par Michel Forsé
Raymond Boudon, Professeur émérite de l’Université Paris Sorbonne, est mort à l’âge de 79 ans le mercredi 10 avril 2013. Difficile de résumer une œuvre aussi féconde. Il fut bien sûr le chef de file de ce courant de pensée que l’on nomme l’individualisme méthodologique selon lequel le collectif est toujours le résultat d’actions individuelles et rationnelles. Il a consacré une grande part de ses travaux à en exposer les fondements en se rattachant beaucoup à la pensée de Max Weber. Au début de sa carrière, ses contacts personnels avec l’américain Paul Lazarsfeld l’avaient amené à développer une approche formalisée et rigoureuse des faits sociaux, à l’opposé du structuralisme en vogue à l’époque et qu’il n’appréciait guère. Pour lui, comme le titre d’un de ses derniers livres (2011) l’indique, la sociologie était une science au sens fort du terme. En ce sens, il a aussi par de nombreux articles et livres essayé de montrer tous les ravages auxquels le relativisme idéologique ou culturel pouvait conduire.
Auteur d’une œuvre très prolixe, qui en fait sans conteste un des sociologues majeurs du XXe siècle, il fut aussi éditeur. Il dirigea aux PUF jusque récemment la collection « Sociologies » où l’on trouvait aussi bien des traductions de grands classiques que des ouvrages de jeunes auteurs. Il dirigea aussi pendant de nombreuses années l’Année Sociologique, revue fondée par Emile Durkheim.
Membre de l’Académie des Sciences Morales et Politiques, il y joua un rôle actif en y impulsant des projets de recherche. Il était par ailleurs aussi membre de nombreuses et prestigieuses académies étrangères comme la British Academy ou l’American Academy of Arts and Sciences.
Agrégé de philosophie et normalien, Raymond Boudon enseigna durant toute sa carrière et beaucoup de ses ouvrages sont marqués par un fort caractère pédagogique. Il voulait faire connaître les grands auteurs, souvent sous un jour nouveau, et les notions clefs de la sociologie par exemple au travers de ce Dictionnaire critique de la sociologie ou de ce Traité de sociologie qu’il dirigea. Il était bien sûr aussi dans le même temps un chercheur, d’ailleurs tout autant dans le domaine des méthodes, des théories que dans celui des analyses empiriques. Au CNRS, il fonda et dirigea pendant de nombreuses années le Groupe d’Etude des Méthodes de l’Analyse Sociologique.
Exigeant dans son approche scientifique des faits sociaux, ne se souciant pas de suivre les modes du moment, impressionnant par la somme de ses publications, traduites en de nombreuses langues, Raymond Boudon était pourtant d’un abord extrêmement simple et agréable. Tous ceux qui l’ont connu peuvent en témoigner. Au-delà du savant dont l’œuvre restera, nous perdons avant tout un humaniste militant.