par Jérôme Creel
L’ouvrage L’économie européenne 2021 qui vient tout juste de paraître se concentre sur l’impact de la crise de la Covid-19 et des mesures prophylactiques en Europe. L’introduction du précédent volume, il y a un an, commençait par ces mots : « En 2020, Mesdames Lagarde et von der Leyen vivront leur première année pleine au sommet de l’Europe (…) dans un environnement européen et international compliqué ». Il faut bien avouer que nous ne savions pas alors à quel point l’année 2020 serait effectivement compliquée.
Au plan économique et social, la pandémie n’a pas seulement conduit à la plus grande récession mondiale de l’après-guerre, mais elle a aussi accru le risque de voir les enjeux structurels, tels que la lutte contre le changement climatique, passer au second plan, et pour longtemps, des priorités des gouvernements. Les chocs macroéconomiques infligés par la pandémie et par les mesures prophylactiques mises en œuvre pour y faire face ont été d’une telle ampleur que les réponses de politique économique ont elles aussi été d’une vigueur inaccoutumée. Bien que proportionnées aux enjeux conjoncturels de court terme, ces réponses pourraient obérer les chances de voir l’Europe s’engager résolument dans une trajectoire soutenable et équitable de ses niveaux de vie, conformément aux objectifs du traité sur l’Union européenne. De quelles marges de manœuvre dispose encore l’Europe après une hausse des dettes publiques de 15 points de PIB depuis 2019 et une longue période de politiques monétaires ultra-accommodantes de la banque centrale européenne ? A l’inverse, quels risques font peser les tentations de « normalisation » des politiques économiques sur l’économie européenne ? A défaut de répondre précisément à ces questions, l’ouvrage propose des pistes de réflexion qui permettent en filigrane d’appréhender les marges d’amélioration du processus européen d’intégration en accordant la priorité aux objectifs plutôt qu’aux moyens.
Evaluer les conséquences qu’aura la pandémie sur la trajectoire économique, sociale et environnementale de l’Europe réclame, en guise de préalable, un diagnostic complet sur ses conséquences à court terme. L’ouvrage présente ainsi un état des lieux conjoncturel d’une zone euro soumise à une grande incertitude quant à la persistance de l’épidémie et à celles des politiques budgétaires et monétaires mises en œuvre pour y faire face. Il dresse une typologie des facteurs contribuant à la mortalité due à la Covid-19 et présente un premier bilan des conséquences de l’épidémie sur les marchés du travail européens, sur les politiques publiques et budgétaires et sur les liens de ces dernières avec l’action de la banque centrale européenne.
Il expose également les avancées de la gouvernance budgétaire européenne avec l’adoption d’un nouvel outil de gestion, Next Generation EU, en juillet 2020 et s’interroge sur le cadre budgétaire commun qui sortira éventuellement de cette crise. L’adaptation du Green Deal aux nouveaux enjeux sanitaires, les avancées timides en faveur d’une politique européenne de santé publique et la question non encore résolue des ressources propres pour financer le budget européen sont tour à tour discutées en lien avec ce nouvel instrument. Next Generation EU a certes ouvert une brèche dans la gestion budgétaire européenne en mêlant responsabilité politique nationale (chaque Etat membre choisit les projets financés et les soumet à l’approbation de la Commission européenne), solidarité (une partie des fonds européens est une subvention) et relance budgétaire. Reste à savoir si les moyens qu’il alloue seront suffisants pour atteindre ses objectifs et, avant cela, s’il sera effectivement mis en œuvre après l’ordonnance de la Cour constitutionnelle d’en suspendre la ratification en Allemagne.
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