par Bruno Ducoudré et Eric Heyer
Chaque trimestre, l’Insee publie le taux de chômage au sens du Bureau International du Travail (BIT) : pour le 4ème trimestre 2013, en France métropolitaine, celui-ci est en baisse de 0,1 point, soit 41 000 chômeurs en moins. Parallèlement, chaque mois paraît le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle Emploi : au cours du 4e trimestre 2013, cette source indique une hausse de 23 000 du nombre de demandeurs d’emploi inscrits en catégorie A. Dans un cas le chômage baisse, dans l’autre il augmente, ce qui ne permet pas de poser un diagnostic clair quant à l’évolution du chômage sur la fin d’année.
A quoi doit-on attribuer la différence de diagnostic entre l’Insee et Pôle emploi ?
Outre les différences liées à la méthodologie (enquête Emploi pour le BIT, source administrative pour Pôle emploi), rappelons que pour être comptabilisé comme chômeur au sens du BIT, il faut remplir trois conditions : être sans emploi, disponible pour en occuper un et effectuer une recherche active d’emploi. La seule inscription à Pôle emploi n’est cependant pas suffisante pour remplir cette dernière condition. Ainsi, les inscrits en catégorie A à Pôle emploi qui n’ont pas effectué de recherche active ne sont pas comptabilisés comme chômeurs au sens du BIT. Le critère du BIT est donc plus restrictif. Historiquement le nombre de chômeurs inscrits à Pôle emploi est plus élevé que celui calculé au sens du BIT pour les personnes âgées de 25 ans et plus. Pour les moins de 25 ans, l’intérêt de s’inscrire à Pôle emploi est généralement plus faible[1] sauf en période d’activation du traitement social du chômage comme ce fut le cas lors du dernier trimestre 2013: pour bénéficier d’un emploi aidé, il est nécessaire d’être préalablement inscrit à Pôle emploi.
Comme l’indique le tableau 1, quelle que soit la classe d’âge, la situation semble moins favorable dans les chiffres de Pôle emploi que dans ceux au sens du BIT : le découragement face à la dégradation continue depuis plus de 2 ans du chômage a provoqué l’arrêt de la recherche active d’emploi pour un certain nombre de chômeurs qui ne sont plus comptabilisés comme tel au sens du BIT mais qui continuent pourtant à actualiser leur situation à Pôle emploi et donc restent inscrits dans la catégorie A.
La baisse du taux de chômage au sens du BIT est-elle une bonne nouvelle ?
Le taux de chômage peut baisser pour deux raisons : la première, vertueuse, résulte d’une sortie du chômage liée à l’amélioration du marché de l’emploi ; la seconde, moins réjouissante, s’explique par le découragement de certains chômeurs qui basculent alors dans l’inactivité. Les dernières statistiques du BIT soulignent que la baisse de 0,1 du taux de chômage s’explique intégralement par la baisse du taux d’activité – qui mesure le pourcentage de personnes actives dans la population âgée de 15 à 64 ans – et non par la reprise de l’emploi qui est resté stable. La baisse du taux de chômage n’est donc pas attribuable à une reprise de l’emploi, mais à un découragement des chômeurs, qui cessent de rechercher activement un emploi (tableau 2).
Dans le détail, la politique de l’emploi menée par le gouvernement – emplois d’avenir, contrats uniques d’insertion – a eu un effet positif sur l’emploi des jeunes, le taux d’emploi augmentant de 0,3 point au cours du dernier trimestre 2013. Chez les seniors, le taux d’emploi continue toujours d’augmenter (de 0,2 point) du fait du recul de l’âge de départ effectif à la retraite. Certes, le chômage au sens du BIT baisse chez les seniors, mais la forte hausse des inscriptions à Pôle emploi dans cette classe d’âge (tableau 1) traduit certainement une modification dans leur comportement de recherche d’emploi : de plus en plus de seniors ne font plus acte de recherche d’emploi. Ils sont désormais classés dans le« halo » du chômage, qui lui poursuit sa hausse.
Finalement, la baisse du taux de chômage au sens du BIT, marquée par l’absence de reprise de l’emploi et le découragement des chômeurs, n’est pas une si bonne nouvelle.
[1]Pour ouvrir un droit à indemnisation au titre du chômage et percevoir l’allocation d’aide au retour à l’emploi, il faut justifier de 122 jours d’affiliation ou de 610 heures de travail au cours des 28 mois qui précèdent la fin du contrat de travail.