Les marchés financiers prédisent-ils les récessions ?

par Giovanni Ricco

Les acteurs des marchés financiers,
collectivement, possèdent-ils une sagesse particulière quant au moment où les
économies risquent de tomber en récession ? Nous avons examiné cette question
dans un article préparé pour la conférence à la Brookings Institution[1]. Nos
résultats suggèrent que la réponse est : « probablement pas ». En fait,
les variables financières ont un pouvoir prédictif très limité pour les
récessions.



Après la Grande Récession, et encore une fois avec la crise de la COVID-19,
il y a eu un intérêt croissant pour comprendre la relation entre l’accumulation
de fragilité financière et le cycle économique. N’ayant pas réussi à prédire les
krachs, la profession économique a essayé de comprendre ce qui manquait dans
les modèles macroéconomiques et économétriques standards et quels étaient les
principaux indicateurs de stress sur les marchés financiers qui peuvent aider à
prévoir les crises et à identifier l’accumulation de risques macroéconomiques.

En fait, dans une contribution très importante, Adrian et al. (2018) ont proposé l’évaluation de la distribution
prédictive du PIB pour définir le concept de croissance à risque, défini comme la valeur de la croissance du PIB
au cinquième centile inférieur de la répartition de la croissance prévue, conditionnée
à un indice de stress financier[2].  Ce concept a été adopté par de nombreuses institutions
dans plusieurs pays pour surveiller les risques (voir, par exemple, Prasad et al., 2019, pour une description de
l’utilisation de cette méthode au FMI).

Clairement, les marchés financiers et l’économie réelle (la production de
biens et de services) interagissent. Leurs mouvements sont fortement corrélés
et les indicateurs financiers peuvent, bien entendu, fournir des informations
utiles sur les conditions économiques actuelles. Ils reflètent également les
attentes des acteurs du marché quant à la direction de l’économie réelle.

La question spécifique que nous avons examinée dans notre document de
travail « When is
Growth at Risk ?
 » (Quand la croissance est-elle menacée ?),
un article préparé pour la conférence à la Brookings Institution, est de savoir
si les indicateurs financiers fournissent un pouvoir prédictif supplémentaire, en
plus des indicateurs de l’économie réelle tels que les enquêtes auprès des
directeurs d’achat des entreprises. Si oui, la sagesse des marchés pourrait
être exploitée par les décideurs pour anticiper et se préparer à une crise
macroéconomique.

L’article évalue empiriquement la relation potentiellement non linéaire
entre les indicateurs financiers et la distribution de la croissance future du PIB,
à la fois à très court terme (un trimestre) et à moyen terme (quatre
trimestres), en utilisant un riche ensemble de variables macroéconomiques et
financières couvrant 13 économies avancées. Tout d’abord, nous évaluons les
performances hors échantillon, y compris un exercice en temps réel basé sur un
modèle non paramétrique flexible. Ensuite, nous utilisons un modèle
paramétrique pour estimer les moments de la distribution du PIB conditionnel à
des variables financières et pour évaluer leur l’incertitude d’estimation dans
l’échantillon.

Notre conclusion générale est pessimiste : les moments autres que la
moyenne conditionnelle sont mal estimés et aucun des prédicteurs que nous
considérons ne fournit un avertissement avancé, robustes et précis des risques
extrêmes ou toute autre caractéristique de la distribution de la croissance du
PIB autre que la moyenne. En particulier, les variables financières contribuent
peu à de telles prévisions distributionnelles, au-delà des informations
contenues dans les indicateurs macroéconomiques.

À titre d’exemple, la figure ci-dessus montre un exercice au cours des
premiers mois de la crise de la COVID-19 pour les États-Unis. Nous
conditionnons nos prédictions sur les informations financières disponibles à trois
dates différentes : les premiers jours ouvrés de février, mars et avril 2020. À
ce moment-là, aucun des indicateurs de cycle relatifs à la période de blocage
étaient disponibles jusqu’à fin avril. Cependant, les reportages et les
discussions politiques sur le virus étaient endémiques à partir de janvier
2020, et cette information aurait pu potentiellement être reflétée dans le prix
des actifs financiers, les enquêtes auprès des entreprises et des
consommateurs, etc.

Les graphes montrent que le modèle avec informations financières (à droite) commence à signaler la probabilité d’une récession en avril, tandis que le modèle contenant uniquement des informations macroéconomiques (à gauche) ne rend pas compte de la détérioration des conditions macroéconomiques. Pendant que les indicateurs macroéconomiques tardent à arriver, les variables financières ne sont qu’un peu plus rapides et en fait n’ont commencé à clignoter que fin février, quelques jours à peine avant que des mesures politiques dramatiques ne soient introduites dans plusieurs États américains.

La leçon que nous tirons de nos résultats est que les marchés financiers n’anticipent pas les récessions et ils évaluent le risque seulement une fois qu’ils le voient. Cet aveuglement suggère que les informations relatives à la trajectoire à court terme de l’économie sont rapidement accessibles à tous, mais des événements rares, tels que les récessions, sont fondamentalement imprévisibles ou en tout cas, imprévus.

Le message adressé aux décideurs politiques et aux prévisionnistes
économiques des banques centrales et d’ailleurs est qu’ils ne peuvent pas
utiliser mécaniquement les indicateurs financiers pour fournir un signe
d’alerte précoce et fiable d’une récession. Les décideurs devraient toujours
prêter attention aux variables financières, même si elles offrent
malheureusement peu de pouvoir prédictif de risque de récession – et ils
devraient chercher à limiter l’accumulation de fragilités financières puisque
ces fragilités amplifient probablement les dommages causés à l’économie réelle
une fois que les récessions se produisent.


[1] Hasenzagl, Thomas, Mikkel Plagborg-Møller, Lucrezia Reichlin et
Giovanni Ricco, 2020, « When is Growth at Risk?  », Brookings Papers on
Economic Activity
, printemps.

[2] Adrian Tobias, Nina Boyarchenko et Domenico Giannone, 2019, « Vulnerable Growth », American Economic Review, vol. 109,
n° 4, pp. 1263-89.




Une histoire du désajustement franco-allemand (1995-2011)

Par Hadrien Camatte et Guillaume Daudin

Les
salaires par employé des secteurs « abrités » ont progressé beaucoup
plus rapidement en France qu’en Allemagne entre 1993 et 2012 (+47
 % en cumulé en France, +12 % en Allemagne). Selon X. Ragot et M. Le
Moigne, cette modération salariale des secteurs abrités en Allemagne serait
responsable de la moitié de l’écart de performances à l’exportation entre les
deux pays (28 points d’écarts en 2011, en prenant 1995 comme base).  



Grâce
à une approche capturant les chaînes de valeurs (modèle PIWIM) et en suivant
les hypothèses
utilisées
par X. Ragot et M. Le Moigne
, nous
estimons que l’écart de dynamique des salaires abrités entre la France et
l’Allemagne entre 1996 et 2011 explique 40 % de l’écart de performance à
l’exportation entre les deux pays (avec l’élasticité-prix des exportations
σ = 3). Ce résultat est un peu inférieur à celui
obtenu par X. Ragot et M. Le Moigne (50
 % du
total de l’écart) sur un horizon un peu plus étendu (1993-2012 pour X. Ragot /
M. Le Moigne) et sur des données agrégées.

Compte
tenu de la forte incertitude autour de l’élasticité-prix des exportations, nous
réalisons deux variantes : la première en retenant
σ = 2 (test de robustesse de X. Ragot et
M. Le Moigne) et σ = 1,3
correspondant
au coefficient de compétitivité-prix de long-terme du modèle
FR-BDF de la Banque de France. Dans le premier cas,
l’écart de dynamique des salaires abrités entre la France et l’Allemagne entre
1995 et 2011 explique près de 30% de l’écart de performance à l’exportation
entre les deux pays, tandis que l’effet obtenu est de 18 % en utilisant
FR-BDF. Ces résultats sont de nature à confirmer l’importance de la dynamique
des salaires abrités dans la performance du secteur exposé en France vis-à-vis
de l’Allemagne, ce qui a pu conduire à une baisse de son taux de marge ou de
ses performances à l’exportation.

* * *

Dans l’article « France et Allemagne : une histoire du
désajustement européen 
»
(2015, Revue de l’OFCE), X. Ragot et
M. Le Moigne étudient les raisons de la divergence économique entre la France
et l’Allemagne depuis le milieu des années 1990. Selon eux, la modération
salariale allemande dans les secteurs abrités[1]
serait responsable de la moitié de l’écart de performances à l’exportation entre
les deux pays et expliquerait environ 2 points de pourcentages – pp – du
taux de chômage français. « Le problème de l’offre en France est
essentiellement le résultat du désajustement européen. » écrivent les deux
auteurs. Certains travaux de recherche soutiennent cette thèse : à la
Banque de France, J. Carluccio[2]
a montré par exemple que les différences constatées au niveau des prix
immobiliers peuvent expliquer jusqu’à 70 % de l’écart de croissance des
salaires entre les deux pays entre 1996 et 2012. En revanche, d’autres travaux[3]
nuancent le rôle de la hausse des coûts du travail spécifique aux services dans
les pertes de parts de marché françaises à l’exportation. Selon V. Vicard et L.
Le Saux, les contributions significatives des services abrités aux exportations
manufacturières ne sont issues que de quelques secteurs des services, dont les
coûts unitaires du travail évoluent à un rythme proche de celui observé dans le
secteur manufacturier.

Cette note propose d’explorer
cette question en mobilisant le modèle PIWIM (Push-cost Inflation through
World Input-output Matrices
), qui permet une approche sectorielle prenant
en compte l’évolution des chaînes de valeur mondiales.

1 – Un état
des lieux : les salaires abrités français ont progressé nettement plus
vite que les salaires exposés allemands entre 1995 et 2011

La progression des salaires
abrités par tête a été beaucoup plus rapide en France qu’en Allemagne entre
1995 et 2011
(+47 %
en cumulé en France, +12 % en Allemagne soit quatre fois plus, voir graphique
1). Cet écart est beaucoup plus faible entre les salaires exposés français et
allemands : entre 1995 et 2011, ils ont augmenté en cumulé de 61 % en
France par rapport à 32 % en Allemagne, soit « seulement » deux
fois plus (voir graphique 2). L’utilisation des rémunérations par tête plutôt
que les salaires par tête ne change pas le diagnostic, même si l’écart est légèrement
plus creusé entre la France et l’Allemagne dans le secteur exposé (annexes 1).

      Bien que les salaires par tête aient progressé plus fortement en France qu’en Allemagne dans l’ensemble des secteurs abrités, il existe toutefois une grande hétérogénéité entre les secteurs (voir graphique 3 et graphiques en annexes 2). Par exemple, les salaires par tête ont progressé de 84 % dans les activités immobilières en France entre 1995 et 2011, tandis qu’ils ont baissé de 2 % en Allemagne sur cette période. En revanche, l’écart de progression des salaires par tête des services administratifs et de soutien n’a été que de 10 points entre la France et l’Allemagne sur la période, soit 20 points de moins que la moyenne des secteurs abrités. Ce point est central pour tenir compte de la critique de V. Vicard et L. Le Saux, dans la mesure où il s’agit du secteur abrité qui fournit le plus d’intrants au secteur exposé (annexes 2). Aussi, nous pondérons les secteurs abrités par rapport la production exportée pour tenir compte de cette critique.

2 – Méthode :
Que ce serait-il passé si les salaires abrités français avaient évolué comme
les salaires abrités allemands ?

Notre stratégie consiste à bâtir un
scénario contrefactuel de manière séquentielle :

  • Nous construisons un scénario contrefactuel de prix de production abrités, en supposant que les salaires de chaque secteur abrité français (par tête) ont évolué comme les salaires des secteurs équivalents allemands (par tête). Le passage des salaires au prix de production se fait sous l’hypothèse que l’excédent brut d’exploitation est constant. Nous utilisons les données de salaires et d’emploi d’Eurostat pour calculer des salaires par tête pour chaque secteur abrité de la base TiVA de l’OCDE pour la France et pour l’Allemagne.
  • Nous construisons un scénario contrefactuel de prix d’exportation, en calculant l’évolution des prix d’exports français si les salaires abrités français avaient évolué au même rythme que les salaires abrités allemands. Le modèle PIWIM utilisé avec la base de données TiVA nous permet d’obtenir le rôle des prix de production des secteurs abrités dans le total des prix d’exportation, pour la France et l’Allemagne entre 1995 et 2011. Pour mémoire, le modèle PIWIM utilise les tableaux d’entrées/sorties au niveau mondial des bases TiVA (OCDE) et WIOD (Commission européenne). Pour chaque année, il permet de calculer la sensibilité des prix des exportations aux salaires des secteurs abrités. La base TiVA (version 2016) est retenue car elle commence en 1995 (vs. 2000 pour WIOD)
  • À partir du scénario contrefactuel de prix
    d’exportation, nous en déduisons des performances à l’exportation
    contrefactuelles.
    Il
    n’est malheureusement pas possible d’utiliser PIWIM pour cette étape et de
    raisonner en équilibre général, dans la mesure où il s’agit d’un modèle
    purement comptable. L’hypothèse relative à l’élasticité-prix est fondamentale,
    dans la mesure où il existe une forte incertitude des estimations empiriques de
    la littérature : si la plupart des estimations macroéconomiques font état
    d’une élasticité proche de l’unité pour la France, d’autres peuvent aller jusqu’à
    6 (Broda
    et Weinstein[4],
    2006). Comme l’hypothèse de
    cette élasticité conditionne les résultats du contrefactuel de performances à
    l’exportation, nous choisissons d’utiliser σ = 3, σ = 2 et σ = 1,3. Les deux
    premières élasticités sont celles utilisées par X. Ragot et M. Le Moigne, 3
    étant considérée comme une valeur moyenne et 2 étant utilisée comme test de
    robustesse. Nous ajoutons à ces deux élasticités un scénario avec le
    coefficient de long-terme de la compétitivité-prix dans FR-BDF (1,3), le modèle
    de prévision utilisé à la Banque de France.

3 – Résultats

D’après le modèle PIWIM, si
les salaires abrités français avaient évolué comme les salaires abrités allemands,
toutes choses égales par ailleurs, les prix d’exports français totaux auraient
été inférieurs de 3,9 pp par rapport à leur progression réelle (graphique 4).

