par Odile Chagny, IRES, Sabine Le Bayon, Catherine Mathieu, Henri Sterdyniak, OFCE
La plupart des pays développés ont aujourd’hui un salaire minimum, en particulier 22 des 28 pays de l’UE. La France a longtemps fait figure d’exception, avec un salaire minimum relativement élevé. Mais, en 1999, le Royaume-Uni a mis en place un salaire minimum, et l’objectif du gouvernement britannique est de porter ce salaire à 60 % du salaire médian d’ici 2020, ce qui le placerait au niveau de la France dans le haut du classement des pays de l’OCDE. Plus récemment, en 2015, l’Allemagne a introduit un salaire minimum.
Toutefois, le salaire brut est une notion juridique. Ce qui importe du point de vue économique est le coût du travail pour l’entreprise, et le revenu disponible (tenant compte des prestations et des impôts) des ménages de salariés payés au salaire minimum.
Nous présentons dans le Policy Brief n° 34 une comparaison des salaires minima en vigueur en 2017 dans ces trois pays, à l’aide de cas-type, du point de vue du coût du travail, puis du niveau de vie des salariés.
Il apparaît que le coût du travail est un peu plus élevé en Allemagne qu’en France et nettement plus qu’au Royaume-Uni, et que les réformes annoncées en France pour 2019 (baisse des cotisations) renforceront l’avantage compétitif de la France vis-à-vis de l’Allemagne. Le coût du travail au salaire minimum n’est donc pas particulièrement élevé en France (tableau).
En ce qui concerne le revenu disponible, la comparaison de différentes configurations de temps de travail et de situations familiales met en évidence des logiques différentes dans les trois pays. En Allemagne, la logique sous-jacente est de protéger les familles de la pauvreté, quelles que soient les modalités de travail des parents. A contrario, en France, une famille avec deux enfants doit cumuler deux temps complets au SMIC pour échapper à la pauvreté, le système socialo-fiscal voulant inciter à l’insertion des femmes dans le marché du travail. La France est ainsi le seul des trois pays où une famille mono-active avec deux enfants dont l’un des parents travaille à temps complet au salaire minimum est en dessous du seuil de pauvreté monétaire (graphique).
Du point de vue de la position relative des salariés au salaire minimum par rapport à l’ensemble de la population, notre étude met en évidence la situation plutôt favorable du Royaume-Uni. Le niveau de vie y est comparativement élevé : toutes les familles considérées dans nos cas types ont un niveau de vie supérieur au seuil de pauvreté, de l’ordre de 30% pour une famille où les deux parents travaillent au salaire minimum à temps complet. Le gain à la reprise d’un emploi y est, comme en France, élevé, alors qu’il est bas en Allemagne dans toutes les configurations.
Enfin, notre analyse contribue au débat sur la mise en place d’un salaire minimum en Europe. Une politique d’harmonisation des salaires minima en Europe telle que celle qui est proposée par la Confédération européenne des syndicats et soutenue par la France, ne peut se concevoir uniquement en termes de revenus salariaux, mais doit aussi tenir compte des objectifs visés en termes de niveaux de vie, tout particulièrement pour les familles.
Il serait très intéressant d’avoir pour chaque pays le coût du travail, cotisations sociales et les charges d’impôt et taxes, électricité-gaz-eau – loyers et ses charges, pris des carburants et prix de l’alimentation.