par Marion Cochard et Danielle Schweisguth
Le 29 mai dernier, la Commission européenne adressait aux Etats membres de l’Union européenne ses nouvelles recommandations de politique économique. Dans ces recommandations, la Commission préconise un report des objectifs de déficit public pour quatre pays de la zone euro (Espagne, France, Pays-Bas, Portugal), leur laissant davantage de temps pour atteindre la cible de 3 % de déficit public. L’Italie n’est plus en procédure de déficit excessif. Seule la Belgique est sommée d’intensifier ses efforts. Cette nouvelle feuille de route peut-elle être interprétée comme un changement de cap annonçant un assouplissement des politiques d’austérité en Europe ? Peut-on en attendre un retour de la croissance sur le vieux continent ?
Ces questions ne sont pas triviales. La Note de l’OFCE (n°29, 18 juillet 2013) tente d’y répondre en simulant trois scénarii de politique budgétaire à l’aide du modèle iAGS. Il ressort de cette étude que le report des objectifs de déficit public pour quatre pays de la zone euro ne traduit pas un véritable changement de cap de la politique budgétaire en Europe. Certes, le scénario du pire, dans lequel l’Espagne et le Portugal se seraient vu imposer les mêmes recettes que la Grèce, a été évité. La Commission accepte implicitement de laisser jouer les stabilisateurs automatiques quand la conjoncture se dégrade. Cependant, pour de nombreux pays, les préconisations en termes d’efforts budgétaires vont toujours au-delà de ce qui est imposé par les traités (0,5 point de PIB de réduction annuelle du déficit structurel), avec pour corollaire une hausse de 0,3 point du taux de chômage en zone euro entre 2012 et 2017.
Pourtant, une troisième voie nous semble possible. Il s’agit d’adopter dès 2014 une position de « sérieux budgétaire » qui ne remettrait pas en cause la soutenabilité de la dette publique. Cette stratégie consiste à maintenir constant le taux de prélèvements obligatoires et à laisser les dépenses publiques évoluer au même rythme que la croissance potentielle. Cela revient à une impulsion budgétaire neutre entre 2014 et 2017. Dans ce scénario, le solde public de la zone euro s’améliorerait de 2,4 points de PIB entre 2012 et 2017 et la trajectoire de dette publique s’inverserait dès 2014. A l’horizon 2030, le solde public serait excédentaire (+0,7 %) et la dette approcherait les 60 % du PIB. Surtout, ce scénario permettrait de faire baisser significativement le taux de chômage à l’horizon 2017. Les pays européens devraient peut-être s’inspirer de la sagesse de Jean de La Fontaine : « Rien ne sert de courir, il faut partir à point »…