Sur cette période, l’écart de
performances à l’exportation (exportations en volume / demande mondiale) entre
la France et l’Allemagne s’élève à 28 points (graphique 5).

  1. En
    utilisant l’élasticité de de la compétitivité-prix σ = 3
    à l’évolution contrefactuelle des prix
    d’exportations (-3,9 pp), nous obtenons un effet de l’écart de dynamique des
    salaires abrités de l’ordre de 12 points, soit un peu plus de 40 % du
    total de l’écart ;
  2. En
    utilisant l’élasticité de de la compétitivité-prix σ = 2
    correspondant au test de robustesse de X.
    Ragot et M. Le Moigne, nous obtenons un effet de l’écart de dynamique des
    salaires abrités de l’ordre de 8 points, soit près de 30 % du total de
    l’écart ;
  3. En
    utilisant l’élasticité de de la compétitivité-prix σ = 1,3
    correspondant à l’élasticité-prix de
    long-terme de la compétitivité-prix de l’équation des exportations du modèle FR-BDF
    de la Banque de France à l’évolution contrefactuelle des prix d’exportations (-3,9
    pp), nous obtenons un effet de l’écart de dynamique des salaires abrités de
    l’ordre de de 18% du total de l’écart.

À élasticité-prix identique,
notre résultat (40 % de l’écart) est un peu inférieur à celui trouvé par
X. Ragot et M. Le Moigne (50%) sur un horizon toutefois un peu plus large
(1993-2012 vs. 1996-2011 pour cette étude). L’utilisation de données
désagrégées, avec une meilleure prise en compte de l’évolution des salaires
abrités de chaque service de soutien est également susceptible d’expliquer une
partie de l’écart. Il est également cohérent avec les résultats obtenus par R.
Cézar et F. Cartellier (« Compétitivité prix et hors-prix : leçons des chaînes
de valeur mondiales
 »,
Bulletin de la Banque de France,
224/2, juillet-août 2019), qui trouvent qu’en France, l’essentiel de la hausse
du coût unitaire du travail corrigé de l’insertion dans les chaînes de valeur
mondiales provient des secteurs de services, surtout abrités, alors que cet
effet est faible en Allemagne. Malgré la prise en compte de la critique de V.
Vicart / L. Le Saux et quelle que soit l’élasticité-prix retenue, ces
simulations confortent l’importance de la dynamique des salaires abrités dans
les divergences de performances à l’exportation de la France et de l’Allemagne. 

* Les prix à l’exportation français et allemands ont évolué à un rythme très proche depuis 1995, alors que les exportations en volume ont progressé beaucoup plus vite en Allemagne qu’en France. Dans un modèle d’offre et de demande, cela suggère que l’Allemagne a bénéficié d’un choc d’offre positif lié à la modération des prix des intrants.

Annexe 1 : Salaire et rémunération par employé


Annexe 2 : Importance
comparée des secteurs abrités en France et en Allemagne

Poids dans la production des secteurs abrités 

La part des différents secteurs abrités dans la production abritée est assez proche en France et en Allemagne.

Poids des consommations intermédiaires
issues des secteurs abrités dans la production des secteurs exposés

Les branches commerces, réparation d’automobiles et activités de services administratifs et de soutien sont les deux branches des secteurs abrités qui fournissent le plus d’intrants au secteur exposé.

Annexe 3 : Salaire par tête dans les secteurs abrités entre 1995 et 2011

Annexe 4 : Taux de marge net
par industrie (EBE et revenu mixte net/Valeur ajoutée)

Une critique assez usuelle consiste à dire que la fixation des prix d’exportations est réalisée par la concurrence et que l’ajustement est réalisé par les marges des exportateurs et in fine par l’innovation, l’investissement et la compétitivité hors prix. Si le taux de marge net des secteurs abrités a évolué de manière assez concomitante en France et en Allemagne entre 1995 et 2011 (cf. G A), celui-ci a connu des dynamiques très différentes dans le secteur exposé depuis le début des années 2000 : il a augmenté en Allemagne, malgré une forte chute observée pendant la crise de 2009, alors qu’il a baissé de façon quasi ininterrompue en France sur cette période (cf. G B).  

[1] Le
secteur abrité rassemble l’ensemble des biens non-exportables : la
construction, le commerce de gros et de détail, le transport, l’hébergement et
la restauration, les services immobiliers, les autres services, notamment les
services principalement non-marchands.

[2] Cf. Carluccio J., 2014, « L’impact
de l’évolution des prix immobiliers sur les coûts salariaux : comparaison
France-Allemagne 
», Bulletin de la
Banque de France
, n°196, 2e trimestre.

[3] Cf. Vicard V. & Le Saux L., 2014, « Les coûts du travail des
services domestiques incorporés aux exportations pèsent-ils sur la
compétitivité-coût ?, » Bulletin de
la Banque de France
, Banque de France, n° 197, pages 55-65.

[4] Broda
C. et Weinstein D., 2006, « Globalization and the Gains from Variety », The Quarterly Journal of Economics,
121(2) 541–585.




Central bank asset purchases: Inflation targeting or spread targeting?

by Christophe Blot, Jérôme Creel, and Paul Hubert

Five years after the
ECB launched its asset purchase programme (APP), the Covid-19 crisis has put
the ECB again at the center of euro area attention, with a new extension of APP
and with the creation of the Pandemic Emergency Purchase Programme (PEPP). The simultaneity between
APP’s extension and PEPP – they were decided within a two-week interval – could
be interpreted as arising from the pursuit of the same objective. This
interpretation may be misleading though and may bias the respective appraisal of
these policies.



The APP arrived at a
moment when the euro area was facing strong deflationary risks whereas the PEPP
was implemented when the inflation outlook was unclear (because the Covid-19
crisis is a mix of a supply, demand and uncertainty shocks) but fragmentation
risks were on the upside. Sovereign risks and increasing spreads could impair
the transmission of monetary policy across euro area countries. The declared
will by ECB officials to tackle the fragmentation of the euro area and the (temporary)
removal of the self-imposed limits on asset purchases suggest that the ECB sets
a sort of a “spread targeting” objective to the PEPP. We develop this argument
in a recent Monetary Dialogue Paper for the ECON committee of the
European Parliament. From the point of view of this “spread targeting”
objective, the PEPP is successful with both the level and volatility of
sovereign spreads at low levels (figure 1).

This outcome was
obtained without a full utilisation of the potential resources of the PEPP. The
weekly flow of purchases is even decreasing since July (figure 2). This
suggests that the signaling effect of the PEPP has been strong and credible in
taming sovereign stress. It also suggests that the ECB is not short of
ammunitions if the crisis persists or intensifies. The outcome of the PEPP was
also achieved without deviating much from the ECB capital key (figure 3),
except for France (for which the ECB capital share exceeds bond purchases) and
Italy (for which bond purchases exceed the share at the ECB capital exceeds).

The ruling of the
German Federal Constitutional Court last May has revived discussions on the
adequacy of asset purchases by the ECB.[1]
Discussions have
opposed those who think that the ECB has had “disproportionate” economic policy
effects (on public debts, personal savings and the keeping afloat of
economically unviable companies) and those who think that the distinction
between the “monetary policy objective” and “the economic policy effects
arising from the programme” is misleading. The reason is that this distinction
seems to imply that achieving the objective of the ECB – inflation at the 2%
target – can be achieved without interactions with other macroeconomic and
financial variables, which is nonsense. Moreover, this distinction gives too
much weight to the price stability objective during a real economic crisis at
the expense of all the secondary objectives that the Treaty on the Functioning
of the EU imposes to the ECB.

Finally, the success or
failure of a given policy must be assessed according to its objective(s). In
that respect, the PEPP, under the assumption that it aimed at reducing
sovereign spreads to avoid the fragmentation of the euro area, has been
effective. Although it may depart from the ECB mandate that does not explicitly
mention the reduction of sovereign spreads as a monetary policy objective, PEPP
has improved the transmission of monetary policy. In a situation where the
pandemic crisis requires a fiscal stimulus more than a fiscal consolidation and
where a rise in inflation or in real GDP is very unlikely, the accommodative
ECB monetary policy has been undeniably relevant to ensure public debt
sustainability in Europe and to remove the risk of a break-up of the euro area.


[1] It also revived discussions on the ability of the Bundesbank to
continue to be involved in unconventional monetary operations. At the end of
June 2020, the Bundestag pronounced itself in favour of the ECB and PEPP which,
in the short term, removes the threat of an early end to monetary easing. This
will however not prevent a further appeal by German plaintiffs against the ECB
and, in the longer term, a new judicial episode.




La Prime d’activité n’est pas du salaire : elle amplifie la perte de revenu à la suite d’un licenciement

par Muriel Pucci

En janvier 2019, le gouvernement
a souhaité soutenir le niveau de revenu des salariés rémunérés au smic. Pour ce
faire, il a opté pour une réforme du barème de la Prime d’activité qui accroît
son montant de 90 euros au niveau du smic. À court terme, cela peut
paraître équivalent, pour un salarié rémunéré au smic, à une hausse de
90 euros du niveau du smic mensuel[1],
mais cela ne l’est plus si le salarié perd son emploi car alors la solution
choisie amplifie les effets du licenciement sur le revenu disponible du
travailleur.



Si la Prime d’activité permet
bien en général d’augmenter le revenu des personnes qui travaillent, il ne
s’agit pas d’un supplément de salaire. Et la différence est importante !
Alors qu’une augmentation du salaire s’accompagne d’un surcroît de cotisations
et donc de droits acquis aux allocations chômage et pensions de retraite
notamment, la Prime d’activité n’ouvre aucun droit. Lorsqu’un travailleur perd
son emploi, il perd à la fois son salaire et sa prime d’activité mais le
montant d’allocation chômage perçu ne dépend que du seul salaire. Ainsi, à
l’inverse des autres prestations sociales qui limitent la baisse des revenus
disponibles en période de crise, la Prime d’activité est pro-cyclique : les
sommes versées diminuent lorsque le chômage augmente.

La Prime d’activité est une
prestation sociale pour les travailleurs à bas salaire dont le montant doit garantir
aux familles un revenu disponible croissant avec le revenu d’activité des
actifs du foyer. Son calcul tient compte de l’ensemble des ressources du foyer
en accordant un statut particulier aux revenus professionnels : un euro de
revenu professionnel en plus réduit la Prime d’activité de 39 centimes, mais un
euro en plus d’une autre ressource la réduit d’un euro.

Alors
que le revenu d’activité d’une personne seule rémunérée au smic baisse de 28% à
la suite d’un licenciement, son revenu d’activité PA comprise baisse de 40%

En effet, considérons une
personne seule rémunérée au smic (1 219 €). Si elle ne dispose d’aucune
autre ressource, le montant de sa prime d’activité est de 237 euros, son
revenu disponible est donc de 1 456 euros (voir graphique 1). Si elle
perd son emploi en étant éligible au chômage indemnisé, elle percevra  878 euros au titre de l’ARE[2],
le taux de remplacement de l’ARE étant de 72 % au niveau du smic. Mais les
allocations chômage, bien qu’elles soient des revenus d’activité, n’ouvrent pas
droit à la Prime d’activité qui ne bonifie que les revenus professionnels. Outre
son salaire, le salarié perd donc également l’intégralité de sa PA et son
revenu disponible diminue de 578 euros (soit 1456 € – 878 €).

À titre de comparaison, si la Prime
d’activité était un élément de rémunération ouvrant les mêmes droits que le
salaire, le montant de l’ARE serait de 1 048 euros, soit 72% de la
somme salaire + PA. La baisse du revenu d’activité après licenciement serait de
171 euros de moins que dans le système actuel. Notons que cette différence serait
en partie compensée par les prestations sociales. Par exemple, pour une
personne seule rémunérée au smic et vivant en ville moyenne, le licenciement
pourra ouvrir droit à une aide au logement de 188 euros dans le système
actuel contre seulement 61 euros si la PA était considérée comme un
complément de salaire (voir graphique 2). Néanmoins, cette compensation par les
aides au logement n’est que partielle et, pour ce salarié, la baisse du revenu
disponible à la suite d’un licenciement reste amplifiée par le fait qu’une
partie de sa rémunération est une prestation sociale sans droits acquis (-32%
au lieu de -24% si la PA était considérée comme un complément de salaire). En
perdant son emploi, il perd 113 euros de plus (aide au logement comprise) dans
le système actuel que dans une situation fictive où la Prime d’activité
ouvrirait les mêmes droits sociaux que le salaire.

Si l’on
considère maintenant la réforme de 2019, si l’augmentation de la Prime
d’activité avait ouvert les mêmes droits qu’une hausse de salaire, un salarié
au smic perdant son emploi aurait pu bénéficier d’un montant d’ARE de
942 euros (soit 72 % de 1 219 € + 90 €), soit
64 euro de plus que dans le système actuel.

Les gouvernements successifs ont,
avec le RSA-activité d’abord et la Prime d’activité ensuite, souhaité augmenter
le revenu des travailleurs à bas salaire au moyen d’une prestation
différentielle. Il est important de souligner que ce faisant, ils ont fragilisé
la situation de ces mêmes travailleurs en période de crise en réduisant le taux
de remplacement des allocations chômage. Au-delà, on peut craindre que les
effets de ce basculement sur le taux de remplacement des pensions de retraite
soit à l’avenir la source d’un nouvel appauvrissement des retraités. Une
solution serait qu’à l’instar de ce qui est fait pour les parents de jeunes
enfant recourant à la Prepare[3],
la Prime d’activité donne lieu au versement par la Caf de cotisations chômage
et vieillesse permettant d’éviter la baisse des taux de remplacements de ces
prestations assurantielles pour les travailleurs qui bénéficient de la Prime
d’activité.


[1] C’est le cas pour un salarié vivant seul mais pas
toujours s’il vit en couple et/ou a des enfants à charge.

Elle amplifie la perte
de revenu à la suite d’un licenciement.

[2] Le calcul est effectué ici pour un mois de 30 jours et
en négligeant la période de maintien du droit à la Prime d’activité qui peut
aller jusqu’à 3 mois.

