2018 : baisse du chômage non garantie

par Bruno Ducoudré

Contre toute attente, le taux de chômage au sens du BIT pour le troisième trimestre 2017 a augmenté de 0,2 point. Dans notre dernier exercice de prévisions pour l’économie française, nous avions prévu une stabilité du taux de chômage, en soulignant toutefois les risques qui pèsent sur son évolution au deuxième semestre 2017 et pour l’année 2018. Dans ce billet, nous revenons sur notre prévision d’emploi et de chômage pour 2017-2019 et sur les risques d’observer un coup d’arrêt à la baisse du taux de chômage en 2018.

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L’emploi marchand ralentira en 2018…

Après trois années de destructions d’emplois salariés dans le secteur marchand            (-130 000 emplois entre fin 2011 et fin 2014), la reprise des créations d’emplois s’est amorcée en 2015 (+113 000 emplois) et celles-ci ont accéléré en 2016 (+229 000 emplois salariés marchands). Les créations d’emplois ont été soutenues par le rebond, certes faible, de la croissance à partir de 2014, et par les mesures de baisse de coût du travail (CICE, Pacte de responsabilité, Prime à l’embauche). Les créations nettes d’emplois étant supérieures à l’évolution de la population active, le nombre de chômeurs a diminué (-187 000 depuis fin 2014), portant le taux de chômage au sens du BIT en France métropolitaine à 9,4 % de la population active au troisième trimestre 2017, contre 10,1 % fin 2014 (tableau 1).

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À l’horizon 2019, les créations d’emplois salariés dans le secteur marchand seraient soutenues par la croissance de l’activité économique. Le rythme des créations d’emplois ralentirait toutefois par rapport à 2017, sous le coup de la fin de la Prime à l’embauche au deuxième semestre 2017 et de la fin de la montée en charge du CICE et du Pacte de responsabilité.

Concernant la politique de l’emploi, celle-ci ne soutiendrait plus, hors mesures fiscales, les créations d’emplois à partir du deuxième semestre 2017 (-46 000 contrats aidés dans le secteur non-marchand en 2017), en raison d’un nombre prévu de contrats aidés au deuxième semestre insuffisant pour maintenir le stock existant. Pour 2018, le gouvernement a annoncé 200 000 contrats aidés non-marchands (contre 310 000 attendus pour 2017), ainsi que l’arrêt des emplois d’avenir. Le stock de contrats aidés devrait donc continuer de baisser rapidement. Pour 2019 nous avons retenu l’hypothèse d’une stabilisation du stock de contrats aidés non-marchands (hors baisse des emplois d’avenir), qui pourrait toutefois s’avérer optimiste compte tenu de la volonté du gouvernement de réorienter la politique de l’emploi vers la formation des jeunes éloignés du marché du travail et des chômeurs de longue durée. L’emploi public hors emplois aidés diminuerait quant à lui de 24 000 postes, en cohérence avec l’annonce de la suppression de 120 000 emplois publics sur l’ensemble du quinquennat[1].

Au total, et compte tenu des créations d’emplois non-salariés et de la réduction attendue des effectifs dans le secteur non-marchand, 251 000 emplois seraient créés en 2017, 123 000 en 2018, puis 196 000 en 2019.

… et le chômage devrait baisser…

Après sept années de hausse du taux de chômage, 2015 a été l’année de l’inversion de la courbe du chômage, celui-ci entamant une baisse quasi-ininterrompue depuis lors. Le dynamisme des créations d’emplois salariés dans le secteur marchand (483 000 entre la fin d’année 2014 et le deuxième trimestre 2017) explique une part importante de cette baisse. La population active observée est aussi bien moins dynamique depuis 2015 (+110 000 actifs par an en moyenne) qu’entre 2008 et 2014 (+166 000 actifs par an en moyenne).

En prévision et sur la base des dernières projections de population active de l’Insee[2], la population active tendancielle croîtrait ainsi de 80 000 personnes en moyenne sur la période 2017-2019, contre 160 000 personnes en moyenne chaque année sur la période 2008-2016. Le dynamisme des créations d’emplois aurait également un effet positif sur la population active via un effet de flexion, des personnes inactives étant incitées à revenir sur le marché du travail du fait de l’amélioration des conditions sur ce dernier.

Par ailleurs, le Plan d’investissement des compétences (2 millions de formations supplémentaires annoncées pour 2018-2022 dans le cadre du Grand plan d’investissement) doit débuter en 2018 et monterait en charge progressivement, ce qui freinera légèrement la hausse de la population active, en transférant temporairement des chômeurs de longue durée vers l’inactivité, sans toutefois modifier significativement la trajectoire prévue du taux de chômage.

