par Céline Antonin et Sandrine Levasseur
Le 1er juillet 2013, 10 ans après avoir déposé sa demande d’adhésion à l’Union européenne, la Croatie deviendra officiellement le 28e Etat membre de l’UE, et le deuxième pays de l’ex-Yougoslavie à intégrer l’Union. Etant donné la taille du pays (0,33 % du PIB de l’UE-28) et le consensus politique autour de l’adhésion, l’entrée de la Croatie devrait passer relativement inaperçue. Pour autant, cette entrée n’est pas sans enjeux. En effet, à l’heure où l’Union européenne traverse la pire crise de son histoire, on peut légitimement s’interroger sur l’opportunité d’intégrer prématurément la Croatie, alors même que le pays traverse sa cinquième année de récession. La dernière Note de l’OFCE (n°27, 26 juin 2013) revient sur deux des principales faiblesses du pays : d’une part, son manque de compétitivité, et d’autre part, son niveau de corruption encore beaucoup trop élevé pour lui garantir une croissance soutenue et durable.
Forte de 4,3 millions d’habitants, la Croatie a d’abord connu une période de forte croissance économique jusqu’en 2008, fondée sur le dynamisme de son tourisme et une consommation des ménages largement financée à crédit grâce aux capitaux étrangers. La crise a révélé, une fois de plus, les limites de ce modèle de développement et mis en lumière les faiblesses structurelles du pays : une très forte dépendance à l’égard des capitaux étrangers, la vulnérabilité d’un régime de changes (quasi) fixes, un environnement peu propice à l’investissement ou l’ampleur de l’évasion fiscale.
Même si les négociations ont eu le mérite d’aborder certains problèmes, d’autres restent encore irrésolus. Ainsi, en matière économique, l’ouverture du marché intérieur à la concurrence demeure insuffisante et le pays souffre d’un défaut de compétitivité important. Au niveau juridique, les progrès réalisés dans la lutte contre la corruption, l’évasion fiscale ou l’économie souterraine sont très insuffisants, ce qui prive le pays des bases d’une croissance robuste. Après la Roumanie et la Bulgarie, l’entrée de la Croatie risque malheureusement d’entériner l’idée que juguler la corruption n’est pas une condition sine qua non pour entrer dans l’UE. Au regard des crises institutionnelles répétées que vit l’Union européenne depuis 2009 et de l’euroscepticisme ambiant, il est aujourd’hui urgent de se fixer comme tâche prioritaire l’approfondissement plutôt que l’élargissement.