[3] La Prepare (Prestation partagée d’éducation de l’enfant) est une aide financière versée par la Caf aux parents qui réduisent ou interrompent leur activité à la naissance d’un enfant. Elle peut, sous conditions de ressources du foyer, ouvrir droit à l’AVPF (assurance vieillesse du parent au foyer), dispositif par lequel la Caf verse des cotisations vieillesse pour garantir la continuité dans la constitution des droits à la retraite.




Liban : sortir de la spirale de l’endettement

Par Céline Antonin

La crise du Covid-19, suivie
de la double explosion meurtrière intervenue à Beyrouth le 4 août 2020 ont
frappé un pays en pleine crise économique, politique et sociale. Après deux
années de récession marquées par une baisse de PIB de -1,9 % en 2018 et de
-6,5 % en 2019 (FMI), le Liban continue en effet à s’enfoncer dans la crise.
L’inflation est galopante : en juillet 2020, l’indice des prix à la
consommation a progressé de 112 % par rapport à son niveau de juillet 2019. Le
taux de chômage est préoccupant : il atteindrait 25 % de la
population active en 2017[1]
(37% chez les jeunes), et aurait largement progressé depuis. Cette situation,
conjuguée à la corruption gouvernementale et à l’augmentation de la fiscalité
sur l’essence et le tabac, a conduit des milliers de Libanais à lancer une
série de manifestations à partir du 17 octobre 2019 pour demander le départ de
tous les partis de gouvernement. Ce mouvement apolitique, baptisé la
« révolution d’octobre » est le plus important depuis près de 15 ans.



La révolution n’est pas née du
jour au lendemain ; l’économie libanaise a souffert de plusieurs revers
depuis 2009, qui ont conduit le pays à un ratio d’endettement public insoutenable
(155 % en 2019), déclenché un défaut de paiement et nécessité d’un plan d’aide
du FMI. Ce billet analyse l’évolution de l’endettement public libanais, qui a
connu plusieurs phases depuis la fin de la guerre civile. Le pays est
aujourd’hui pris au piège d’une spirale entre charge d’intérêts élevée, déficit
public et faible croissance. Sortir de cette spirale nécessite des réformes à
la fois d’ordre économique – restructuration de la dette et réforme fiscale –
et politique.

Le Liban est le
troisième pays du monde pour le ratio d’endettement public

L’économie libanaise est une
économie « dollarisée » reposant essentiellement sur les services.
Ces derniers représentent 76 % du PIB, avec une macrocéphalie des services
financiers, immobiliers et touristiques. Le PIB par habitant représente environ
un quart de celui des États-Unis. Mais la guerre civile a laissé des
stigmates : le Liban reste fragilisé par la situation géopolitique
régionale et pâtit d’infrastructures de mauvaise qualité (routes, électricité).
La reconstruction post-guerre initiée par le gouvernement Hariri (1992-2004) a
eu un coût élevé, et le pays a accumulé une importante dette publique afin de
réhabiliter ses infrastructures en recourant à des emprunts externes et
internes. En effet, le gouvernement a été contraint d’offrir des primes de
risque élevées aux investisseurs. Ces rendements élevés ont pu évincer les
investissements dans les secteurs productifs du pays (Baldacci et al., 2003[2];
Patillo et al., 2014[3]).

Le coût élevé de la
reconstruction post-guerre, combiné à une charge d’intérêt importante dans un
contexte de croissance modérée a laissé les finances publiques dans un état
préoccupant. Le revenu du gouvernement libanais ne représente que 18 % du PIB,
dont 78 % proviennent des impôts. Par ailleurs, après le Japon et la Grèce,
le Liban est ainsi le troisième pays du monde pour son ratio d’endettement
public, qui atteint 155 % du PIB fin 2019 – l’équivalent de huit ans et demi de
recettes publiques (graphique 1).

La crise budgétaire
s’accompagne d’une crise monétaire et financière. La livre libanaise est
officiellement arrimée au dollar américain selon un régime de change fixe
depuis 1997, et il n’y a pas de contrôles de capitaux au sens strict. Cependant,
début 2020, les banques ont imposé des restrictions aux retraits en
dollars : tout transfert provenant de l’étranger est aujourd’hui
uniquement payé en devises locales. La rareté du dollar a conduit à une pression
importante sur les prix au marché noir et à la dépréciation de la livre
libanaise : fin août 2020, la monnaie aurait perdu environ 80 % de sa
valeur depuis octobre 2019[4].
C’est la pire dévaluation de l’histoire du Liban, d’autant plus problématique
qu’elle renchérit le prix des biens importés alors que le déficit de la balance
commerciale atteignait déjà 26,5 % du PIB en 2019. Ainsi, le Liban souffre
d’une situation de déficits jumeaux – déficit budgétaire et déficit de la
balance des transactions courantes.

Historique de
l’endettement public depuis 1993

La dynamique de l’endettement
public libanais a connu quatre phases successives au cours des trente
dernières années :

  • une première phase de hausse rapide de
    l’endettement public, entre 1993 et 2002, lors de laquelle le ratio dette
    publique/ PIB est passé de 46 % du PIB à 163 % du PIB ;
  • une deuxième phase de hausse lente de
    l’endettement public, entre 2002 et 2006, pour culminer à 183 % du PIB fin
    2006 ;
  • une troisième phase de baisse du ratio
    d’endettement entre 2006 et 2012, pour atteindre 130,4 % fin 2012 ;
  • une dernière phase de remontée lente du ratio
    d’endettement public.

Le graphique 2 illustre de quelle manière les différents moteurs de la dette publique et du PIB (déficit primaire des administrations publiques, dépenses d’intérêt, croissance du PIB réel et inflation) ont contribué à la croissance du ratio d’endettement public rapporté au PIB[5].

La période de 1993 à 2002 a
coïncidé avec une augmentation rapide de la dette publique, essentiellement
sous l’effet de deux facteurs : les déficits primaires récurrents et des
charges d’intérêt élevées sur la dette. Après la fin de la guerre et l’accord
de Taëf, le gouvernement dirigé par le Premier ministre Rafic Hariri a mis en
œuvre une série de mesures pour rétablir la stabilité économique et restaurer
la confiance dans l’économie à partir d’octobre 1992. Le gouvernement libanais
a mené une politique budgétaire ouvertement expansionniste en s’engageant dans
un programme de reconstruction massif (Horizon 2000), avec un budget de 14
milliards de dollars à mettre en œuvre sur la période 1993-2002, dans le but de
réhabiliter les infrastructures endommagées du pays et de doubler le PIB par
habitant. Ce plan coûteux a toutefois été revu à la baisse et le budget initial
réduit de moitié ; l’accent a été mis sur les secteurs de l’électricité,
les routes et les transports publics, l’approvisionnement en eau et les
déchets. Le coût élevé des emprunts a par ailleurs contribué à la forte
progression de l’endettement public. Au départ, le gouvernement espérait
pouvoir compter sur un soutien financier extérieur, mais cette aide ne s’étant
pas concrétisée, le gouvernement a commencé à emprunter sur le marché intérieur
en émettant des bons du Trésor à haut rendement pour financer la phase de reconstruction.
Ainsi, le rendement des bons du Trésor nationaux a atteint 37,8 % par an en
septembre 1995, compte tenu du risque souverain élevé associé au pays, mais
aussi du niveau d’inflation élevé jusqu’en 1997 (12 % en moyenne annuelle
entre 1993 et 1997)[6]. En
conséquence, la dette publique a été multipliée par 9,5 entre 1993 et 2006.

L’année 2002 a marqué une
inflexion dans la dynamique de l’endettement : la hausse s’est poursuivie,
mais à un rythme beaucoup plus lent, sous l’effet d’une baisse des charges
d’intérêt et d’une maîtrise des déficits budgétaires. En 2002, la conférence de
Paris II[7],
qui prévoyait pour le Liban une aide internationale de 4,4 milliards de dollars
permettant de restructurer la dette publique (allongement des maturités et baisse
des taux d’intérêt), a eu des effets positifs, en rétablissant la confiance
dans l’économie libanaise. Les taux d’intérêt sur les bons du Trésor libanais
ont baissé de 16,1 % à 9,2 %, demeurant à un niveau très élevé malgré la
faiblesse de l’inflation. La Banque du Liban et les banques commerciales
libanaises se sont lancées dans des programme d’annulation, d’échange et de
refinancement de la dette. Par ailleurs, le pays a commencé à dégager des
excédents budgétaires primaires, notamment grâce à l’introduction de la taxe
sur la valeur ajoutée au taux de 10 % en février 2002. La loi de finances
de 2003 prévoyait ainsi de ramener le déficit public à 7,3 % du PIB contre
14 % en 2002, d’élargir l’assiette fiscale et de diminuer le service de la
dette. La dette a cependant continué à croître, notamment en raison d’une
croissance modérée, avec une période marquée par de nombreux épisodes
d’instabilité politique, notamment l’assassinat du Premier ministre Hariri en
février 2005 ou la guerre avec Israël à l’été 2006.

Entre 2007 et 2012, la très
forte croissance du PIB réel, couplée avec une forte inflation et la poursuite
de la baisse des charges d’intérêt, a permis la décroissance du ratio
d’endettement public. La croissance rapide a été stimulée par les dépenses de
reconstruction après la guerre de juillet 2006, l’abondance de liquidités liée
à la hausse des recettes pétrolières régionales, le rétablissement de la
confiance à la suite de l’accord de Doha, l’élection d’un nouveau président en
mai 2008 et la formation d’un gouvernement d’union nationale. Tous ces facteurs
ont créé un climat d’affaires favorable et alimenté les entrées de capitaux
étrangers et la demande globale. Le déclenchement de la crise financière de
2008 a eu également un impact positif sur l’économie libanaise, les actifs de
la diaspora libanaise fuyant pour des refuges plus sûrs – comme le Liban –, à
cause de l’accroissement des incertitudes financières internationales et la
baisse des prix et des taux sur les marchés financiers internationaux. Pendant
quatre années consécutives (de 2007 et 2010), le taux de croissance du PIB a
atteint en moyenne 9,2 %. En conséquence, le ratio d’endettement a baissé
pour atteindre 130 % du PIB en 2012.

Depuis 2012, la faiblesse de
la croissance du PIB – 1,4 % en moyenne entre 2011 et 2018 – et la fin de la
consolidation budgétaire expliquent l’augmentation du niveau d’endettement
public. En raison de la faiblesse de la croissance, à partir de 2012, une
grande partie des progrès réalisés entre 2007 et 2012 a été annulée. Par
ailleurs, les recettes de l’État sont restées à un niveau faible
(14,5 % du PIB en moyenne entre 2012 et 2019), par rapport à l’ampleur des
dépenses publiques (23,5 % sur la même période). À partir de 2012, les intérêts
de la dette ont augmenté sans aucun signe de stabilisation. La situation s’est
aggravée à partir de 2018, date à laquelle le Liban est entré en récession et
le solde budgétaire s’est creusé pour atteindre -10 % du PIB (graphique 3).

La Banque mondiale[8]
(2020) compare le Liban aux autres pays ayant connu une crise de l’endettement
public (Islande, Irlande, Grèce, Chypre, Argentine) et montre que le Liban a
abordé la crise économique et sanitaire avec un équilibre budgétaire plus
dégradé que chacun de ces pays. Par ailleurs, seule l’Islande avait une balance
des paiements courants plus dégradée que le Liban aujourd’hui. 

Une dette publique essentiellement domestique

Au début de la période de
reconstruction après la guerre, entre 1993 et 2001, le gouvernement libanais a
d’abord eu recours à de lourds emprunts sur le marché intérieur et a ainsi
accumulé des dettes en monnaie locale pour répondre à ses besoins de financement.

Le ministère des Finances a
commencé à émettre des euro-obligations[9]
dès 1994, mais c’est en 1998 que le gouvernement de Rafic Hariri a demandé au
Parlement l’autorisation de convertir une partie de la dette en dollars. Par ailleurs, la conférence de Paris I de
2001 a favorisé l’utilisation par le Liban des marchés internationaux des
capitaux[10]. La
dette publique détenue en devises étrangères – essentiellement en dollars – est
ainsi passée de 22 % à 51 % de la dette totale détenue entre 1998 et 2004 (graphique
4). Après avoir culminé en 2004, la dépendance du gouvernement à l’égard de la
dette en monnaie étrangère a baissé au profit de la dette en monnaie locale.
Elle peut être partiellement attribuée à l’intervention de la Banque du Liban
auprès des banques commerciales. Depuis, la part de la dette en monnaie
extérieure dans la dette brute totale a régressé pour se stabiliser autour d’un
tiers.

L’existence de cet endettement
en dollars fait peser un risque sur le gouvernement libanais, qui ne peut faire
jouer la planche à billets pour rembourser une dette en monnaie étrangère. Néanmoins, l’essentiel de la dette libanaise
(en monnaie locale et étrangère) est détenu domestiquement, par le secteur
bancaire libanais et la Banque du Liban : en 2019, les non-résidents ne
détenaient que 13 % de la dette totale[11],
ce qui protège la souveraineté du pays des pressions extérieures, limite le
risque de défiance des investisseurs et donc de faillite.

Quelles
solutions ?

Le temps est compté pour le
Liban : en mars 2020, le pays a inauguré le premier défaut de paiement de
son histoire en annonçant qu’il ne serait pas en mesure de rembourser une dette
de 1,2 milliards de dollars arrivant à échéance.

Mais l’aide internationale
piétine. Lors de la Conférence économique pour le développement par les
réformes et avec les entreprises (Cedre), en 2018, les bailleurs de fonds
au Liban avaient promis une aide de 11 milliards de dollars en prêts et
dons, suspendue au feu vert du FMI. Or, les négociations sur un premier plan de
sauvetage de 10 milliards de dollars ont été interrompues par des dissensions
internes à la délégation libanaise. Les discussions achoppent notamment sur
l’ampleur des pertes du système bancaire du pays et le moyen de les éponger. Le
gouvernement chiffre à 68 milliards de dollars les pertes du secteur
financier libanais (50 milliards pour la Banque du Liban et
18 milliards pour les banques privées). Il prévoit une restructuration du
système bancaire libanais avec la mise à contribution des actionnaires et
détenteurs d’obligations, alors que l’Association des banques du Liban se
refuse à reconnaître les pertes et propose son propre plan de sauvetage.

