par Jérôme Creel
Pour la première fois, l’OFCE vient de publier un ouvrage synthétique intitulé L’économie européenne 2016 dans la collection Repères des éditions La Découverte. Après soixante années, le chemin parcouru par l’Union européenne ne doit pas manquer de nous impressionner. Pourtant, de nombreuses interrogations demeurent quant à l’efficacité, voire à la pérennité, du projet européen d’intégration. Ce petit livre vise à éclairer le débat, en le resituant dans son contexte historique.
Les six nations fondatrices de la Communauté économique européenne ont été rejointes par pas moins de vingt-deux autres nations dont certaines étaient encore, dans les années quatre-vingt, des économies planifiées, intégrées dans la sphère d’influence soviétique. Le marché commun du charbon et de l’acier a été étendu à toutes les marchandises et à tous les services ; la liberté de circulation des capitaux est complète, celle des personnes, dans l’espace Schengen, décrié aujourd’hui, l’est presque autant. L’Europe s’est immiscée dans la vie quotidienne de tous les citoyens européens, non seulement au travers d’une libéralisation forte des économies dans lesquelles ils vivent, consomment et produisent, mais aussi par l’intermédiaire de règlements, de normes et de politiques publiques et économiques qui protègent, contraignent et influencent leurs activités.
L’Europe est aujourd’hui partout et pourtant, elle reste parfois invisible ou méconnue et souvent incomprise. « L’Europe, quel numéro de téléphone ? », aurait demandé Henry Kissinger à propos de cet objet étrange, ce projet d’intégration économique et politique entre des nations aux histoires communes et tourmentées. « L’Europe : quelle politique pour la croissance, la réduction du chômage et des inégalités? » a-t-on envie de demander aujourd’hui. A nouveau confrontée à une crise économique et sociale qui se prolonge, dans un environnement international très incertain, l’Union européenne peine à retrouver un nouveau souffle, à engager une nouvelle phase de développement, tant institutionnel qu’économique, pour dépasser ses divergences internes. La crise financière internationale et la crise grecque sont passées par là. Celles-ci ont conduit certains Etats membres ou certaines opinions publiques à mettre en avant l’intérêt national plutôt qu’européen, au risque de mettre en péril l’une des réalisations-phares de l’Union européenne : l’euro. La crise a catalysé les défauts originels de cette monnaie unique et commune : fruit d’une intégration inachevée, puisqu’elle ne s’est pas accompagnée d’une politique budgétaire fédérale ou d’une intégration plus grande des marchés du travail, l’intégration monétaire européenne a accru plutôt qu’atténué les divergences économiques, financières et sociales européennes. Pour relancer l’activité des entreprises, améliorer le bien-être des ménages, faut-il donc plus ou moins d’Europe, faut-il plus ou moins d’union ?
C’est à cette question que cherche à répondre l’ouvrage L’économie européenne 2016. Pour ce faire, il faut d’abord rappeler les étapes de la construction européenne. Les politiques communes, de concurrence, agricole et relatives à la mondialisation, ont façonné les institutions et le projet d’intégration européenne. La mobilité accrue des capitaux et des personnes, et les échanges commerciaux plus intenses entre les Etats membres de l’Union européenne ont motivé le passage à l’euro. Ils ont aussi obligé les Européens à s’interroger sur les politiques fiscales et sociales : concurrence ou harmonisation, quel est le meilleur moyen pour rendre l’Union européenne attractive et compétitive ? Enfin, la montée des risques écologiques a mené l’Union européenne à s’engager en faveur de l’environnement, de manière précoce par rapport à d’autres régions du monde au même stade de développement.
La deuxième partie de l’ouvrage envisage l’avenir de la zone euro, dont la crise a relancé les spéculations sur la pérennité de la monnaie unique et sur l’avenir du projet d’intégration européenne lui-même. Si un certain nombre d’instruments économiques – la politique monétaire non-conventionnelle, le plan européen d’investissement public, dit « plan Juncker » – et d’objectifs – la stabilité financière – ont été créés ou renforcés durant cette crise, il reste à l’Union européenne à dépasser ses dissensions et divergences internes pour que le projet européen puisse être défini simplement comme un moteur de développement pour tous ses Etats membres, sans exception, sans séparation. Davantage d’Europe, certainement, mais à condition de savoir mieux pour quoi faire ensemble : tel est l’enjeu des prochains mois.
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