Pouvoir d’achat : faut-il une revalorisation « accélérée » des prestations sociales ?

par Pierre Madec

En 2015, le calcul de la revalorisation des prestations sociales (pensions de retraites, allocations familiales, minima sociaux, …) a été modifié. Les prestations sociales étaient jusqu’alors revalorisées soit en janvier (pensions de retraite) soit en avril (autres prestations sociales hors APL), sur la base d’une prévision d’inflation avec un correctif possible en fin d’année en cas d’inflation plus élevée. Désormais, les prestations sociales sont revalorisées le 1er avril, à l’exception des retraites qui sont revalorisées le 1er janvier, sur la base de l’évolution moyenne annuelle de l’indice des prix à la consommation (hors tabac) observée au cours des 12 derniers mois.

Sur la base de ce mode d’indexation, les pensions de retraite ont été revalorisées de 1,1% au 1er janvier (évolution moyenne sur 12 mois de l’indice des prix hors tabac observé entre novembre 2020 et octobre 2021) et les autres prestations sociales de 1,8% au 1er avril 2022 (évolution moyenne sur 12 mois de l’indice des prix hors tabac observée entre février 2021 et janvier 2022) alors même qu’en avril 2022, le glissement annuel de l’indice des prix à la consommation s’élevait à 4,8% … Ce décalage entre la revalorisation à partir de l’inflation moyenne passée et la hausse de l’inflation en cours a de fait généré une perte de pouvoir d’achat importante des prestations sociales pour les ménages allocataires au cours des derniers mois.

À l’aide de l’enquête Budget des familles de l’Insee[1] et sur la base de notre prévision d’inflation pour les trois prochains trimestres, nous estimons la contribution des revalorisations des prestations à la baisse du pouvoir d’achat pour 2022, par décile de niveau de vie (Graphique 1)  :  en moyenne sur l’année, les ménages du premier décile de niveau de vie (les 10% les plus modestes) devraient connaître une baisse de leur pouvoir d’achat de 2% par rapport à 2021 du seul fait de la méthode d’indexation des prestations sociales[2]. La faible hausse des pensions de retraite en 2022 liée au calcul de revalorisation en début d’année amputerait jusqu’à 1,8% le pouvoir d’achat des ménages appartenant au quatrième décile de niveau de vie.

Conscient des enjeux, le gouvernement prévoit d’accélérer le calendrier habituel et
propose une revalorisation « exceptionnelle » des prestations sociales en juillet 2022 pour
contrer les effets décrits précédemment. Selon les déclarations récentes de la Première
ministre, les pensions de retraite et les autres prestations sociales devraient être revalorisées de 4 % en juillet 2022. Selon nos estimations et sous l’hypothèse de notre prévision de prix jusqu’à la fin de l’année, cette revalorisation permettrait d’améliorer légèrement le pouvoir d’achat des 10 % des ménages les plus modestes (+0,2 %). Cette revalorisation exceptionnelle ne permettrait pas de compenser totalement les pertes de pouvoir d’achat subies par les ménages retraités, plus présents dans le haut de la distribution de niveau de vie, mais leurs pertes potentielles devraient être très limitées et sans commune mesure avec celles prévues hors revalorisation (graphique 2).


[1] Pour plus de détails voir « Hausse de prix à la consommation : au mois de mars près d’un quart des ménages ont perdu du pouvoir d’achat malgré les dispositifs mis en place », Raul Sampognaro, Blog de l’OFCE, avril 2022.

[2] Ne sont ici pas prises en compte les évolutions possibles des autres revenus (salaires, revenus du patrimoine, …).