Avec un besoin brut de
financement estimé à 30 points de PIB par le FMI, la restructuration de la dette de l’Etat semble inévitable. Elle
pourrait prendre la forme d’un moratoire ou d’un rééchelonnement portant sur les
intérêts de la dette et sur le principal. En effet, la maturité de la dette est
d’environ 5 ans pour la dette en devises locales et 7 ans pour la dette en
devises étrangères (FMI, 2019). Les intérêts de la dette représentent une
charge financière considérable (9,1 % du PIB en 2019). Un autre moyen serait
d’échanger les obligations publiques contre des obligations à plus longue
échéance ou à taux plus faible en négociant avec les banques commerciales,
principales détentrices de la dette, en échange d’une garantie de l’État.
Une fausse bonne idée serait de renoncer à la parité fixe entre livre libanaise
et dollar, et de laisser la livre se dévaluer pour alléger le poids des
remboursements. Cela alourdirait le paiement des intérêts sur la dette
extérieure (les fameuses euro-obligations) et par ailleurs, cela dégraderait
fortement la balance commerciale libanaise, dans la mesure où le Liban importe
la plupart de ses biens (-26,5 % du PIB en 2019).

Sur le plan budgétaire, une
réforme fiscale d’envergure s’impose afin d’instaurer
un système fiscal moderne
capable de financer les dépenses publiques. Cette
réforme permettrait d’une part de soutenir l’investissement public
(modernisation, grands travaux…), d’autre part de réduire les fortes
inégalités. Cela suppose un véritable changement de paradigme, car la
protection sociale et les réformes de l’État ont été constamment reléguées au
second plan. Ainsi, comme l’écrit Lydia Assouad, les revenus sont extrêmement
concentrés, le top 1% et le top 10 % de la population adulte recevant en
moyenne respectivement 25 et 55 % du revenu national[12].

Il faudrait élargir la base des revenus taxables, et rendre
le système fiscal plus progressif
. Le système fiscal libanais est
cédulaire, c’est-à-dire que chaque source de revenus est imposable à part selon
son propre régime et ses propres taux. Les revenus tirés de l’impôt sur les
sociétés et de l’impôt sur le revenu des personnes physiques sont parmi les
plus faibles au sein des pays de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du
Nord), juste derrière la Jordanie. En 2015, les taxes sur les revenus et les
profits ne représentaient que 3,8 % du PIB, contre 4,1 % pour la TVA (FMI,
2017[13]).
En effet, les différents taux marginaux supérieurs d’imposition sont faibles
par rapport aux autres pays[14],
et pourraient être revus à la hausse.

Par ailleurs, une transparence accrue sur les revenus et le
patrimoine des ménages
permettrait de collecter plus efficacement l’impôt,
et de réprimer l’évasion fiscale. D’après le FMI (FMI, 2017) et sur la base des
travaux de Fenochietto et Pessino (2013)[15],
la performance du système fiscal libanais est inférieure à la moyenne des pays
comparables du Moyen Orient. Ainsi, la capacité fiscale du Liban – le niveau
théorique maximum de recettes fiscales qu’un pays peut atteindre – est estimée
à 34 % du PIB. Or, le niveau réel de recettes fiscales ne représente que 15 %
du PIB ; par conséquent l’effort fiscal – défini comme le rapport entre
recettes réelles et capacité fiscale – n’est que de 44 % au Liban contre
une moyenne de 60 % pour des pays de la région (voir FMI, 2017).

Ces réformes budgétaires ne
peuvent réussir sans une transformation politique
profonde du pays
, qui consiste à éliminer le clientélisme et le népotisme
 wasta »). Le système de
gouvernance « confessionnel », instauré par la constitution du Liban
de 1926, permet aux élites de capter et de redistribuer la plupart des ressources
selon un principe clientéliste[16].
Il existe par ailleurs de nombreux obstacles à la libre concurrence : le
coût élevé du crédit bancaire, le faible montant des crédits octroyés par les
banques[17],
ou encore les barrières administratives et légales.

Malgré cette grave crise
économique et politique, le Liban reste à ce jour paré de certains atouts :
son économie libérale réaffirmée par l’accord de Taëf de 1989, la libre
mobilité des capitaux, un important réseau de filiales bancaires à l’étranger, le
haut niveau d’éducation de la population, et surtout une diaspora de taille
exceptionnelle – trois fois la population libanaise – qui joue un rôle crucial
dans l’économie. Les envois de fonds de la diaspora ont ainsi atteint 7,2
milliards de dollars en 2018, soit environ 12 % du PIB d’après la Banque
mondiale. C’est sur ces atouts que le Liban doit à présent capitaliser pour
transformer le pays en profondeur, politiquement et économiquement.


[1] D’après
le ministère du Travail libanais, voir http://www.databank.com.lb/docs/Unemployment%20in%20Lebanon%20Findings%20and%20Recommendations%202019%20ECOSOC.pdf

[2] Baldacci , E., A. Hillman et N. Kojo (2003), « Growth,
Governance and Fiscal Policy Transmission Channels in Low-Income Countries »,
Working Paper, 03/237, International
Monetary Fund, Washington D.C.

[3] Patillo, C., H. Poirson et L. Ricci (2004), « What
Are the Channels Through Which External Debt Affects Growth? », Working Paper, 04/15, International
Monetary Fund, Washington D.C.

[4] Calcul effectué d’après la
plateforme lebaneselira.org qui a lancé un algorithme d’intelligence
artificielle (IA) proposant une estimation quotidienne du taux de change sur le
marché noir entre le dollar américain et la livre libanaise.

[5] Pour
comprendre le calcul « technique » des contributions des différentes
composantes à la dynamique de la dette publique, on pourra se reporter au
document de travail : C. Antonin, M. Guerini, M. Napoletano, F. Vona,
« Italy: Escaping the high-debt and low-growth trap », Sciences Po OFCE Working Paper, n°
07/2019.

[6]
Une question connexe concerne les interactions entre politique monétaire et
budgétaire : dans un intéressant article sur le Liban, Ayoub, Creel et
Farvaque (2008) concluent que la période 1991-2005 constitue le retour à une
période de domination monétaire, autrement dit à un régime
« ricardien ». Voir Ayoub, H., Creel, J., et Farvaque, E. (2008), « Détermination
du niveau des prix et finances publiques: le cas du Liban », 1965-2005. Revue
d’économie du développement
, 16 (3):, pp. 115-141.

[7]
La conférence de Paris II, réunissant les responsables de 23 États et
institutions internationales, prévoyait un soutien financier extérieur, avec
3,1 milliards de dollars alloués à la restructuration de la dette, et 1,3
milliard de dollars de prêts bonifiés.

[8] Banque
mondiale, Lebanon’s economic update,
avril 2020, https://www.worldbank.org/en/country/lebanon/publication/economic-update-april-2020

[9] Les euro-obligations sont des titres obligataires
émis par le Ministère des Finances libanais, lui permettant de s’endetter sur
les marchés internationaux en dollars. Leur nom provient des
« eurodollars », apparus dans les années 1950 en raison de l’afflux
de dollars sur le continent européen à travers le Plan Marshall.

[10]
La France a convoqué la première réunion avec les institutions internationales
(Banque mondiale, Banque européenne d’investissement, Commission européenne),
dite conférence de Paris I, le 23 février 2001, afin de récolter une aide
internationale.

[11] FMI, IMF Country Report No. 19/312,
Lebanon, octobre 2019.

[12]
Lydia Assouad, « Rethinking the Lebanese economic miracle: The extreme
concentration of income and wealth in Lebanon 2005-2014 », World Inequality Lab Working papers, n° 2017/13.

[13]
International Monetary Fund/IMF (2017), Lebanon: Selected Issues: IMF
Country Report No. 17/20
, International Monetary Fund, Washington DC.

[14]
Le taux marginal supérieur est par exemple de 25 % pour l’impôt sur le revenu et
de 14 % pour la taxe foncière.

[15]
Fenochietto, R. et C. Pessino, 2013, « Understanding Countries’ Tax Effort »,
IMF Working Paper, n° 13/244, Washington:
International Monetary Fund.

[16]
Assemblée nationale, « Rapport d’information sur le Liban », n° 3865,
22 juin 2016.

[17] Gaspard T. K.
(2004). A political economy of Lebanon, 1948-2002: the limits of
laissez-faire
, Leideb, Boston, Brill.




L’aide exceptionnelle de solidarité a-t-elle permis de couvrir les coûts du confinement pour les familles?

Par Muriel Pucci, Hélène Périvier et Guillaume Allègre

Les mesures de confinement prises pour lutter contre la diffusion du virus de la covid-19 ont eu des répercussions à la fois sur l’activité des parents et leurs revenus, sur la scolarisation des enfants, et sur les coûts supportés par les familles. Ainsi, selon la situation professionnelle et familiale, certains parents ont télétravaillé, d’autres ont été mis au chômage partiel par leur employeur, d’autres encore ont pu bénéficier du dispositif d’indemnisation de l’arrêt d’activité pour garde d’enfant et une dernière catégorie de parents ont perdu leur emploi (voir le Policy brief OFCE n°65[1]). Seuls les premiers ont conservé leur salaire mais ils ont dû concilier à domicile les exigences de leur employeur et le temps à consacrer à leurs enfants, notamment sur le plan pédagogique. Les deux catégories suivantes ont bénéficié d’un maintien partiel de leur rémunération, le maintien était intégral pour ceux dont le salaire horaire est au niveau du smic. Enfin, les parents ayant perdu leur emploi, ont accédé au chômage indemnisé (allocation d’aide au retour à l’emploi, ARE) ou non en fonction de leur situation au regard de l’assurance chômage.



L’analyse menée dans cette note est centrée sur les effets du confinement sur les familles au RSA, qui ont subi une forte augmentation du coût de l’alimentation, et sur les familles ayant vécu le chômage partiel ou le congé pour garde d’enfant, qui ont supporté une baisse plus ou moins importante de leur revenu. Les calculs considèrent la situation des familles parisiennes qui peuvent bénéficier d’une tarification sociale particulièrement généreuse pour lesquelles la municipalité a mis en place une aide exceptionnelle complémentaire à l’aide nationale. Une annexe permet de comparer la situation de ces familles avec celles vivant à Dijon où la cantine est plus onéreuse. La situation des familles dans lesquelles un parent a perdu son emploi pose des questions complexes qui seront étudiées dans une note dédiée.

Beaucoup
de familles d’actifs ont vu leurs revenus d’activité diminuer durant le
confinement, et c’est particulièrement le cas des ménages des premiers déciles
de niveaux de vie ayant des enfants à charge. En effet, alors que les mesures
de confinement ont conduit à fermer les écoles, collèges, lycées et modes de
garde pour la plupart des enfants (à l’exception de ceux dont les parents
travaillent dans les secteurs d’activité essentielles), la capacité
d’adaptation des parents dépend du type d’emploi occupé (cadre, employé ou
ouvrier) et du secteur. Dans les couples d’employés et certains couples de
cadres, les conjoints ont le plus souvent pu opter pour le télétravail et jongler
sur les deux emplois du temps pour s’occuper des enfants. Mais pour d’autre
catégories professionnelles ou d’autres secteurs, les possibilités de
télétravail étaient plus rares. En outre, lorsqu’un des parents travaillait à
l’extérieur du domicile (grande distribution, transport, propreté…) ou dans le
cas des parents isolés, le recours à l’arrêt de travail pour garde d’enfant était
la seule option.

Au-delà
de ces baisses de revenu d’activité[2] liées à l’impossibilité de
télétravail ou à la nécessité de garder les enfants, certaine familles sans
revenu d’activité ont supporté des coûts spécifiques liés à l’alimentation. Les
ménages qui perçoivent le RSA ont souvent recours à des aides alimentaires en
temps normal (restos du cœur, autres formes de solidarités locales) et le
confinement a réduit considérablement l’accès à ces aides. En ce qui concerne
les enfants, de nombreuses villes prennent en charge une partie importante du
coût des repas des enfants des ménages à bas revenu. Cette tarification sociale
de la cantine conduit à ce qu’un repas à domicile soit plus coûteux qu’un repas
à la cantine pour ces ménages dont les enfants n’étaient plus scolarisés. En
effet, seuls les enfants de soignants ont été pris en charge par les écoles et
les centres de loisir mais ce dispositif d’accompagnement des familles n’a pas
été étendu aux autres catégories de « premiers de corvée » (agent de
caisse, livreurs, éboueurs, agents d’entretien …). A l’inverse, pour
certaines familles de travailleurs, le confinement a pu être associé à une
baisse des dépenses à la fois parce que les repas des enfants étaient moins
onéreux qu’à la cantine et parce que les adultes eux-mêmes économisaient
certains frais professionnels (transport, repas à l’extérieur).

  1. Dispositif d’aide exceptionnelle et
    estimation des coûts liés au confinement

Pour
compenser la baisse de niveau de vie liée au confinement et soutenir les
ménages les plus en difficulté, les collectivités locales ont pu mettre en
place des aides (tablette pour assurer la continuité pédagogique, aide
alimentaire …) et ceci de façon inégale sur le territoire et par conséquent
difficile à estimer globalement.

Parallèlement, le gouvernement a mis en place une aide exceptionnelle de solidarité versée le 15 mai aux ménages éligibles au RSA, à l’ASS et aux ménages avec enfant(s) bénéficiaires d’aides au logement (tableau 1). Cette décision fait suite à l’allocution présidentielle du 13 avril 2020, elle a été prise en conseil des ministres le 15 avril 2020. L’éligibilité étant calée sur des prestations déjà existantes, le versement par les CAF a été automatique ce qui a permis d’éviter un non-recours, au-delà du non-recours aux prestations existantes, mais cela n’a pas permis de tenir compte des variations de revenu liées aux mesures de confinement et à ses conséquences économiques et sociale à plus long terme. Ainsi, 4.1 millions de foyers, dont près de 5 millions d’enfants, en ont bénéficié pour une enveloppe totale de 900 millions d’euros (Cnaf). Cette aide a particulièrement été ciblée pour aider le surcroît des dépenses liées aux enfants dû au confinement : les trois quarts de cette enveloppe a concerné des ménages avec enfants. Environ 60% des familles monoparentales ont perçu cette aide, 15% des couples avec deux enfants et 35% des couples avec trois enfants (calculs réalisés via le modèle de microsimulation INES – voir INSEE). Verser l’aide aux bénéficiaires du RSA, de l’ASS ou des aides au logement permet de cibler l’aide sur les plus pauvres : 72% des bénéficiaires des aides au logement, appartiennent aux trois premiers déciles de niveau de vie.

