour rendre compte des inégalités engendrées par l’immobilier dans une société où les personnes sont mobiles et ont des projets de vie différents de ceux de leurs parents.
La bulle immobilière risque d’entretenir une dynamique inégalitaire. La propriété dans les métropoles devient en effet de plus en plus un club fermé pour aisés, ce qui partitionne les jeunes entre ceux dotés en capital social, éducatif ou financier, et qui peuvent accéder à la propriété et ceux qui ne peuvent que louer, ou déménager vers des territoires moins dynamiques, avec la conséquence de réduire encore plus leur accès aux différents types de capital. Ne vaudrait-il pas mieux construire suffisamment pour que chacun trouve à se loger à un prix en lien avec les aménités offertes ? Comment penser que la seconde situation n’est pas plus égalitaire que la première ?
Pour en savoir plus : Allègre, G. et X. Timbeau, 2014 : « Welcome to Nouillorc : Le capital-logement ne contribue-t-il vraiment pas aux inégalités ? », Note de l’OFCE, n°42 du 25 juin 2014.