par le Département Analyse et Prévisions, sous la direction d’Eric Heyer et de Xavier Timbeau
Ce texte résume les perspectives économiques 2015-2017 de l’OFCE pour la zone euro et le reste du monde
Les chiffres de croissance pour le premier semestre 2015 dans la zone euro ont confirmé le mouvement de reprise entrevu en fin d’année 2014. Alors que le retour de la croissance dans la zone euro aurait pu indiquer la fin de la crise économique et financière mondiale apparue en 2008, les turbulences enregistrées dans les pays émergents et en particulier en Chine pendant l’été rappellent que la crise ne semble finalement pas vraiment finir. Le poids économique de la Chine et son rôle dans le commerce mondial sont aujourd’hui tels que même dans le cas d’un atterrissage en douceur, les conséquences sur la croissance des pays développés seront significatives. Nous anticipons néanmoins que le scénario de reprise ne sera pas remis en cause et que la croissance de la zone euro restera globalement soutenue par des facteurs favorables (baisse du prix du pétrole et soutien monétaire de la BCE) ou moins défavorables (politiques budgétaires moins restrictives). Il n’en demeure pas moins que la situation dans le monde en développement ajoutera une nouvelle incertitude sur une reprise déjà si fragile.
Entre 2012 et 2014, l’activité dans les pays de la zone euro avait stagné alors que dans le même temps les Etats-Unis affichaient une croissance du PIB de 2 % en moyenne. La reprise qui s’était engagée après la forte contraction de 2008-2009 a rapidement tourné court dans la zone euro du fait de la crise de la dette souveraine qui s’est rapidement traduite par un durcissement rapide et incontrôlé des conditions financières et qui a renforcé l’épisode de consolidation budgétaire des Etats membres, en quête de crédibilité aux yeux des marchés. La zone euro a alors plongé dans une nouvelle récession. En 2015, ces chocs de politique économique ne pèseront plus sur la demande. La BCE a contribué au recul des primes de risque sur la dette souveraine en annonçant l’OMT (Outright monetary transaction) en septembre 2012, puis en mettant en œuvre une politique d’assouplissement quantitatif qui améliore les conditions financières et favorise la baisse de l’euro. Du côté de la politique budgétaire, si la phase de consolidation est loin d’être terminée pour certains pays, le rythme et l’ampleur des mesures annoncées diminuent. Par ailleurs, la croissance sera aussi alimentée par la baisse du pétrole qui semble durable. Les gains de pouvoir d’achat dont bénéficieront les ménages devraient nourrir la consommation privée. Ces différents facteurs reflètent donc bien un environnement plus favorable et propice à la croissance. Cependant, force est de constater que le scénario s’appuie également sur des facteurs volatils tels que les baisses du prix du pétrole et de l’euro. Le ralentissement chinois ajoutera donc un risque supplémentaire à ce scénario qui s’appuie sur l’hypothèse d’une transition maîtrisée de l’économie chinoise d’un modèle de croissance tourné vers les exportations à une économie tirée par sa demande interne. Nous estimons que la croissance dans la zone euro s’établirait à 1,5 % en 2015 puis 1,8 % en 2016 et 2017. Les principaux risques à court terme de ce scénario sont négatifs. Si le prix du pétrole remontait, si l’euro ne baissait pas et si le ralentissement dans les émergents se transformait en crise économique et financière, la croissance mondiale et celle de la zone euro seraient significativement réduites. Ce risque est d’autant plus critique que le taux de chômage de la zone euro reste très élevé (11 % en août 2015). Or étant donné le rythme de croissance anticipé, nous prévoyons une baisse du chômage annuelle en 2016-2017 de l’ordre de 0,6 point par an. A ce rythme, il faudra presque 7 ans pour ramener le taux de chômage à son niveau d’avant-crise. Ainsi, si la sortie de crise économique qui a débuté en 2008 est incertaine, il semble en revanche certain que la crise sociale a de beaux jours devant elle.