La ville de Paris a complété cette aide nationale par un dispositif de soutien aux familles éligibles aux plus bas tarifs de cantine (jusqu’à 1,62€ par repas) pour lesquelles la Caf de Paris a versé 150€ pour le premier enfant et 50€ par enfant supplémentaire.

Ces
dispositifs exceptionnels ont-ils permis de couvrir les coûts du confinement ?
Pour répondre à cette question nous évaluons deux types de coûts :

  1. le
    coût potentiel lié au fait que l’alimentation a pu coûter plus cher pour les
    familles à bas revenu en raison d’un recours plus difficile aux solidarités
    locales (associations, voisinage) et du fait que dans les villes pratiquant une
    tarification sociale, les enfants ne déjeunaient plus à moindre coût à la
    cantine[3]. Au-delà des dépenses
    alimentaires, les familles ont dû faire face à d’autres types de coûts
    spécifiques liés au suivi scolaire des enfants (équipement ordinateur et
    connexion internet…). Là encore le rôle des collectivités locales a été
    important pour soutenir les familles, mais de façon inégale sur le territoire. Mais
    ce type de coût n’est pas pris en compte dans l’analyse.
  • la potentielle
    perte de revenu liée au basculement dans le dispositif de chômage partiel (ou
    congé pour garde d’enfant). Les parents au chômage partiel ont en effet pu
    subir une baisse de leur revenu d’activité mais ils ont également économisé des
    frais professionnels. En outre, la baisse du revenu primaire a pu entraîner une
    variation positive ou négative de la prime d’activité qui a donc, selon les
    cas, partiellement compensé ou au contraire accentué la baisse du revenu
    primaire.

Pour estimer le coût des repas à domicile, nous utilisons les budgets de référence construits par le Credoc et l’Ires pour l’Onpes[4] en les adaptant à la situation parisienne qui sera retenue pour les cas types (voir tableau 2).

Les coûts des repas à domicile[5] estimés pour les budgets
de référence supposent que les ménages achètent l’intégralité de leurs denrées
aux prix en vigueur (avec un recours plus important aux grandes surfaces en
ville moyennes) qu’à Paris. Or, en réalité, les familles qui touchent le RSA
peuvent en temps normal bénéficier de paniers repas ou autres aides
alimentaires locales réduisant le poste de dépenses d’alimentation. Nous
supposerons que le coût des repas à domicile pour ces familles est réduit relativement
aux estimations du tableau 2 en temps normal, mais pas durant le confinement
qui a limité l’accès aux solidarités alimentaires.

Pour les familles
d’actifs, nous supposons que les coûts des repas à domicile en temps normal
sont ceux du tableau 2 mais que ce coût a été accru durant le confinement en
raison de difficultés à accéder aux grandes surfaces et de l’impossibilité de
déjeuner dans les cantines d’entreprise. Les économies éventuelles liées à
l’absence de déjeuners au restaurant les jours de travail ne sont pas prises en
compte ici mais elles sont intégrées dans les économies de frais professionnels
qui incluent également celles associées aux frais de transport (remboursement
du Pass Navigo). Ces économies de frais professionnels sont sans doute très
variables et sont très difficile à estimer. Nous retiendrons pour nos calculs
l’hypothèse faite par le trésor public en les valorisant par 10% du salaire.

Le tarif de la cantine est calculé à l’aide des barèmes de la ville de Paris qui pratique une tarification sociale particulièrement généreuse (tableau 3). Dans d’autres villes, la cantine peut coûter plus cher aux parents que l’alimentation à domicile (voir annexe).

Nous
supposons que les parents isolés ont un ou deux enfants écoliers et que les couples
ont 2 enfants écoliers ou 3 enfants dont 2 écoliers et un collégien[6]. Nous étudions pour
différentes configurations l’évolution du revenu et des coûts pour ces ménages durant
la période de confinement du 16 mars au 19 juin (date de réouverture des
écoles).

  • Hypothèses retenues pour les cas types

Pour
évaluer l’effet de l’aide exceptionnelle sur différentes catégories de ménages,
nous nous appuyons sur des cas types, en retenant les types de ménages qui ont
été particulièrement ciblés par l’aide (graphiques 1a et 1b) :

  • un
    parent isolé ayant un enfant : 61 % des parents isolés ayant un
    enfant à charge ont perçu l’aide, et cette catégorie représente 16 % des
    ménages éligibles selon nos simulations;
  • un
    parent isolé ayant deux enfants : 64 % des parents isolés ayant deux enfants
    à charge ont perçu l’aide, et cette catégorie représente 11 % des ménages
    éligibles ;
  • un
    couple ayant deux enfants : 14 % d’entre eux ont perçu l’aide, et ils
    représentent 10 % des ménages éligibles ;
  • un
    couple ayant trois enfants : 35 % d’entre eux ont perçu l’aide, et
    ils représentent 11 % des ménages éligibles.

A côté de ces 4 catégories de ménage, nous étudions le cas des personnes seules et couples sans enfant pour mettre en lumière la particularité des familles avec enfant(s). Ces ménages représentent 36% des ménages éligibles et 25% de l’aide versée.

Pour les personnes seules ou couples sans enfant, les couples avec 2 ou 3 enfants et les parents isolés avec 1 ou 2 enfants, nous estimons l’impact du confinement sur le revenu net du coût de l’alimentation lorsque leurs revenus d’activité sont faibles (inférieurs à 1,5 smic) voir nuls, ce qui correspond aux bénéficiaires potentiels des aides exceptionnelles. Nous supposons que les familles n’ont pas eu accès à la cantine durant 3 mois (du 16 mars au 19 juin) et du subir un surcoût de l’alimentation à domicile durant cette même période, en considérant que le nombre de jours de cantine « perdus » dépend de l’activité des parents (centre de loisir du mercredi s’ils travaillent à plein temps uniquement). L’ensemble des hypothèses est présenté de manière détaillée dans l’annexe 1. 

  • Evaluation de la situation des ménages
    selon leur configuration

Les graphiques
2 – cas types 1 à 4- illustrent les pertes supportées par les ménages ainsi que
la compensation plus ou moins importante par les aides exceptionnelles. Le
montant de ces aides versées en une seule fois pour 3 mois de confinement a été
divisé par trois pour être comparable aux revenus mensuels.

Pour les
ménages sans enfant bénéficiaires du RSA avant le confinement (Graphique 2, cas
type 1), l’aide exceptionnelle de l’Etat a permis de couvrir une grande partie
du surcoût de l’alimentation pour les personnes seules mais le niveau de vie
des couples ont été moins protégés puisque le montant de l’aide était le même
pour un ou deux adultes sans enfant. Notons toutefois que le reste à charge a
été estimé en supposant que l’aide alimentaire issue de solidarités
associatives et locales couvrait en temps normal 30% du coût de l’alimentation.
Dans le cas des ménages aux RSA ayant des enfants, l’aide exceptionnelle
nationale n’a pas suffi à compenser le surcoût de l’alimentation dans une ville
comme Paris où la cantine est très peu chère pour ces enfants. Mais l’aide
additionnelle accordé par la ville de Paris a comblé l’écart, les couples avec
enfant restant perdants, au même titre que les couples sans enfant.

Pour les
ménages dans lesquels le ou les adulte(s) gagnai(en)t le smic avant le
confinement, l’aide nationale a pu être versée aux parents isolés et aux
couples avec 3 enfants bénéficiant d’une aide au logement mais pas aux autres
ménages. Seules les familles monoparentales avec 2 enfants pouvaient prétendre
à l’aide de la ville de Paris.

La variation
du revenu liée au confinement dépend du taux de compensation du salaire par
l’indemnité de chômage partiel. En effet, lorsque le salaire horaire est égal
au smic (cas type 2), la compensation est totale alors qu’à revenu mensuel
égal, si le salaire horaire est supérieur au smic, l’indemnité de chômage
partiel ne compense que 84% du salaire (cas type 3 où le parent travaillait à
80% au taux horaire de 1,25 smic). Dans les deux cas, on considère que le
travailleur au chômage partiel a économisé environ 122€ de frais professionnels
(10% de sa rémunération).

A revenu
d’activité inchangé (cas type 2), l’aide nationale a relativement bien compensé
le surcoût de l’alimentation, relativement faible pour les familles
monoparentales avec un enfant et les couples avec deux ou trois enfants pour
lesquels un repas à la cantine est plus cher qu’à domicile pour ce niveau de
revenu (2,28€ contre 1,78€). Les familles monoparentales avec deux enfants qui
doivent quant à elles supporter un coût du repas des enfants plus élevé à
domicile bénéficient de l’aide de la ville de Paris ce qui leur permet, au
total, de ne pas y perdre sur le budget alimentation. Ces familles ayant pu
économiser les frais professionnels pour le travailleur au chômage partiel,
leur revenu net des frais professionnels et du coût de l’alimentation a pu
augmenter dans toutes les configurations familiales. Ce résultat est toutefois
à nuancer par notre hypothèse que les frais professionnels représentent 10% du
salaire, ce qui est probablement une estimation haute pour les ménages gagnant
le smic.

En revanche,
lorsque l’indemnité de chômage partiel était inférieure au salaire (cas type 3)
toutes les configurations étudiées ont vu leur revenu disponible net des frais
professionnels et du coût de l’alimentation diminuer, à l’exception des
familles monoparentales avec deux enfant. Cela laisse penser que les
dispositifs exceptionnels ont été conçus pour compenser une augmentation
exceptionnelle du coût de l’alimentation plutôt que des pertes de revenu
professionnels nets. On peut noter qu’au niveau du smic mensuel, la variation
de la prime d’activité a pu, selon les configurations, soit compenser en partie
la baisse du revenu soit l’amplifier. Cela s’explique par le profil « en
chapeau » de cette aide : elle est d’abord croissante avec le salaire
puis décroissante, avec un point de maximum dépendant de la configuration
familiale.

Avec un
salaire de 1,5 smic mensuel, seules les familles monoparentales ont pu recevoir
une aide nationale, car elles seules peuvent bénéficier d’une aide au logement
avec ce salaire. Aucune des configurations étudiées n’était éligible à l’aide
de la ville de Paris ce qui s’explique par le fait qu’à ce niveau de revenu,
les repas à la cantine sont plus chers qu’à domicile. (Graphique 2, cas type 4).
Dans la plupart des cas, une augmentation de la prime d’activité a en partie
compensé la baisse du revenu d’activité, mais ce n’est pas le cas pour les
couples sans enfant ou avec 3 enfants qui ne sont pas éligibles à la prime
d’activité à ce niveau de salaire[7].
Malgré la baisse des frais professionnels (estimée à 183e à ce
niveau de salaire), le revenu net des frais professionnels et alimentaires a
baissé dan toutes les configurations familiales, à l’exception des familles
monoparentales avec deux enfants.

Au total, les aides nationale et locale ont permis de compenser l’augmentation du coût des repas pour les ménages modestes, ce qui était en partie l’objectif. L’aide nationale a plutôt compensé la hausse du coût de l’alimentation durant le confinement (moindre recours aux aides alimentaires et augmentation du prix en magasin) tandis que l’aide de la ville de Paris compensait plutôt le surcoût des repas à domicile pour les enfants bénéficiant de tarifs de cantine très avantageux (l’aide était explicitement ciblée sur les ménages bénéficiant des tarifs de cantine scolaire les plus bas). Par contre, les aides nationale et locale n’ont pas compensé la perte de revenus pour les individus subissant un chômage partiel lorsque leur rémunération était supérieure au Smic horaire. Il semble donc que les aides exceptionnelles étaient plutôt destinées à compenser des coûts exceptionnels que des pertes temporaires de revenu nets des frais professionnels. Toutefois, l’indemnité de chômage partiel étant traitée comme un revenu d’activité pour le calcul de la prime d’activité, cette prestation de soutien aux bas salaires a pu dans certain cas compenser en partie la perte due au chômage partiel. Cette possibilité de cumuler partiellement l’indemnité de chômage partiel et la prime d’activité ne s’applique pas à l’allocation chômage classique (ARE). Pour les travailleurs qui ont perdu leur emploi lors de la crise sanitaire que nous traversons, la baisse, voire la perte, de la Prime d’activité pour les chômeurs indemnisés a pu exacerber l’impact de la crise économique sur la pauvreté. Cette question fera l’objet d’une note spécifique.

Annexe 1 : Hypothèses retenues pour les cas types

Les hypothèses retenues
en termes de revenus, de recours aux solidarités et de recours à la cantine
sont les suivantes

Cas
types 1 : des ménages sans revenu primaire

  • S’il n’y avait pas eu de confinement,
    • le coût des repas à domicile aurait été réduit
      de 30% grâce aux solidarités associatives ou de voisinage ;
    • les enfants auraient été à la cantine 4 jours
      par semaine, y compris pendant les vacances scolaires (centre de loisir) pour
      les écoliers mais pas pour les collégiens.
  • Avec le confinement,
    • le coût des repas à domicile est augmenté du
      fait de l’impossibilité de  recourir aux
      solidarités associatives ou de voisinage ;
    • tous les repas des enfants sont pris à domicile
      durant 14 semaines.

Cas
types 2 : des ménages dont les adultes travaillent à temps complet au Smic

  • S’il n’y avait pas eu de confinement,
    • les écoliers auraient été à la cantine 5 jours
      par semaine, y compris pendant les vacances scolaires et les collégiens 4 jours
      par semaine hors vacances scolaires ;
    • Les parents auraient supporté des frais
      professionnels à hauteur de 10% de leur rémunération.
  • Avec le confinement,
    • un adulte passe au chômage partiel sans perte
      de revenu car le dispositif couvre l’intégralité de la perte de revenu pour une
      rémunération au smic horaire ; il n’a plus de frais professionnels ;
    • le coût des repas à domicile accru de 10% du
      fait d’un moindre accès à des grandes surfaces ;
    • Tous les repas des enfants sont pris à domicile
      durant 14 semaines.