En 2017-2019, l’emploi total resterait relativement dynamique (+251 000 en 2017, +123 000 en 2018 et +196 000 en 2019), soit un rythme suffisant pour faire baisser le chômage. Le taux de chômage en France métropolitaine devrait baisser de 0,2 point en 2018, et poursuivrait sa baisse en 2019 à un rythme plus rapide (-0,4 point, tableau 1). Cette baisse serait soutenue principalement par une croissance de l’activité plus dynamique en 2019 par rapport à 2018.

… si les contrats aidés ne pèsent pas trop sur l’emploi

La forte baisse des contrats aidés dans le secteur non-marchand, le moindre enrichissement de la croissance en emplois et la croissance de l’activité un peu moins dynamique en 2018 par rapport à 2017 freineraient la baisse du chômage en 2018 après la baisse significative de 2016 (-60 000 chômeurs prévus en 2018 en glissement annuel). La baisse attendue du chômage en 2018 pourrait toutefois ne pas se réaliser en cas d’effet plus fort de la baisse des contrats aidés sur l’emploi non-marchand et en cas de baisse de l’emploi non-salarié. Plus précisément, la croissance à elle seule ne garantit pas la baisse du chômage en 2018, la reprise étant molle par rapport aux reprises observées par le passé (croissance supérieure à 2%). Le gouvernement prend donc un risque avec la réduction des contrats aidés en raison des incertitudes qui entourent les prévisions d’emploi (effets d’aubaine, cycle de productivité, emplois non-salariés, …).

Le premier risque concerne l’effet des contrats aidés sur l’emploi non-marchand, qui pourrait être plus important compte tenu de la diminution conjointe du taux de prise en charge par l’État. À cela pourrait s’ajouter une baisse de l’emploi non-salarié. Afin d’illustrer l’incidence de ces incertitudes sur notre prévision de taux de chômage, nous avons utilisé la méthode de simulation de Monte-Carlo. Le choix des sources d’incertitudes porte sur le taux de croissance de l’emploi non-salarié, celui de l’emploi salarié marchand, mais aussi sur l’impact de la baisse des contrats aidés sur l’emploi non-marchand et sur l’incertitude relative au défaut de bouclage[3]. Le tableau ci-dessous résume les principales hypothèses concernant les densités de probabilités de chacun de ces facteurs d’entrée porteurs d’incertitudes qui seront propagées pour obtenir la densité de probabilité du taux de chômage à l’horizon de notre prévision. Cela nous permet d’associer à notre prévision un intervalle de confiance. Compte-tenu de l’impact de l’incertitude entourant le défaut de bouclage, nous donnons les intervalles de confiance avec et sans l’incertitude liée au défaut de bouclage.

En lien avec nos hypothèses de croissance, l’emploi salarié marchand augmenterait de façon quasi-certaine à l’horizon de notre prévision, tandis que l’emploi non-marchand diminuerait. Hors défaut de bouclage, le taux de chômage baisserait à l’horizon 2019. En revanche il resterait stable ou augmenterait au deuxième semestre 2017 (respectivement fin 2018) avec une probabilité de 40 % (3 %). La prise en compte du défaut de bouclage augmente considérablement l’incertitude sur l’évolution du taux de chômage, qui pourrait rester stable ou augmenter d’ici la fin d’année 2018 avec une probabilité de 30 %. Celui-ci baisserait toutefois fin 2019 avec une probabilité de 87 % en prenant en compte le défaut de bouclage. Pour conclure, la baisse du taux de chômage attendue pour l’année 2018 est entourée d’une incertitude telle qu’il ne faut pas exclure l’arrêt de la baisse du taux de chômage en 2018.

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[1] La baisse des emplois aidés dans le secteur non marchand en 2019 s’explique par la fin des emplois d’avenir. Les emplois non aidés non marchands diminuent de 6 000, intégrant la baisse de 24 000 postes de fonctionnaires, compensée pour partie par une hausse des autres emplois non aidés (une partie des contrats aidés étant remplacée par des contrats non aidés).

[2] Cf. Koubi M., & Marrakchi A., 2017, « Projections de la population active à l’horizon 2070 », Insee, Document de travail, n° F1702.

[3] Le défaut de bouclage provient de l’utilisation de sources différentes pour décomposer la population active entre emploi (source comptabilité nationale) et chômage (source enquête emploi). Ce défaut de bouclage est nul en moyenne sur la période 2002-2016.

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