par Marion Cochard
BNP Paribas, Areva, Peugeot-Citroën, … alors que le marché du travail porte encore les stigmates de la crise économique et financière de 2008-2009, une série d’annonces de plans sociaux a repris depuis l’automne. Si ces plans ne sont que la partie émergée de l’iceberg, les chiffres du chômage pour le troisième trimestre confirment que la détente observée en 2010 n’aura été qu’une accalmie passagère. Cette estimation fait état d’une hausse de 37 000 chômeurs sur le trimestre ; ainsi le taux de chômage remonte à 9,3% de la population contre 9,1% au deuxième trimestre.
Ces chiffres s’inscrivent dans la suite logique des indicateurs qui alimentent, depuis la mi-2011, le scénario d’une nouvelle rechute du marché du travail. Depuis avril 2011, on a assisté d’abord à un retournement de l’intérim, dont la forte baisse au troisième trimestre est préoccupante si l’on voit dans l’emploi intérimaire un indicateur avancé de l’évolution de l’emploi marchand. Par ailleurs, après 4 mois de baisse, le chiffre des demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM) en catégories A enregistrés à Pôle emploi a de nouveau bondi de 145 800 personnes entre avril et octobre 2011. Au final, tous les indicateurs vont dans le sens de ce que nous inscrivions dans notre précédente prévision, à savoir une reprise du mouvement de hausse du chômage, au moins jusqu’à la fin 2012 (cf. Tableau). Car à cet horizon au moins, tous les facteurs se conjugueront pour venir alimenter la masse des chômeurs.
En cause en premier lieu, bien sûr, le ralentissement de l’activité économique, qui se traduira nécessairement par de nouvelles destructions d’emplois, dans des entreprises qui demeurent très affaiblies par la récession passée. Si les chiffres du troisième trimestre ont montré une résistance de l’activité (avec une croissance du PIB de 0,4%), les enquêtes actuelles ne prêtent guère à l’optimisme pour les trimestres à venir. Mais au-delà de ce contexte économique morose, la politique économique a joué un rôle majeur dans l’évolution du chômage, comme en atteste l’explosion du chômage des seniors. Car la reprise des destructions d’emplois est d’autant plus douloureuse qu’elle intervient dans un contexte de population active dynamique. Outre la croissance démographique, c’est surtout la suppression des dispositifs de retraits d’activité anticipés des seniors et l’impact de la réforme des retraites entrée en application en juillet 2011 qui sont la cause de la hausse du chômage. Ces réformes impliquent une forte hausse de l’activité des seniors. Elles expliquent en partie la hausse du chômage enregistrée ce trimestre, et viendront encore gonfler la population active de 130 000 personnes en 2011 et 120 000 en 2012. Les seniors en sont les premières victimes : le nombre de demandeurs d’emplois de plus de 50 ans a augmenté de 70 % au cours des 3 dernières années, contre 35 % pour l’ensemble de la population. Après une année de répit, la situation du marché du travail aborde donc une nouvelle phase critique qui se traduira progressivement par une reprise du chômage de longue durée et son lot de conséquences sociales à mesure que les chômeurs perdront leurs droits à indemnisation. Et cet enlisement s’annonce durable dans la mesure où les efforts de consolidation budgétaire s’inscrivent dans le moyen terme et où la hausse de l’activité des seniors perdurera au moins jusqu’en 2017.
Pour faire face à la reprise du chômage, le gouvernement dispose aujourd’hui de deux leviers principaux : l’extension du chômage partiel et la réactivation du traitement social du chômage. L’assouplissement des règles du chômage partiel semble d’ores et déjà sur les rails. Mais cela ne saurait suffire puisque le dispositif concerne le secteur de l’industrie à 90% et profite essentiellement aux emplois stables. Or, ce sont précisément les emplois d’intérimaires et les CDD qui se trouvent aux premières loges de ce retournement conjoncturel. Reste donc la possibilité d’un recours accru aux emplois aidés dans le secteur marchand, pour faire face au risque d’éloignement du marché du travail de certaines catégories de la population. Mais le gouvernement semble pour l’instant écarter cette option. Car si dans la première phase de la crise – entre 2008 et 2010 –, le nombre de contrats aidés dans le secteur non marchand a augmenté d’un peu plus de 80 000, celui de l’année 2011 se situe à ce jour bien en-deçà de l’objectif de stabilité affiché par le gouvernement, et cela devrait perdurer en 2012. Ainsi la politique de l’emploi a plutôt amplifié la hausse du chômage en 2011. En effet, les rallonges budgétaires successives votées dans le courant de l’année 2011 ne devraient pas être maintenues dans un contexte de resserrement de la politique budgétaire, et les destructions de contrats aidés viendraient donc s’ajouter à la baisse de l’emploi marchand. Dans ce contexte, l’expérimentation en 2012 de nouveaux contrats aidés de 7h par semaine – soit 3 fois moins que les contrats actuels – pourrait cependant annoncer la direction qu’est tenté de prendre le gouvernement : des contrats très faiblement rémunérés, dont l’efficacité en matière d’insertion sera probablement extrêmement réduite, mais dont le coût sera divisé par 3. La généralisation de ce type de contrats permettrait donc, à budget constant, de limiter sensiblement la hausse du chômage. Quoi qu’il en soit, l’expérimentation de ce type d’emplois aidés devrait être limitée à 10 000 contrats en 2012 : en l’absence d’annonces du gouvernement, nous tablons à l’heure actuelle sur une baisse du nombre de contrats aidés à cet horizon. Le taux de chômage atteindrait ainsi 10,5 % de la population active fin 2012.