Cas
types 3 : des ménages dont les adultes gagnent l’équivalent d’un Smic à
temps plein, l’un d’eux travaille à 80% (au taux horaire de 1,25 Smic) et se
trouve au chômage partiel durant le confinement.

  • S’il n’y avait pas eu de confinement,
    • les enfants auraient été à la cantine 4 jours
      par semaine, y compris pendant les vacances scolaires (centre de loisir) pour
      les écoliers mais pas pour les collégiens ;
    • Les parents auraient supporté des frais
      professionnels à hauteur de 10% de leur rémunération.
  • Avec le confinement,
    • l’adulte travaillant à temps partiel passe au
      chômage partiel avec une perte de revenu car le dispositif ne couvre que 84% de
      la rémunération pour ce niveau de salaire horaire mais il n’a plus de frais
      professionnels ;
    • le coût des repas à domicile accru de 10% ;
    • tous les repas des enfants sont pris à domicile
      durant 14 semaines.

Cas
types 4 : des ménages dont les adultes travaillent à temps complet pour un
salaire horaire de  1,5 Smic

  • S’il n’y avait pas eu de confinement,
    • les écoliers auraient été à la cantine 5 jours
      par semaine, y compris pendant les vacances scolaires et les collégiens 4 jours
      par semaine hors vacances scolaires ;
    • Les parents auraient supporté des frais
      professionnels à hauteur de 10% de leur rémunération.
  • Avec le confinement,
    • un adulte est au chômage partiel avec une perte
      de revenu car le dispositif ne couvre que 84% de la rémunération pour ce niveau
      de salaire horaire mais il n’a plus de frais professionnels ;
    • le coût des repas à domicile accru de 10% ;
    • tous les repas des enfants sont pris à domicile
      durant 14 semaines.

Annexe 2 : Coût du repas des enfants sur 3 mois et aides locales à Paris et Dijon

La situation de la ville de Paris étudiée dans cette note est spécifique en raison d’une part du coût des repas à domicile, qui peut être plus élevé qu’en province, et d’autre part de la tarification de la cantine très avantageuse pour les familles à bas revenu. Les graphiques ci-dessous permettent d’illustrer cette spécificité par comparaison avec la ville de Dijon. A Dijon, l’alimentation à domicile est moins chère qu’à Paris mais la tarification de la cantine est un peu plus chère pour les écoliers (voir tableau ci-dessous) et beaucoup plus chère pour les collégiens (tarif unique de 3,7€).

La ville de Dijon a mis en place une aide pour les familles consistant à exonérer de frais de cantine scolaire de janvier à juin. 


[1]
Selon le Département
Analyse et Prévision
, durant le confinement, le télétravail a concerné 9,3
millions de salariés, l’activité partielle, 7,1 millions dont 1,1 pour garde
d’enfants ; 0,6 million d’emplois ont été détruits.

[2]
Jusqu’au 30 avril, les salariés bénéficiant d’un arrêt de travail dérogatoire pour
garde d’enfant étaient indemnisés à hauteur de 90% de leur salaire.

[3]
Dans les collectivités locales qui
appliquent une tarification sociale généreuse des frais de cantine, la perte a
pu être substantielle. En revanche pour les villes dans lesquelles le tarif de
la cantine reste élevé même pour les familles modestes, le confinement a pu
mécaniquement conduire à une baisse des dépenses sur ce poste de consommation.

[4]
Voir https://onpes.gouv.fr/les-budgets-de-reference-618.html
pour les budgets de 2014 en ville moyenne. Ces budgets ont été actualisé comme
l’inflation jusqu’en mars 2020 et un coefficient de 1,065 a été appliqué pour
passer du coût des repas en ville moyenne à celui observé à Paris, conformément
à la méthodologie adoptée par le Credoc pour les budgets de référence dans la métropole
du Grand paris (rapport à paraître).

[5] Ces
coûts sont ensuite corrigés dans les budgets de référence pour tenir compte de
repas pris à l’extérieur du domicile (restaurant, cantine scolaire…).

[6] Dans l’annexe comparant les villes de Paris et de Dijon, on ajoute une variante avec un écolier et un collégien dans les ménages avec 2 enfants.

[7]
Pour les couples avec 3 enfants, cela s’explique par le fait que les
allocations familiales et le complément familial sont déduits de la prime.




L’emploi des femmes et des hommes pendant la période de confinement du 17 mars au 10 mai 2020

Bruno Ducoudré et Hélène Périvier

Les mesures prises pour lutter contre la diffusion du virus de la covid-19, fermetures administratives des commerces non essentiels, fermeture des écoles et des modes d’accueil des jeunes enfants notamment, confinement de la population du 17 mars au 10 mai 2020, ont limité les possibilités de travailler pour de nombreuses personnes. Selon le secteur d’activité et le poste occupé, certaines ont pu télétravailler, d’autres ont été prises en charge par le dispositif d’activité partielle, les fonctionnaires et assimilés étant couverts pas une autorisation spéciale d’absence. Le confinement a fortement affecté l’activité et conduit à des destructions d’emplois. L’OFCE a produit plusieurs évaluations portant sur les conséquences économiques et sociales de la période de confinement, en particulier sur l’emploi (voir Policy Brief, n°67). En mobilisant la même méthode, nous précisons ici l’effet différencié attendu sur l’emploi des femmes et des hommes. En effet, la ségrégation sexuée du marché du travail par secteur et selon les professions implique que les femmes et les hommes n’ont pas été dans des situations similaires durant la période de confinement. Les femmes sont légèrement sur-représentées parmi les personnes pouvant potentiellement télétravailler (55,7 %). Au total, 38 % des femmes actives occupées occupent un poste pour lequel le télétravail serait possible contre 28 % des hommes. Les femmes ont dans le même temps continué à assumer la plus grande partie des tâches familiales et domestiques accrues durant cette période (Lambert et al., 2020[1]), combinant télétravail et éducation des enfants.



Pour toutes celles et ceux qui n’ont pas pu télétravailler, trois situations sont possibles : soit ils ou elles ont perdu leur emploi durant la période de confinement, soit ils et elles ont été placés en chômage partiel, avec une indemnité compensatrice (100 % pour un salaire horaire au smic et de 84 % au-delà, versée par l’entreprise et compensée par l’Etat et l’Unedic jusqu’à 4,5 smic horaire via de dispositif d’activité partielle) ; soit ils et elles ont bénéficié de l’arrêt pour garde d’enfant. Afin de détailler l’effet de la période de confinement sur l’emploi des femmes et des hommes, certaines hypothèses sont nécessaires en particulier s’agissant du parent qui recourt à l’arrêt pour garde d’enfant. Ne disposant d’aucune donnée permettant d’identifier qui sont les parents qui ont bénéficié de ce dispositif, nous supposons que si la personne élève seule son enfant, elle est concernée par un arrêt pour garde d’enfant (sauf si elle peut télétravailler, ou si elle travaille dans une entreprise concernée par les fermetures obligatoires), si elle vit en couple et que son conjoint doit continuer son activité, alors cette personne est concernée par ce dispositif. Enfin si les deux peuvent prendre l’arrêt pour garde d’enfant, selon l’hypothèse 1 nous supposons que c’est la mère qui recourt au dispositif, selon l’hypothèse 2 nous supposons que c’est le père. La réalité se situe entre les deux, mais avec certainement un recours beaucoup plus élevé pour les mères que pour les pères, au regard de l’état du partage des tâches dans la famille. En effet, les femmes réalisent encore aujourd’hui 70 % du travail domestique et 65 % du travail familial (Champagne et al, 2015[2]). 

Au total les femmes et les hommes ont été affectés dans des proportions comparables par les mesures de confinement : sous l’hypothèse 1 (respectivement l’hypothèse 2), les femmes représentent 52 % (43%) des 7,95 millions (7,8 millions) de personnes affectées. La ventilation par sexe des emplois dans les trois situations indique des différences entre les femmes et les hommes. Sous l’hypothèse 1 (respectivement l’hypothèse 2), les femmes ont représenté 38 % (35 %) des emplois détruits pendant la période ; 45 % (50 %) de l’activité partielle et 90 % (17 %) des arrêts pour garde d’enfants. Ces chiffres ne prennent pas en compte les fonctionnaires et assimilés, qui comportent une part importante de femmes.

Les hommes ont été, au regard de nos hypothèses, plus affectés par les destructions d’emploi, les femmes ont été davantage concernées par les arrêts pour garde d’enfants, le chômage partiel ayant affecté les hommes légèrement plus que les femmes. La ségrégation sectorielle par sexe explique une partie des effets sexués des mesures de confinement, de même que la division sexuée du travail dans les couples. 

Les graphiques 1 et 2 montrent la part des femmes affectées par des destructions d’emploi et l’activité partielle selon le secteur sous l’hypothèse 1. Le secteur de la construction a été particulièrement affecté par les destructions d’emplois (21 % des destructions d’emploi ont eu lieu dans ce secteur), les femmes ont été moins concernées que les hommes : elles représentent 6 % des destructions d’emploi de ce secteur contre 11 % de l’emploi du secteur. La ségrégation sectorielle se double d’une ségrégation des professions. Ainsi les femmes occupent plus souvent des postes administratifs que des emplois impliquant une présence sur le terrain, ce qui explique en partie qu’elles soient moins affectées par les destructions d’emploi dans ce secteur.  Dans le secteur du commerce, les femmes ont été un peu plus affectées par les destructions d’emploi que les hommes (elles représentent 47 % de l’emploi dans ce secteur et 54 % des destructions d’emplois), et elles ont été sensiblement plus touchées par l’activité partielle (58 % des emplois en activité partielle étaient occupés par des femmes). Le secteur des administrations publiques et de l’éducation et santé humaine comprend des emplois qui ne sont pas du ressort de la fonction publique, notamment ceux dans les organisations à but non lucratif. Ce secteur a été affectés par des destructions d’emploi dans lesquels les femmes représentent 71 % de l’emploi, a fortement contribué à affecter l’emploi des femmes : elles y ont représenté 86 % des destructions d’emploi et 95 % de l’activité partielle.  Le sous-secteur des organisations à but non lucratif utilisent des contrats courts ont été détruits du fait des fermetures administratives pendant le confinement (en particulier le secteur associatif). Ces destructions d’emplois représentent moins de 0.5 % de l’emploi total du secteur. 

Les secteurs du transport ou de la fabrication d’autres produits industriels, les hommes ont été concernés par les destructions d’emploi et l’activité partielle au prorata de leur représentation dans ces secteurs soit environ 75 %.

S’agissant des emplois affectés par un arrêt pour garde d’enfant, les résultats dépendent de l’hypothèse retenue. Sous l’hypothèse 1, les femmes sont mécaniquement beaucoup plus affectées que les hommes par cette mesure alors que sous l’hypothèse 2 ce sont les hommes qui sont plus affectés (graphique 3). Néanmoins, l’écart entre les deux n’est pas symétrique car les parents isolés sont à 80 % des femmes. Il est probable au regard de l’inégal répartition des tâches familiales entre les deux conjoints de façon structurelle, que les femmes aient dû davantage recourir à ce dispositif que leur conjoint. 

Les graphiques 4 et 5 indiquent l’ensemble des emplois affectés durant cette période de confinement. Les secteurs du commerce (1,3 million d’emploi affectés) et de l’hébergement et de la restauration (910 000 emplois concernés), les femmes et les hommes ont été affectés dans des proportions comparables. En revanche les hommes ont été beaucoup plus touchés que les femmes dans le secteur de la construction (sur 1,2 million d’emplois concernés, les hommes en occupaient plus d’un million).   A l’opposé dans le secteur Administration publique, enseignement, santé humaine et action sociale, les femmes ont été particulièrement touchées : sur 1 million d’emplois touchés, elles en occupaient 960 000. La moitié de ces emplois sont des « Assistantes maternelles, gardiennes d’enfants, familles d’accueil » et des « Aides à domicile, aides ménagères, travailleuses familiales ». Durant le confinement, nous avons supposé que ces deux types de profession étaient soumis aux fermetures obligatoires.  

La ségrégation sexuée des emplois explique une grande partie le fait que la crise qui touche le marché du travail affecte différemment les femmes et les hommes. Mais contrairement à la crise de 2008 qui était concentrée sur des secteurs particulièrement masculins (construction et industrie) (Revue de l’OFCEn°133), celle que nous traversons aujourd’hui est répartie dans plusieurs secteurs dont certains sont dominés par les femmes. Les effets durables sur le marché du travail et leur dimension sexuée restent encore incertains à ce jour. 


[1] Lambert A., J. Cayouette-Remblière, E. Guéraut, Guillaume Leroux, C. Bonvalet, V. Girard et L. Langlois, « Le travail et ses aménagements : ce que la pandémie de covd19 a changé pour les français », Population et Sociétés, n°579. 

[2] Champagne C., A. Pailhé, A. Solaz, 2015, « 25 ans de participation des hommes et des femmes au travail domestique : quels facteurs d’évolution ? », Economie et Statistique, n°478-479-480.




Premier entré, premier sorti : le retour de la croissance en Chine au deuxième trimestre

Catherine Mathieu

Le 16 juillet, l’Institut statistique chinois (NBS) a publié la première estimation de la croissance du PIB chinois au deuxième trimestre 2020 : celui-ci est en hausse de 11,5 % par rapport au trimestre précédent, après -10 % au premier trimestre. La Chine, premier pays à avoir été frappé par le Coronavirus, avait mis en place des mesures de confinement d’une partie de sa population et de fermeture des commerces et des usines à partir de la fin janvier. Les indicateurs conjoncturels suggéraient un redémarrage progressif de l’activité à partir de la fin février et le retour à une croissance positive du PIB dès le deuxième trimestre. L’inconnue résidait dans l’ampleur de ce rebond, qui s’avère rapide.



La reprise est enclenchée, particulièrement dans l’industrie (41 % de la valeur ajoutée en 2018) : la production y est en hausse de 4,7 % sur un an au deuxième trimestre. Le taux des capacités d’utilisation dans l’industrie, de 77,5 % au quatrième trimestre 2019, avait chuté de 10 points au premier trimestre 2020 et est revenu à 74,4 % au deuxième trimestre. La production automobile, après une chute record de 80 % sur un an en février, affichait une hausse de 22 % sur un an en juin, indiquant un redémarrage d’un secteur par ailleurs en crise depuis 2018 : la production y reste encore 24 % en deçà de son point haut de la fin 2017. Dans l’agriculture (7 % de la valeur ajoutée), la production est en hausse de 3,3 % sur un an au deuxième trimestre et de 1,9 % seulement dans les services (52 % de la valeur ajoutée). 

