Dans le cadre de la procédure pour déficit excessif (PDE) à laquelle est soumise la Croatie depuis le 28 janvier 2014, le gouvernement croate a dû réviser son budget prévisionnel pour les trois années à venir puisque c’est le délai qui a été imparti au pays pour remettre ses finances publiques en bon ordre, le « bon ordre » s’entendant comme un déficit public ne dépassant pas les 3 % du PIB. Ce nouveau budget s’inscrit dans une conjoncture économique très défavorable puisque la projection de croissance du PIB par le gouvernement pour 2014 a été révisée de 1,3 % à un tout petit 0,2 %.
Paradoxalement, le nouveau budget pourrait contribuer à prolonger la récession dans le pays plutôt qu’à l’en sortir, tout du moins en 2014. Le paradoxe mérite d’autant plus d’être souligné que c’est aussi l’avis de ceux pour qui le gouvernement croate réalise l’ajustement : d’une part, les agences de notation et d’autre part, les institutions internationales (tout du moins le FMI, la Commission européenne se devant d’être silencieuse sur le sujet). De fait, un simple coup d’œil sur le budget révisé suffit à entrevoir que l’ajustement budgétaire proposé par le gouvernement croate n’aura pas d’effets expansionnistes sur le PIB. Par exemple, le budget prévoit une hausse des revenus fiscaux, notamment via une augmentation du taux des cotisations d’assurances santé de 13 à 15 %. Mais cela aura aussi pour effet de grever la compétitivité internationale des entreprises, déjà très malmenée. Les salaires et primes des fonctionnaires d’Etat baisseront (d’environ 6 %) de façon à donner une bouffée d’air aux finances publiques. Mais ces coupes dans les salaires des fonctionnaires ne contribueront pas à redresser la demande interne déjà très atone du fait des réajustements de bilan des ménages et entreprises. Dernier exemple, les profits des entreprises publiques ne seront pas réinvestis dans l’économie afin de renflouer les caisses de l’Etat. Or,le pays se prive du même coup d’une source de croissance puisque les entreprises publiques, du fait de leur poids dans l’économie, réalisent une bonne part de l’investissement productif.
Il ne fait pas de doute que les finances publiques croates doivent être assainies.. Toutefois, l’horizon des ajustements budgétaires décidés par le gouvernement croate nous semble extrêmement « court-termiste », sans remise en question du modèle de croissance existant ni recherche de sources de croissance pérennes. Il y a quelques semaines, dans une note de l’OFCE, nous avons discuté l’impact des ajustements budgétaires alternatifs sur la croissance et les finances publiques. Dans le cas précis de la Croatie, le gouvernement ne pourra faire l’économie d’une réflexion sur la restructuration de son appareil productif (au travers notamment de privatisations et de concessions), sur les moyens d’améliorer le recouvrement de l’impôt et, plus largement, sur la politique anti-corruption à mener afin d’améliorer le « climat des affaires » dans le pays. En attendant, en grande partie du fait des choix budgétaires réalisés, l’année 2014 signera vraisemblablement la 6e année de récession consécutive pour la Croatie. Le FMI qui, dans ses prévisions, intègre un impact récessif des ajustements budgétaires supérieur à celui du gouvernement croate, projette d’ailleurs pour 2014, un recul du PIB de l’ordre de 0,5 à 1 %. En cumulé, la baisse du PIB depuis 2009 se situerait donc entre 11,6 à 12,5 %… Pas de quoi rêver …