par Paul Hubert
Tous les yeux sont actuellement tournés vers la BCE dont les déclarations récentes indiquent qu’elle se préoccupe du risque déflationniste dans la zone euro. Le nouveau recul de l’inflation au mois de mai à 0,5 %, en rythme annuel rappelle que ce risque s’accroît, ce qui pourrait amener la BCE à agir, lors de la réunion mensuelle du Conseil des Gouverneurs qui se tient aujourd’hui, ou dans les mois à venir. Ce post présente un court résumé des options possibles et disponibles pour la BCE.
1. Réduire le taux d’intérêt directeur (main refinancing operations rate, ou taux MRO) actuellement à 0,25%. Le consensus sur les marchés financiers se situe autour d’une réduction de 10 à 15 points de pourcentage, ce qui permettrait de réduire un peu plus le coût du financement pour les banques qui dépendent encore des liquidités de la BCE. Cette mesure aurait cependant un impact marginal sur les taux des opérations de refinancement (MRO et LTRO, opérations dites de refinancement à plus long terme), ce qui influencerait peu les conditions de financement et aurait donc peu d’avantages pour les banques espagnoles et italiennes (principales utilisatrices de cette option).
2. Réduire le taux d’intérêt des dépôts (deposit facility rate) de zéro à des taux négatifs (à nouveau de 10 à 15 points de pourcentage). Cette option est anticipée en grande partie par les marchés financiers. Un taux d’intérêt négatif sur les dépôts devrait également être accompagné d’une modification de la politique des réserves excédentaires de la BCE en plafonnant le montant des réserves excédentaires des banques commerciales au bilan de la BCE ou en appliquant le même taux négatif aux réserves excédentaires. Sans cela, les banques transfèreraient tout simplement leur fonds du compte de dépôts vers les réserves excédentaires. Une combinaison de ces deux politiques devrait conduire à un taux Eonia plus faible, entre zéro et 0,05%. Ainsi, l’incitation des banques à laisser leurs liquidités à la BCE serait réduite afin de stimuler la distribution de crédits au secteur non financier.
3. Une extension de la politique de provision de liquidités en quantité illimitée à taux fixe (fixed-rate full allotment) de mi-2015 à fin 2015 ou même mi-2016, est majoritairement considérée comme une option facile et rapide qui fournirait une assurance supplémentaire sur les marchés avant les échéances de LTRO de début 2015. Ce type de mesure garantirait la liquidité du système bancaire mais pourrait avoir un impact limité sur l’activité et l’inflation tant que les banques préféreront placer leurs liquidités auprès de la banque centrale.
4. La BCE annonce la fin de la stérilisation du programme SMP (Securities Markets Programme, programme d’achats d’obligations souveraines des pays en difficulté de la zone euro). Les marchés paraissent divisés sur cette question. La BCE n’a pas réussi à attirer une demande suffisante pour stériliser complètement cette opération lors des huit dernières semaines. Cela ajouterait 164,5 milliards d’euros (le montant cible du SMP) de liquidités au système et conduirait le taux Eonia à zéro ou même en territoire négatif et pourrait réduire la volatilité apparue ces derniers mois. Cette mesure réduirait donc également le taux des refinancements interbancaires, ce qui reviendrait peu ou prou à la première option.
5. Un programme de LTRO conditionnel et ciblé pourrait voir le jour. Cela consisterait à copier le programme de financement ciblé (Funding for Lending Scheme -FLS-) mis en place par la Banque d’Angleterre dans lequel un financement peu cher est accordé aux banques en échange de l’octroi de nouveaux prêts à l’économie réelle. Cela prendrait cependant du temps à mettre en place et encore plus à produire un effet réel sur l’économie mais serait probablement la mesure la plus efficace pour stimuler l’activité car elle permettrait de peser sur les conditions de refinancement au-delà des opérations interbancaires.
En tout état de cause, la situation économique de la zone euro, aussi bien pour les perspectives des entreprises que pour la situation sur le marché de l’emploi, appelle à une réaction forte de la BCE pour éviter que la zone euro ne rentre en déflation. L’effet de signal pourra être tout aussi important que la mesure concrètement mise en œuvre par la BCE. En se montrant active à l’issue de la réunion d’aujourd’hui, la BCE montrera sa détermination à lutter contre le risque déflationniste, ce qui pourra au moins modifier les anticipations des agents. Si toute action de la BCE est la bienvenue, il reste que la situation économique actuelle résulte également des politiques budgétaires restrictives qui pèsent sur l’activité (voir également ici).