Du côté de la demande, on ne dispose pas à ce jour d’informations trimestrielles détaillées. Les dépenses d’investissement étaient en baisse de 3,8 % sur an au premier semestre 2020. Sur le premier semestre 2020, le revenu par tête des ménages est en hausse de 1,5 %, par rapport au premier semestre 2019, tandis que la consommation par tête des ménages est en baisse de 8 % en valeur : les dépenses d’habillement (-19,5 %), de transport et communications (-13 %), d’éducation et d’activités culturelles (-37 %) ont le plus chuté. Les ventes de détail des biens de consommation restaient en baisse de 1 % sur un an en juin, signe d’un certain redémarrage, mais lent, de la consommation des ménages. 

En ce qui concerne le commerce extérieur, la situation semble s’être moins dégradée depuis le début de l’année pour la Chine (et l’Asie émergente) que pour les économies avancées (hors Japon). L’indicateur de commerce mondial du CPB (CPB world trade monitor), dans sa version publiée le 25 juin, indique que le commerce mondial de marchandises en volume a chuté de 16 % entre décembre 2019 et avril 2020, mais que la baisse n’a été que de l’ordre de 8 % pour les exportations, comme pour les importations, de la Chine. Ce sont des évolutions proches de celles des autres pays émergents d’Asie, et nettement plus faibles que dans les pays avancés, hors Japon : la chute des importations a été de 17 % aux États-Unis et de 24 % dans la zone euro. L’Asie du sud-est a été moins fortement touchée par a pandémie que la plupart des zones de l’économie mondiale, ce qui se reflète dans l’évolution des flux de commerce mondial. 

Incertitudes sur la poursuite de la reprise 

Au-delà de la vigueur de la reprise au deuxième trimestre, se pose la question de sa poursuite, qui dépendra avant tout de l’évolution de la pandémie, tant en Chine qu’à l’échelle mondiale. Tous les pays ont pris dès le début de la crise des mesures de confinement, qui ont fait chuter la production, puis des mesures de soutien budgétaire et monétaire massif pour soutenir la production et l’emploi et favoriser la reprise (voir OFCE, Policy Brief 69), mais le virus circule dans beaucoup de zones (Amériques, Inde, …) et une deuxième vague est toujours à craindre en Asie ou en Europe. 

La Chine semble avoir réussi, en ayant pris des mesures fortes, à stopper la propagation du coronavirus à l’intérieur du pays. Mais les autorités chinoises craignent l’arrivée d’une deuxième vague de COVID-19 et restent très vigilantes pour l’éviter. Des cas de COVID-19 continuent d’apparaître localement : en avril à la frontière russe, où parmi les arrivées de Chinois de retour de l’étranger, une cinquantaine de cas de COVID-19 avaient été diagnostiqués, conduisant à la mise en place de mesures de confinement strict dans les villes-frontière. Plus récemment, le 11 juin, à Pékin, un nouveau foyer de coronavirus a été détecté sur un marché conduisant les autorités chinoises à le fermer et à confiner les populations vivant dans les alentours (fermeture des écoles, restrictions de circulation). Sauf disparition spontanée du coronavirus, la liberté de circulation intérieure comme celle avec le reste du monde ne pourra pas être rétablie en l’absence d’un vaccin, qui ne serait dans le meilleur des cas pas disponible avant 2021. Ces mesures pèseront obligatoirement tant sur l’offre que sur la demande, mais les autorités chinoises ont montré qu’elles ont la capacité de réagir avec vigueur et de prendre des mesures fortes pour éviter une deuxième vague généralisée.

Les scénarios publiés par les organisations internationales avant l’été comportaient tous un rebond de l’économie chinoise au deuxième trimestre, plus ou moins rapide, et par la suite une croissance qui serait au plus de l’ordre de celle d’avant la crise, laissant en 2021 le niveau de PIB en deçà de celui qu’il aurait atteint si la croissance s’était maintenue à son rythme d’avant crise. Compte tenu des chiffres du deuxième trimestre, une croissance annuelle de l’ordre de 1 % en 2020, comme l’envisageaient avant l’été le FMI et la Banque mondiale, semble atteignable. Et si la croissance se poursuivait au rythme envisagé par le FMI en 2021, le PIB chinois serait plus bas de 2,6 % à fin 2021 au niveau qu’il aurait eu en l’absence de crise, si la croissance avait progressé à un rythme annuel de 5,8 %, comme nous l’anticipions dans notre prévision d’octobre 2019 (graphique). 

Dans un scénario en V, où le PIB chinois rejoindrait dès la fin 2020 le niveau qu’il aurait atteint si la croissance s’était poursuivie à un rythme proche de 6 % en 2020 et progresserait ensuite de 1,4 % par trimestre, la croissance du PIB serait de l’ordre de 10 % en 2021 (tableau). Ceci supposerait la poursuite du rattrapage tout au long de 2020 et l’absence d’une deuxième vague de contamination et l’absence de toute séquelle en 2021. Compte tenu de l’incertitude créée par la crise sanitaire pour les ménages et les entreprises, compte tenu aussi de la dégradation induite des dégradations financières et des bilans il apparait aujourd’hui que la crise mettra du temps à se résorber et que l’activité mondiale ne retrouvera pas à l’horizon de fin 2021 le niveau qu’elle aurait eu sans la crise, ce qui affectera les exportations chinoises. 

Une deuxième vague de contamination conduirait à un scénario de reprise en W. C’est ce que l’on pouvait craindre, au vu des précédentes épidémies. C’était le premier des scénarios retenus par l’OCDE dans sa prévision de juin : la croissance chutait de 7,6 % cette année à l’échelle mondiale et de 3,7 % en Chine ; en 2021, la croissance serait de 2,8 % à l’échelle mondiale et de 4,5 % en Chine. Ce scénario était le plus pessimiste publié à l’approche de l’été.  

C’est aussi ce qu’avait par exemple suggéré Hughes (2020), en comparant les impacts économiques des épidémies passées : grippe espagnole (1918-19), SRAS (2003) et Ebola (2014-16). Hughes soulignait que la pandémie du coronavirus se rapprochait davantage de l’épidémie de grippe espagnole que de celle du SRAS. Lors de l’épidémie du SRAS, après une chute brutale, le PIB était revenu à son niveau d’avant le démarrage de l’épidémie en quelques mois : un scénario en V s’était réalisé. Mais, suite à l’épidémie de grippe espagnole, les pays n’ont en général pas retrouvé leur PIB d’avant crise avant trois ans, ce après deux ou trois vagues de contamination.  

Au risque d’une deuxième vague de contamination en Chine, s’ajoute celui d’une chute de la demande extérieure : l’évolution de la pandémie conduit désormais la quasi-totalité des pays à être sévèrement touchés, et le pic ne semble pas près d’être atteint, si l’on en juge notamment l’accélération de cas de COVID-19 aux États-Unis, dans le reste du continent américain et en Inde. La Chine ne pourra guère compter au cours des prochains mois sur une demande extérieure dynamique pour tirer ses exportations et sa croissance. 

Les mesures de soutien budgétaire prises par la Chine, initialement d’une ampleur limitée, ont été progressivement étendues, jusqu’à représenter 4,1 % du PIB selon le FMI (voir Policy tracker). Elles portent principalement sur une hausse des dépenses de santé (prévention et contrôle de l’épidémie), de production d’équipement médical ; des dépenses d’assurance chômage, dont le bénéfice a été élargi aux travailleurs migrants ; des allégements d’impôts et des suppressions de paiements de cotisation sociale ; des investissements publics. Il semble que la Chine souhaite éviter de creuser trop fortement un déficit public, qui était, selon le FMI, de 6,3 % du PIB en 2019 et passerait à 12,1 % cette année selon les prévisions du FMI de juin 2020. La dette publique passerait de 52 % du PIB en 2019 à 64 % du PIB en 2020. 

Du côté de la politique monétaire, les principales mesures ont consisté à injecter des liquidités dans le système bancaire, via des opérations d’open-market, à étendre les capacités de prêts à de bas taux d’intérêt à destination des fabricants de matériel médical, des très petites, petites et moyennes entreprises, ainsi que du secteur agricole. S’y ajoutent une baisse de 30 points de taux directeur de la Banque centrale, et des baisses de taux de 50 à 100 points de base des taux d’intérêt pour une grande partie des entreprises. Il s’agit d’alléger le poids des remboursements des emprunts (notamment pour les PME) et de limiter les mises en faillite des entreprises. La situation est complexe : l’endettement des entreprises non financières chinoises a atteint fin 2019 un niveau record de près de 260 % du PIB. La crise du coronavirus a surgi alors que le gouvernement chinois souhaitait progressivement faire baisser progressivement l’endettement des entreprises, sans créer de choc majeur. Les marges de manœuvre de la politique monétaire sont nettement plus faibles que lors de la crise de 2008-09.

Au-delà de l’évolution de la pandémie, la crise résultant de l’apparition du coronavirus remet en cause la mondialisation, déjà ébranlée par la politique commerciale agressive des États-Unis. La pandémie amènera sans doute beaucoup d’entreprises à repenser la fragmentation de leurs chaînes de production et de nombreux pays à prendre des mesures pour être moins dépendants de fournisseurs étrangers. La Chine, grande gagnante de la mondialisation, risque d’être une des principales victimes de cette crise. Le gouvernement chinois devra tirer les leçons de cette crise pour orienter le modèle de croissance chinois sur un mode plus soutenable. La réorientation de la croissance chinoise vers la demande intérieure, engagée depuis plusieurs années, et la forte réduction de l’excédent extérieur chinois qui en a résulté, vont dans ce sens. Dans une perspective de plus long terme, la définition d’une stratégie tenant compte des contraintes écologiques est nécessaire, en Chine comme à l’échelle de la planète. 

Références

Banque mondiale, 2020 : Global economic prospects, juin. 

FMI, 2020 : Mise à jour des Perspectives de l’économie mondiale, juin.

Hughes Richard, 2020 : Safeguarding governments’ financial health during coronavirus: What can policymakers learn from past viral outbreaks?, Resolution Foundation, mars.

OCDE, 2020 : Perspectives économiques, juin. 

OFCE, 2020 : « Évaluation de l’impact économique de la pandémie de COVID-19 et des mesures de confinement sur l’économie mondiale en avril 2020 », OFCE Policy Brief 69, 6 juin. 

OFCE, 2019 : « Perspectives économiques 2019-2021 », Revue de l’OFCE 163, octobre.




La crise du tourisme : c’est aussi une question de confiance

par Christine Rifflart

À l’heure où les pays se
déconfinent et rouvrent leurs frontières[1],
les professionnels du tourisme attendent le retour des visiteurs avec
impatience et inquiétude. Les mois d’été affichent traditionnellement une
activité record dans les secteurs de l’hôtellerie, la restauration, les
transports, les loisirs, toutes ces activités de services ont gravement été impactées
par les fermetures administratives et les mesures de confinement adoptées pendant
les semaines passées. Aujourd’hui, la crise de la Covid-19 n’est toujours pas
finie et la prudence domine dans les comportements. Les déplacements à
l’étranger sont en grande partie différés, les vacanciers préférant rester dans
leur pays. Dès lors, les recettes issues des visiteurs[2]
étrangers ne rentreront pas ou peu cette année, mais les dépenses
habituellement réalisées à l’étranger pourraient être réalisées dans le pays de
résidence.



Le PIB du tourisme[3]
représente en moyenne 4,4 % du PIB des pays de l’OCDE en 2018. L’Espagne tient
le haut du pavé avec un taux atteignant 12,3% du PIB espagnol. La
consommation touristique intérieure représente cette année-là 12,8 % du PIB en
Espagne, suivie de près par l’Italie et la France avec respectivement 8,9 % et
7,3 % du PIB. La reprise du tourisme est un enjeu majeur pour ces pays. Quelle
peut être la perte économique en cas de non reprise du tourisme ?

Le déconfinement au niveau national comme préalable à
la reprise du tourisme local

Après les 8 à 11 semaines
de confinement, le retour à la libre circulation des personnes à l’intérieur
des frontières nationales s’est progressivement amorcé dans les pays qui
avaient mis en place de telles mesures. En France, les premières mesures de
déconfinement ont débuté le 11 mai, avec des restrictions encore fortes et des
déplacements autorisés seulement dans un rayon de 100 kilomètres. Depuis le 2
juin, la libre circulation est possible sur l’ensemble du territoire. Le
déconfinement s’est achevé le 3 juin en Italie. Il a fallu attendre le 21 juin
pour que l’Espagne rouvre ses provinces.

La levée des contraintes de
déplacement constituait le préalable à toute reprise du tourisme domestique. Or,
ce sont respectivement 190 millions de voyages de touristes français, 140
millions de voyages de touristes espagnols et 63 millions de voyages de touristes
italiens, avec nuitées, qui ont été effectués dans le pays de résidence en 2018.
Les dépenses générées par ce tourisme domestique occupent une place importante dans
les dépenses touristiques totales. En Espagne, elles atteignent 4,6 % du PIB. En
Italie et en France, bien que leur poids soit plus faible dans l’économie (près
de 4 % du PIB), elles représentent plus de la moitié des dépenses touristiques
totales. En 2020, une part importante de ces dépenses potentielles n’aura pas
lieu. D’une part, celle qui aurait dû avoir lieu pendant la période de
confinement ne sera pas reportée sur les autres mois de l’année. Par ailleurs,
même si les déplacements sont autorisés, de nombreuses manifestations sont
annulées, notamment les événements culturels et le maintien des règles de
distanciation dans les lieux touristiques réduit le nombre de visiteurs.

