par Mathieu Plane
Le plan de rigueur français annoncé pour 2012, tel qu’il apparaît pour partie de façon implicite à travers l’objectif de croissance de la dépense publique dans le projet de loi de finances, est de 33 milliards d’euros, soit 1,6 point de PIB. Il devrait amputer d’autant la croissance française.
Après avoir révisé sa prévision de croissance de 1,75 % en 2012, hypothèse retenue dans le PLF 2012, à 1% désormais, le gouvernement n’avait d’autre choix que de renforcer sa politique d’austérité s’il voulait garder le cap sur un déficit public à 4,5 % du PIB pour 2012. Pour compenser la révision de croissance générant environ 7 milliards d’euros de manque à gagner fiscal pour 2012, le gouvernement a annoncé un nouveau plan de rigueur de 7 milliards d’euros pour 2012, avec une montée en charge à 17,4 milliards en 2017.
Cette démarche suppose que ce nouveau plan de rigueur n’affectera pas la croissance, le 1 % prévu n’étant pas révisé à la baisse en raison du durcissement de l’austérité. Cette hypothèse d’un multiplicateur budgétaire à 0 est loin des évaluations empiriques actuelles (voir le billet d’Eric Heyer sur blog OFCE et celui de Xavier Timbeau). Avec un multiplicateur budgétaire à 1 à court terme, les mesures d’austérité annoncées devraient se traduire par une réduction du PIB de 0,35 %, ramenant ainsi la croissance prévue à 0,7 %. En raison de cette moindre activité, le déficit public ne se réduirait que de 0,17 % du PIB. Donc pour réduire le déficit public ex post de 0,35 % du PIB, comme l’envisage le gouvernement, il faudrait réaliser 14 milliards d’euros de rigueur, ce qui, par le jeu du multiplicateur budgétaire, ramènerait la croissance à 0,3 % pour 2012.
Par ailleurs, au regard des différents éléments fournis par le gouvernement pour 2012 (taux de croissance du PIB potentiel et du PIB effectif, charges d’intérêts, déficit public, …), il faudrait que le déficit public structurel primaire de la France diminue de 33 milliards d’euros en 2012 (1,6 point de PIB) afin de compenser la hausse des charges d’intérêt (4 milliards) et le creusement du déficit conjoncturel (7 milliards) (tableau).
Or, pour 2012, le PLF prévoit des mesures d’économies pour 10,4 milliards d’euros, auxquels doivent s’ajouter 2 milliards d’euros décidés dans le cadre du PLF 2011. Si l’on ajoute les 7 milliards d’euros annoncés le 7 novembre, le plan de restriction budgétaire atteint 19,4 milliards d’euros pour 2012. Sur ces 19,4 milliards d’euros d’effort structurel, 16,7 sont des mesures portant sur des recettes nouvelles (notamment la réduction des niches fiscales qui représente environ 9 milliards) et 2,7 sur des dépenses moindres (dont 1,5 sont réalisées sur les dépenses de l’Etat). Pour atteindre 33 milliards d’économies, il faut donc comptablement 14 milliards d’euros de mesures structurelles supplémentaires. Celles-ci sont en partie contenues dans le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux (0,5 milliard), les économies sur les dépenses de santé dans le PLFSS 2012 (2,2 milliards) et la montée en charge de la réforme des retraites de 2010 (environ 4 milliards). Plus généralement, celles-ci sont comprises dans l’objectif drastique de tassement de la croissance de la dépense publique primaire contenu dans le PLF pour 2012. En revanche, l’incertitude est grande quant à la décomposition précise de ces 14 milliards d’économies structurelles du côté de la dépense et la possibilité de les réaliser. Au final, le plan de rigueur annoncé pour 2012, qui cumule l’ensemble des mesures d’économies annoncées ou affichées implicitement à travers l’objectif de croissance de la dépense publique dans le PLF, est bien de 33 milliards d’euros et se répartit de façon égale entre dépenses publiques et prélèvements obligatoires.
L’ensemble des mesures de restriction annoncées en France pour 2012 diminuerait l’activité de 1,6[1] point de PIB. Les mesures d’austérité de nos partenaires commerciaux amputeraient la croissance française de 0,8 point via le canal des exportations en raison de la moindre demande adressée. Avec un PIB diminué au total de 2,4 points de PIB en raison des plans de restriction budgétaire, une croissance prévue à 1 % par le gouvernement en 2012 suppose implicitement que la croissance spontanée de l’économie française soit très dynamique (3,4 %).
[1] Calcul réalisé en prenant un multiplicateur budgétaire interne de 1 à court terme.