Par Eric Heyer
La France sera-t-elle la nouvelle Grèce comme l’affirme l’hebdomadaire The Economist? Les réformes françaises doivent-elles s’accélérer et s’inspirer de celles menées il y a 10 ans outre-Rhin ? Pour l’opinion publique allemande, pour ses autorités ainsi que pour une grande partie des experts économiques, cela ne fait aucun doute. Outre un déficit public plus faible, l’Allemagne aurait avant tout réussi à baisser significativement son taux de chômage contrairement à son voisin français. Parti d’un niveau similaire au début des années 2000 (proche des 7,7 % fin 2001), le taux de chômage se situe aujourd’hui à 5,4 % de la population active en Allemagne, soit 4,5 points de % de moins qu’en France (graphique 1).
L’objet de ce billet n’est pas de revenir sur les raisons de ce différentiel – qui ont par ailleurs déjà fait l’objet de notes sur ce blog (voir notamment l’impact de la démographie par G. Cornilleau, de la baisse de la durée du travail par E. Heyer et M. Plane et de la montée des inégalités hommes-femmes par H. Périvier)- mais simplement de signaler que cette baisse du chômage en Allemagne s’est accompagnée d’une forte augmentation de la pauvreté.
D’après Eurostat, au cours des six dernières années, le taux de pauvreté, mesuré au seuil de 60 % du revenu médian, aurait augmenté de 3,6 points de pourcentage en Allemagne, augmentation quatre fois plus importante que celle observée en France (0,9 point). En 2011, malgré la forte baisse du chômage et un différentiel important avec la France, le taux de pauvreté en Allemagne se situerait à 1,8 point au-dessus – soit plus de 11 % de plus – de celui observé en France (graphiques 2 & 3).
Il existe donc bien une face cachée des réformes menées en Allemagne depuis plus de dix ans qui a conduit vers moins de chômage mais plus de pauvreté.