Le retour des touristes étrangers : un pari loin
d’être gagné 

Après la levée des barrières aux déplacements internes, le déconfinement des pays a constitué un autre préalable à la reprise du tourisme international. Si l’Allemagne a amorcé le processus dès le mois de mai, la réouverture des frontières intérieures de l’UE et de l’espace Schengen dans les pays qui avaient mis en place des mesures de contrôle s’est installée plus largement en juin. Le 3 juin, l’Italie a rouvert ses frontières, suivi le 15 juin par plusieurs autres pays européens et le 21 juin par l’Espagne (sauf celle avec le Portugal). Au 1er juillet, le mouvement s’amplifie et les frontières intérieures sont rouvertes entre la plupart des pays (notamment entre l’Espagne et le Portugal), avec encore quelques restrictions levées à la mi-juillet  au Rouaume-Uni, en Irlande, et dans les pays nordiques[4]. Par ailleurs, les frontières européennes s’ouvrent à une quinzaine d’autres pays, jugés suffisamment sûrs sur le plan sanitaire. Sont exclus de la liste les États-Unis et la Russie – et la Chine pour des raisons de réciprocité.

Cette réouverture des
frontières a été jugée très favorable par les professionnels du tourisme,
particulièrement dans les pays les plus visités. De fait, la France, première
destination mondiale en termes d’arrivées touristiques, a reçu en 2018, 89,3
millions de touristes étrangers, suivie par l’Espagne avec 82,8 millions. L’Italie
arrive en quatrième position avec 61,6 millions[5].
Si l’on rajoute à ces touristes, les visiteurs d’un jour (excursionnistes), ce
sont alors plus de 200 millions de visiteurs étrangers accueillis en 2018 en
France et environ 100 millions en Espagne et en Italie (tableau 1). Le
Royaume-Uni et les pays limitrophes constituent une part très importante du
tourisme étranger. Les touristes britanniques représentent 15 % de la clientèle
étrangère en France, 9 % en Italie et 22 % en Espagne, et les touristes
allemands 22 % en Italie, et 14 % en France et en Espagne.

Différents scénarios liés à la confiance

Si ces touristes ne
reviennent pas malgré la réouverture des frontières, cela représente un manque
à gagner considérable. En 2018, les dépenses touristiques des non-résidents ont
représenté 6,6 % du PIB en Espagne, 3 % en Italie et 2,7 % en France (tableau
2), les principales dépenses étant destinées à l’hébergement (entre un quart et
un tiers des dépenses totales).

Si les voyages
internationaux seront faibles cet été et probablement d’ici à la fin de l’année,
la contrepartie est que ces visiteurs qui renoncent à partir à l’étranger prendront
leurs vacances dans leur pays de résidence. Ils devraient alors s’ajouter aux flux
de touristes domestiques. Pour autant, cela ne suffira pas à compenser le
manque à gagner pour les professionnels car le nombre de résidants sortants est
bien inférieur à celui des entrées de touristes étrangers en Espagne, en Italie
et en France. En 2018, 33,3 millions de résidents italiens ont voyagé à
l’étranger, 26,9 millions de résidents français et 16,4 millions de résidents
espagnols. Dans ces trois pays, les dépenses touristiques de ces résidents voyageant
à l’étranger ont représenté 2 % du PIB domestique en 2018. En cas de
substitution des dépenses entre les flux entrants des touristes non-résidents et
les flux sortants de touristes résidents (on considère que le tourisme
international est à l’arrêt complet mais que les touristes résidents dépensent
localement), le manque à gagner pour l’économie serait de 4,6 % du PIB en Espagne,
0,7 % en France en 2018 et 0,8 % pour l’Italie (scénario 1 du tableau 2).

Le manque à gagner serait
évidemment moindre si une timide reprise du tourisme international s’amorçait.
Dans le scénario 2, nous supposons que la réouverture des frontières permet de
retrouver 20 % de la dépense effectuée habituellement par des visiteurs étrangers.
Dans ce cas, l’économie domestique capterait aussi 80 % des dépenses faites par
des visiteurs résidents qui habituellement partent à l’étranger. La perte
s’élèverait alors à 3,7 % du PIB en Espagne mais serait à peine plus faible en
Italie et en France que dans le scénario 1.  La perte serait par contre beaucoup plus
importante dans un scénario catastrophe si le tourisme international était à
l’arrêt et qu’une partie des résidents, en dépit du déconfinement, décidaient
de rester chez eux pour des questions de prudence sanitaire. Sous l’hypothèse
que les déplacements touristiques soient réduits de moitié (1 visiteur sur 2
renonce à bouger), le manque à gagner dans l’ensemble de l’économie attendrait
alors près de 8 % du PIB en Espagne, 4 % en Italie et 3,5 % en France (scénario
3).

Dans tous les cas, les secteurs de l’hébergement surtout mais aussi de la restauration devraient être les plus frappés par la crise touristique (Graphique). En France, les touristes étrangers ont dépensé en 2018 plus de la moitié de leur budget dans ces services, ce qui n’est pas le cas pour les touristes domestiques, qui séjournent davantage en famille ou entre amis. D’autres secteurs par contre pourraient s’en sortir moins mal. En conclusion, les mesures de soutien prises par le gouvernement ne suffiront pas à éviter une crise majeure pour les entreprises liées au tourisme. Malgré le retour de l’autorisation de déplacements des personnes, la prudence face à la pandémie est un barrage bien plus important qui devrait perdurer encore plusieurs mois.


[1] Les
mesures de déconfinement et de reconfinement sont complexes et peuvent être
modifiées rapidement compte tenu de l’évolution de l’épidémie. La note s’appuie
sur les informations disponibles à la date de la publication.

[2] Par définition,
on appelle visiteur un voyageur effectuant un voyage vers une destination
différente de son lieu habituel pour un motif autre que de travailler dans le
pays ou lieu visité. Un visiteur est un touriste si son voyage comprend une
nuitée ; sinon, un visiteur est un excursionniste.

[3] Le PIB
du tourisme correspond à la part du PIB générée par l’ensemble des secteurs en
réponse à la consommation du tourisme intérieur

[4] La liste
des pays européens autorisés à entrer librement en Norvège et en Finlande n’est
pas encore totale au 16 juillet.

[5] Derrière
les États-Unis,
selon les données de l’OCDE.




Quel impact du confinement et de son intensité sur la croissance ?

Sabine Le Bayon et Hervé Péléraux [1]

Depuis la
prise de conscience fin février dernier de la diffusion de l’épidémie de
coronavirus hors de Chine, foyer initial de la pandémie, et la mise en place
courant mars de politiques de confinement des populations dans le monde, le
paradigme conjoncturel a radicalement changé avec des PIB attendus en forte
baisse durant l’année 2020. Concernant le premier trimestre 2020, pour lequel
une première estimation des comptes nationaux est disponible, et même si des
révisions plus importantes que d’habitude sont à attendre, la croissance de
l’activité économique paraît pouvoir être rapprochée des mesures de restriction
de l’activité prises au cours de la même période.



Compte tenu de la multiplicité des mesures de
confinement et de leur nature qualitative, il est difficile de détailler
l’ensemble des décisions prises et surtout d’exprimer leur intensité. Les
chercheurs de l’Université d’Oxford et de la Blavatnik School of Government ont
néanmoins proposé un indicateur mesurant la rigueur des réponses
gouvernementales[2]. Cet
indicateur tente de synthétiser les mesures de confinement adoptées dans 163
pays selon deux types de critères : d’une part la sévérité de la
restriction pour chacune des huit mesures répertoriées (fermeture des écoles,
des entreprises, limitation des rassemblements, annulation d’événements
publics, confinement à domicile, fermeture des transports publics, restriction des
voyages domestiques et internationaux) et d’autre part le caractère local
ou national de chaque mesure dans un pays.

Au sein de l’ensemble des mesures répertoriées, certaines ont des effets directs sur l’activité, comme les fermetures, d’autres des effets plus diffus ou redondants, comme par exemple la limitation des rassemblements, le confinement à domicile ou les restrictions imposées aux activités événementielles. Parmi les mesures qui composent l’indicateur synthétique, deux nous paraissent avoir le plus d’influence sur l’activité : la fermeture des écoles (qui empêche l’activité des parents pour garder les enfants s’ils ne télétravaillent pas) et la fermeture plus ou moins étendue des entreprises et des commerces. Selon la méthodologie conçue par l’Université d’Oxford, le degré de sévérité des mesures est caractérisé sur une échelle conventionnelle allant de 0 (mesure inexistante) à 3 ou 4 dans leur application la plus contraignante. Par ailleurs, selon qu’une mesure est nationale ou reste simplement localisée géographiquement, son impact sur l’activité peut être différencié, caractéristique que nous avons prise en compte[3]. Au final, nous avons reconstruit un indice de sévérité à partir de ces deux seuls critères en appliquant la méthodologie de l’Université d’Oxford pour obtenir un indicateur davantage ciblé sur les effets économiques du confinement (Graphique 1).

À partir de
ces indicateurs, on peut juger de la sévérité des confinements par
pays sous l’angle de la précocité de leur mise en œuvre et de la
contrainte imposée par les mesures de fermeture et leur généralisation (Tableau
1 ).

Après les
premières mesures de confinement adoptées par la Chine courant janvier,
l’Europe est rapidement devenue l’épicentre de la pandémie, conduisant les pays
à prendre progressivement des mesures de fermetures. L’Italie a été le premier
pays développé à prendre de telles mesures : localement dès le 22 février
avec des fermetures très contraignantes dans une dizaine de communes, étendues
le 8 mars aux régions de Lombardie et de Veneto, avant d’être généralisées à
l’ensemble du pays dès le 10 mars.

Les autres
pays européens ont suivi tour à tour pour freiner la propagation du virus face
à la saturation des capacités hospitalières. L’Espagne et la France ont ainsi
mis en place des mesures strictes de confinement. L’Espagne à partir du 9 mars localement
puis le 16 au niveau national pour les écoles, et enfin le 14 mars pour la
plupart des entreprises (mesure qui a été étendue le 30 mars à l’ensemble des
entreprises non essentielles) ; la France à partir du 2 mars avec la fermeture
d’une centaine d’écoles dans l’Oise et dans diverses villes (Normandie, …),
puis la fermeture nationale des écoles le 16 mars et la fermeture totale des
entreprises non essentielles le 17 mars.

À l’autre
bout du spectre, la sévérité des fermetures d’entreprises est restée faible en
Allemagne (fermeture simplement recommandée) et a été appliquée plus
tardivement que dans les autres pays (le 22 mars). En revanche, la fermeture
des écoles a été totale, avec une mise en œuvre en deux temps, à savoir des
fermetures à l’échelon local dès le 26 février suivies d’une généralisation au
pays le 18 mars. Quant au Royaume-Uni, le gouvernement a fait le choix de
confiner plus tardivement, avec une fermeture des écoles le 23 mars[4]. La
fermeture des entreprises a en revanche été concomitante de la France mais
beaucoup moins sévère. Les États-Unis ont aussi conduit un confinement souple
avec l’absence de mesures nationales au premier trimestre, même si ces
dernières ont entraîné localement des fermetures totales d’écoles et d’entreprises
non essentielles. Parmi les pays avancés, seule la Suède se distingue par
l’absence de mesures fortes de confinement[5].

Pour évaluer
dans quelle mesure les politiques de confinement ont pu avoir un impact sur
l’activité économique, nous nous sommes appuyés sur les indices de sévérité des
fermetures (écoles et entreprises/commerces) calculés précédemment. Ces
indicateurs, calculés en moyenne sur le premier trimestre, ont été rapprochés
des taux de croissance du PIB sur la même période par le biais d’une
corrélation. La corrélation établie ainsi apparaît clairement négative, avec un
coefficient de corrélation de -0,76 (Graphique 2).
Au vu du degré de sévérité des fermetures, on pourrait s’attendre à ce que certains
pays révisent leur PIB à la baisse (Irlande, Pologne, Pays-Bas, Grèce, Corée
par exemple), et d’autres à la hausse (Espagne, France, Portugal, Belgique). Certaines
révisions ont déjà eu lieu en ce sens entre la première version des comptes du
premier trimestre publiée fin avril et celle publiée fin mai, de -5,8 à -5,3 %
pour la France et de -4,7 à -5,3 % pour l’Italie[6]. En
revanche, les États-Unis, la Suède et le Danemark affichent une évolution du
PIB qui semble conforme à la sévérité des restrictions qu’ils ont mises en
œuvre[7]. La
Chine quant à elle, pays d’où est partie la pandémie, a passé plus des 2/3 du
premier trimestre en confinement. Selon la première estimation, le PIB chinois
a baissé de 10,7 % au premier trimestre 2020 en rythme trimestriel, soit
nettement plus que les autres pays, ce qui semble en ligne avec l’ampleur du
confinement qui y a sévi même si des révisions en hausse sont possibles.

Naturellement, cette corrélation reste imparfaite dès lors que les comportements des agents économiques peuvent être affectés autrement que par les mesures obligatoires. Par exemple, la crainte de la contamination peut ainsi repousser des achats impliquant des contacts sociaux même en l’absence de contraintes légales. De plus, le caractère anxiogène de la crise peut pousser à la constitution d’une épargne de précaution.


[1] Ce
texte est issu du Policy brief «
Évaluation de l’impact économique de la pandémie de COVID-19 et des mesures de
confinement sur l’économie mondiale en avril 2020 », OFCE Policy brief, n° 69, 5 juin 2020.

[2] Voir Hale Thomas, Sam Webster, Anna
Petherick, Toby Phillips, et Beatriz Kira (2020), Oxford COVID-19 Government Response Tracker, Blavatnik School of
Government.

[3] Les
mesures locales ont été pondérées conventionnellement par 0,5 dès lors qu’elles
peuvent avoir un effet sur l’activité globale.

[4] Le
gouvernement avait initialement fait le pari de l’immunité collective en
laissant se propager le virus au sein de la population.

[5] Il est à
noter que ce pays a enregistré par ailleurs des résultats moins bons en matière
de mortalité que ses voisins nordiques.

[6] Voir
sur ce point, Le Bayon S., Péléraux H., « Les comptes nationaux à
l’épreuve du coronavirus », le Blog
de l’OFCE
, 12 juin 2020.

[7] Le chiffre agrégé pour la
Suède masque toutefois des évolutions contrastées entre la demande intérieure
qui a régressé et le commerce extérieur qui affiche une contribution
positive ; voir sur ce point Dauvin M., Sampognaro R., « Suède et
covid-19 : l’absence de confinement ne permet pas d’éviter la récession »,
le Blog de l’OFCE, 30 juin 2020.